[Disque-Monde : Ankh-Morpork][Exposition universelle Chicago 1893]
Si vous traîniez dans les environs de Chicago en 1893, vous avez probablement pu y voir la toute première Grande Roue de l’histoire, conçue par George Washington Gale Ferris Jr, un fabricant de ponts en acier qui avait un esprit aussi large et amusant que son patronyme. Mais ce n’est pas la seule chose impressionnante sur laquelle vos yeux se sont probablement posés. A cette occasion, vous avez certainement croisé un télautographe en action, circulé sur un splendide trottoir roulant, ou reniflé le plus grand fromage du monde.
Chicago, 1893
Nous voici donc transporté dans l'ère de la grande modernité, à la recherche des pavillons les plus attractifs, afin de faire la plus belle exposition de tout le salon. Le jeu de Alex J. Kevern, édité chez Renegade (ou Renegade France via Origames pour la francophonie), est venu garnir le mois dernier nos galeries ludiques. Une thématique étonnante qui servira avant tout à un décorum sympathique et informatif (par le biais des petites infos annotées sous chaque carte). Cet aspect "historique" n'est pas proéminent et sert avant tout à plonger (pour le plaisir inutile donc indispensable) dans les anecdotes caustiques de l'époque. Ainsi, l'on pourra s'émerveiller de découvrir que, grâce à Mr. Tesla, de l'énergie traverse un fil, ou encore d'apprécier une invention toute neuve, promise à un grand avenir : la bicyclette. Mais attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit (de toute façon je l'ai écrit, donc, de base, je vous en bouche un coin et pas qu'un peu) ! Si la thématique n'est pas l'élément le plus prenant de cette Exposition Universelle, elle n'est pas pour autant plaquée.
Ce n'est du moins pas le sentiment qui ressort bondissant des parties. Il s'agit plus d'un décorum travaillé et agréable, poussé par un joli matériel (mention spéciale au compte-tour Grande Roue et sa jolie cabeeple en bois, ainsi que les délectables cartes Tickets). Les illustrations de Beth Sobel et son trait innocent, entre le semi-réalisme et la gravure de l'époque, transpire l'ingénuité douce, naïve et surannée de la population face à la modernité de la fin du XIXème.Pour autant, ne vous y trompez pas ! Exposition Universelle n'est pas un jeu tendre comme une bavette d'aloyau, mais plutôt une mécanique bien huilée (et nécessairement à turbines électriques Edison) de shafouineries à base de majorités retorses.
On n'arrête pas le progrès
Nous voici donc transporté le temps de 3 tours de Grande Roue entre les stands du Chicago festif de 1893. Notre but ? Nous accaparer le plus d'idées de stands possibles, en traînant nos oreilles ça et là, afin de les construire sur leurs pavillons respectifs (chose que nous pourrons faire en y étant le plus présent possible).
Pour cela, à notre tour, l'on va déposer un représentant (un petit cube à notre couleur, car oui, nos représentants ont la tête au carré) sur l'un des cinq pavillons du centre de la table. On récupère alors devant soi toutes les cartes qui y traînent. Les Tickets feront avancer la cabeeple de la Grande Roue (et précipiter la fin de la manche), les Personnalités nous donneront des coups de pouce au tour prochain (et surtout de quoi venir taquiner nos petits camarades), et les idées de Stands seront provisoirement entassées de côté.En fin de manche, l'on pourra construire une certaine quantité de stands de chaque pavillon, quantité dépendant du nombre de joueurs et ainsi que du nombre de cubes de représentants sur les cases pavillons correspondantes. Par exemple, si l'on est majoritaire dans une partie à 3 joueurs sur le pavillon vert de l'Agriculture, l'on pourrait construire jusqu'à 3 idées Stands vert de l'Agriculture (ne vous en faites pas, il y a des petites cartes résumé du décompte en fonction du nombre de joueurs pour suivre tout cela facilement).
En plus de cela, on marque des points grâce à nos majorités de représentants sur chaque pavillon et nos Tickets empochés.
En fin de partie, il s'agira de faire le plus grand nombre de collections de Stands différents. Il est donc primordial de se déployer partout et d'embêter, en toutes circonstances, nos petits camarades.
Bien sûr, nous n'avons fait que survoler les règles pour vous donner le tactile parfum du goût de la chose, et l'on ne peut que vous conseiller d'approfondir le son et image avec la petite explipartie tournée lors du passage de Renegade dans votre ville :
Venez voir les plus soyeux shafouins du monde !
Exposition Universelle est un jeu de plateau fort sympathique. Son aspect majorité - chaos - actions spéciales par jeu de cartes, ainsi que sa position entre familial et joueurs, lui donne une saveur proche du Disque-Monde - Ankh-Morpork. On va pester contre ses camarades shafouins qui nous poussent de nos précieuses majorités et raflent les mises sous le nez, tout en se cramponnant à son bord de table pour espérer toujours pouvoir sauter au bon endroit au bon moment quand reviendra son tour.
Le sel tout particulier de l'emmerdement maximal de ses adversaires pousse le jeu à être véritablement intéressant à 3 ou 4 joueurs. Allergiques à l'opportunisme, prenez garde : il faut noter que le chaos et la planification de son tour seront de plus en plus mis à mal avec un nombre croissant de joueurs à table. Cela étant dit, les tours de jeu sont rapides, et l'équilibre entre saisir des opportunités de dernière minute, et viser le contrôle d'un quartier ou l'acquisition d'une carte se gère plutôt bien. Disons qu'il faut être amateur de remous en pleine navigation.Exposition Universelle est facile à prendre en main, provoquant rapidement de bonnes émotions criblées de fusillage par les yeux, ce qui en fait un excellent jeu familial, ou une bonne porte d'entrée pour des joueurs novices. Néanmoins, si vous aimez les sales coups, les majorités, les jeux de collections, ou que vous êtes un sale opportuniste fini, Exposition Universelle possède également de la profondeur, plaisante à gratter quand on est joueur amateur de moelleux bien fait sous la croûte du clakos ludique dont les vapeurs soulèvent le cortex. Un bon petit concentré de mécaniques bien huilées dans un sympathique emballage de fanions, lampions et flonflons.Exposition Universelle - Chicago 1893 (titre complet à rallonge que je m'économise de taper depuis le début de cette prose), réjouira les amateurs de majorité par collection, de shafouinisme multi-directionnel, de fontaines lumineuses, et de joueurs confirmés comme en devenir.