hallertau est le dernier jeu de Uwe Rosenberg dans la série des “Agricola like”. Dernier aussi dans le sens où l’auteur ne prévoit plus de sortir de jeux dans cette gamme.
Principes
Comme dans les opus précédents, les joueurs vont s’appuyer sur une pléthore de plantes à cultiver et de bestioles à élever pour développer leur exploitation agricole. Lors d’une manche, les joueurs placent des cubes actions sur le plateau principal, selon un principe à la Gueule noire : la première fois cela coûte 1 cube, la seconde 2 cubes et la troisième et dernière fois 3 cubes (logique :) ). Au début de la manche suivante, une partie de ces cubes sera retirée. Parmi les actions, ont trouve un système de semaille assez spécifique : chacun dispose d’un plateau avec des champs positionnés sur une ligne indiquant leur qualité. À l’issue de la phase action, les joueurs récupéreront pour chaque plante semée la quantité de plantes correspondant au niveau du champ. Les champs qui ont alors produit baissent de qualité alors que ceux qui sont restés inutilisés l'augmentent. Vient ensuite l’étape d'extension de son centre de commerce : 5 tuiles , représentant divers bâtiments sont sur une frise. Chacune demande à dépenser des ressources spécifiques, de plus en plus importantes au fur et à mesure des manches, pour progresser. Une tuile Maison suit ces progressions et, selon le bâtiment le moins avancé, indique le nombre de cubes Action que le joueur pourra utiliser, ainsi que des points en fin de partie.
La culture de la culture
On est sur du Rosenberg agricole avec quelques spécificités. Pas de reproduction automatique et les seuls transformations/combinaisons tournent autour du mouton : ils produisent du lait après chaque phase d’action; une action permet de récupérer 1 laine par mouton et on peut tuer un mouton pour récupérer viande et peau. Pas de phase de nourriture nécessaire, même si le centre de commerce joue un peu ce rôle car il nécessite de régulièrement l’alimenter en ressources pour en profiter. Alors qu’avec Agricola on avait quelque chose d’assez ludique thématiquement “je construis ma ferme avec ses petits enclos", ici on a globalement quelque chose de relativement épuré (en dépit de sa quinzaine de ressources, ses 20 actions, et 10 phases, la règle du jeu tient en quelques pages), presque froid.
Assolement triennale
Derrière ce terme technique figure une technique agricole qui consiste à faire tourner l’exploitation des terres avec des phases de repos et de plantes différentes. Ce concept de rotation et repos on le trouve bien sûr dans le système de champ, mais pas seulement. En effet, le système de cube Action permet de ne pas bloquer complètement une action (jusqu’à un certain point et coût ;) ) comme dans un jeu de pose d’ouvrier classique. Ces cubes Action seront toutefois retirés petit à petit, ce qui fait que les actions fonctionnent sur un même esprit d’”épuisement” que les champs. Si une action est sollicitée de manière répétitive, il faudra attendre qu’elle soit de nouveau exploitable. Ce timing très particulier fait vraiment l’une des saveurs du jeu et on retrouve ces 3 temps dans d’autres secteurs du jeu comme la durée de vie du mouton, les paliers de coût pour faire progresser les bâtiments, même la durée de partie (6 manches mais des dynamiques différentes entre les premières et les dernières). Et aussi les cartes. Les cartes ?
( si quelqu'un sait comment faire pivoter une image qui pourtant est dans le bon sens dans mes documents :) ? )330 cartes
On sentait dans mon allusion à peine dissimulée au fameux Terraforming mars, qu’il n’allait pas y avoir que des petites pièces en bois représentant houblon, brique ou mouton :) . Il y a 4 types de cartes : Gateway ( gain de ressources selon des prérequis. Le jeu propose 4 decks possibles), Farmyard (gain de ressources par dépense, idem 4 deck), Bonus (revenus et PV), Point (du PV, en général en dépensant beaucoup d’un type de ressources). Uwe Rosenberg a considéré intéressant l’apport du phénomène Terraforming mars, car pour lui cela démontrait qu’il est possible de mettre dans un jeu de gestion de 2 heures une part importante à de la pioche aveugle de cartes, tout en laissant une marge de contrôle. Du coup il s’est fait plaisir avec Hallertau :) . On retrouve donc un peu de l’esprit du jeu de Fryxelius : au travers d’une vingtaine de cartes jouées par partie (certaines feront piocher, entretenant ainsi le moteur) on va tenter de trouver des synergies, des enchaînements, des accélérations avec une approche “j’ai ça à disposition, comment je peux construire ma stratégie autour ?”. Et ça marche très bien. Bien sûr il peut y avoir des synergies plus faciles, mais le hasard sera compensé par le volume de cartes, la variété de ressources en jeu, la gestion du timing de la pioche ( avoir le temps d’exploiter la carte) mais aussi par la manière dont est construit le jeu : avec son système d’action et de progression un minimum cohérent du centre de commerce, tout sera utile à un moment donné.
Malt & Houblon
Hallertau est réputé pour être une région de production de houblon, cela pas plus que le reste on ne le ressent vraiment dans le jeu. Le houblon donne même l’impression de jouer les seconds rôles (en fait non, mais je ne vais pas tout dévoiler ;) ) . Là où le thème de la bière prend un peu de sens, c’est dans l’association combo de carte / centre de commerce. A l’instar du malt et du houblon tous deux nécessaires pour une bonne bière, la réussite d’une partie dépendra du bon dosage de l’apport du centre et des cartes. Le premier a une approche d’horlogerie : planifiable, régulier, fiable. Le second est là pour apporter du peps au jeu, des coups d’accélérations, d’autres voies de progression (notamment quand les actions disponibles font défaut). Les deux ont en moyenne une contributation à part égale (même si au début le centre est le plus facile à contrôler), mais selon les parties c’est l’un ou l’autre qui permettra de faire la différence, la difficulté sera de bien identifier et anticiper à quelle moment consacrer son effort sur l’un ou sur l’autre.
Hallertau est un jeu dans lequel j’ai eu honnêtement un peu de mal à rentrer, ne sachant pas bien comment exploiter ces cartes et ayant l’impression que le centre de commerce était aussi prépondérant qu’ennuyeux. En fait le jeu regorge, par cette fameuse association de subtilité, de rythme qu’il faut savoir sentir. Rosenberg montre une nouvelle fois ses talents de mécanicien dans sa maîtrise qu’il a eu, à sa manière, de gérer ce type de jeu à base de pioche de cartes ( même si cela demande un peu de pratique, au point je pense que de nombreux joueurs ne manqueront pas à l’issue de la découverte de se dire "faut faire du draft" ce qui revient à ajouter du picon à une bière en se disant qu’elle n’a pas de goût ;) :P ) .
Disponible pour le moment seulement en VO, Funforge prévoit une VF pour la fin d'année