Jeux à thèses

Jeux à thèses

Le fait n’est pas nouveau ; mais les récents débats provoqués par la parution de Cheminot Simulator, ce jeu au nom si poétique, m’ont incité à faire un point sur cette démarche consistant à vouloir transmettre des idées, légères ou graves, par le jeu de société. Je ne fais cela ni pour juger ni pour prendre position sur chacun de ces jeux individuellement ; je veux seulement tenter de bien définir le cadre de cette démarche, établir ce que le jeu peut et ne peut pas faire, et donc ce qu’il est et ce qu’il ne peut pas être.


Si le jeu emprunte certaines caractéristiques des arts narratifs, comme le cinéma ou la littérature (ce que je m’efforce et m’efforcerai de montrer dans ces chroniques), a-t-il également leur pouvoir de transmission ? En tant que vecteur de communication, le jeu dispose de quelques atouts puissants, puisque, contrairement à tous les autres arts, on n’assiste pas à l’œuvre : on la vit. On pourrait donc penser que le jeu offre un bon support à la transmission d’idées et d’opinions. Pourtant, je pense qu’il ne peut pas réellement remplir ce rôle, ou de manière beaucoup plus diffuse et beaucoup plus imparfaite que dans d’autres médias (cinéma et littérature donc, mais aussi évidemment dessin, essai et journalisme). Nous allons donc voir pourquoi on ne peut pas faire de « jeu à thèse » (pas de grande surprise de ce côté-là), mais surtout, ce que cela implique quant à la création et la réception de jeux dits « engagés » (car ceux-là existent indubitablement).


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Thèse

Bien sûr, il est possible de profiter de l’espace offert par le jeu pour appuyer une situation contemporaine, ou pour s’amuser d’elle. Généralement, on usera pour cela des possibilités offertes par le jeu pour mettre les joueurs dans la jouissive situation de ceux qui sont précisément décriés. Au lieu d’être de simples spectateurs, les joueurs se retrouvent dans la peau des malfaiteurs, de ceux dont on se moque ou que l’on conspue, et c’est si bon ! C’est ainsi que Plan Social ne vous mettra pas dans la situation d’un jeune stagiaire sous-payé, mais d’un riche PDG au cigare désinvolte et au sourire paternaliste et hypocrite, désireux d’augmenter ses bénéfices et d’alléger ses charges sociales en dégraissant les rangs de ses employés (c’est ce qu’on appelle soigner ses courbes). De l’autre côté du filet, Cheminot Simulator se garde bien de nous faire endosser le rôle d’un usager des transports devant optimiser son temps de déplacement, mais bien plutôt dans celui d’un fourbe cheminot n’aspirant qu’à faire la grève (chacun fout en l’air son salaire comme il veut) en bloquant le plus de passagers possibles.



Vous aurez remarqué que ces deux jeux servent de support politique. En fait, le jeu est un moyen d’expression trop limité pour permettre des développements philosophiques… ou tout autre type de développement, en fait. Comme le montrent ces exemples, le jeu ne peut en fait servir que d’exutoire, comme d’illustration à une idée préalablement admise ; certainement pas comme un lieu de débat et de réflexion. Il remplit en cela un rôle comparable à celui de la caricature de presse : s’il est bien fait, il permet de pointer du doigt un fait avéré, ou en tout cas considéré comme tel par son public, et de rigoler avec. Mais rien de plus.
Ainsi, sous un angle un peu moins direct, Bruno Cathala avec Trollland réagissait avec humour en 2010 à la politique d’immigration du gouvernement Sarkozy, en nous proposant de jouer de rôle de Trolls chauvins renvoyant toutes les autres espèces (Elfes, Nains etc.) hors de chez eux, entassés dans des charrettes (en lieu et place des charters de la réalité). Ceux qui contestaient cette politique, et qui de surcroît avaient saisi les clins d’œil qu’y faisaient Trollland, pouvaient passer un bon moment à se repaître avec cynisme de ces agissements jugés inhumains (puisque trollesques). Mais en aucun cas ceux qui l’approuvaient, ou qui n’en avaient rien à taper, ne pouvaient être convaincus par ce jeu. Celui-ci ne présentait aucun argument, ne présentait pas de thèse, ne faisait appel à aucune logique ni à aucune véritable réflexion. Concrètement, il nous demandait de répartir différents espèces magiques entre plusieurs charrettes pour optimiser son score. Rien de plus. Après tout, on ne peut pas demander à un jeu d’être autre chose qu’un jeu.


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Les exigences ludiques sont un frein à l’expression des idées de l’auteur. Pas tellement du point de vue du marché, tant faire polémique est aussi un moyen de se faire de la publicité ; mais du point de vue de l’essence même du jeu, et de l’expérience ludique qu’il doit proposer. Un jeu doit être amusant, accessible, et équilibré. De plus, j’en parlais dans mon premier article, le jeu transforme nécessairement la réalité ; il la traduit en terme de cartes, de pions et d’objectifs de victoire. Impossible dès lors de montrer simplement ce que l’on voudrait démontrer, tant les moyens d’expression du jeu ont peu à voir avec leurs signifiés réels. Même un jeu au parti-pris aussi évident que Casse-toi pôv’ con, de Ludovic Maublanc, perd tout contenu politique dès le début de la lecture des règles. Le pamphlet, c’est le titre (voulu par l’éditeur Matthieu d’Épenoux, qui trouvait très justement que cette phrase illustrait parfaitement le mandat politique de celui qui l’a prononcée), et c’est aussi, un peu, les dessins de Martin Vidberg (ce qui nous ramène d’ailleurs à ce que je disais à propos du dessin de presse). Mais outré cela, le titre et les dessins, le jeu ne propose, et ne pouvait de toute façon proposer, qu’une expérience ludique, un système de jeu mettant tout le monde à égalité et supposant donc, pour les besoins de la cause, que n’importe-quel candidat, de François Hollande à Jean-Louis Borloo, aurait pu péter les plombs en public et proférer ce fameux “Casse-toi pôv’con” ! Toute la satire du jeu tient en fait en un clin d’œil : celui fait, par le titre, à tous ceux que cette phrase a fait bondir. Ils s’amusent bien en la lisant, se sentent confortés dans leurs idées, et sortent le jeu en compagnie d’amis du même avis qu’eux. Mais personne ne pourrait compléter, affiner voire renverser sa réflexion politique à la lueur de ce jeu.



Les jeux ne permettent pas le développement d’idées. Par conséquent, tous les jeux à caractère politique ou polémiste ne peuvent être vus que comme des défouloirs ; des moyens d’exprimer ses passions ou de rire entre amis partageant les mêmes idées, mais jamais de répandre ces idées ni de convaincre les joueurs.


Antithèse

Mais quid alors de cette originalité que le jeu porte en lui, ce pouvoir de mettre son public au cœur de son développement ? Il est bien tentant de tirer parti de ce rôle immersif pour faire expérimenter aux joueurs l’idée que nous voulons leur présenter, au lieu de simplement la leur expliquer ou la leur montrer en situation, avec plus ou moins d’arguments. Certains font en effet leur miel de cette situation privilégiée, en biaisant avec le moyen de communication habituel, qui est de dire les choses (ben oui). Plutôt que de nous proposer une vérité, ils essaient de nous la faire sentir, en nous mettant aux manettes.
C’est toute la subtilité de La Course à l’Élysée que de ne pas s’annoncer comme un pamphlet politique lambda. Pas de caricature incluse dans la boîte, pas de personnalité politique fictivement fictive, d’extrêmes chargés jusqu’à la lie ou de recettes usées jusqu’à la corde. Le contenu, au premier abord, est plutôt léger et décalé. Chaque joueur incarne le candidat d’un parti, lequel est doté d’un slogan un peu abscons mais pas invraisemblable, et devra successivement mener des débats avec chacun de ses adversaires, en essayant de convaincre tous les autres. Lors de ces débats, le temps de parole de chaque candidat est extrêmement limité (par un sablier d’une minute, je crois), et il devra s’en servir à bon escient pour développer des propositions sur un thème tiré au hasard, tout en réussissant à placée un idée précise (une carte choisie dans sa main) et le slogan de son parti. Un exercice de gymnastique intellectuelle atrocement sévère et délicieusement drôle, qui peut permettre, en plus de passer un bon moment entre amis de tous bords, de saisir quelque chose de la vacuité des débats médiatisés en période électorale. En effet, l’on se rend bien compte, avec toutes ces contraintes, que pour convaincre l’auditoire, il faut mitrailler à toute vitesse un raisonnement qui a l’air cohérent et qui permet de balancer des arguments-massue… sans se soucier une seule seconde de la vérité. La réflexion, la théorie, la philosophie politique, c’est du domaine des essais et de la réflexion personnelle ; pas des débats publics, qui ne sont qu’un étalage médiatique de sens de la répartie. C’est en tout cas ce que l’on peut éprouver en jouant à la Course à l’Élysée. Mais on peut aussi bien ne pas s’en rendre compte, sans perdre une miette du plaisir de jeu.


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C’est le revers de la médaille : puisque ces jeux ne disent pas ce qu’ils pensent ou peuvent amener à penser, c’est aux joueurs d’en faire l’expérience eux-mêmes… ou pas. Chacun comprendra ce qu’il voudra, à travers sa propre sensibilité. Certains seront parfaitement en phase avec ce que l’auteur voulait les amener à comprendre, d’autres y verront exactement le contraire (peut-être que les auteurs de La Course à l’Élysée s’arracheraient les cheveux en lisant ce que j’y ai trouvé), d’autres enfin n’y verront strictement rien, rien de plus qu’un jeu auquel ils se contenteront de jouer.
Ainsi, et pour sortir du registre du pamphlet politique, prenons Endeavor. Ce jeu de gestion qui se déroule à l’époque des Grandes Découvertes, dans lequel il faut construire et améliorer des bâtiments, investir dans les colonies, et gérer ses ressources au mieux pour amasser un max de Points de Victoire (la routine, quoi) propose entre autres, en fin de jeu, d’abolir l’esclavage. Le joueur qui découvre cette technologie handicape sérieusement tous ceux qui avaient misé sur l’exploitation des ressources au Nouveau-Monde. Bon. Face à cela, plusieurs attitudes sont possibles.
On peut considérer que ce n’est qu’une mécanique de jeu parmi d’autres, qui offre des choix intéressants, et que tout va bien.
Mais on peut aussi penser que c’est la preuve d’un cynisme absolu, que ce jeu ne considère l’abolition de l’esclavage que comme un moyen d’atteindre les autres joueurs. Autrement dit, tous les joueurs sont considérés de facto comme esclavagistes, sans que cela ne leur pose aucun problème moral, et seul celui qui sera un peu à la traîne sur les colonies aura envie de décréter l’abolition, dans le seul but de répandre des troubles politiques dans les riches possessions d’outre-mer de ses salauds de concurrents (qui ne sont des salauds que parce qu’ils sont des concurrents, l’esclavage n’étant pas du tout abordé sous son aspect éthique dans le jeu).
Enfin, on peut aussi se dire que cette vision cynique des choses, prise au second degré, remet aussi en perspective certaines des décisions historiques pris par les dirigeants des nations, et la manière dont de beaux discours peuvent enrober des pensées purement pratiques. On peut bien sûr transposer cela dans notre monde actuel, mais même pour en revenir à l’abolition, si celles promulguées par la France et l’Angleterre peuvent être attribuées à la seule philanthropie des révolutionnaires, celle des États-Unis par exemple (certes ultérieure à la période couverte par Endeavor) est avant tout une manœuvre stratégique visant, en pleine guerre de Sécession, à remplir et à enthousiasmer les troupes du Nord, tout en semant le trouble dans la Confédération.


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Certains jeux peuvent éventuellement nous faire appréhender la réalité d’une façon un peu différente, en nous mettant aux commandes de leurs mécanismes (contrairement aux ouvrages théoriques et à toutes les autres formes de communication en général). Mais ce procédé ne fonctionne que s’il est subtil, et à ce moment il a également beaucoup de chances de manquer sa cible. Les joueurs peuvent ne pas prêter attention aux conclusions que l’on voudrait qu’ils tirent de leur expérience de jeu, voire, au pire, les renverser complètement.


Synthèse

Le jeu ne peut donc pas servir vraiment de relais d’idées. D’un côté, les jeux au thème politique ou social décalé peuvent servir de divertissement, mais seulement pour enrober un ensemble mécanique abstrait ; d’un autre, les jeux qui préfèrent se servir du matériau ludique jusque dans ses retranchements pour amener le joueur à faire une expérience qu’il lui appartient de transposer au monde réel, ces jeux-là ne peuvent réussir leur pari, à mon avis, qu’en usant de subtilité et sans afficher de prise de position. Je me trompe peut-être ; mais même si un jeu parvenait à concilier ces deux aspects, il resterait hors de question pour lui de parler de proposer une « prise de conscience » à qui que ce soit. Les jeux ne sont pas un support de réflexion, ils ne sont pas un moyen de communication approprié à un échange d’idées un peu sérieux.
Ceux qui nous proposent de nous immerger dans leur fonctionnement ne peuvent modifier notre façon de percevoir les choses que par de petites touches, de petites sensations diffuses, qui demandent sans doute d’être prédisposé à les entendre avant même de jouer, et qui peuvent peut-être pousser quelques billes dans le billard de notre cerveau… mais de façon très indirecte et très hasardeuse. L’auteur de jeu, en quelque sorte, remet toutes les clés de son œuvre aux joueurs, et c’est à eux de l’interpréter comme bon leur semble ; comme dirait Sartre, le jeu prend entre leurs mains un sens objectif.
Ceux qui au contraire partent d’un thème décalé ou engagé ne peuvent qu’assumer leur caractère satirique. Ils ne peuvent eux non plus prétendre permettre une discussion, ou aborder un débat en toute objectivité, car l’espace de jeu ne permet ni le débat ni le déploiement d’idées. L’engagement dans un jeu de société ne peut avoir une autre fonction que celle d’une caricature : une double-fonction de divertissement, et de reconnaissance entre personnes du même avis.

Que doit-on donc en conclure ?
Qu’un jeu doit choisir son camp. Sachant qu’il ne pourra pas convaincre, sachant qu’il ne pourra pas en soi faire avancer le débat, un jeu voulant proposer une expérience ludique spécifique au joueur doit savoir qu’il est inutile d’expliquer cette expérience ; d’autre part et surtout, un jeu qui, lui, veut joueur d’un thème satirique ou polémique, doit assumer cet engagement, qui ne peut qu’être qu’un prétexte à la rigolade entre personnes du même avis, sachant qu’il ne pourra pas servir d’argumentaire. Une position qu’assume parfaitement Casse-toi pô’con entre autres, mais avec laquelle Cheminot simulator est plus ambigu, en construisant sa campagne de financement à la fois en jouant de la satire sociale qu’il propose, en déclarant que ce jeu ne doit pas être pris comme une attaque envers les cheminots (c’est pourtant bien d’eux qu’on se moque), et en disant vouloir « créer une dynamique de changement, une prise de conscience en faveur des utilisateurs des chemins de fer » (ce qui contredit le point précédent, et ce qui surtout est complètement irréaliste : un jeu ne peut pas avoir comme raison d’être la volonté de favoriser une prise de conscience).
Attention ; ce n’est pas non plus un rôle au rabais ! C’est seulement faire preuve de réalisme que de se dire que le jeu n’ira pas plus loin dans cette démarche, et d’honnêteté que de se présenter comme une satire assumée, devant être partagée entre joueurs de bonne volonté. Et tout alors va pour le mieux, dans le meilleur des jeux.
(À condition peut-être que la cause soit juste ?..)


Peut-être que cet article, pour neutre qu’il se veut être, va en faire réagir quelques-uns. Peut-être certains voudront-ils contredire toute ma réflexion, et le feront ici en commentaire. Tant mieux. Je ne souhaite pas mieux que cet article sere, pour un temps, de lieu de réflexion commune sur la manière d’aborder ce type de jeux, plutôt que de le faire de manière éparse et ciblée chaque fois qu’un jeu engagé et/ou satirique pointe le bout de son nez.



Les puristes de la dialectique me feront remarquer que ma “thèse” est au plus une idée, que mon antithèse n’en est pas une et que ma synthèse ressemble à un résumé.

C’est vrai ; mais c’était pour de rire.

Par ailleurs, rassurez-vous, si cet article est fortement ancré dans le présent, dès le prochain je repars dans les cieux éthérés de la philosophie du jeu.

Merci à tous,

Petimuel.




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Petit article très sympa, très facile à lire et bien écrit.

Je m'étais un peu fait la même réflexion concernant Endeavor, je trouvais ça limite de permettre aux joueurs de gagner rapidement et facilement des ressources en utilisant l'esclavage, mais après tout nous pouvons effectivement l'abolir en fin de partie (Même si dans les faits sur les parties que j'ai fait nous étions plus entre esclavagistes assumés...).

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En ce qui concerne Endeavor,le contexte économique et surtout historique du jeu explique cette particularité qui n'en reste pas moins troublante,quant on n'a pas vocation à être esclavagiste.C'est pour moi un trait courageux du jeu qui ne censure pas l'histoire.Par comparaison on pourrait trouver bizarre de jouer à un jeu de mafia qui deal du sucre ou un jeu sur la seconde guerre mondiale sans Nazies.Pour le jeu polémique du moment,la question qui se pose dans cette satyre est:"De qui se moque t-on?".Pas d'indignation dans cette question,mais une interrogation.Du cheminot?ou des personnes qui ont cette vision de ce métier?

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@darkgregius : Deux bonnes remarques.

En effet, je pense qu'il n'y a pas lieu de s'offusquer de la présence d'esclaves dans Endeavor (de même que le débat autour de Puerto Rico est à mon avis un faux débat). La manière de gérer l'abolitionnisme s'explique surtout pour des raisons de jouabilité, mais aussi, en partie peut-être, par le contexte historique du jeu (encore que l'abolitionnisme sorte un peu du cadre de la période) ou surtout par une considération générale sur certaines des grandes décisions politiques de l'histoire, parfois motivées ou expliquées par des considérations bassement matérielles ou stratégiques. Si l'on veut rester dans la période d'Endeavor, on penserait plus à la controverse de Valladolid, où Las Casas a arraché l'interdiction de l'exploitation gratuite des Indiens d'Amérique. Certes, il l'a fait dans un pur esprit humaniste, mais il n'a pu obtenir gain de cause que parce que les puissances européennes pouvaient se rabattre sur la main-d'œuvre d'Afrique, d'où le début du commerce triangulaire.

Second point : Cheminot simulator. Effectivement, à première vue, on pourrait se poser la question de savoir si ce jeu se moque des gens qui se moquent cheminots. Mais ce n'est pas tenable pour deux raisons : d'abord, parce qu'il est évident que les gens qui considèrent les cheminots comme des feignants malveillants vont se servir de ce jeu comme un exutoire (comme les anti-sarkozystes pouvaient se servir de Casse-toi pôv'con), et certainement pas pour se remettre en question. Ensuite et plus concrètement, la page Ulule du jeu qui dit vouloir permettre "une prise de conscience en faveur des usagers des chemins de fer" clot le débat sur ce point.

Ça n'empêche pas une part d'autodérision éventuelle... mais alors une part seulement.

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Petite Annonce : je profite de cette page, même si ce n'est peut-être pas le lieu (auquel cas, les modérateurs modèreront) pour dire que je recherche désespérément un endroit où dormir à Cannes dans la nuit du samedie 1er au dimanche 2 mars prochain. N'hésitez pas à me MP ! Si vous louez une chambre d'hôtel, ce sera un bon moyen de diviser par deux le prix d'une nuit ; si c'est chez vous, de recevoir une bonne bouteille. Plus le plaisir de ma compagnie, ce qui n'a pas de prix (ah si ?).

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Toujours très bien, ces articles...

Pour le sujet du jour, je crois que Imperial est un des contre-exemples qu'il était possible de citer. La mécanique au coeur du jeu exclut toute ambiguïté : c'est cynique et point barre. C'est à la fois la thèse de départ (enfin, j'imagine), le moyen et la fin. Chaque partie que je fais m'inspire la même réflexion : est-ce que la réalité de l'histoire géopolitique est la même ?

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Pour ma part, l'exemple le plus connu est aussi le plus génialement parlant. Le "Monopoly" est un jeu créé pour démontrer que les mécanismes de trusts amènent à un appauvrissement général.

Il se trouve que sorti de son contexte par son "nouvel" auteur (ou son éditeur), le jeu fut expurgé de message pour n'en garder que l'aspect récréatif. Son fabuleux succès montre bien que le public sur de longues années n'a jamais vraiment été sensible au message intrinsèque. Tout simplement parce que le jeu constitue un espace fermé et qu'on peut y ruiner symboliquement ses adversaires sans se poser aucune question. Est-ce un déficit lié à la nature du jeu ? Je le pense pas. Il me semble que ce phénomène est dû à l'image sociale du jeu. Qui aurait été chercher une démonstration de lois anti-trust dans une occupation pour enfants ?

Il faudrait citer également Peter Suber et son jeu le Nomic qui est un laboratoire virtuel sur les amendements et les situations de blocage naturel dans une recherche du profit. Bruno Faidutti en avait fait une adaptation commerciale avec "Democrazy". Dans ce dernier cas, le jeu est bien un territoire d'expérimentation et un vecteur idéologique (bien que le terme idéologie soit ici un peu déplacé).

Si l'on veut trouver dans les jeux des vecteurs d'idées politiques ou scientifiques c'est plus du côté des jeux mathématiques que l'on y trouvera matière.

À mon avis, la part commerciale des jeux de société (la forme de jeu la plus couramment représentée ici), fait que le message est soigneusement lissé pour mettre en avant un aspect récréatif et consensuel.

On peut remarquer néanmoins malgré ce lissage destiné à flatter l'ego des futurs clients, que des messages passent néanmoins et souvent de manière inconsciente. Sans vouloir attiser des débats scabreux qui ont cours actuellement, vous remarquerez nombre de thème liés à la colonisation européenne avec des imageries fortes et qui ne semblent choquer personne (enfin du moins pas les européens ^^) tandis que d'autres sont évidement soigneusement évités.

Comme je le disais dans un précédent article, personne ne semble aujourd'hui gêné par le fait de jouer un colonisateur en Afrique alors qu'il serait particulièrement impossible de jouer un officier allemand qui fait son marché dans les oeuvres d'art en France pendant la seconde guerre mondiale. On voit bien que les auteurs et les éditeurs ont conscience de la présence d'idéologies et de thématiques politiques mais que cela est souvent plus une difficulté de vente qu'une prise de conscience.

Le jeu cherche avant tout à faire rêver et nous mets comme acteur. Et en tant qu'acteur, on peut avoir envie de jouer les méchants d'un film américain mais pas de réels tortionnaire. L'image que le joueur doit investir, à défaut d'être spécialement positive doit au moins être valorisante.

Il existe peu encore de jeu d'auteur dans le sens "cinéma d'auteur" mais on voit clairement de plus en plus de jeux s'investir dans des messages, des convictions. Prenez "Il était une forêt" des éditions Opla. Ou certain jeu de chez Paille qui sont ouvertement politisés.

Le jeu, comme beaucoup de médias, se portent tout à fait bien à être le lieu d'expression des idées. Reste à savoir à qui cela profiterait ^^

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@pingouin : Ah, merci merci ! Je voulais citer Impérial mais, n'y ayant jamais joué et en ayant seulement entendu parler il y a des années de ça, j'avais oublié le titre !

J'apporte mon petit caillou à l'édifice en relevant qu'en fait TOUS les jeux véhicule l'un des messages principaux de la Technique, à savoir: l'efficacité. Si certains comportent une grande part de hasard, ce qui amoindrit l'efficacité directe (jeux de cartes, de dés) et que d'autres encore sont des jeux auxquels on ne joue pas pour gagner et/ou pour le score (jeux d'ambiance(s)) il n'en demeure pas moins qu'il FAUT (j'insiste avec ces majuscules) jouer de manière efficace, de la manière qui tend le plus vers la victoire, qu'importe comment/pourquoi au final sous peine d'être vu comme une personne jouant mal. Et imaginer un jeu qui ferait de l'inefficacité un but ne fait que changer la façon de poser la question de l'efficacité, puisqu'il faudra dès lors être efficace dans l'inefficacité.

Tous les jeux (ou presque si l'on exclut des jeux de hasard pur qui sont peu nombreux ou jugés justement peu intéressants) véhiculent donc une idée qu'il faut être efficace pour gagner. Et cette efficacité suspend toute idée de valeur et de jugement de valeur. En effet, une valeur c'est un obstacle que l'on s'impose sur le chemin de l'efficacité. Dès lors, pourquoi s'en soucier? Après, un jeu qui mettrait trop violemment en avant cette idée d'efficacité par le biais d'un thème "incorrect" suscitera le débat. C'est le cas il me semble avec Manhattan Project ou Tomorrow qui parlent tous les deux de destruction de l'humanité par les joueurs, et plus largement avec le jeu/expo/expérience "Train" qui pousse les joueurs à être efficaces dans leur gestion de la place dans les trains avant que ceux-ci ne s'aperçoivent que les trains vont dans des camps d'exterminations.
Comme le dit justement le bon Docteur, le colonialisme ne heurte personne ou presque (fausse polémique sur Puerto Rico (selon moi)) alors qu'un thème plus politiquement sensible en ce moment, comme tout ce qui touche au nazisme, est très vite "incorrect". Pourtant les exemples du Docteur, on parle d'efficacité pour gagner quelque soit le jeu, simplement, on trouve soudainement choquant d'être efficace dans un but perçu comme "incorrect/mauvais" mais jamais on ne trouve choquant de devoir être efficace. Donc oui, le jeu est un lieu Technique clos par rapport aux questions de morale, vertus et autres éthiques. Il ne peut rien dire sur ces sujets car son principe même l'empêche de pouvoir poser un jugement dans de tels domaines.

Notons que cela s'applique aussi aux jeux vidéos d'une façon assez similaire, donc que c'est le jeu au sens large qui incarne cette facette de l'efficacité du monde Technique. Ce qui est important donc, c'est de se demander ce que l'on fait au sens large et pas juste dans le jeu, ce qui serait une erreur, ce serait comme voir l'arbre et pas la forêt. En quoi être efficace est-il normal, et "neutre" et donc choquant uniquement lorsque l'on perçoit une efficacité dirigée vers un but "incorrect/mauvais/inconvenant"? C'est une question que l'on ne se pose jamais et pourtant, elle me semble importante.

Bon je m'arrête là, je vous laisse digérer cette vision des choses.

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@Docteur Mops : Bon sang, mais c'est bien sûr ! Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Merci de compléter ma réflexion, Doc.

Un grand merci pour cet article et les deux précédents. Un vrai régal à la lecture, bravo !

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Voici une question à mon avis très intéressante qui est est posée par cet article.

Je trouve que la réponse apportée est un peu définitive, surtout si l'on considère que le jeu de société est en période de foisonnement et d'expérimentation.

Nadir fait le parallèle avec le jeu vidéo, et justement il s'avère que de nouvelles expériences vidéo-ludiques paraissent actuellement, et qui portent un message artistique et philosophique assez puissant (papers please par exemple).

Le jeu de société peut aussi travailler sur l'ambiance du jeu, et faire passer pas mal de choses par ce moyen. Je pense par exemple au jeu de go, à Dixit (beaucoup plus récent) ou aux jeux de rôle qui concentrent beaucoup d'éléments philosophiques.

Je suis d'accord que le jeu de société en tant que loisir compétitif met l'efficacité en avant au détriment du thème et/ou du message. Cependant, le jeu vu comme une expérience ludique et pas nécessairement compétitive est à mon avis très prometteur.

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@petimuel: J'essaie de voir pour Cannes mec... je te tiens au courant !

@Choucane

Point de vue intéressant que le tien mais pour te taquiner un peu: qu'entends-tu par "expérience ludique et pas forcément compétitive"? Je veux dire, on restera pas dans une logique d'efficacité? Si je prends "Pandémie" par exemple on est tous contre le jeu et il faut être efficace pour gagner sauf que cette fois cette efficacité est dirigée contre le jeu et pas contre les autres joueurs. Du coup, je ne vois pas trop comment sortir de l'efficacité, mais peut-être que la réponse est dans ta définition de "l'expérience ludique" :)?

Il s'en passe des choses intéressantes, ici !

Tout ce que dit Nadir est très juste. Ce que tu appelles principe d'efficacité découle effectievement de l'un des ces mécanismes ludiques, dont je disais dans l'article qu'il sont très éloignés de leurs référents réels : la victoire. Le fait de "gagner" ne signifie rien dans la vie, sauf lors de situations particulières et éphémères (matches, batailles, élections), mais certainement pas dans l'écrasante majorité des situations proposées par les jeux. Les points ou les conditions de victoire sont un moyen totalement abstrait de faire expérimenter aux joueurs l'éventail ludique que l'on veut leur proposer. Moyen abstrait mais indispensable ; à preuve : un joueur qui ne joue pas pour la gagne peut destabiliser toute la partie et la foutre par terre.

Tout va ensuite se jouer sur la façon dont on décide d'attribuer des points de victoire. Dans un jeu de production de ressources, seule celle-ci importera, même si l'on doit exploiter des milliers d'esclaves. Dans un hypothétique jeu sur l'abolition de l'esclavage, seule celle-ci nous rapportera des points, au mépris d'autres facteurs (comme la vie ou la mort des maîtres, ou l'égalité sociale entre les esclaves dans la société rétablie, etc.)

Mais je ne suis pas certain que le jeu "véhicule" l'idée d'efficacité, qu'il l'enracine dans nos comportements. La première raison, c'est qu'il y a, dans le jeu de société en particulier, quelque chose autour du jeu : les relations entre les joueurs. Là, la morale en quelque sorte reprend ses droits. On est là pour passer un bon moment entre gens de bonne compagnie, et on connaît tous des joueurs qui ne supporteraient pas tel ou tel comportement, pourtant admis et encouragé par le jeu lui-même. Notre comportement s'adapte donc en fonction de la communauté : entre joueurs sans foi ni loi, aucun problème pour jouer les requins, trahir à gogo et faire tous les coups bas possibles. Avec des joueurs plus émotifs, nos méfaits seront plus mesurés (sinon, on court le risque de passer une mauvaise soirée et de ne plus ressortir ce jeu, voire de jeu, avec nos amis). On reste donc dans un cadre de confiance et de respect, de manière à ne faire que ce que les autres sont prêts à nous voir faire... quitte à perdre en efficacité.

Le second point, c'est que le jeu de société, en incitant à la performance et à la comparaison, est en cela, à mon avis, un exutoire. Il nous permet d'assouvir notre soif de défi et de réussite, dans un espace fermé et sans grand rapport (dans ses mécaniques, donc dans sa victoire) avec la réalité. Mais c'est une fausse réussite, qui se termine avec la partie, et qui passe en fait, comme je viens de le dire, après la bonne ambiance de la soirée, véritable objectif du jeu. Pour moi, je l'espère du moins dans mon petit cœur naïf, un joueur régulier aura moins de chances (ou au moins, dieu du ciel, pas plus !) qu'un non-joueur de devenir, dans sa vie professionnelle par exemple, un arriviste au dents longues méprisant tous ses collègues pour se hisser au-dessus d'eux à force de veuleries et d'entourloupes.

Dans l'analyse du jeu comme exutoire, je rejoins Bruno Faidutti, qui parlait de cela dans un édito de sa Ludothèque Idéale (désolé, je n'ai pas le courage de chercher le lien);

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@Petimuel

Ah, là, j'avoue, tu soulèves un argument auquel j'avais moins pensé: la relation aux autres. C'est vrai qu'elle va conditionner la recherche de l'efficacité (dans le jeu), notamment dans un jeu avec un enfant pour prendre un autre exemple (qui n'a jamais "mal joué" intentionnellement au moins une fois contre un enfant?). Certes, le jeu ne véhicule pas d'office une image totalitaire de l'efficacité où tu en viendrais à des moyens extrêmes pour gagner, car il est et reste un jeu. Toutefois, je trouve frappant combien on ne peut pas sortir du motif de l'efficacité alors que dans certains jeux anciens, comme les jeux de dés cela n'a aucune espèce d'importance. Ce qui empêche selon moi le jeu d'être une pure recherche d'efficacité (sauf peut-être si on joue sur internet, encore que...) c'est l'interaction social, le fait que l'adversaire soit quelqu'un avec qui j'ai une interaction en dehors du modèle d'efficacité.
Sur un plan plus philosophique, je me demande si notre perte d'efficacité au jeu dans certains cas n'est-elle pas calculée (sciemment ou non) en vue d'un gain "d'efficacité affective"? Je pose la question comme ça, pour la beauté du geste ;).
Sinon sur l'aspect exutoire, si l'analyse est correcte globalement, je pense que l'influence comportementale du jeu est nulle ou presque. Si on prend les jeux vidéos, des tas de gens jouent à des jeux violents sans jamais tuer personne tandis que d'autres y jouent tout autant et massacrent des gens avant/après. Sans être totalement neutres, je pense que les jeux en général ne peuvent pas induire un grand changement de comportement. Au mieux renforcent-ils certains comportements, mais je pense que jouer ne change pas profondément notre comportement, sauf cas extrêmes. Sinon pour le texte de Faidutti, va falloir jouer avec le cache, il a supprimé son site :).

@Nadir

Petimuel et toi avez tous les deux plus ou moins évoqué ce que je voulais dire en parlant d'expérience ludique pas forcément compétitive.

J'irais même plus loin car, si nos relations personnelles entre joueurs peuvent nous faire jouer de manière "sub-optimale" en termes de jeu (mais à nos yeux optimale en termes relationnels ;)), certains jeux cherchent clairement à libérer le joueur de la recherche d'efficacité à tout crin.

En jeu de plateau, je reprendrai l'exemple de Dixit, ou les règles font qu'il est difficile de prédire si notre indice sera suffisamment efficace mais pas trop, et ou il faut laisser parler l'intuition. Je crois d'ailleurs que c'est précisément pour cela que ce jeu est un chef d'oeuvre (en plus de ces nombreuses autres qualités).

On peu également citer "petits meurtres et faits divers" ou le jeu met clairement les points au second plan pour encourager les joueurs à se "lâcher" !

Les jeux de rôle sont typiquement aussi des jeux où il est possible de ne pas jouer efficacement tout en jouant bien et en permettant à tout le monde de passer un excellent moment.

En conclusion, selon moi tout jeu qui mise sur le chemin, la quête, l'expérience plutôt que sur l'objectif (gagner) peut, s'il est bien fait, amener les joueurs à réfléchir, à philosopher, à vivre une expérience et donc à passer un message.

Un dernier exemple vidéo-ludique. Il existe un jeu gratuit par navigateur appelé Hordes (http://www.hordes.fr/#index), ou le principe est que 50 joueurs sont dans une ville attaquée chaque nuit par des zombies de plus en plus forts. Tôt ou tard, la ville tombera et tout le monde mourra, personne ne peut donc gagner vraiment.

Dans l'intervalle, l'entraide des joueurs et leur bonne organisation leur permettront à tous de survivre plus longtemps. Mais il est également possible de garder des ressources pour soi, de renforcer sa maison et de survivre (seul) un peu plus avec une récompense à la clé pour la prochaine partie. On peut voler, espionner ses voisins, les dénoncer voire voter pour en faire exécuter un. Personnellement, je trouve que ce jeu porte un message très politique et fera réfléchir toute personne qui le pratique.

Après, s'il s'agit de faire évoluer les conscience... c'est un "vaste programme" comme disait quelqu'un de connu.

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"un officier allemand qui fait son marché dans les oeuvres d'art en France pendant la seconde guerre mondiale"

En tout cas, moi, ça me fait plus envie que jouer un chevalier et ses fermiers cuboides.

Ma petite graine sur un sujet qui m'interesse beaucoup, et sur lequel je me targue d'avoir un peu planché...en vrac.

- Je serais plutot pour dire que, comme pour Endeavour, le message passe par une mise à l'écart de la morale, qui s'efface derriere les mécanismes (ceux du jeu, ceux du jeu politique, sociale, économique). Deux bons exemple sont pour moi Vertigo et Terra de Faidutti. Le plus amusant, c'est que leur theme écolo conduit les joueurs a projeter une image de jeu bien pensant...et au final, ils sont (un peu) décriés car ils découvrent des jeux "cyniques".

Dans une partie de Vertigo Type, la stratégie optimisatrice de base veut que tout le monde se mette a polluer comme un malade pour amasser le plus d'argent, avant de le réinvestir dans des usines non polluantes ( se convertir a l'écologie une fois riche,) en vue de la fin du jeu, le cas échéant, en martyrisant depuis l'ONU les pollueurs tardifs. Le jeu date du tout début des années 90, mais il fait pourtant vivre de l'interieur l'exacte problematique actuelle (l'europe qui a pollué pendant 200 ans avant de se reconvertir grace a l'accumulation du capital, et qui donne des lecons à la Chine qui fait la meme chose avec du retard...)

A la fin de la partie, il n'y a plus qu'a faire le //, pour ceux qui l'on manqué. Tout le monde aura compris ce qui se passe au niveau global. De meme pour Terra (auquel j'ai beaucoup fait jouer)

- A l'inverse, des jeux excellents comme Europa 1945-2030 ont fait un bide monumental (tiens donc...). Pourtant, la mécanique elle meme cette fois parle peu des problematiques de l'intégration européenne (j'avais pondu une variante pour jouer l'approfondissement en plus de l'intégration, toujours sur le mode kubenbois, présente sur BGG, mais jamais testé). Du coup, je me dis qu'au contraire, si on veut faire passer le "récit" et la problematique européen, il vaudrait mieux le faire a coup d'orcs et d'elfes. ça donnerait a peu pres: "Les vieux royaumes sont menacés. A l'est, l'empire Hikanien entretien une paix fragile, a l'ouest, la théocratie marchande d'ilussa s'immisce dans les affaire des royaume. Au sud, le sultanat tavulien se désagrege, entrainant le chaos et la piraterie....(oui, les métaphores ne sont pas tres fines....) et hop, un jeu ou se pose la question de s'en sortir improbablement seul avec son royaume ou jouer coopératif, en sacrifiant de la souveraineté, avec du commerce, des cubes en bois, de la gueguerre, de la diplo, etc...

Apres, il y a d'autres types de jeux qui peuvent etre (sont) encore plus ouvertement politiques, mais la, je parlerais de ma crémerie, et c'est mal (ici).

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@Choucane Je suis presque entièrement d'accord avec toi. Je dis "presque" car je souscris à tous tes développements, très justes, et très bien exemplifiés (merci d'avoir parlé de Hordes que je ne connaissais pas), mais je serais plus pessimiste dans tes conclusions.

Bien sûr, beaucoup de jeux sont très ouverts, et permettent aux joueurs de se livrer à discrétion à des expériences spitiruelles enrichissantes. Mais, justement parce que ces jeux sont ouverts, les autuers n'ont, je pense, qu'on contrôle extrêmement limité sur ce que les joueurs vont en faire : pour Dixit, ça ne se discute même pas. Idem pour les jeux de rôles, où les MJ sont libre de tisser les intrigues politiques qu'ils veulent, sans que l'auteur ne puisse rien y faire, quelles que soient ses propres idées, et la manière dont il aura voulu orienter le jeu.

Et même dans le cas de ce Hordes, et d'après la manière dont tu le décris, je pense que certains joueurs retiendront l'aspect coopératif, d'autres l'aspect "si je profite de la situation pour la jouer perso, je choppe des récompenses", d'autres en feront la synthèse en pensant "il est important de coopérer avec la collectivité, même si certains truands en profitent injustement", et d'autres enfin, j'en suis à peu près sûr, se borneront à penser "ce n'est qu'un jeu", et à ne pas établir de rapports avec la réalité, dont chaque situation est un cas particulier pouvant masquer le schéma proposé par l'auteur de Hordes, même si l'on y souscrit.

Quoi qu'il en soit, comme tu l'as si bien dit : vouloir faire plus serait "un vaste projet".

@Maitresinh : C'est un belle réponse, mais j'ai l'impression que tu as glissé des jeux à thèse aux jeux à thème.

Pour Endeavour, je suis entièrement d'accord avec toi, mais j'étendrais cette réflexion à tout jeu : les mécanismes n'ont qu'un rapport trop lointain avec la réalité pour être pris comme soubassements d'une réflexion. Dans le cas de CO2, aussi bien rendu que soit le thème, je doute encore une fois qu'il puisse permettre de convaincre un éco-sceptique (s'il en existe), non plus qu'un optimiste ayant une foi aveugle dans la bienveillance des grandes entreprises. Ceux qui sont d'avance convaincus des dangers que notre société fait courir à la planète, et de la manière avec laquelle les entreprises ne font que travailler leur image dans ce sens, trouveront dans CO2 un bon écho à leurs réflexions, et une espèce d'exutoire, puisqu'en se mettant à la place desdits patrons, ils peuvent prendre un plaisir pervers à mettre en pratique ce qui les scandalise tant.

Néanmoins, pour reprendre l'exemple d'un type croyant aveuglément aux professions de foi des grandes patrons, ce n'est pas en lui faisant jouer à CO2 qu'on pourra le détourner de ses convictions. J'imagine le dialogue... Je ne crois pas (mais peut-être est-ce moi qui me trompe !) qu'on puisse réellement faire changer quelqu'un d'avis, ou au moins bousculer ses convictions, avec un jeu, donc quelque chose de non-scientifique, de complètement orienté, voulu, et manipulé (!) par son auteur, qui ne s'appuie forcément que sur une réalité idéologique, et qui la déforme encore, pour disparaître sous un ensemble de règles et de mécaniques.

Idem pour le jeu que tu décris relatif, métaphoriquement, au déclin de l'europe. Je ne doute pas que tu aies des thèmes sensibles dans ta crèmerie prototypale (de JDR, je crois ?...), comme j'en ai dans la mienne. Mais ce sont des thèmes, non des thèses : on peut jouer avec, s'en divertir, s'en repaître si nous partageons ses présupposés ou bien y être indifférent si nous ne les partageons pas.

Peut-être, peut-être, certaines informations peuvent passer de façon sibylline, à la longue... Des manières de penser, des manières de voir, des manières de fonctionner en groupe. Tout dans la subtilité, tel que toi et Choucane le décrivez. Reste qu'on est rendus loin alors des "jeux à thèses" dont je parlais, et dont je maintiens que jusqu'à preuve du contraire, je ne pense pas qu'ils puissent être en rien performatifs.