[Dungeon Saga : La quête du roi Nain][Heroquest]
Par les dieux, ce n’est pourtant pas la première fois que je descends, arme à la main, dans les profondeurs d’un souterrain hanté pour calmer les crises d’hémorroïdes d’un nécromancien ; dans un temple en ruine à la recherche du dentier du roi, artefact puissant et perdu depuis des éons ; dans une tanière orcoïde pour rabattre le caquet à un chef de guerre et lui apprendre à éduquer ses enfants…
Bref, bi-classé Aventurier / Docteur honoris causa es Dungeon Crawler, je ne devrais plus être surpris, tomber dans une embuscade à la simple vue de quelques nouvelles tuiles avec des cases en forme de dallages anciens, avec des figurines posées dessus... bon, c'est vrai qu'il y a des fiches de "perso", de la magie, du mobilier, des extensions avec chacune des campagnes et une nouvelle ambiance... Argh et re-argh... Allez, vas-y, une fois encore, balance tes hordes de squelettes, orcs et autres succubes, j'y retourne !
Dungeon Saga, c'est effectivement un jeu d'exploration de "donjons" : souterrains, oubliettes, temples anciens, bref, un truc avec des salles et des couloirs, entrecoupés de portes plus ou moins verrouillées, sombres et habités d'un malveillant obscur rongé par la haine parce qu'on ne lui a pas rendu la monnaie lorsqu'il achetait son pain à la boulangerie quand il était petit ou avide de pouvoirs parce que la gobeline voisine ne voulait pas sortir avec lui lorsqu'il était plus grand (oui, une enfance compliqué pour nos pauvres méchants). Il y aura installé des pièges et de l'adversité que nos quatre héros se feront un plaisir de laminer pour devenir plus fort et mieux équipés afin de pouvoir accéder aux souterrains voisins... le destin d'un héros... classique !
Non, empêchez-les de venir soigner mes hémorroïdes...
où leurs crânes viendront compléter ma collection de têtes de docteur...
Historiquement, il y a du Proust en puissance
Heroquest, en 1989, reste le titre phare, même si la nostalgie le surestime toujours un peu. N'empêche, en terme d'aventures, d'extensions et de matériel dans la boite, ou même dans sa version Advanced, ça claque dans nos souvenirs comme les premières parties de Diablo ou de Baldur's Gate en jeu vidéo. C'est une autre licence qui suit le mouvement en 1992 avec Les Héros de l'Oeil Noir. Même Parker s'y met, avec des voix électronique dans la Légende de Zagor en 1993. Games Workshop remet le couvert avec Warhammer Quest en 1995 (la nouvelle mouture date de cette année d'ailleurs avec Silver Tower).
Est-ce l'opprobre que jette, cette même année, Mireille Dumas et l'émission Bas les masques sur le jeu de rôle qui y est pour quelque chose, toujours est-il qu'il faut attendre 2003 pour voir arriver Donjons & Dragons en Dungeon Crawler dans l'univers éponyme, l'autre licence forte du Jeu de Rôle médiéval-fantastique. En 2005, c'est un nouvel univers, celui de Terrinoth dans Descent (deuxième édition en 2012) qui se laisse découvrir avec l'arrivée d'un "futur grand" Fantasy Flight Games, puis Claustrophobia en 2009 (bien que l'aspect campagne/expérience manque à l'appel). Mice & Mystics en 2012 et Shadow of Brimstone en 2014... autant dire qu'il y a de quoi faire quand on aime... et que l'exploration de souterrains, c'est un genre à part entière !
J'vous avais bien dit que jouer dans le caveau familial,
ça serait top pour l'ambiance !
Pour du Dungeon en série
Du côté du "figuriniste" qu'est surtout à l'époque l'éditeur Mantic, c'est en 2011 que sort Dwarf King's Hold : Dead Rising. Le premier jeu de la série se joue alors à deux, un gentil nain contre un méchant nécromancien, avec un système très intéressant de jetons d'activations (un peu à la Space Hulk) à retourner au début de chaque tour, en accord avec le scénario, et des décisions assez terribles à prendre puisque, frustration ludique oblige, nous ne pourrons pas activer toutes nos figurines à chaque tour. Mais voilà, les figurines, peu chères certes, restent fines et à monter. De plus, le jeu uniquement à deux peut devenir une limite même si les autres boites permettent de jouer de nouvelles factions... Bref, pas évident de se faire une place !
Pourtant, sur ce socle, et le financement participatif s'en mêlant, se bâtit un succès en 2014 lors de la refonte du système : quasiment 6000 participants pour plus d'un millions de dollars réunis autour du jeu de Jake Thornton, ancien de Games Workshop. L'emprise du roi nain se transforme en une quête, et Dungeon Saga sort des souterrains pour rejoindre nos tables de jeu. Il peut alors se jouer jusqu'à 5 joueurs. Encore quelques mois et l'arrivée de Mantic France, et nous voilà à pouvoir même y jouer confortablement dans la langue du mot "lierre".
Bonjour, nous sommes les déménageurs Brutöns !
Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'à l'ouverture d'une boîte en forme de gros grimoire (excellent pour mettre dans l'ambiance) de Dungeon Saga, la nostalgie Heroquest remonte rapidement. Des cartes en voulez-vous en voilà, pour le maître du donjon, pour les objets, capacités et sorts de différentes écoles de magie. Des dalles de donjon, recto-verso, et des petits clips plastiques pour que tout reste en place pendant la partie... et surtout... surtout... Les figurines ! Montées et colorées dans la masse, elles sont fines mais la solidité est honnête et la gravure suffisamment détaillée pour que les peintres puissent se faire plaisir : 4 héros et 4 grands méchants sont accompagnés d'une tripotée de mort-vivants, squelettes, revenants et autres Troll Zombie... sans oublier bien sûr le plaisir du matériel en 3D : portes, coffres, tables, ratelier d'arme et autres bibliothèques. Allez, on commence à lire les règles ? Même pas, deux aventures rapides permettent de découvrir en jouant les principes de base du jeu directement ! Bien agréable.
La tactique Mantic, et tac !
Du côté des règles, la simplicité quasi-désarmante (et dans un donjon, être désarmé, c'est dangereux) du système permet d'y jouer rapidement, même avec nos chères têtes blondes en mal de jeux de "grands". Les héros, à leur tour peuvent faire un mouvement et/ou une action, dans cet ordre. Les mouvements se comptent en case et chaque héros à sa capacité de mouvement. Héritage des jeux de figurines, l'orientation de la figurine est importante et se faire attaquer dans le dos (les trois cases à l'arrière) ne sera jamais bon... oui, mais des ennemis, ils en arrivent de partout ?!? C'est vrai et c'est ça qui est drôle, qui assure en partie la réflexion et l'ambiance du jeu, ainsi que son challenge. De plus, entrer dans l'arc avant d'une figurine ennemie arrête et bloque le mouvement... sans compter les attaques gratuites de ces fourbes profiteurs si le héros tente de se désengager d'un combat. Placements tactiques au programme !
Comme d'hab', un sorcier vite mal en point et pourtant indispensable...
Vite, un garde du corps !
Les actions se concentreront autour du combat, du tir ou des sorts, à quelques exceptions près. Et là encore, simplicité et bonnes idées permettent malgré tout une profondeur au jeu. Le nombre de dé à 6 faces que lancent les antagonistes est indiqué sur leur profil. Aux dés lancés par l'attaquant seront enlevés tous ceux qui n'ont pas dépassé l'armure du défenseur. Puis, comme au Risk, les dés des protagonistes, par ordre décroissant de résultat, sont comparés deux à deux. Chaque résultat d'attaque supérieur à la défense (ou non paré pour les dés surnuméraires) correspond à une touche. Les héros encaissent des touches qui diminuent leurs points de vie. Arrivé aux coeurs rouge, le héros est mal en point. Son dernier coeur enlevé et il est hors de combat, ce qui marque souvent la fin de la partie sur une défaite des héros... quand on vous dit qu'il va falloir être prudent et protéger les faibles...
Enfin, un petit système de malus au nombre de dés lancés permet d'ajouter du piment aux placements précédents : -1 dé si la figouze est mal en point, -1 si elle est en infériorité numérique ou attaqué dans le dos... De suite, on se prends à regarder à deux fois avant d'avancer bille en tête ! Terminons-en avec héros qui pourront, une fois par partie et à la place de leur tour, déclencher leur pouvoir héroïque ! C'est puissant, ça peut faire très mal... mais le gâcher au mauvais moment ou trop tard, ça s'rait ballot !
Hey, Mortibris, t'aurais pas vu Skeletor ?
Après les héros suivra le tour du Maître du Donjon (MD). Suivant le scénario choisi, il a à sa disposition un certain nombre d'ordres pour activer les figurines sur le plateau. Il peut ainsi permettre à ses sbires/boss d'effectuer un mouvement et/ou une action, comme les héros. Il peut également, en bon nécromancien, et pour un ordre, activer un Tas d'Os pour que se lève une nouvelle figurine parmi celles qu'il a en réserve. Enfin, il peut jouer une carte d'ordre du MD. Ces dernières lui permettront d'obtenir des ordres supplémentaires (chaque figurine ne pouvant recevoir qu'un ordre par tour du Maître) ou des animations supplémentaires.
Le dernier type de carte Ordre est encore plus intéressant puisqu'il peut se jouer pour interrompre les actions des valeureux, histoire de les embêter entre leurs tours. C'est pourquoi les héros devront s'épauler et planifier leurs actions : d'une part pour tirer parti de chacune de leurs spécificités, et d'autre part pour éviter d'être interrompu subrepticement, et au pire moment, par le MD. Car le malfaisant ne peut interrompre le premier joueur ni jouer une telle carte après le dernier joueur.
Pour finir, ces cartes Ordre du MD sont un timer pour la partie, puisqu'il en pioche une à la fin de chaque tour et que, s'il ne le peut, la partie s'achève sur une défaite des héros. A eux donc la précipitation... et les erreurs qui vont avec !
Comme les héros sont puissants, il faudra donc taper sans vergogne sur les plus faibles et ne pas s'occuper des pertes tant les os à ranimer, sous terre, pullulent. Comme les règles stipulent qu'on ne peut descendre en dessous de deux dés à lancer, tout malus supplémentaire fait, à la place, baisser l'armure. Ainsi, même le nain et son armure brillante peut finir par crouler sous le nombre des petites frappes... à bon entendeur !
Finissons-en avec les forces de Mortibris. En plus de leur profil, certains des monstres ont des capacités spéciales. Le Troll Zombie se régénère par exemple, là où les zombies, grâce à leur capacité Horde, ajoutent un dé par autres zombies au contact de son adversaire... rien qu'à partir de 3 zombies, c'est trois attaques à 4 dés, ça commence à faire ! Et puis chaque figurine, en fonction du nombre de touches qui lui sont infligées, réagit différemment : Un Squelette, après 2 touches, s'écroule en un Tas d'Os là où 3 touches d'un coup sont alors suffisamment puissantes pour le détruire définitivement. Chaque boss, de son côté, a sa propre fiche et ses propres capacités, y compris la possibilité de pratiquer la magie. Une fois encore, simple... mais riche par petites touches faciles !
Red is Dead*
Nous aurions aussi à parler de la magie avec les sorts mineurs (à chaque tour) ou majeur (un tour sur deux) et les différentes écoles de Magie (Magie Commune, Aéromancie, Pyromancie, etc), de la possibilité de jouer en campagne avec un tout aussi astucieux système "d'heures" pour finir l'ensemble des scénarios et de retourner enfin la fiche de nos héros sur leur face légendaire... et des extensions (bon, ça, ce sera le sujet d'articles à venir) mais il n'est nul besoin d'en rajouter : La découverte de Dungeon Saga se fait en deux temps, tout aussi intéressant l'un que l'autre. Le premier sur son contenu et sa simplicité, juste parfaits pour découvrir les "dungeons crawler" avec des temps de parties en phase avec l'époque ; et le second sur la plus grande profondeur que ne laisse présumer cette simplicité première.
Certes, la boite peut paraître un peu cher avec des cartes aux bords non-arrondies, des figurines plus fines et de façon globale un matériel moins nombreux que dans Descent (si comparer veut dire quelque chose)... mais le matériel en 3D est un plus et surtout, le jeu est plus immédiat pour ceux qui cherchent de la profondeur sans prise de tête : Tours de jeu et parties moins longues, placements et déplacements à réfléchir, interruptions, nombre contre force, pression du sablier contre prudence, avec juste ce qu'il faut d'histoires, d'équipements & co pour avoir envie d'enchaîner les scénarios : de ce côté-là, une réussite pour initier ou simplement jouer de façon simple, agréable et sans superfétatoire ! Ce sera un Monsieur Guillaume Approved pour ce qui est le meilleur successeur d'Heroquest pour l'instant.
Encore quelques jours et vous pourrez profiter de tout cela dans la TricTrac TV... oui, juste pour la nouvelle année... et les étrennes... c'est vil, c'est gentil, c'est Dungeon Saga : la quête du Roi des Nains !
* Oui derechef, la première boite est à dominante rouge et est plutôt orienté morts-vivants... CQFD !