Je vous ai déjà parlé de monsieur Proux ? Oui forcément ! Ce médecin ardennais est également ludologue et il nous a proposé une gamme de jeux particulièrement étonnants. Etonnants d’abord parce qu’il oeuvre comme un artisan, souvent loin des lumières de notre milieu mais surtout parce qu’il s’est spécialisé dans les jeux abstraits et mieux encore, les jeux abstraits en 3d.
Souvenez-vous de l’excellent Tasso ou même son Nivos plus récent. Deux jeux avec du matériel épuré qui sont aussi simples et agréables pour la main que titillants pour les neurones.
Voilà donc que Fakir vient de faire son apparition en boutiques. Sans tambours ni trompettes, à la mode Proux c’est à dire limite discret. Et comme chacun de ses précédents jeux, la première chose qui vient à l’esprit quand on pose le premier regard sur son jeu c’est : mais qu’est-ce que c’est encore que ça ?
Un bloc de bois percé de trous. Des baguettes colorées qu’on enfile dedans (ce qui permet des blagues vaseuses à n’en plus finir)… Si les baguettes n’étaient pas si fines, on pourrait croire que nous sommes devant un jeu de développement pour le premier âge.
Alors ça c’est l’effet Proux ! Ça parait débile de basique et puis (je parle des jeux, ne vous méprenez pas)… On se retrouve à la fin d’une partie à se frotter le menton en se disant qu’on va remettre le couvert tout de suite maintenant qu’on a compris.
Le proto du jeu. Dans sa version commerciale le bois est verni et plus joli
Les jeux Ludarden sont des pièges redoutables et Fakir le cache bien son jeu. Le jeu qui a du piquant dit le slogan : croyez-moi ce n’est pas que de la posture. On jette un coup d’oeil ? 'Tension… Ça peut piquer !
Chaque joueur commence par se munir de ses baguettes à sa couleur. Le nombre de baguettes de départ va varier suivant le nombre de participants puisque le jeu se pratique de 2 à 4.
Le but du jeu est simple : Il ne peut en rester qu’un. Les joueurs vont se faire éliminer au fur et à mesure, il va donc falloir freiner pour être celle ou celui qui dure le plus longtemps.
La chose la plus évidente durant notre tour est de placer une de nos baguettes dans un des trous de côté. La baguette va alors traverser le bloc et ressortir de l’autre côté.
Pourquoi ? D’abord parce que vous êtes obligé de jouer. Ensuite parce que les trous horizontaux croisent les verticaux et cela va avoir son importance.
Car l’autre chose que l’on peut faire à son tour est de placer une baguette dans les trous du haut.
C’est plus dangereux car si une baguette disparait complètement (le bloc fait la même hauteur que les baguettes) alors celle-ci est éliminée du jeu. Il faut donc placer une baguette sur un trou qui est traversé par une autre baguette horizontale. Cette dernière nous empêchera l’enfoncement définitif.
Mais pourquoi placer des baguettes en haut ?
Pour la troisième action possible, celle qui va vous donner des sueurs froides et des coups de chaud.
Quand vous avez placé deux de vos baguettes en haut (verticales) vous pouvez désormais retirer une des baguettes transversales.
Si c’est une des votre, elle revient dans votre main et c’est un coup de gagné.
Si c’est une d’un adversaire (c’est autorisé aussi) vous la remplacez à la place d’une de vos baguettes du haut (verticales)
Photographie au CNJ de Boulogne-Billancourt 2010
Nous avons vu que les baguettes du haut tiennent en position en s’appuyant sur des baguettes transversales. En retirant ces dernières, celles-ci entrainées par la pesanteur s’enfoncent. Et si elles disparaissent : éliminée !
Notez qu’on ne peut pas retirer de baguette si cela n’en fait descendre aucune du haut.
Et là d’un seul coup, ce petit parallélépipède de bois devient l’enfer. Je joue en horizontal pour me défendre ? Oui mais les autres vont en profiter aussi. Mieux vaut aller en haut pour attaquer. Oui mais je risque de dégringoler… Chaque choix sera crucial car un seul coup d’avance peut permettre de remporter la partie.
Une partie dure environ 15 minutes et c’est chaud tout le temps. Nous n’avons pas encore joué assez de parties pour voir si dans le jeu à deux, il y a des ouvertures optimales. J’imagine que oui mais le temps de les découvrir, le jeu sera bien rentabilisé. Le guessing est même présent puisqu’il faut penser non seulement à optimiser la situation présente mais aussi voir ce qu’elle va offrir aux joueurs suivant. À quatre on peut jouer en équipe mais en individuel les alliances se font naturellement.
Si vous êtes amateurs de jeux intelligents, si vous aimez le bois, n’hésitez pas à demander une démonstration chez votre boutiquier préféré car la sensation de jeu est tout à fait étonnante. Faites attention, même si la règle du jeu est claire, elle est condensée et avec peu d’exemples alors prenez votre temps car le principe n’est pas si évident que le matériel le laisse penser.
Notez également que ce jeu fut récompensé au CNJ de Boulogne-Billancourt en 2010. Nous y étions.