[Chronicles of Crime][Chronicles of Crime - Noir][Chronicles of Crime - Welcome to Redview][Sherlock Holmes - Détective Conseil][Sherlock Holmes Detective Conseil : Jack l’Eventreur & Aventures à West End]
Londres, 2018. Les lumières du bureau des affaires criminelles brillaient jusqu’à fort tard dans la nuit. Le mur du 2ème étage, désormais vaste toile d’araignée capturant dans ses filets photographies, notes, et échantillons, punaises de réalité dont le sens sous-jacent demeurait obscur. Puis, soudainement, la lueur, l’étincelle de compréhension. Cela commença par un mot. Suivi d’un geste. Cette empreinte, ici, reliée à ce lieu, là. Le temps que les idées se déplacent, à la rapidité de plus en plus glissante des icebergs en fondaison, et la solution de l’énigme, déjà, prenait forme. Ne restait plus qu’à appréhender le suspect.
Ouverture des affaires
Chronicles of Crime, c'est la prochaine proposition ludique de Lucky Duck Games. C'est aussi un kickstarter au succès retentissant (et l'on vous invite d'ailleurs à visiter la page KS du jeu en cliquant ici). Mais c'est surtout un ovni ludique narratif issu de l'esprit de recherche de Monsieur David Cicurel.
L'envie de Monsieur David, c'est d'investiguer les possibilités de la rencontre entre le jeu de plateau et le jeu vidéo. A travers plusieurs propositions, aussi titillantes que diversifiées, c'est Chronicles of Crime qui accapare à l'heure actuelle toute la lumière des éclairages (naturellement ultraviolets) de la scientifique. Et c'est qu'elle a bien raison, la scientifique ! Ce n'est pas un crime contre le jeu qui vient d'être commis, mais plutôt un ovni génial qui tire parti des échanges de forces entre les deux supports (le physique de société bien dur et le virtuel et ses possibilités de malléabilité).Chronicles of Crime est un jeu d'enquête reprenant l'imagerie des crimeboard devenus si familiers par le truchement les séries TV des années 2000. D'une part, nous avons des éléments, génériques, pouvant servir de façons multiples à diverses enquêtes, et la possibilité de les manipuler pour se donner une vision plus concrète des rapports entre chacun. D'autre part, une application sur téléphones et tablettes, qui permet d'enquêter sur les-dits éléments, d'interroger les suspects, mais surtout de mettre les pieds sur les lieux des crimes grâce à une VR type image-globe 360°.Flashforward (une série qu'on oubliera en attendant qu'elle soit
assez vieille pour redevenir in)et son iconique crimeboard.
A la loupe et au téléphone
Chronicles of Crime est un coopératif. Il n'y a pas véritablement de tour de jeu, l'on y discourt chaque instant de la meilleure action à produire, de la piste à explorer. Pour effectuer une action, il va falloir utiliser l'application du téléphone et scanner le QR code d'un élément sur lequel le groupe souhaite en apprendre plus.
Scanner un lieu permet d'y rencontrer des suspects (qui peuvent parfois eux-mêmes mener à d'autres suspects), mais surtout, grâce à l'action fouiller, découvrir la scène du crime de l'intérieur. Un joueur s'empare alors du téléphone/tablette et décrit la scène sous ses yeux à ses camarades. Cette scène apparaît soit VR (grâce à des lunettes spéciales se clipsant sur votre téléphone), soit en vision panoramique si l'on souhaite se passer d'outillage (mais l'on vous avoue que c'est quand même grave super cool sa mère en VR). L'observateur envoyé sur place n'a que 40 secondes pour observer le plus possible la scène et la décrire, permettant ainsi aux autres enquêteurs de récupérer les cartes objets correspondantes. Un temps d'investigation certes court, mais que voulez-vous, ça coûte cher les frais café-essence-donut dans police ! Et puis, comme ça, l'on pourra toujours passer la main à son camarade qui trouvera peut-être, avec son œil neuf, d'autres indices, histoire que tout le monde passe le même temps les deux pieds dans la place.L'on peut également, pour une action, interroger un suspect ou demander le conseil d'un spécialiste de Scotland Yard (la médecin légale, le hacker...). Pour cela, une fois le QR code du personnage scanné, ne reste plus qu'à scanner celui d'un objet, d'un lieu, d'un autre personnage, pour découvrir ce que le premier scanné peut bien vouloir (ou non) vous déclarer à ce propos.Pendant que votre groupe réfléchit aux relations entre tous ces éléments, et quelle peut être la vérité sournoisement masquée derrière tout ça, le temps, dans l'application, passe. Chaque interrogatoire, chaque fouille, chaque recherche en interne est décompté temporellement. La nuit, les interactions pourront changer. Des lieux seront peut-être fermés, des personnages, indisponibles car roupillant dans leur lit, ou bien tout au contraire, ouverts à plus de déliage de langue. Pis encore, chaque question posée peut jouer sur la confiance et la méfiance que vous livre un personnage. Devrez-vous les faire craquer ? Avancer avec prudence ? Et vous n'êtes pas à l'abri de déclencher un événement soudain entraînant rebondissement, nouvelles informations, décès d'un personnage...Les Lucky Duck prouvent qu'une image vaut mille mots
Comme si vous y étiez
Le système de jeu est fluide, simple, plaisant. On se dit même évident, face à la simplicité factuelle du gameplay (ce qui n'empêche pas une jolie profondeur scénaristique et de conception numérique). Le matériel, sans nom, étant générique, les objets, personnages et lieux, peuvent servir à différents scénarii en changeant de nom, de personnalités... Ce sont des repères qui peuvent être utilisé à des fins diverses. Par son essence, Chronicles of Crime étant un jeu à scénario, il rentrerait donc dans cette catégorie des jeux auxquels on ne joue qu'une fois.
Mettons tout de même quelques bémols à cette affirmation, en commençant par l'habituel hiatus de la mémoire. Au bout d'une vingtaine de scénarii, joués sur plusieurs années, vous rappellerez-vous toujours du premier ? D'autant plus que ces scénarii sont généralement découpés en épisodes, donc multiples en rebondissements et intrigues. On est ici face une mécanique parallèle à Sherlock Holmes Détective Conseil et sa campagne Jack l'Eventreur : une aventure dure sur plusieurs parties avant d'être résolue, chaque segment se terminant par une série d'objectif-questions auxquelles répondre pour faire avancer l'intrigue. Un scénario, c'est donc de base plusieurs scénarii. Ajoutons une certaine rejouabilité, dans la mesure où les actions des joueurs peuvent impacter l'intrigue, voire sa conclusion. Les scénarii, de plus, étant chargés sur l'application, rien n'empêche donc d'en développer et d'en ajouter au fur et à mesure d'updates. Chronicles of Crime est donc une sorte de paradoxe génial : un jeu à parties uniques infini.Et l'aventure ne s'arrête pas là ! Si Chronicles of Crime développe agréablement sa mécanique dans sa boîte de base, des extensions sont déjà prévues, dont deux sur la campagne kickstarter, ajoutant leurs petites spécificités à la mécanique. Noir (signé Stéphane Anquetil) vous enverra à la période post-seconde guerre, dans une ambiance film de genre (polar noir bien évidemment) hollywoodien, là où Welcome to Review (de la plume de Ghislain Masson) nous transportera dans les teenage group movies d'aventures des 80's avec une bonne dose de fantastique. Outre l'ambiance de ces univers, ces extensions apportent également des modifications mécaniques. Pas de spécialistes de la criminelle ou la scientifique dans les 50's, mais la possibilité de molester dans une rue sombre ou de dealer de l'alcool prohibé. L'emploi du temps des ados des 80's est lui contraint par les cours, les permission de minuit, la dangerosité d'entrer par effraction...Vous l'aurez compris, à la rédaction, nous sommes conquis (et nous ne sommes pas les seuls !). En raconteurs d'histoires, notre cortex est évidemment titillé par les sensations que l'on pourra vivre, où que l'on voudrait faire vivre avec cette mécanique vidéo-platale. Chronicles of Crime réjouira les amateurs d'enquêtes à tiroir, d'univers suspects, de VR sur papier, de photos punaisées au mur jointe avec des fils, et d'aventures ludiques hybrides.