[13 jours, la crise des missiles de Cuba, 1962][Combat Commander : Europe][Paths of Glory][Quartermaster]
Les jeux où les actions des joueurs sont en partie dictées par les cartes en main (appelés “card driven”) et jeux “Et si” à base historique font généralement bon ménage. Sans forcément aller jusqu’au wargames (Combat Commander, Path of Glory et consort), citons les Commands & Colors de Richard Borg (auteur de Mémoire 44 dans cette gamme), 1960 : Kennedy vs Nixon, Quartermaster ou encore la collection “Birth of America” chez Asyncron (avec l’attendu Vikings pour le premier de la série “Birth of Europe”).
La carte est un très bon support pour proposer à la fois des photographies ou illustrations relatant les événements en question tout en y adjoignant un ou des effets en jeu. Et puis le simple fait de faire advenir des événements dans un ordre ne respectant pas l'Histoire permet de "se refaire" l'histoire tout en ayant quasiment les "mêmes cartes" en main qu'à l'époque... et ça, ça fait toujours son petit effet sur les joueurs !
S'il en est un qui se classe, dans ce domaine, dans le podium de tête pour ne pas dire en tête, et à raison, c'est Twilight Struggle. Le jeu de Jason Matthews et Ananda Gupta permet de façon immersive et intelligente de se refaire 45 ans de Guerre Froide... au prix d'un petit investissement sur le jeu. Si les règles ne sont pas insurmontables, loin s'en faut, c'est plutôt du côté de leur maîtrise et des durées de partie que l'exigence se trouve tant il n'est pas rare de passer plus de trois heures sur ce jeu à deux joueurs... et jusqu'à 5 heures (ça s'est déjà vu !). Notre Monsieur Hex Rules nationale, monsieur Guillaume Bouilleux, était venu nous initier à la chose dans la Tric Trac TV.
Et bien que ceux qui aiment ce style de jeu et cette ambiance, tout en ayant une petite appréhension sur la dimension de Twilight Struggle ou qui n'ont pas "le temps" d'y consacrer quelques parties, se réjouissent, un jeu dans la même veine est actuellement disponible :13 jours, La crise des missiles de Cuba. 1962.
Le jeu de Asger Sams Granerud (Flamme Rouge) et Daniel Skjold Pedersen (Panic Mansion), désigné par Jacob Walker et Christian Tellez, s'était vu au départ proposé en 2015 via un financement participatif réussi chez Jolly Roger Games. C'est Matagot qui nous propose ce jeu pour deux joueurs, prêt à revivre cette situation de tension historique à l'aide de cubes en bois et de cartes.
Allo Cuba ?... Nous avons un problème !
Si le point de cristallisation se trouve à Cuba lorsque, le 14 octobre, un U-2 réussit enfin à combler le "vide photographique" en ramenant des photographies d'une base de missiles soviétiques, c'est bien une carte du monde pour suivre ce contexte de Guerre Froide qui s'étale devant nos yeux sur le plateau avec 9 positions dont 6 géographiques : Berlin, Atlantique et Cuba en orange (Militaire) ; Cuba, Turquie et Italie en vert (Politique). Les trois dernières (violet) permettent de concrétiser tout ce qui se jouait autour des interventions télévisées, des alliances mouvantes et des Nations Unies (Médiatique). Tous ces lieux recevront des marqueurs Influence et permettront de gagner des points de Prestige, important pour la victoire. Cette piste de Prestige est unique et évolue en va-et-vient entre les deux antagonistes. Mais intervenir sur ces lieux tend la situation internationale ce qui se répercute sur la piste DEFCON de la même couleur représentant la menace de guerre nucléaire.
Des marqueurs de chacun des deux camps y sont présents et les actions des joueurs les feront donc passer de DEFCON 3 ("on se calme, tout va bien se passer!") à DEFCON 1 ("ça va péter!"). Qu'un joueur, en fin de tour, ait 1 marqueur en Defcon 1 ou ses 3 marqueurs en Defcon 2 et il perd immédiatement la partie. Comme dans Twilight Struggle, être le responsable de la guerre nucléaire, ça le fait pas du tout pour son CV. Sinon, en dehors de cette "mort subite", la partie dure 45 minute à 1 heure et se partage en 3 tours de 8 étapes.
C'est moi où il va falloir qu'on se calme tous les deux, là ?
Au début de chaque tour, tous les marqueurs augmentent d'un cran sur la piste Defcon... ok, de base, la situation se tend à chaque début de tour !
Vient ensuite la pioche de 3 cartes Objectif (parmi 13 au départ) à chaque joueur. Ils placeront chacun leurs trois jetons drapeaux aux endroits correspondants avant de secrètement en choisir une, la placer sous le plateau à l'endroit adéquat et mélanger les deux autres dans le paquet.
Le coeur du jeu est dans la phase 3. Chaque joueur pioche 5 cartes Stratégie puis ils en joueront une, quatre fois et tour à tour, dans l'ordre choisit par le joueur qui a le moins de prestige. Si la carte est affiliée à votre superpuissance ou aux Nations Unies, vous pouvez déclencher son événement ou choisir de donner un ordre, c'est à dire ajouter ou enlever le nombre de cubes d'influence indiqué. Si le premier cube ne modifie pas les pistes Defcon, le deuxième et l'éventuel troisième, oui ! Si on ajoute de l'influence, on se renforce sur le terrain... mais on penche vers le missile nucléaire ! Si on en enlève, on diminue la température de fission... mais c'est une petite pantalonnade sur les lieux d'opérations. Vous l'aurez peut-être deviné, jouer des cartes liées à la faction adverse, laissera à ce dernier la possibilité de déclencher l'événement, là où vous ne pourrez que donner un ordre. Chaque théâtre d'opération ne peut contenir que 5 cubes maximum par joueur, et chaque joueur n'en a que 17... choisissez bien vos cibles ! De plus, celui qui a la carte Lettre Personnelle peut, en la donnant à son adversaire, augmenter de 1 le nombre de cubes à placer ou retirer.
Si vous avez bien suivi, vous remarquerez qu'il reste une carte de Stratégie par joueur, placé alors sous la piste Répercussions, en vue de la fin du jeu.
Les médias s'en mêlent à la phase 5 et le joueur majoritaire sur ces lieux peut déclencher la capacité du lieu (télévision pour augmenter ou baisser un de ses marqueurs Defcon ; Nations Unies pour récupérer la carte Lettre Personnelle et Alliances pour piocher une carte Stratégie à placer ou non dans les Répercussions.
De façon simultanées, la phase 6 permet de résoudre la carte Objectif conservée en début de tour, ce qui apporte Prestige et modification des pistes Defcon (en même temps, vous avez pu vous y préparer, les marqueurs drapeau sont là pour ça...) avant de vérifier si la guerre éclate (mort subite) et d'avancer le marqueur Tour de jeu.
Lorsque la fin de partie arrive, le joueur qui totalise le plus de cubes sur les cartes à sa faction dans le paquet Répercussions marque deux points de Prestige supplémentaires et celui qui en a le plus emporte la partie.
Tout ça en presque pareil mais en image dans la TTTV
50/50... d'après Kennedy, c'était le risque que la crise dégénère en guerre totale !
Quelle bonne surprise que ce 13 jours. Lors de chaque phase, autour de chaque carte, se pose une réflexion... et derrière, une frustration ! Frustration de ne pas pouvoir faire complètement ce qu'on veut, frustration de toujours manquer d'un cube supplémentaire, frustration de toujours avoir à garder un oeil sur ce fichu bouton rouge pour ne pas se retrouver en fin de tour à avoir à le pousser... et en même temps, garder le deuxième oeil, louchant ainsi terriblement, sur la piste de Prestige pour un tir à la corde où notre orgueil nous pousse à garder le jeton de son côté... en prenant des risques ailleurs.
13 jours- La crise des missiles de Cuba - 1962 est tendu à souhait, se renouvelle bien par l'ordre des cartes Objectif qui apparaissent en ordre dispersé et teinte notre stratégie. Le jeu se renouvelle aussi par le tirage des cartes Stratégie et surtout, surtout, par cette adaptation permanente aux actions de l'adversaire en même temps qu'à ses objectifs finaux, tout ceci dans une durée limitée. Alors certes, c'est un deux joueurs uniquement, certes, ça n'enlève rien à la grande profondeur qu'à Twilight Struggle mais c'est une vraie réussite dans sa catégorie pour qui aime ce genre de jeu, card driven à base historique pour jouer à se refaire l'histoire. Un vrai plaisir !
La partie dans la TTTV, histoire de voir ce que ça donne, en vrai...
Et en vrai, c'est tendu de chez tendu !