Bon... Je refais un tour.

Salutre les gens.
Troisième jour d’Essen-sur-Schnitzel mais deuxième pour les visiteurs qui se sont pressés hier dès l’ouverture en une foule compacte qui occupait la gigantesque esplanade entourant les halles de la Gruga Messe. On a beau être habitué, l’arrivée fait toujours un petit guili dans le ventre quand on prend la mesure de l’ampleur de la chose. Nous n’avons pas encore les chiffres de fréquentation, mais l’impression prise du bout du nez laisse penser qu’elle a encore augmentée.
Pour le coup, cette troisième journée parut presque plus calme. Normal, les visiteurs ont leurs passes en poche et les flux de foules sont plus souples. Il faut dire également qu’il y eu un peu de blocage lors des passages aux caisses qui parsemèrent de borborygmes mécontents la fraicheur du matin.
Cette année me laisse une curieuse impression. Une sensation diffuse que quelque chose d’inhabituel se déroule sans que j’arrive à mettre l’ombre du reflet d’un raisonnement dessus. Ca c’est un truc qui m’énerve. Seule solution ; partir dans les allées du salon après bien sûr quelques cafés, tendre l’oreille, coller celle-ci sur le sol et effectuer quelques psalmodies rituelles aux dieux du jeu en espérant qu’ils éclairent d’un peu de clairvoyance le brouhaha des milliers de discussions et le kaléidoscope des couleurs des boîtes et des pions qui baignent chaque déplacement ici.
Et puis il y a la phrase. La terrible phrase qui revient chaque fois et que tu n’as pas intérêt de te gourer pour ne pas passer pour le plouc local. Enfin pas local justement. Cette phrase est donc : « alors ? Tu as vu quoi d’intéressant ? ».
Là plusieurs tactiques peuvent vous permettre de sortir de cette situation dangereuse. La première consiste a prendre un air blasé puis à partir sur un discours de « comme quoi c’était mieux avant » et que cette année « y’a pas grand-chose à sauver ». Hoooo ! Comme il a la dent dure ! On vous rétorquera donc assez vite que machin est quand même un jeu trop de la balle. Ce qui permet de rétorquer qu’en effet à part celui-là (que vous retenez mentalement pour aller jeter un œil ensuite) le reste n’est pas top. Oui mais truc aussi… Etc. Et vous n’avez plus qu’à aller vérifier tout ça tranquillement.
Autre stratégie, vous courrez dans les halls du fond pour trouver un éditeur thaïlandais qui a sorti un jeu autoédité dont la règle n’est qu’en langue locale. Vous n’avez plus qu’à indiquer la place approximative du stand en louant la finesse du jeu et en précisant quand même que vos rudiments de Thaï vous laissent entrevoir une petite perle qu’il ne faut pas laisser filer. On n’ira pas vous chercher des poux sur vos goûts pointus d’exotisme et vous n’aurez plus qu’à porter fièrement l’estocade avec le fameux « Et toi tu as vu quoi ? ».
Autre forme assez courue de posture, celle du pro :
"- Écoutes, il y a pas de truc sympas, mais en fin de compte c’est bien les jeux attendus qui valent la peine. Donc pas vraiment de surprises. Tu vois bien ce que je veux dire."
L’autre soit il voit et vous explique tout l’air complice, soit il ne voit pas et opine de la tête l’air complice aussi.
Ce petit manuel de survie devrait vous permettre de vous sortir de toutes les situations de rencontres à Essen avec un petit air de prescripteur a qui on ne la fait pas.
Il n’en reste pas moins que je parcoure les stands depuis des heures en me disant qu’il faudrait… Mmmm… petit calcul… 300 nouveautés présentées en presse et disons 150 non affichées mais présentes sur le salon, ça nous fait du 450 jeux à essayer. Mettons une moyenne d’une heure en optimisant cela nous fait du 450 heures de jeux. Bon et bien c’est bon pour dans 19 jours… Ah zut ! Je n’ai pas retranché les heures de repas, le sommeil, les serrages de mains, les discussions et… Bref ce n’est pas la bonne méthode… Bien sûr mes collègues ardents me diront qu’on peut se préparer avec les règles postées ici et là sur le net avant le salon. Quelle bande de faux-jetons, je vous jure.
Alors moi j’arpente les allées. Et je cherche les jeux qui vont faire le buzz. Et là, la drôle d’impression se cristallise après trois tours de salons, quelques dizaines de mains pressées, de bises données, de sourires échangés, de regards de « je te connais toi mais t’es qui déjà ? » et tout le tralala.
Le buzz cette année (les buzzs devrais-je dire) je les connaissais déjà. Oh, j’ai encore raté des tas de choses. C’est pareil tous les ans. Mais la drôle d’impression c’est que les jeux qui buzzent à Essen 2010 sont pour beaucoup d’éditeurs francophones. Petit bout de la lorgnette ? Crise de cocoritite aigue ? Sincèrement, je ne le crois pas. Le papa allemand cède du terrain. La production francophone s’organise, se rassemble. L’entrée du salon parle autant français qu’allemand.
On pourrait dire qu’on l’avait vu venir depuis le Spiel des « Aventuriers du rail » par exemple , puis celui de « Dixit ». Une petite ouverture ? Non une grosse en fait. Tellement grosse qu’on hésite à la formuler. Bon je refais encore un tour…