Dungeon Fighter, Unicorn Fever, Potion Explosion : le Horribleverse !

Quel est le point commun entre des héros catastrophiques, des cours de potionnologie dynamitiques et des arc-en-dromes chaotiques ? Nope, ce n’est le début d’une blague étrange, car derrière le rideau du point d’interrogation se cache une petite fantaisie d’univers ludique. Les trois (futurs) titres des éditions Horrible Games ont la particularité de se dérouler dans le même univers. Un point commun amusant, peut-être pas si anodin, qui va nous permettre de parler de l’actualité de ses trois (ou plus) jeux.

Première Ébullition avec Potion Explosion

Commençons par entamer un début puisqu'il faut bien primauter un départ. Potion Explosion n'est pas tout-à-fait le titre le plus ancien du lot, mais c'est celui par lequel toute l'histoire va pourtant démarrer.

Sorti en France en 2015, Potion Explosion est l'un des premiers jeux des éditions Horrible Games (nommé, à l'époque, Horrible Guild), une maison italienne fondée par l'éditeur-auteur Lorenzo Silva, transfuge des éditions Cranio Créations. Avec Andrea Crespi et Stefano Castelli, ils signent un jeu familial de 45 minutes pour 2 à 4 (à 6 avec extensions) joueurs adaptant en jeu physique le principe des puzzle temps réel (genre vidéoludique popularisé par Bejeweld puis Candy Crush).Le principe est assez simple : il s'agit, à son tour, de récupérer une bille sur un grand distributeur en plastique (fut un temps en carton). Chaque bille représente un ingrédient qu'il faudra venir poser sur des réceptacles en carton représentant des fioles de potion. Chaque potion apporte des points de victoire et des effets pour améliorer vos tours, mais aussi en jouer à vos petits camarades.Tric TracPetit truc physique qui participe au plaisir du jeu : lorsque vous prenez une bille du distributeur, les billes de même couleur s'entrechoquant "explosent" et vous pouvez les récupérer (ce qui peut entrainer de forts pratiques réactions en chaîne).Tric TracPotion Explosion est un bon jeu familial qui a su confirmer au fil des ans son succès à travers deux extensions, une déclinaison en application, et un portage virtuel. Un développement ludique qui s'est accompagné du développement de son univers décalé, sous le trait de Giulia Ghigini Un choix qui déjà annonce la cousinade à venir : au-delà du trait reconnaissables de Giulia Ghigini, c'est tout un bestiaire déjà croisé dans la première édition de Dungeon Fighter que l'on retrouve à l'identique (trolls, ogres, dragons...).Dans Potion Explosion, les joueurs incarnent des élèves d'école de magie. L'occasion de côtoyer professeurs fous et manipuler potions dangereuses (autant de portes pour les extensions plus pointues et un poil moins familiales), toutes pastichant Harry Potter et autres univers médiévaux-fantaisys. C'est d'ailleurs le directeur Albus Humblescore qui viendra vous donner des conseils tout au long des règles, ce qu'il viendra faire à nouveau pour les...

Paris Épiques de Unicorn Fever

Unicorn Fever est sorti fin 2020 en français via Iello. Il s'agit de la deuxième réédition de Horse Fever, déjà signé par Lorenzo Silva & Lorenzo Tucci Sorrentino, et illustré par Giulia Ghigini, feu sorti en 2009 pour la V1 et 2011 pour la V2 chez Cranio Créations. Les plus anciens se rappelleront les règles écrites avec les pieds dans un ouragan (dans chaque édition), mais également déjà un plaisir de joyeux bordel et un CD de bande-originale officielle. Horrible Games a donc récupéré les droits pour offrir une nouvelle peau au jeu, en nettoyant les règles (qui en avaient clairement besoin), réduisant le temps de jeu à 45 minutes, et surtout en le rethématisant.

Unicorn Fever est un jeu pour 2 à 6 joueurs de pari hippique vous invitant à miser sur les meilleurs licornes pour faire fleurir les trèfles de votre gloire auprès des peuples magiques. Il vous faudra toutefois faire attention à votre argent (qui s'en vient et s'en va facilement), et surtout trouver votre rythme dans le chaos du jeu ! En effet, entre les retournements improbables de situation sur la course, les cartes modifiant en bien ou en mal les licornes, et les pouvoirs de cette dernière, la partie devient rapidement un joyeux bordel.Le déroulé de la partie a été fortement fluidifiée. Elle se découpe en quatre manches. Chaque manche démarre par une phase d'action. On y prend des paris, modifie secrètement les licornes (on sait combien de cartes sont posées sur quelles licornes, mais pas la nature de celles-ci), engage des contrats (effets puissants ou objectifs de fin de partie). A quoi s'ensuit une phase de course. On y révèle les cartes modifiant les licornes, puis on les fait avancer au moyen d'une mécanique de pioche correspondant à leurs chances de gagner, et de dé de sprint. Enfin, une phase de fin de course, où l'on résout les paris gagnés et perdus. Un décompte phase qui vous demandera, certes, de bien retrouver la description des points gagnés dans les règles, indication qu'on aurait aimer retrouver sur le plateau.

Qu'on soit clair : Unicorn Fever est certes bien plus accessible et bien plus jouable que son pourtant délicieux ancêtre Horse Fever, mais il ne conviendra pas à tout le monde ! Unicorn Fever vous poussera à trouver votre équilibre pour bien surfer sur le chaos, car seuls ceux qui sauront sentir le rythme de la partie auront le flow pour gagner, entre actions et paris en nombres limités (premiers arrivés, premiers servis), licornes aux capacités d'avancées modifiées, et cartes contrats offrant combos et opportunités. Un truc à sentir quasi-magique, même si parfois, la magie, c'est noire. Qu'il vous horripile ou vous fasse rire (de joie comme de mésaventures envers vous-même), Unicorn Fever ne vous laissera pas indifférent !Amateurs de bordel qui dénigrerait la boîte sous couvert d'overdose de rose : ne vous laissez pas avoir par l'aspect multicolore coin-coin de la chose. Le jeu appuie d'ailleurs par son gameplay comme sa thématique un goût du détournement vers quelque chose de plus grinçant qu'il n'y parait. Là où Horse Fever pastichait les paris hippiques truqués des années folles, sous-couvert d'univers mafieux, Unicorn Fever détourne l'esthétique "girly", très petit-poney dans l'esprit, en y ajoutant pourtant de manière joyeusement ridiculisée des touches de monde du banditisme. Entre les paris truqués et les animaux stupidement malmenés, Giulia Ghigini déploie l'univers du jeu (des jeux) à travers une galerie de mafieux elfes, trafiquants gobelins, et autres sorcières et fées pas du tout intègres.Un travail qui, à travers les cartes, les règles, et le plateau, permet de représenter des personnages dont les traits sont en lien direct avec ceux de Potion Explosion. Le simple fait d'avoir Albus Humblescore (qui s'occupe aux champs de courses les week-ends entre deux corrections de copies) en assistant du lecteur de règles entérine une idée allant, semble-t-il, au-delà du clin d'œil.

Dé-boires Foutraques : Dungeon Fighter

Ceux qui me suivent depuis longtemps savent probablement que je suis un grand amoureux de Dungeon Fighter. Aussi, j'ai fait parti des premiers à jeter mon argent à sauter de joie à l'annonce de la réédition du jeu via kickstarter.

La campagne s'est déroulée à l'automne dernier (vous pouvez l'explorer plus avant en cliquant sur le vert), pour une sortie boutique prévue en fin d'année 2021. Pas d'infos sur une sortie française pour l'instant, bien qu'en toute logique, on s'attendrait à voir Dungeon Fighter V2 débarquer chez Iello (éditeur francophone de la première version du jeu et de ses extensions, ayant récemment francisé plusieurs jeux Horrible Games).Tric TracDungeon Fighter est toujours un jeu de dextérité un peu bête et coop pour 2 à 6 joueurs. Le principe est toujours d'amener les joueurs à se contorsionner follement pour bâtir des stratégies intenses contre les monstres du donjon, dans des parties ramenées à 45 minutes. Gros changement de cette réédition : le jeu ne vient pas en une boîte et ses extensions mais en 4 boîtes de base différentes. Chacune contient l'ensemble du matériel requis : ses ennemis, héros, boss, plateau et objets & dés spéciaux.Un choix que les plus complétistes pourront démonter, mais qui permet d'offrir quatre boîtes de jeux pleines et entières avec du matos de folie à un prix plus abordable pour les boutiques, plutôt qu'une grosse boîte monstrueusement trop chère, ou des extensions soit cheap, soit hors-de-prix. L'on pourra, de plus, choisir précautionneusement son univers de jeu, chaque boîte possédant ses propres ambiance et détournements des règles. Un choix osé, sans doute risqué, qui a ses qualités et ses défauts. L'avenir tranchera. La grosse boîte avec l'intégralité des jeux aussi.Tric TracMais faisons un point sur les règles. Celles-ci ont été reponcées. On reconnait la même base qu'à l'origine : les héros entrent dans une salle (qui peut avoir un bonus ou un malus), révèlent un monstre, et l'affrontent. Pour tabasser ce dernier, il s'agira de lancer des dés sur une cible géante et d'infliger des dégâts égaux au lieu d'atterrissage du dé.Bien entendu, la plupart des lancers ne seront pas normaux mais réalisés sur une jambe, en sautillant, dans le dos, en démolissant un mur, avec un dé rond, voir tout ça à la fois (fonction du matériel acheté aux marchands ambulants, des monstres, et des salles). Les héros avancent jusqu'au boss et triomphent, du moins s'ils survivent.Ce qui a changé, c'est probablement l'ergonomie et l'efficacité du matériel pour fluidifier le tour. Les éléments sont plus clairs, se mettent en place plus vite. Les salles sont devenues de belles grandes cartes en lieu et place d'une toute petite map à déchiffrer. Le système d'utilisation du pouvoir des héros a aussi été revu pour être plus efficace à mesure que la partie avance (fonction des choix opérés par les joueurs), et le système de blessures (les cicatrices) a aussi été revu pour être moins punitif, même s'il ne manque pas de piquant.Côté liens avec le "Horribleverse", on retrouvera les conseils d'Albus Humblescore dans les règles, et les personnages de Giulia Ghigini déjà vu dans les titres précédents (magiciens, sorcières, dragons, fées, gobelins...), mais aussi plus de cohérence dans le lore via les textes d'ambiance sur l'univers des jeux. Certains artworks du jeu, quand à eux, font penser à des décors précédemment croisés, comme ici, avec cette antre d'alchimiste semble-t-il ancien élève explosif :

Oui, mais et après ?

Malgré tous ses liens, on peut se demander si la démarche d'Horrible Games n'est pas purement esthétique. Ces liens évidents sont-ils simple ensemble de clins d'œil, où le plaisir gratuit de créer un univers courant sur plusieurs œuvres serait uniquement récréatif et sans incidence aucune sur le sens de l'univers ? S'agit-il uniquement d'amuser le public à chercher les clins d'yeu, comme un jeu dans le jeu (dans les jeux) ? Après tout, il est vrai, ormis un goût pour le pastiche du merveilleux et de la fantaisy, Potion Explosion, Unicorn Fever et Dungeon Fighter n'ont ludiquement rien du tout en commun.

Pourtant, la campagne kickstarter 2020 de Dungeon Fighter a ouvert les portes d'un aspect narratif plus poussé de cet "Horribleverse". Annoncé en effet en stretch-goal, un jeu de rôle Dungeon Fighter, le Monstronomicon, est actuellement en développement. La sortie de l'opuscule (dont les règles semblent s'appuyer, comme le jeu dont il est issu, sur des lancers de dés absurdes pour résoudre les situations) est prévue pour une livraison commune avec le jeu de plateau. Impossible de vous dire si cette chose arrivera en français (mais l'on s'en reparlera en fin d'année au minima sur base de la VO).Ce qui est sûr toutefois, c'est que cet acte va poser plus fortement le potentiel concret et narratif de cet univers, et l'on se prend déjà d'imaginer des add-ons et suites de JDR en lien avec tous les jeux en boîte qui le composent, déjà sortis ou à venir, ou peut-être de futurs jeux développant cet univers avec un axe jeu de plateau narratif (qui sait ?, un usage du système développé dans Le Dilemme du Roi pour "l'Horribleverse", ça pourrait en jeter...).Ces derniers points n'étant bien sûr que spéculations, il n'en reste pas moins que le "Horribleverse" apparait clairement comme un travail de longue haleine, sans doute réfléchi dès la création de Potion Explosion (le simple fait de réemployer à l'époque Giulia Ghigini aux illustrations semblait aller en ce sens). L'on peut voir l'évolution de ce projet concrétisée dans la patiente réédition des précédents jeux de Lorenzo Silva se conclure dans cette idée de JDR avec le Monstronomicon.

La fin d'une première phase de conception d'univers, en attendant une probable suite...

Tric Trac



[[Dungeon Fighter](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/dungeon-fighter-0)][[Horse Fever](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/horse-fever-0)][[Le Dilemme du Roi](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/le-dilemme-du-roi)][[Potion Explosion](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/potion-explosion-2)][[Potion Explosion - Le Cinquième Ingrédient](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/potion-explosion-le-cinquieme-ingredient-2)][[Potion Explosion - Le Sixième Apprenti](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/potion-explosion-le-sixieme-apprenti)][[Unicorn Fever](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/unicorn-fever)]
13 « J'aime »

cool! le retour de dungeon fighter mais aussi de Mr Germain à l’écriture d’article sur TT;-)
ça fait plaisir!

3 « J'aime »

Alors curieux je suis, de voir le jeu de rôle. Dungeon fighter semble lui largement gagner en beauté :smiling_face_with_three_hearts:

1 « J'aime »

Un détail mineur, Horrible Games, c’est l’ancien nom de Horrible Guild et non le contraire. Il paraît que le premier effrayait les clients potentiels, alors que le second a un côté plus rassurant (qui m’échappe)…