Hop La bille, tous les secrets du jeu

Il y a bien longtemps…

La dernière fabrique de billes en terre en Europe se trouvait dans la Drôme. Et elle a été obligée de fermer pour des raisons économiques en 2009. Yves Renou (ha, tout le monde ne le connaît peut- être pas… J’en parlerai donc un peu plus bas) s’étant pris d’amour pour la chose, et surtout ne voulant pas voir se perdre ce savoir-faire, rachète les machines et les emmène chez lui, dans le Limousin, à Saint-Maurice-les-Brousses, à côté de Limoges. Ainsi est né l’atelier Bille en Brousse, seul en Europe à fabriquer aujourd’hui des billes en terre.

Qui est Yves Renou ? C’est un parisien exilé dans le Limousin qui après avoir joué les agriculteurs avait envie de faire jouer les gens et a créé un premier jeu, “la Baccade”, qui est aujourd’hui un classique. Il fonde Paille Editions pour ça. Puis viennent “Fais Pas l’Âne”, “La Vache Amoureuse”… Puis il distribue les jeux des autres (notamment nos petits Jeux Opla), puis il fait des billes !

Juillet 2012 : une idée

Et nous dans tout ça ? Et bien moi j’adore ces billes. Je jouais beaucoup aux billes étant gosse, et j’aime bien ces billes en terre, que je trouve chaleureuses. Et je me dis… On joue aux billes, on fait des jeux… Pourquoi ne pas faire un jeu dans lequel le vecteur principal serait la bille en terre ?! D’autant qu’aussi bizarre que ça puisse paraître, il y a très peu de jeux de société basés sur des pichenettes de billes et alliant stratégie et habileté ! Donc je commence à cogiter là-dessus. Ne sachant pas trop au final pourquoi, car après “Pom Pom”, je n’imaginais pas trop éditer un jeu avec autre chose que des cartes ! Oui, parce que je cumule les statuts d’auteur et éditeur…

Août à octobre 2012 : ça joue !

Bref… Je cogite un peu, et très rapidement griffonne deux-trois idées sur un carnet : il me faudra pour mon premier proto des cartes, un plateau feutré avec des rebords et des billes de couleur. Compliqué… J’avais établi un système où chacun jouait une carte qui lui permettait de tirer une bille depuis son camp de façon particulière (telle ou telle couleur, telle ou telle direction…).

Premiers tests en solo : naze.
Je simplifie à mort. On a un camp virtuel devant soi, on a des billes au départ dans ce camp, des cartes avec combos de couleurs qu’on doit réaliser et une seule règle : à notre tour de jeu, on fait une pichenette sur une de nos billes et si elle touche des billes, on gagne tout ce qui est touché pour le mettre dans notre camp, mais si elle ne touche rien, elle est perdue et va au milieu du terrain ! Premiers tests en solo : top !

Mais le terrain ?.. Un plateau feutré ?.. Pfff… Je faisais tous mes tests sur une table avec une nappe et c’était parfait. Mais la nappe est obligatoire, car sinon les billes roulent. Je fais donc un proto avec des cartes sur lesquelles figurent des combinaisons de billes, un carré de tissu et des billes.

Premiers tests avec des potes : ça marche ! Bien, même ! On multiplie les tests, même à des festivals (Chamboultou à Ussel en août, Tout l’monde joue à Lyon en septembre, Octogônes à Lyon en octobre…) avec le grand public, et ça cartonne ! Pendant tout ce temps je rééquilibre le jeu, modifie la répartition des couleurs et du nombre de billes sur les cartes, simplifie la distribution des billes en début de partie (tout le monde a une bille de chaque couleur)…

Je mets au point également plusieurs variantes.

Pendant ce temps on prend la décision d’éditer Migrato, dans la même gamme que Pom Pom, pour envisager une sortie en mars, pour le festival de Cannes.

Fin octobre 2012 : « on l’fait » !

On va à Panazol Joue, festival juste à côté de Limoges, et donc de notre distributeur Paille Editions. Yves Renou est là, évidemment, et je le fais jouer à mes billes et… Il se passe un truc… Il finit sa partie, montre le jeu du doigt et me dit : « c’est génial ». Le lendemain matin, il me dit qu’il y repensait et qu’il trouvait super que ce jeu ne mettait personne à l’écart, tout le monde peut jouer ! Ça nous motive pas mal et on se dit « ben allez, on l’édite » !

Novembre à mars 2013 : « l’heure des choix »

On est en plein dans l’édition de Migrato, et moi je passe du temps pour promouvoir Pom Pom dans les boutiques, donc je suis très pris…

Alors que le jeu de billes continue de beaucoup tourner, j’attends que Migrato soit bouclé pour me plonger à fond dans le taf d’édition, en janvier. Et là, premières claques ! Je sais le matériel que je veux pour le jeu, et son prix final en boutique, pas au-dessus de 20 €. Mais surtout on a des exigences qui nous compliquent considérablement la vie ! On veut que l’intégralité du jeu soit fabriqué en France (pas juste assemblé, mais réellement fabriqué) et le plus proprement possible. On sait déjà qu’on va faire probablement les cartes, les livrets et les boites chez les mêmes prestataires que Pom Pom et Migrato, les billes évidemment chez Bille en Brousse, mais le tissu ?.. Je ne pensais pas que trouver un carré de tissu fabriqué en France avec un simple ourlet autour soit si laborieux ! je passe donc un temps hallucinant à écumer tous les tisseurs, à échanger, recevoir des échantillons, tester, pour finalement trouver la solution suivante qui était la plus avantageuse pour nous : le carré est tissé dans les Vosges par K Industrie, les rouleaux de tissus expédiés à Lyon dans un ESAT qui se chargera de réaliser l’ourlet !

Pour que le prix, malgré tout ça, ne reste pas exorbitant, il faut passer un temps fou pour discuter comment faire avec le tisseur, quelle largeur, quelle perte après lessivage, quelles coupes, dans quels sens ?.. Heureusement tous mes interlocuteurs sont cools et aussi compréhensifs qu’arrangeant ! Dès que l’ESAT a reçu les rouleaux de tissus, ils m’appellent pour que je vois ça (on est voisins !).

Autre souci : il faut 12 cartes dans le jeu. Or c’est un format batard. Il faut donc trouver un arrangement pour utiliser au mieux une planche de cartes standard (ce sera finalement une 55 cartes) splittée en 4 jeux de 12 cartes sous flowpacks et des cartes en vrac (que j’utilise comme com’ et pour tirer la carte bonus « Bille chaude »).

OK, fin février, tout est ok, on sait comment tout sera fabriqué, et où !

Et qui va se charger de l’illustration ?
Nous avions une idée bien précise de ce que nous voulions. Que le jeu final soit un objet qu’on aurait pu trouver dans le commerce il y a 70 ans.
On demande à Tony Rochon, avec qui je m’entends bien, mais sans doute parce qu’on parle fort. Il est surtout très talentueux et je trouvais que c’était un jeu qui lui correspondait. Et il a accepté tout de suite. Chouette !

J’avais une autre envie pour l’illustration… Qui dit billes pense aussitôt à la cour d’école. Je voulais donc qu’on voit une cour d’école sur la boite du jeu, mais pas n’importe laquelle. Je voulais la cour d’école du village de Chaveroche, en Corrèze, à côté d’Ussel ! Pourquoi ? Parce que ma grand-mère était l’institutrice de ce petit village, c’était son école, et j’en ai entendu parler toute mon enfance avec beaucoup d’attachement. Une bonne partie de ma famille a des attaches avec ce village, en plus. Et ma mère a grandi dans cette école, pourvue d’une classe unique. C’est aujourd’hui la mairie du village. Ce clin d’œil à mes grands-parents était donc pour moi important.

Mars à juin 2013 : ça sent bon !

J’envoie des photos de l’école à Tony. Il nous envoie des premières esquisses, et réalise quelque chose de génial, complètement différent de ce qu’on avait imaginé, et bien mieux ! On continue à travailler ensemble le graphisme (enfin lui effectivement, et moi pour donner mon avis !).
Le dessin avance bien.

Pendant ce temps je m’occupe de la promo de Pom Pom est Migrato, et anticipe l’arrivée de Hop la bille ! Et un nouveau projet très très prenant et pressant nous arrive : Il était une forêt !

Et puis, on en parle depuis un moment, mais il nous faut un nom à ce jeu ! On demande à tout le monde, ça passe de Kakounett’ à Bilia, en passant par Poc, Poc Poc, Ho les billes… Ce sera au final Hop la bille !

Je rédige aussi les règles du jeu, et on fait jouer des gens qui n’avaient jamais joué avec uniquement les règles, pour les arranger et s’assurer qu’elles sont compréhensibles. Je me documente aussi pour la rédaction de la dizaine de pages qui accompagnent les règles et qui sont consacrées à des infos sur les billes, leur histoire, leur fabrication… Comme on le fait pour tous nos jeux. En cela, Jean-Paul Benoit, un copain de l’association des Billes du Val de Drôme, m’aide.

Et une autre idée arrive… C’est un jeu avec du chouette matériel, des billes en terre superbes, une histoire, un hommage à mes grands-parents, alors… Un matin d’avril, je me dis que ce serait chouette si on organisait pour le lancement du jeu une grande fête dans la cour de l’école de Chaveroche ! Le soir-même je vois Yves, lui suggère ça, et il adhère, alors c’est parti !

J’appelle les copains que j’aimerais présents pour voir leurs disponibilités : Yves Renou et Olivier Theillaumas (Paille Editions et Bille en Brousse), Jean-Paul, Christine et Paul (les Billes du Val de Drôme), Henry et Christiane (Mirabelle Jeux), et Tony Rochon évidemment. La fête aura lieu le dimanche 8 septembre ! Et donc le jeu sera dispo en boutiques les 9 septembre ! Pile pour la rentrée des classes !

De fin-juin à juillet 2013 : la fabrication !

Le tissu est donc fabriqué dans les Vosges par K Industrie, envoyé à l’ESAT lyonnais, qui réalise la confection de l’ourlet. Nous allons ensuite directement chercher les carrés de tissus confectionnés pour les stocker chez les Jeux Opla, à Lyon. Les billes sont fabriquées par Bille en Brousse à côté de Limoges, les cartes par France Cartes à côté de Nancy, les livrets par Pure Impression à Montpellier, les boites par RCI dans la Drôme. Tout ça est envoyé ensuite chez les Jeux Opla, et c’est là que nous avons assemblé les jeux. Les jeux assemblés sont plastifiés (et oui, pour être trimballés et surtout

vendus en boutiques, il faut malheureusement de la cello autour…) au même ESAT et envoyé chez Paille Editions, qui se chargera de la com’ et surtout de la distribution du jeu.

Août 2013 : on prépare la fête !

Le jeu existe, mais il nous faut attendre pour qu’il soit en vente. On se concentre donc sur la promo et sur l’organisation de la fête de lancement à Chaveroche. Et là ce ne sont que de bonnes surprises ! Les gens sur place sont hyper motivés et heureux qu’on organise ça, et tout le monde nous aide, c’est assez génial ! Les anciens élèves vont se retrouver pour l’occasion, et certains mettent déjà les mains dans la colle pour donner un gros coup de main.

Jolie nouvelle, le Conseil Général de la Corrèze est partenaire, ce qui nous permet d’avoir plus d’affiches et de flyers que prévu. Et l’affiche est fort belle !

Nous préparons de plus une expo qui retrace toute l’histoire du jeu (un peu tout ce qui est raconté ici !), mais aussi l’histoire et la fabrication des billes. Ainsi que des objets qu’il y avait dans cette fameuse classe d’école de Chaveroche…

Septembre 2013 : coming soon !

► le site des jeux Opla


Texte et Photographies de Florent Toscano
Mise en ligne par Docteur Mops



[Baccade][Fais pas l’Âne][Hop la bille][La vache amoureuse][Migrato][Pom Pom]

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très sympa l'histoire de ce jeu !

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Magnifique papier.

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J'adore ces articles sur le pourquoi du comment !! Merci TT et merci aux auteurs!

Pour Hop la bille, tout fait envie dans ce jeu, le thème et les billes qui nous rappellent notre enfance et ces parties endiablées dans la cour de l'école !

LA FABRICATION Française ! Merci !

Le matériel qu'on rêve d'avoir dans nos mains !

J'ai déjà Migrato, je vais surement acquérir Hop la bille et certainement "Il était une forêt" !!

Merci Florent, Opla et Paille Edition !

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Wow. Voilà une bonne raison de donner de l'argent à ce site. Pour des articles comme celui-ci. J'ai beaucoup aimé la proximité avec le processus de création... Des photos, une belle plume, une belle histoire.. ! Bonne continuation et bon courage pour la suite.

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Le plus dur va être que mes enfants ne partent pas avec les billes du jeu à l'école ^^

Article très sympa, bravo :)

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article superbe ! et bravo !

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Bravo Florent ! Bel article !

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Joli mister Florent... ;)

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cool tout cela

j'attends la suite

et la date d'arrivée en boutique :-)

bonne chance

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Super de découvrir toute l'histoire de ce jeu, qui m'a en plus l'air très sympathique. J'ai trouvé les clins d'oeil à l'histoire personnelle très inspirante. Bravo !

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Un truc insolite, c'est que pour les enfants d'il y a 30 ans les "Terres" ne "valaient rien". Aujourd'hui comme elles devenues plus rares, elles "valent" beaucoup d'autre billes...

Attention donc aux larcins des marmots pour les papas joueurs !

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Bonjour et merci à tous, ça fait plein plaisir ! Depuis le début, ce jeu, c'est de toutes façons que du plaisir pour nous.

Et l'histoire ne fait que commencer puisque le jeu est en disponible depuis seulement lundi 9 septembre (pour ta question, darthphil)... Pour ceux qui veulent voir à quoi ressemblait la journée qu'on a organisé à Chaveroche le dimanche 8 septembre, des photos et une petite vidéo (en bas de page) ici :

http://www.jeux-opla.fr/archives/1047

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Super cet article Florent !

Bravo et vive les billes

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Merci pour cet article très intéressant.

Découvrir la genèse de ce jeu à été un vrai plaisir. Bravo pour votre démarche. Bon vent à ce jeu !