[À la recherche de la Planète X][Le Renard des Bois][Spy Club][Stellar]
Au milieu du XIXème siècle, à la suite de la découverte de Neptune, les astronomes postulent l’existence d’une autre planète dans le système solaire pour expliquer les perturbations dans la trajectoire des planètes les plus lointaines, particulièrement Uranus. Bien que la communauté scientifique reste sceptique sur l’existence d’une telle planète X, la course pour la découverte d’une supposée neuvième planète du système solaire se poursuit – en 2016 encore, on envisageait ainsi l’existence d’une « Phattie ».
Découvrir une nouvelle planète est autant affaire d’observation que de déduction : le mathématicien Le Verrier avait ainsi défini la nature et la position de Neptune sans jamais la voir, à partir des seules trajectoires des objets célestes environnants, avant que l’astronome Galle ne confirme ses calculs.
Que voilà donc un beau sujet pour un jeu de déduction compétitif et applicatif !
Dans À la Recherche de la Planète X, 1 à 4 astronomes cherchent en effet à localiser avant leurs confrères et néanmoins rivaux cette planète à l’existence enfin avérée, sur laquelle pourtant les indices leur manquent. Tous n’ont cependant pas les mêmes informations, et à défaut de leur demander de les partager, il pourrait être possible de les déduire à partir de leurs agissements, ou de profiter des conférences scientifiques pour établir qui sait quoi et commencer à formuler ses propres théories…
Un Cryptide 2.0 ?
Si le studio disruptif Foxtrot (déjà derrière Spy Club ou Le Renard des Bois) a conçu À la Recherche de la Planète X, le voir édité par Renegade Games – et en France par Renegade France au sein d’Origames – ne surprendra personne. Après tout, Renegade a publié récemment un jeu de duel ayant pour thème l’observation de l’espace (Stellar), a lancé le Kickstarter d’un premier jeu applicatif, l’ambitieux Le Secret de mon père, et possède dans son catalogue le classique du jeu de déduction Cryptide.
De fait, comme dans Cryptide, les joueurs disposent d’informations de départ différentes afin de découvrir l’emplacement d’une créature/planète mystérieuse. Les combinaisons d’indices et les emplacements possibles sont extrêmement nombreux, de sorte qu’il faut y regarder avec la plus grande attention ce que fait et demande chaque adversaire pour s’assurer de trouver la bête le premier.
Foxtrot Games avait cependant signé À la Recherche de la Planète X avant qu’Osprey (puis Origames en France) ne publie Cryptide, la référence du studio étant plutôt Alchimistes, avec son application permettant de générer les recettes et de vérifier les expériences des joueurs, mais en renonçant à la pose d’ouvriers pour épurer le système autour des seules mécaniques déductives.
Ainsi l’application d’À la Recherche de la Planète X garantit des parties toujours différentes, avec des milliers de possibilités (4000 pour le moment), sans redouter les limites d’un livret physique, que les yeux glissent sur des informations qu’ils n’étaient pas supposés consulter, ou de graver sur le papier une coquille rendant une partie définitivement injouable. Elle peut aussi offrir des indices plus complexes et s’adaptant au profil des joueurs : chacun détermine le niveau de difficulté souhaité et reçoit une quantité d’indices en fonction de ce choix, rien n’empêchant alors un néophyte d’affronter un maître, le premier disposant d’emblée de plus d’informations que le second !
En outre, elle peut gérer des actions et questions moins directes que : « la planète X se trouve-t-elle sur cette case ? », pour une quête . À chaque tour, quatre actions sont possibles, localiser la planète X et les objets qui l’entourent, demander à l’application combien de fois un objet céleste précis (astéroïdes, comètes, nuages de gaz, planètes naines, secteurs vides) apparaît dans un certain nombre de secteurs, découvrir l’objet céleste se situant dans un secteur précis, ou demander une information sur un ou plusieurs types d’objets célestes (par exemple les astéroïdes et les comètes).
L’application permet d’ailleurs l’existence d’un mode solitaire contre un bot, assez inattendue dans un jeu de déduction, genre dans lequel il n’est même pas toujours facile d’envisager de réaliser des parties intéressantes à deux joueurs.
Une planète virtuelle, mais tangible
On pourrait alors redouter une application omniprésente au détriment de toute composante physique. Et la possibilité que chacun joue avec son propre téléphone (grâce au code unique de chaque partie) pourrait renforcer cette appréhension, aussi astucieux que cela soit.
Foxtrot Games avait bien conscience de cette limite. Bien que son fondateur soit parallèlement programmeur informatique pour une société de software, À la Recherche de la Planète X est le neuvième jeu du studio… et le premier à utiliser une application. Sa présence ne résulte donc pas d’un « ADN » des auteurs, d’une volonté d’hybridation à tout prix, mais de la conscience de tout ce que l’application peut apporter à ce projet précis, et qui serait impossible dans une œuvre strictement matérielle.
Pour autant, ils avaient à cœur de proposer un système réellement hybride, et pas seulement applicatif, un jeu de société que l’on n’aurait pas envie de comparer à un jeu vidéo. Ainsi un grand plateau montre la voûte céleste et ses 12 ou 18 secteurs (en mode standard ou expert), tandis qu’un disque central indique quel pan de ce ciel est observable et lequel non, la plupart des actions des astronomes ne pouvant naturellement concerner que le ciel actuellement observable.
Ce ciel observable pivote au fur et à mesure que les joueurs avancent sur la piste du temps. Au lieu de réaliser leurs tours les uns après les autres, c’est toujours au joueur le plus en arrière sur la piste (donc à celui qui a effectué les recherches les moins chronophages jusqu’ici) de poursuivre sa recherche de la planète X.
Après tout, détecter tous les nuages de gaz dans l’ensemble du ciel observable sera naturellement plus immédiatement bénéfique mais aussi plus long que d’étudier le comportement des comètes par rapport aux planètes naines. Il faudra alors autant réfléchir à ce que l’on cherche qu’aux endroits où on le cherche, à la manière de le chercher et au temps que prend cette méthode.
C’est que trouver la planète X n’octroie pas nécessairement une victoire éclatante. Bien sûr, le prestige lié à une telle découverte n’est jamais à négliger, mais on fait parfois davantage avancer la science par de multiples découvertes intermédiaires que par une unique découverte importante, et la preuve de la localisation de la planète X elle-même n’a aucune valeur sans la connaissance certaine des objets célestes qui l’entourent.
La rotation du ciel observable donne parfois lieu à des événements : au cours d’une conférence, l’application donnera un nouvel indice à tous les astronomes ; au cours d’une phase de théorie, chacun place secrètement ses jetons Théorie sur des secteurs dont il pense connaître les objets.
À chaque nouvelle phase de théorie, ces jetons descendent sur leur Piste de vérification par les pairs, jusqu’à être dévoilés et éprouvés par l’application. Une fois un objet céleste publiquement dévoilé, il ne sera bien sûr plus possible de postuler son emplacement, de sorte que seuls les premiers à l’identifier y gagneront en prestige. Une erreur pourra être aussi coûteuse qu’une bonne hypothèse sera bénéfique.
Inutile de dire que vous ne devrez manquer aucune miette des indices que vous récoltez ou que laissent supposer les recherches de vos adversaires, de sorte qu’il faudra bien s’aider des fiches personnelles très complètes pour noter et retenir au mieux chaque information !
À la Recherche de la Planète X : une course thématique à la découverte astronomique
À la Recherche de la Planète X est un jeu de déduction compétitif étonnamment thématique, sans doute aidé en cela par l’expertise du magazine Espace & Exploration. Tous les astronomes ne partent ainsi pas avec les mêmes indices, voire avec le même nombre d’indices, et il leur faudra prêter la plus grande attention aux recherches de leurs rivaux, au temps que prennent leurs propres recherches, aux conférences publiques, à la vérification par les pairs, à la rotation de la Terre (et donc de la portion observable du ciel) et aux lois régissant l’ordonnancement des objets célestes pour les identifier, les localiser et déduire enfin l’emplacement de la mystérieuse neuvième planète du système solaire.
Aidé d’une application qui permet de générer algorithmiquement des milliers de combinaisons pour des milliers de parties différentes, tout en offrant un bot à affronter dans les parties solitaires, il s’adapte à toutes les configurations et tous les niveaux pour offrir aux astronomes en herbe ou plus experts une expérience déductive accessible mais cérébrale.
Merci à Foxtrot Games pour leurs éclaircissements sur le développement du jeu !
SW