[Abalone][Auteur de jeux de société]
30 pages word…
Voilà ce qu'à donné mon échange avec Michel Lalet, l'auteur d'Abalone, agent d'auteurs bien avant Gaetan Beaujannot et Forgenext, éditeur, musicien, écrivain.... Dilettante comme il se définit lui-même.
Michel Lalet aime depuis travailler dans l'ombre, mais la sortie de son ouvrage Auteur de jeux, un art à part entière l'oblige en quelque sorte à sortir de sa tanière.
Un homme exigeant, très exigeant, parfois très sympathique, parfois plus froid, plus... mystérieux...
Un homme qui sait manier les mots. Le style Lalet demande une exigence du lecteur, une concentration, il demande de s'intéresser aux propos qui seront les siens : Art, éducation populaire, le jeu bien évidemment aussi.
Un sujet auquel je réfléchissais depuis plusieurs mois pour un article et dont je vous reparlerais bientôt via son ouvrage.
Au fil des 3 prochaines semaines, vous pourrez découvrir Michel Lalet de part ses origines modestes, ses aventures, ses rencontres, ses aventures à travers le monde, ses coups de folie pourrait presque t-on dire.
Un entretien exceptionnel pour un homme complexe, à part, qui m'a demande le meilleur de moi-même afin d'être ne serait-ce qu'un peu à la hauteur du personnage.
1) Michel Lalet, bonjour, auriez-vous la gentillesse de vous présenter ?
Dilettante !
C’est souvent ainsi que l’on désigne ceux qui mêlent plusieurs genres et plusieurs activités. Écriture de chansons, compositeur, chanteur et musicien sont – ou ont été – plusieurs d’entre elles.
Bien sûr ici on me connaît comme auteur de jeux de société !
Mais j’ai également été éditeur (Sociétés du Groupe Abalone dans les années 80 et 90), et agent d’auteur et développeur de jeux de société et de jeux vidéos (Société Week End Games, depuis 1992, avec un portefeuille d’un peu plus de 200 jeux édités dans le monde entier). Depuis une quinzaine d’années je suis revenu à l’écriture (romans, essais, nouvelles, théâtre)… sans parler d’autres domaines très différents de ceux-là où j’ai, selon quelques uns, “perdu mon temps”. Mais avec quel plaisir !
Ne nous y trompons pas, le mot dilettante signifie peu ou prou « personne qui s'adonne à une occupation, à un art, en amateur, pour son seul plaisir » Dilettante, c’est le synonyme de « celui qui aime ». De ce fait et parce que les choses ne sont faites que sur le désir, sur le plaisir, sur le bonheur, c’est bien souvent un énorme engagement.
Je dois reconnaître que c’est une grande chance, presque un privilège de pouvoir faire ce que l’on aime et de pouvoir en vivre.
Mais il ne faut pas s’y tromper : c’est toujours beaucoup de travail ! Dilettante, c’est tout le contraire de flemmard ou de glandouilleur, même si par une forme de provocation ou d’élégance supposée, on donne à croire que tout ceci se fait sans effort !
Pour moi, il n’y a aucune différence de nature entre les différentes activités que j’ai toujours eues. Créer un jeu de société est le choix que l’on fait si l’idée que l’on poursuit ne peut pas se dire en musique, si elle ne peut pas s’écrire ou s’expliquer avec des mots, si elle ne peut pas se peindre, se danser ou se dessiner !
Alors, on se dit qu’avec un jeu… peut-être… Ne pas être dilettante au sens de « aller d’une chose à l’autre » serait en ce cas une vraie tristesse car cela signifierait que l’on doive renoncer à poursuivre des idées ou des projets qui nous occupent l’esprit parce que l’on serait mono maniaque d’un seul domaine... C’est d’ailleurs cette question qui est au cœur de l’essai Auteur de Jeux que j’ai écrit il y a quelques temps et qui vient de paraître.
2) Que représente le jeu pour vous ? Le fait de jouer et le fait de faire jouer ?
Le jeu, c’est d’abord du temps partagé et l’envie de partager ce temps avec d’autres. Au début : un frère, une sœur, leurs copains ou les miens… pour les entendre rire, pour les voir heureux et fiers des petites choses qu’ils font grâce à ces objets de bois et de cartons !
Un jeu c’est entre autres choses le respect des règles, n’est-ce pas ? C’est un des moyens pour les jeunes enfants d’admettre l’existence de règles et de s’y conformer. Ne serait-ce qu’attendre son tour, se taire si l’on doit se taire, ne pas toucher les pièces de jeu si le jeu précise qu’on ne doit pas le faire, être autorisé à effectuer telle ou telle action mais empêché de faire telle ou telle autre, etc. Mais trop souvent, beaucoup de jeux de l’époque de mon enfance étaient faits par des auteurs qui n’en étaient pas ou par des éditeurs qui n’en étaient pas non plus et qui se comportaient avec beaucoup de légèreté dans ce domaine : règles arbitraires, exceptions permanentes, quand ce n’étaient pas de pures idioties discrétionnaires ! On peut envisager de devenir auteur de jeux pour s’épargner la souffrance d’avoir à subir des règles absurdes ! J’ai en conséquence beaucoup bricolé les jeux pour ne pas avoir à subir cette souffrance !
C’est en réalité une difficulté d’accepter le destin auquel le jeu nous assigne.
Mais le jeu n’est pas qu’apprentissage des contraintes. Et ne doit pas l’être. Jouer est, m’a-t-il toujours semblé, une chose naturelle et évidente. Et je ne vise pas que les enfants. Tous, à tout âge, femmes ou hommes, sont capables et désireux de « jouer », c’est-à-dire de lâcher un peu la bride de leurs comportements sociaux sages et compassés. Et en tout cas, jouer c’est faire la démarche d’abandonner les notions établies de hiérarchie sociale ou de hiérarchie d’âge (jouer avec ses enfants n’est pas anodin. L’acte dit clairement à l’enfant que l’on se place à égalité avec lui). Sur ce terrain, la multitude des jeux offerts permet d’adapter ses attentes à ses compétences. La clef du plaisir est de trouver sa place entre lâcher-prise et contrôle. Jouer s’apprend. Se laisser embarquer loin avec les jeux s’apprend. Car jouer est en réalité une activité dangereuse et subversive. Elle révèle le joueur. Elle le révèle tel qu’en lui même mais aussi dans son rapport aux autres.
C’est pourquoi je déteste quantité de ces jeux qui dès l’énoncé de ce qu’ils proposent ne sont pas respectueux des personnes, par quelque bout qu’on les attrape. Quelle mouche libéralo-répressive a piqué la terre entière en faisant croire que répondre à des questions idiotes s’appelait jouer ?
Ça s’appelle tout au plus exercice d’humiliation ! Cette affaire là vient de nous faire trente années de sottise et de désinformation sur ce qu’est réellement jouer !
Les enfants le savent bien. Dans un jeu inventé ils savent dire : « Pouce ! » quand les choses les dépassent. Et s’ils se sentent menacés, ils diront même : « Pouce mouillé ! » ce qui équivaut à allumer la sirène d’alarme ! C’est la même idée que le geste que fait le judoka qui signale à son adversaire qu’il veut abandonner…
Le jeu doit offrir des entrées royales et des portes de sortie honorables !
Mais surtout il doit être la mise en scène d’un plaisir qui pourra inonder toute la troupe de ceux qui jouent, des acteurs. À la sortie, chacun doit se sentir plus léger, plus heureux, plus intelligent qu’il ne le croyait. Plus responsable ou plus philosophe en acceptant d’avoir perdu ou seulement de n’avoir pas gagné… Plus modeste s’il y est parvenu, sans plastronner de façon excessive !
Mais il ne faut pas s’y tromper : c’est en réalité une difficulté d’accepter le destin auquel le jeu nous assigne. Et c'est sans doute la raison pour laquelle beaucoup de joueurs ne dérogent pas de rituels simples, savamment codifiés, ne donnant prise à aucune extrapolation.
Le domino du bistro, la belote y compris en concours villageois, le rami ou même le scrabble du soir ainsi que beaucoup d’autres jeux à large popularité offrent ces ritualisations rassurantes et efficaces (ces jeux que 80% de la population pratiquent mais qu’ils ne retiendraient pas si on leur demandait s’ils sont des joueurs ou s’ils jouent à des jeux de société !).
Le jeu est une culture. Il est aussi une culture savante. Et comme toute culture savante, celle-ci est constituée d’une multitude de strates, fragmentaires, flottantes et parfois incertaines de sorte que chacun, à son niveau, peut envisager d'y trouver sa place.
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3) Je vais me faire l'avocat du diable. Ne peut-on pas également se sentir humilié avec un jeu de plateau classique, Agricola pour prendre un exemple quelconque, car ce jeu n'est pas fait pour vous ou bien car les autres joueurs ont trop d'expérience par rapport à votre niveau (les échecs par exemple) voire même lors d'un jeu coopératif dans lequel l'effet leader peut amener à des situations que l'on peut assimiler à de l'humiliation ?
Est-ce que ce ne serait pas le joueur qui crée le plaisir du jeu et non le jeu lui-même ?
Je ne crois pas que l’on puisse comparer les impacts provoqués par ce Trivial Pursuit et la légion de ses clones qui se sont répandus par centaines de millions d’exemplaires dans nos contrées et des jeux du type d’Agricola.
Le premier s’est immiscé dans tous les esprits au point que toutes les propositions de machins à caractère publicitaires (je suggère de ne pas utiliser le terme de “jeu” pour désigner cet avatar de l’interro de classe de CM2 !) sont faits sur ce modèle. Avant la fin des années 80, c’était le Jeu de l’Oie qui occupait cette place. Au moins, le jeu de l’Oie donnait toute sa part au hasard lequel, comme chacun sait, est bienveillant ou en tout cas, aveugle ! La question idiote fondée sur une méta culture nocive n’est pas bienveillante. Elle est même tout l’inverse ! Elle est toujours délétère pour quelqu’un ! Elle rend sottement fier le crétin qui sait et sottement triste l’honnête homme qui ne sait pas...
Quant à Agricola, c’est un jeu spécialisé pour spécialistes ! C’est en toute connaissance de cause que celles ou ceux qui jouent s’exposent à la rude réalité de ce qu’est un jeu : une joute, dans laquelle il y aura perdants et gagnants et une certaine violence, même si elle est symbolique !
À cet égard, et contrairement à ce que l’on pourrait entendre dans mes propos, l’un de mes jeux préféré reste ce bon vieux Diplomatie : épure de la guerre et vraie guerre psychologique, sans merci, où comme dit l’autre « on ne fait pas de prisonnier » ! Mais on ne va pas jouer à Diplomatie en première intention avec tout le monde. Je le répète, les jeux sont une culture à part entière. Et une culture, ça se travaille !
Pour en revenir à ces deux exemples : Trivial Pursuit est de l’ordre du tsunami dévastateur sur les esprits tandis qu’Agricola fait partie de cette succession de petites vagues que l’on peut surfer agréablement… à la condition de s’exercer un peu !
Non, moi je ne joue pas à des jeux de société!
Quant à savoir si c’est le jeu ou le joueur qui créerait le plaisir, c’est une variante de l’affaire de l’œuf et de la poule sur laquelle vous m'interrogez ! Vous connaissez la réponse avec la poule et l’œuf ? Je ferai la même : ça dépend !
Dans les jeux populaires que j’évoquais plus haut comme la belote, le tarot, la scoppa, l’aluette ou tous ces jeux enracinés dans des cultures locales, c’est avant tout le rituel qui favorise le plaisir. Lorsque le jeu devient un rituel immuable, parfaitement intégré, totalement intériorisé et largement partagé, il a pour fonction essentielle de permettre aux personnes de s’affronter en sachant que « c’est pour de rire ! » et en ne perdant jamais de vue qu’ils évoluent dans un simulacre.
Ces jeux tellement simples et sans surprise évacuent le risque de débordement du cadre. C’est simple, ritualisé, sans danger. Et ce n’est pas tant le jeu qui mobilise ces personnes, c’est leur communauté même ! Il faut se souvenir que les personnes qui pratiquent ce type de jeux ont une palette très restreinte, jouent à très peu de jeux différents et ne s’écartent pratiquement pas des jeux traditionnels. Ce ne sont pas les jeux (au sens de système de jeu ou de mécanique de jeu) qui les intéressent, mais le climat qu’ils favorisent et qui est avant tout celui d’une convivialité apaisée. D’ailleurs, ces mêmes personnes que l’on interrogerait en dehors de ces moments où ils tapent le carton, disent sans trouble aucun : « Non, moi je ne joue pas à des jeux de société ! »…
Parce que pour eux, jouer à des jeux de société, c’est se lancer dans des décryptage de règles inconnues, suivre des pistes incertaines et inutilement complexes, se livrer à des activités d’oisifs plus ou moins immatures ou se retrouver dans un piège dans lequel quelqu’un de très aguerri risque en effet de les humilier.
À l’inverse, les joueurs qui peuvent jouer à Agricola – et aux centaines de nouveautés que l’on connait et que l’on aime – sont d’abord attirés par l’effet de surprise, par l’astuce de la nouveauté ou par le fracas d’une trouvaille nouvelle et génialement décalée. Ces joueurs aiment être bousculés, surpris, étonnés. Ils n’hésitent jamais à décrypter des règles parfois abusivement longues et ils vont déguster le jeu au travers de ses saveurs inédites et de ses effets innovants.
Ce qu’ils attendent et qui les réjouit avant tout, c’est de sentir que leur esprit est touché d’une manière nouvelle, que leur mécanique cérébrale se met en branle dans des directions jusque là inconnues d'eux…
Dès lors, la question de défaite, de victoire, d’humiliation même… sont parfaitement secondaires.
Mais pour les uns comme pour les autres, le plaisir est bien présent même s’il naît de sources différentes. Et je ne vois pas au nom de quels critères on devrait penser que l’un aurait davantage de valeur que l’autre.
Et puis vous évoquez les échecs ou les jeux coopératifs.
Le jeu d'échec n'est plus un jeu depuis belle lurette. C’est devenu un semblant de sport où les enjeux de suprématie ont depuis longtemps débordé toute autre considération. Bien entendu on peut encore jouer aux échecs entre amis, au coin du feu ou dans les jardins publics (encore qu’il faille se méfier !
Ces lieux sont fréquentés par des serial-player de grand talent !). Les échecs ont depuis longtemps revêtu l’armure des jeux guerriers : guerre froide autrefois, suprématie nationale aujourd'hui, agitations nationalistes encore ici et là, drapeaux, hymnes…
À cet égard, il est intéressant de lire la règle officielle des échecs : trois pages pour exposer le fonctionnement du jeu suivies de cinquante autres qui détaillent les conditions du déroulé de l’affrontement, d’arbitrage, de gestion des conflits, de modalités des sanctions… Que reste-t-il du jeu ?
Quant aux jeux coopératifs, c’est une jolie idée mais qui a été dévoyée par des défauts constants de conception. Au prétexte que toute forme de confrontation serait un mal absolu, on a survendu depuis une quarantaine d’année cette idée de jeux dans lesquels a prévalu une vision égalitariste. L’égalitarisme n’est rien d’autre qu’un apprentissage du consentement à la dictature. Et c’est ce que l’on voit se produire dans un grand nombre de ces jeux barbouillés de pacifisme bêlant. Parce que ces jeux sont mal conçus ou conçus à la va-vite, peu d’entre eux méritent qu’on s’y arrête. Mais il ne faut pas désespérer : si les auteurs prennent pleinement conscience de ce défaut rédhibitoire, ils peuvent sans doute nous surprendre et nous éblouir. D’ailleurs dans les productions récentes, j’écarte de ce jugement plutôt sévère le jeu Les Poilus qui n’est pas tombé dans cet angélisme bébête et qui est un jeu coopératif digne de ce nom. Le plus grand nombre des autres n’en valent pas la peine !
Il faut bien admettre que, d’une manière plus générale, des jeux qui ne valent pas la peine existent. Et existent en grand nombre ! C’est à cet endroit que les commentateurs, journalistes, médias spécialisés ou non doivent entrer dans la ronde. Une information contradictoire, critique et de qualité sur ce que contiennent les boîtes de jeu et sur ce que les jeux sont sensés provoquer sur l’esprit des joueurs est essentielle.
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Plusieurs choses m'intéressent dans ce que vous dites.
4 A) Vous ne semblez pas tendre avec la création ludique.
Pourquoi selon vous les auteurs et les éditeurs conçoivent des jeux à la va-vite, pour reprendre votre expression ?
Une certaine ignorance de la culture du jeu ? Par peur que le jeu ne soit pas compris par le public ? D'autres raisons ?
Ce n’est pas mon propos d’être tendre ou de ne pas être tendre ! Ce n’est pas l’angle sous lequel on doit regarder les choses. Imaginez une seconde que nous parlions de livres. Et même seulement de romans, en laissant de côté les essais, les études, les travaux historiques, les bouquins des vedettes du petit écran, les mémoires des sportifs, les livres de cuisine, de botanique, d’érudits locaux et d’exégèses religieuses… bref, imaginons que nous ne regardions qu’une toute petite fraction de l’édition du livre qui serait le roman.
Quoi de commun entre Annie Ernaux et Marc Levy ? Quoi de commun il y a trente ans entre Guy des Cars et Jean-Marie Le Clézio ? Et au XIXe siècle, quoi de commun entre Jules Mary ou Émile Richebourg et Gustave Flaubert ? Rien de commun !
Sinon que les premiers vendaient peut-être davantage que le dernier ? Hormis la plume, l’encre, le papier, le façonnage d’un livre ou d’un fascicule de feuilleton, hormis les outils physiques de leur art, rien de commun, évidemment si l’on veut parler de littérature.
Il en est de même avec la musique : viendrait-il à l’idée de mettre sur un pied d’égalité les compositeurs de musak ou de musique de manège et ce qu’ont fait Pierre Boulez ou Frank Zappa ? En aucune façon ! Et il en va de ces auteurs comme de leurs éditeurs. Ce qui se produit pour la production de musique se passe à l’identique pour celle de film, de livres, de théâtre et des choses similaires existent du côté des arts graphiques…
Certains ont établi leur marché sur une certaine catégorie de production, tandis que d’autres explorent un autre segment du public potentiel. Ceux qui écrivent des livres sont uniment qualifiés « d’auteurs », ceux qui produisent la musique de « compositeurs ». On se moque bien de savoir à cet instant là si c’est une production tout juste acceptable ou si c’est du génie pur !
Et c’est d’ailleurs très bien ainsi. Mais les lecteurs, qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre extrémité du spectre ne s’y trompent pas beaucoup ! Le lecteur des collections Harlequin s’éloigne peu de ce qu’il aime. Il en va de même de celui de la NRF ou d’Actes Sud. Iriez-vous croire que l’édition de jeux et la création de jeux fonctionneraient différemment des autres disciplines ? C’est exactement la même chose. Il y a des collections Harlequin et des Pléiades. Il y a des auteurs pour Harlequin et dans le même temps, par bonheur il y a Christian Bobin, Stephen King, Marie NDiaye et tant d’autres…
Avec les livres, notre habitude est si grande, les racines de notre regard remontent à si longtemps que l’on n’a aucune difficulté à faire la part des choses. On sait immédiatement que des catégories existent. Et qu’à l’intérieur de ces catégories existent encore d’autres éléments de distinction qui nous aident à nous orienter. Cette affaire commence à apparaître d’ailleurs dans les jeux, au travers des chartes graphiques et des formats de boîtage. Une identification qui ne parle plus tant aujourd’hui d’un éditeur ou d’un autre mais davantage des catégories de jeux offert et des publics ciblés.
En tout état de cause, il y a un marché pour toutes choses, y compris donc dans le jeu de société.
Ce qui me désole par contre, c’est lorsque les grands succès commerciaux vont à des productions médiocres. Ce qui me désole plus encore, c’est que bien évidemment, les grands succès commerciaux dessinent le paysage pour longtemps et qu’ils donnent à penser qu’un succès doit définir une ligne, une tendance, une vérité. Et cependant, un succès n’est qu’un succès… et n’a en général rien de plus à nous apprendre que cet étonnant hasard qui l’a placé si haut dans l’affection de beaucoup de personnes.
Nous avons juste beaucoup de travail devant nous !
4 B) Le jeu, qui se veut de plus en plus un art, par ses acteurs professionnels, mais qui n'a pas selon moi cette réelle critique, cette analyse, cette vision extérieure que doit avoir un art.
On retrouve généralement dans les articles de jeux, les miens y compris d'ailleurs, une description de la mécanique, et puis un avis subjectif sur l'esthétisme, la mécanique mais sans une réelle pensée sur ce qu'est le jeu, comme André Bazin l'a fait pour le cinéma, l'un des rares soit dit en passant.
Quel est votre point de vue à ce niveau là ?
Trouvez-vous d'ailleurs cette source de critiques de qualité dont vous nous parlez?
Est-ce la faute aux médias ludiques qui ne veulent pas se donner la peine d'aller chercher plus loin ou bien aux auteurs et éditeurs ne pas penser le jeu comme une vraie création ?
Je viens de tenter de répondre à ces questions tout au long des 200 pages de ce bouquin Auteur de Jeux qui vient de sortir. Je vais sans doute avoir du mal à le faire en quelques lignes !
Disons pour aller vite que parler du jeu comme d’un art à part entière, comme nous venons de le faire l’un et l’autre, relève pour le moment d’un souhait, d’un désir. Peut-être même d’un combat à moins qu’il ne s’agisse à ce stade que de pensée magique ! Car on n’y est pas encore, loin s’en faut. Tout le reste : critique, vision, analyses, pertinence du regard et commentaires avisés découleront de ce positionnement artistique qui doit être placée au premier rang des intentions des auteurs (j’écris bien “intentions” et non pas “revendications” !) et bien entendu des éditeurs.
C’est ce qu’ont fait il y a cinquante ans les auteurs de B.D. que l’on méprisait, que l’on ignorait et qui étaient ravalés au rang de griffonneurs pour enfants attardés. Quelques grands artistes sont apparus dans ce milieu. Reconnus comme tels dans et au-delà du milieu. Tous les autres se sont rangés derrière cette bannière. Cette affaire a débuté aussi simplement que ça. Et il en a été de même pour le cinéma au début du XXe siècle d’ailleurs.
Mais en effet, pour le moment il n’y a pas d’André Bazin ou de Serge Daney dans le jeu. Et il est désolant de voir qu’il y a pléthore de chroniqueurs qui ne manquent pas de savoir-faire pour commenter des meubles en kit, des plats cuisinés dégueulasses ou des bagnoles… Pour le jeu, nada ! Personne ne semble avoir réalisé qu’il y a cinquante millions de personnes qui jouent à quelque chose dans ce pays et que ce fait sociologique mériterait bien un petit effort d’attention ! C’est sur ce terrain que je me place. Mais personne n’est fautif. Nous avons juste beaucoup de travail devant nous !
5) Vous avez connu un énorme succès avec Abalone, un long-seller qui vous permet si j'ai bien compris d'être dilettante depuis de nombreuses années et de réaliser d'autres projets.
Tom Vuarchex, avait décidé de prendre un peu de distance avec le monde ludique, pour se renouveler par la suite avec brio en tant qu'illustraphiste.
Qu'est-ce qui vous a motivé, vous, pour continuer à réaliser d'autres projets comme agent, développeur, l'écriture etc...
Ce sont les gens avec qui vous travaillez ? Les rencontres que vous faites tous les jours ? Les amis avec lesquels vous allez boire un verre les soirs de festivals ?
Le challenge de réaliser un nouveau grand succès un jour ?
En somme qu’est-ce qui vous fait vous lever chaque matin ?
Vous avez raison de revenir sur le terme « dilettante »…
Alors évacuons tout de suite un malentendu : ce dilettantisme ne résulte pas d’un éventuel succès ou de la supposée aisance financière apportée par un succès. Il l’a précédé de tous temps. Et il n’a bien entendu rien à voir avec le fait de vivre de ses rentes ! Ce qui n’a d’ailleurs jamais été mon cas. Ce dilettantisme, c’est d’abord un état d’esprit. Une manière très radicale d’exercer ses Droits de l’Homme : envoyer balader tout ce qui nous freine, nous entrave, nous contraint, nous renvoie aux : « C’est idiot ! C’est impossible ! C’est inutile ! »
Alors, d’accord : tout est idiot, tout est inutile, tout est impossible… sauf le désir qui nous tenaille et sauf le plaisir qui peut naître dans les hasards d’une telle démarche.
Si l’on parle des succès, il est vrai qu’à une époque Abalone a représenté beaucoup plus d’argent qu’il n’en faudrait pour vivre très confortablement. Ce qui vous amusera peut-être, c’est de savoir que pendant vingt ans, cent pour cent de cet argent a été injecté dans les projets, dans des développement, dans le soin qu’il faut prendre des jeux pour qu’ils perdurent… Avec Laurent Lévi, nous n’avons pas utilisé cet argent pour nous offrir des maisons ou des bagnoles : nous avons créé des trucs et des machins ! Tout cela a bénéficié à d’autres auteurs parce que nous souhaitions remporter avec eux des paris impossibles : jeux décalés, jeux trop innovants, marchés fragiles ou impossibles à stabiliser… Des paris ! Des lubies !
Des envies d’imposer des innovations ou des évidences ! L’envie de jouer aussi ! Avec une devise qui, je le reconnais, sonne un peu comme un constat désespéré : « On n’est pas à l’abri du succès ! » Mais c’est ainsi que les choses doivent être faites. On les fait, on y met tous ses efforts, on s’en débarrasse puis on passe à autre chose. Si tel ou tel s’est emparé du projet et le vend convenablement tant mieux. S’il ne le vend pas, tant pis ! Si le succès est au rendez-vous, on se dit que c’est bien mérité. Mais pas au point de croire que c’est une dette ou un dû…
Si j’en crois une rumeur bien répandue, créer serait une forme de maladie honteuse de l’esprit ! Bien possible. On m’a pas mal bassiné avec ça quand j’étais môme. Et si je devais croire quelques-uns de ceux qui n’ont jamais travaillé pour d’autres raisons que de s’enrichir ce que j’ai fait en cherchant tout à fait autre chose s’apparente à de la connerie pure et simple ! Bon… Chacun son truc !
Ce n’est pas l’argent qui permet de faire ce que l’on aime faire. C’est faire ce que l’on aime faire qui de temps à autres peut rapporter cet argent dont on a besoin pour vivre. Et d’ailleurs jamais de manière aussi massive que certains ont pu le croire. Et pas non plus sans secousses ! Mais je crois que je serais incapable de me lever le matin avec pour seule perspective de relire le même chapitre d’un même livre que j’ai déjà lu la veille et que j’ai déjà lu vingt fois au cours des mois écoulés !
Alors bien entendu, on se casse la gueule. On est en butte à l’incompréhension de ceux qui vous entourent, mais quoi ? C’est un incroyable privilège de pouvoir exercer cette version des Droits de l’Homme consistant à envoyer aux pelotes ce qui ne nous amuse pas et c’est tout à fait stimulant de croire qu’on sera toujours assez léger pour pouvoir s’envoler à l’annonce des bourrasques ! Et savoir qu’on y échappera, quoi qu’il arrive ! Cette maladie honteuse, qui n’est rien d’autre que la poursuite d’un rêve incertain, est sans doute incurable. Mais en pastichant Cioran je dirais volontiers que ce qui n’a jamais cessé de m’intéresser, c’est de bricoler dans cet incurable-là !
6) Avant de continuer, j'aimerais retracer votre parcours de manière un peu plus linéaire.
6 A) Que faisiez-vous avant la création d’Abalone, étiez-vous déjà dans le monde du jeu ?
Non… Oui… J’ai envie de dire les deux choses à la fois, car tout se rejoint ! Mais si l’on doit séparer les choses, on peut admettre que j’aurais eu trois vies professionnelles avant Abalone.
Tout d’abord la chanson, la musique, la scène. Pendant assez longtemps d’ailleurs, le contrebassiste qui jouait à mes côtés a été un certain Laurent Lévi ! Je suis certain qu’à cette époque, nous ne parlions pas de jeu. Mais nous avons par contre appris à jongler avec les notes comme avec les idées ! Ensuite, les mystères des amitiés et des rencontres m’ont placé dans le cabinet d’un ministre comme rédacteur d’une mission sur l’organisation du système de santé.
En sortant de là, j’avais acquis à coup sûr quelques savoirs dans ce domaine ! J’ai été aussitôt recruté par la petite équipe qui allait créer La Revue Prescrire, ce mensuel toujours bien vivant, indépendant des laboratoires pharmaceutiques et qui s’intéresse au médicament et au soin.
Puis, un an plus tard je me suis retrouvé à diriger l’organisation qui était à l’époque propriétaire de Prescrire, une sorte de monstre hybride, associatif et méta-syndical constitué de près d’un millier d’associations et de plusieurs dizaines de milliers d’individus, en charge de la formation professionnelle des médecins. Ça semble loin du jeu… mais ça ne l’est pas tant que cela. Travailler sur les Lois, sur les organisations de système ou sur des évolutions d’organisations humaines n’est pas tellement éloigné de la réflexion que l’on doit avoir lorsqu’on envisage des règles de jeu. Une règle de jeu, c’est à la fois une Constitution, un codex législatif et parfois, ses annexes de jurisprudence ! Il faut que ça tourne rond ! Il y faut aussi le maximum de simplicité et un haut degré d’acceptabilité. J’ai fait mes classes dans le jeu en jouant à la politique !*
Les fins du mois revenaient sept jours par semaine !
Mais c’est avec la troisième vie professionnelle que j’ai rejoint mes vrais rêves de jeu : en 1982 les PTT, ancêtre de France Télécom, mettent massivement le Minitel à disposition gratuite des Français. C’est le premier pas vers le monde interconnecté que l’on connaît aujourd’hui et j’ai pris le bateau en marche, dès l’origine, en passant du temps sur les bancs de l’école à Sup-Élec et à Sup-Télécom pour une jolie mise à jour ! Merci la formation continue ! Conséquence, en 1985 j’ai laissé tomber la Santé pour bosser à la création de services télématiques, création de bases de données, petites trouvailles autour des réseaux d’échange et des messageries… Cet univers avançait au-dessus du vide à l’allure d’un bolide fou ! Il ne se passait pas une journée sans qu’ici ou là, quelqu’un invente un truc, repris aussitôt par tous les autres ! Les informaticiens et programmeurs devenaient dingues de bonheur et de manque de sommeil !
Les rédacteurs ou développeurs de projets dont je faisais partie souffraient des mêmes dérèglements ! C’était un univers neuf, tonique, inventif, débridé. Et les petits malins qui ont enfourché la monture du Minitel Rose ont fait du fric, beaucoup de fric, avec tout ça. Tant et si bien que très vite, ce minitel qui était merveilleusement multicolore est devenu très majoritairement rose ! C’était tout de suite moins marrant !
La manière de tenter de lutter contre cet envahissement du cul stérile et tarifé a été pour moi de proposer des jeux. Des petits jeux simples, à jouer seul chez soi et aussi des grands jeux, où l’on incitait les gens à débrancher leur Minitel pour aller cavaler dehors, dans les rues et dans les bars, quitte à revenir plus tard nous raconter. C’était drôle, mais évidemment, ce n’est pas de cette façon que les opérateurs pouvaient gagner de l’argent ! Toute cette gamberge – menée là encore avec Laurent Lévi qui était un formidable designer de site et un formidable développeur d’interfaces entre machine et usager – nous a fermement ancré dans le jeu, les vrais jeux. Ceux que l’on joue pour de vrai, sans la barrière de l’écran gris et froid dont nous avions largement soupé !
Si je fais de nouveau un pas en arrière, je mesure qu’il serait sans doute fastidieux de s’attarder sur les mille et un métiers que j’ai exercés avant cela… Mais durant mes dix années de chanson, j’avais des épisodes réguliers de creux. De creux de travail et donc de creux d’estomac ! D’ailleurs même durant les périodes où je chantais régulièrement, il y avait du tangage : les cachets de misère ou les cachets jamais payés ! Ceux perdus dans un taxi, ou volés par Dieu-sait-qui ou dépensés d’un coup dans un quelconque restaurant bien trop cher pour nous, histoire de régaler les copains !
Comme l’a chanté Léo Ferré, les fins du mois revenaient sept jours par semaine ! Alors, j’ai bien évidemment fait tout un tas de métiers très épisodiques. L’époque le permettait. Il était facile de trouver un job en cinq minutes et tout aussi simple de le quitter. Mais c’était bien. J’ai adoré ça.
Il suffit parfois à ces âges-là d’être chauffeur de maître durant deux semaines ou archiviste ou cuisinier ou garçon de café ou vendeur d’encyclopédies à la noix ou écrivain public pour croire que l’on sait tout de ces métiers que l’on vient de découvrir !
On ne sait pas tout bien entendu, mais on en sait assez pour en comprendre la dureté et pour découvrir le plaisir et l’intérêt réels qu’il y a à s’immerger dans d’autres réalités que celle où l’on barbote d’ordinaire ! La découverte de quantité d’univers aussi différents est à mon sens une grande chance et une grande richesse qui peut irriguer notre pensée durant de longues années et qui aujourd’hui irrigue encore les petites histoires que j’écris.
6 B) Par votre précédente réponse, je comprends que vous n'avez jamais cessé de travailler (si vous acceptez ce terme), mais le succès chez de nombreux auteurs s’accompagne bien souvent d’une forme de dépression, légère pour certains, plus importante pour d’autres.
Est-ce que cela a été votre cas également ou vos nombreux projets ont permis de passer ce cap plus facilement ?
Je ne crois pas être particulièrement sujet aux états dépressifs… mais il est sûr que les années Abalone n’ont pas été un fleuve tranquille.
Ça a plutôt ressemblé à un match de boxe durant lequel nous avons été tour à tour debout, vaillants, gagnants, au sommet…
Et puis sonnés, à terre, dépouillés, ruinés. Espérances et désillusions ! Des hauts et des bas, avec des émotions formidables, avec des retours de fortune et de nouveaux naufrages ! Vous multipliez ça par vingt-cinq années et vous le multipliez encore par la quarantaine de pays dans lesquels le jeu – ou les gens – ont eux aussi des hauts et des bas. Dès lors, pas de surprise : il y a des vagues ! Mais ça ne crée pas de dépression pour autant.
Heureusement d’ailleurs.
Parce que les farces tragi-comiques ne manquent pas si l’on s’implique dans la mise en chantier d’un si grand nombre de projets. On les retrouve avec une belle fréquence : pour tel jeu tout se passe bien, mais le bateau qui le transportait va couler en Mer du Nord ! Pour celui-là tout va pour le mieux, mais les usines tombent en panne et aucun colis ne sort ! Pour un autre, tous les feux sont au vert, mais des sagouins sortent une copie dans la semaine qui précède sa mise en place dans les magasins ! Ou pour tel autre encore les référencements commerciaux sont annulés à la dernière minute pour des raisons qu’on ignorera toujours… J’en passe et de plus gratinées ! Mais tout cela est pour ainsi dire de l’ordre de la statistique : si dans ce que l’on fait il doit y avoir dix pour cent de galères imprévues – ce qui somme toute est assez peu – cela ne fera QUE dix déconvenues quand on se prépare à l’édition de cent jeux !
Or, le bilan de Week End Games en vingt années d’activité est de plus de deux cent jeux édités. Calculez vous même : ça fait au moins vingt galères d’édition, sans parler de tous les jeux qui n’ont même pas pu faire le chemin pour pouvoir être presque édités ! Ce ne serait pas raisonnable de sombrer dans la dépression pour des raisons statistiques !
Mais je dois confesser que j’aime assez le récit des ratages en tous genres. Il est plus amusant que celui des succès. Le récit des ratages fait rire votre auditoire. Celui des succès vous vaut seulement de passer pour un cuistre
7) Venons-en à votre activité d'agent.
7 A) J'ai l'impression, et vous me corrigerez si j'ai tort, que vous avez été le seul agent du monde ludique pendant de nombreuses années.
Comment définiriez-vous ce métier tout d'abord ?
Puis comment avez-vous perçu l’arrivée de nouvelles têtes comme celle notamment de Gaetan Beaujannot avec Forgenext il y a maintenant 7 ans ?
En France le seul et le premier, oui. Au début des années 90, nous étions trois dans le monde : Bar David à Tel Aviv le plus ancien d’entre nous, Week End Games en 1992 et Howard Jay Fleicher à New York qui a démarré son activité peu de temps après. Aujourd’hui eux continuent. Moi, j’ai arrêté. Dans ce « moi » j’associe Laurent Lévi, même si l’essentiel de son activité dans notre société n’a jamais été strictement celle d’agent ou de metteur au point des jeux, mais davantage celui de promoteur de commerces (nous avons eu des magasins en série !) ou de productions (nous avons réalisé et fabriqué quantité de jeux pour le compte de tiers !) mais c’était bien sûr une activité assumée collectivement.
Il faut dire pour commencer que ce métier d’agent n’en était pas un. Au début, il y a seulement deux garçons émerveillés par le succès d’un jeu dont ils sont à l’origine (Abalone) et dont la percée sur les marchés internationaux est fulgurante. Quelques années plus tôt, les gens nous jetaient dehors à coups de pieds mais avec ce succès, d’un coup ils se mettaient à nous ouvrir grand leurs portes, leur table, leurs amis, leurs banquiers même si on en avait voulu ! C’est là que j’ai commencé à avoir dans mes bagages des jeux qui me plaisaient beaucoup, créés par des auteurs français qui n’avaient aucune notion de ce qui se passait au-delà des frontières et qui n’avaient surtout aucun accès aux décideurs des maisons d’édition. Nos nouveaux amis de ce monde merveilleux de l’édition voulaient-ils nous brosser dans le sens du poil ? Alors d’accord, mais ils allaient devoir s’acquitter en retour d’une petite dette : ouvrir leurs collections et ouvrir leurs marchés aux auteurs Français !
Il faut se souvenir qu’à cette époque, les frontières, même en Europe, existaient. Les marchandises circulaient peu ou pas du tout. Il en était de même pour les personnes. Aucun Français par exemple, n’avait la moindre idée de ce qu’était le marché du jeu en Allemagne et je crois bien qu’aucun d’entre eux n’avait jamais mis les pieds sur un salon comme celui d’Essen. Et évidemment ils n’avaient pas la moindre notion de ce qui se faisait en Espagne, en Italie, en Suède, en Pologne et pas davantage aux USA ou en Corée… Et croyez-moi, chacun protégeait son marché !
Cette activité d’agent a débuté doucettement, comme celle d’un service qu’on rend à un copain. Je promenais un jeu avec moi. Je le montrais. Un éditeur le voulait. On signait quelques papiers et l’affaire démarrait. Et comme ce n’était pas un business fait dans l’esprit du développement d’un business, les conditions que nous faisions aux auteurs leur étaient extrêmement favorables. Week End Games a, dans cette lancée, toujours travaillé avec les pourcentages les plus bas de la planète en matière de commissionnement d’agence !
Et puis donc, assez rapidement, d’autres auteurs sont venus nous trouver et surtout, des éditeurs comme Hasbro, Ravensburger ou d’autres ont pensé qu’il serait plus rentable financièrement ou plus sûr juridiquement d’avoir un sas d’entrée et de triage pour les projets d’auteurs qui leur étaient adressés. Donc, ces sociétés renvoyaient systématiquement les auteurs de jeux vers nous plutôt que d’avoir des services en interne et nous faisions le boulot. Et je dois dire qu’ils avaient raison les malins, parce que durant quelques années nous avons dû rémunérer une voire deux personnes à plein temps pour ouvrir les enveloppes, en évaluer les contenus et, souvent, retourner les projets aux auteurs non sans leur donner des pistes, des indications, des directions à suivre pour améliorer leurs idées de jeux.
Dans ce métier d’agent tel que je l’ai pratiqué il y a plusieurs sous-métiers bien différents les uns des autres.
Celui de la réception et de l’évaluation de quantité de projets que je viens d’évoquer tout d’abord. Ce n’est pas le plus gratifiant, mais on ne peut pas s’y soustraire. Pour faire bref, il y a trois catégories d’auteurs qu’on peut distinguer ainsi : trois pour cent sont des auteurs, dix pour cent pourront peut-être le devenir, les autres ne le seront jamais. Le plus grand nombre de ces derniers est aussi le plus délicat à accompagner !
Car le plus souvent il s’agit de personnes qui aiment le jeu et les jeux, qui le pratiquent, qui entraînent avec eux leurs famille et leurs amis, et qui ont la ferme conviction qu’ils peuvent apporter quelque chose de nouveau parce qu’ils ont bidouillé un vieux truc et qu’il l’ont joué avec leurs copains. Ce quelque chose de nouveau c’est souvent – j’ai vu ça cent fois – d’ajouter un dé au Scrabble pour déterminer la distribution des lettres ou bien de mixer les ingrédients de deux succès, en étant certain que si un jeu était « comme Monopoly » et en même temps « comme Trivial Pursuit », il se vendrait à des centaines de millions d’exemplaires. Ces personnes n’ont en général aucune notion de ce que sont les exigences de l’édition et elles sont convaincues que la clef consiste à démarquer un succès pour avoir soi-même un succès.
À ce petit jeu et à cette époque en tout cas, même les éditeurs qui s’amusaient à ce genre de démarquage s’y cassaient les dents ! Mais ces personnes qui nous adressaient leurs petites trouvailles sont des acteurs essentiels du jeu. J’ai toujours plaidé leur cause auprès des éditeurs qui avaient tendance à les maltraiter quelque peu en leur expliquant que ces doux rêveurs étaient LEURS CLIENTS ! Ceux qui aiment le jeu, qui le font vivre et qui les faisaient vivre eux ! Il y a là une exigence de respect et de… gentillesse ? Oui, osons le mot, car c’est exactement ça : nous avons le devoir d’être gentils avec ces personnes.
Car la vérité est que les éditeurs NE SAVENT PAS CE QU’ILS VEULENT !
Mais restons sur la première catégorie et je ne vais parler ici que des auteurs accomplis à savoir celles ou ceux qui possèdent une réelle culture du jeu, qui ont des idées, qui ont une colonne vertébrale et finalement, un style. Le travail de l’agent vis à vis d’un tel auteur consiste parfois à prendre ce qu’il propose, tel qu’il l’a fait, parce que c’est une évidence et qu’il n’y a rien à retrancher ou à ajouter. Souvent toutefois, le travail de l’agent va consister à ouvrir l’esprit de cet auteur sur une réalité qu’il ne connait pas : le jeu est un marché multiforme, dominé par des marottes, des tendances, des marqueurs culturels. Et dans chaque pays, chaque éditeur a des marottes, des positionnements, des axes de travail, un public....
Un très bon jeu d’un très bon auteur peut ne correspondre à aucun marché potentiel ni en France, ni en Allemagne, ni en Angleterre. Le boulot de l’agent est de savoir qu’en faisant bouger une ou deux virgules dans son système ou dans sa présentation, on peut espérer correspondre à l’attente d’un éditeur au Japon ou au Brésil… Mais ce n’est pas la panacée et je n’ai jamais forcé un auteur à changer l’esprit de son projet pour tenter de coller à un marché potentiel. D’abord parce que dans ma conception du monde, l’auteur doit demeurer souverain. Mais aussi, parce que ce n’est pas tout à fait comme cela que les choses marchent. Car la vérité est que les éditeurs NE SAVENT PAS CE QU’ILS VEULENT ! À la fois, ils veulent des jeux qui correspondent à leur image, à leur marque, à leur ligne, à leurs capacités de marketing… mais ils veulent aussi des succès. Ce qu’ils oublient toujours, c’est que pour faire un succès il faut être DIFFÉRENT ! Il faut être hors marché, hors normes, hors image, hors habitudes et hors usages établis.
Ces jeux hors normes ne conviennent pas très bien aux éditeurs établis qui ne savent généralement pas par quel bout les attraper. Donc très bien ! Une fois admis que les éditeurs ont surtout besoin de jeux qui leur ressemblent, et une fois admis que nous savons faire ces jeux pour les insérer dans des gammes et dans des “lignes de produits”, il n’y a plus qu’à.…
À ce stade on bricole un peu, on ajuste, on fait trois versions différentes ou dix s’il le faut et on vend le truc. On tâche également de ne pas trop s’y attacher ! Cette approche a constitué pour une part le travail de l’agent que j’ai été. Parce que c’est à cet endroit précis que je pouvais peser économiquement et permettre à un auteur de gagner un peu, beaucoup, énormément d’argent selon comment les choses pouvaient tourner. Et je n’ai jamais oublié cette notion fondamentale : mon but et mon rôle étaient de permettre dans toute la mesure du possible à des auteurs de vivre de leur métier. Et donc, nous avons ainsi réalisé quantité de jeux, destinés à briller dans des gammes établies. Ces jeux ont pu faire de bons succès et jouir de l’estime du public, des commentateurs, des professionnels, parce que l’idée était toujours de faire quelque chose d’honnête, d’intéressant, de solide et d’un peu original. Mais bien entendu ce qui est réellement excitant, c’est quand le projet d’un auteur est hors norme. Dans ce cas, il faut tout garder, même si à l’évidence, il n’y a pas de marché. Et j’ai cette expérience où l’on trimballe un même jeu dans ses valises durant trois ans, cinq ans, dix ans… Et le malheur, c’est que beaucoup ne verront jamais le jour.
Mes étagères sont pleines des larmes de ces jeux qui n’ont jamais vu le jour ! Auteurs comme éditeurs ne doivent jamais oublier qu’il n’y a jamais de marché pour des jeux hors normes mais ils devraient aussi s’efforcer de se souvenir que seuls ceux-là peuvent créer la surprise de devenir des succès. Toutefois n’est pas hors norme qui veut ni qui croit… De tels jeux doivent avoir des personnalités si fortes qu’elles pourraient à elles seules justifier de la création d’une maison d’édition spécifique. Exemple de Magic. Exemple de Dixit. Exemple des Loups Garous. Exemple d’Abalone bien entendu…
Mais dans un cas comme dans les autres, ce que l’agent doit faire sans cesse, c’est de consoler, de rassurer, de relancer… Car tout est si lent ! L’édition des jeux procède d’un cycle annuel immuable. Si l’on rate le cycle de quelques semaines, le projet prendra tout de suite une année de retard. Si le type ou la fille chargé(e) de ce quelque chose dans la dite maison d’édition n’a pas fait en temps utiles ce qui devait être fait, parce que son gosse a été malade ou que sa vieille maman a des soucis, on peut également sortir du cycle. Avec une année de retard supplémentaire, l’intérêt réel du jeu peut s’émousser et l’intérêt de l’éditeur à le faire peut faiblir. D’un côté donc, il faut s’efforcer de maintenir le projet au dessus de la pile chez l’éditeur et de l’autre expliquer à l’auteur, qui est très légitimement impatient, que tout va bien, que tout est normal, que rien de grave ne risque d’arriver, etc. La vérité vraie, c’est que rien n’est normal ! Que c’est grave ! Et qu’un retard peut gâcher irrémédiablement un projet. Mais c’est bien ainsi que marchent les choses…
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7 B) Gaetan Beaujannot m'expliquait d'ailleurs récemment que malgré l'explosion d'activités depuis quelques années pour sa société Forgenext, il devait continuer d'investir des fonds propres.
Dois-je comprendre que c'est également votre cas avec Week End Games ?
Si oui, pensez-vous qu'un jour cette activité d'agent du monde ludique sera bénéficiaire ?
Pardon, je n’ai pas répondu à votre question précédente quant à l’arrivée de Gaetan Beaujannot et de Forgenext. Je dois avouer que je ne le connais pas personnellement, que je n’ai jamais échangé avec lui et que je ne sais pas comment il envisage les choses. J’espère d’ailleurs avoir un jour l’occasion de le faire. Ce que je peux dire toutefois, c’est que sa démarche m’a semblé courageuse. Au moment où il démarrait cette activité, j’envisageais pour ma part de la quitter. Et je l’ai quittée parce qu’à mes yeux les conditions économiques ou même seulement parce que la structuration du paysage du monde du jeu avaient changé si fortement que mon activité, telle que je l’envisageais, n’était plus ni utile ni rentable. Je m’explique : j’ai pratiqué cette activité dans un univers fermé, opaque, cloisonné, où l’on communiquait peu, où les nouveautés mettaient un temps fou à nous parvenir, où les jeux ne circulaient presque pas d’un pays à l’autre. Cet état de fait rendait absolument indispensable qu’existent des gens comme moi, connaissant les marchés, connaissant personnellement les acteurs et qui voyageaient sans cesse. Les auteurs, souvent isolés, en avaient besoin. Les éditeurs également. Aujourd’hui, nous vivons tous dans une maison de verre et de surcroît, d’un verre poreux. Le contact avec tous et chacun est possible, facile et immédiat. La production et même les projets des uns et des autres sont instantanément visibles. Les lieux de rencontre et de partage se sont multipliés par cent. Les jeux édités circulent à toute vitesse et les propositions que chacun peut faire aux éditeurs prennent le temps d’un clic de souris.
Sur les marchés eux-mêmes, les spécificités culturelles se sont amoindries. Un jeu créé aujourd’hui en Italie a vocation à circuler dans toute l’Europe. De même pour le jeu suédois, le jeu portugais, le jeu irlandais, etc… Conséquence, les différences culturelles sont réellement rabotées. Or et au delà même de l’intérêt émotionnel ou intellectuel que l’on peut trouver à ces différenciations, c’étaient elles qui permettaient à peu près toujours de réussir à éditer un jeu, même s’il ne devait se vendre qu’à quelques milliers d’exemplaires.
Creusons une seconde ce point : aujourd’hui les jeux n’ont plus à proprement parler de spécificités culturelles au sens traditionnel du terme : culture d’un peuple ou culture d’une nation. Ils ont par contre adopté la spécificité culturelle des marchés de niches, une multitude de micro-cultures propres à des groupes de joueurs, dont c’est un des marqueurs de leur cosmopolitisme. Dans toute l’Europe, il y a des niches de joueurs pour s’intéresser à des jeux « comme Jungle Speed » ou « comme Puerto Rico », ou « comme Catane »… Et ainsi, les jeux de niche sont-ils diffusés simultanément dans toute l’Europe à partir d’un même point de départ à usage quasi exclusif de ces niches. Ce mouvement s’effectue dans une formidable réciprocité entre les acteurs de cette édition, au départ de chacun des différents pays.
Ajoutons un autre élément très important : il n’y a pas si longtemps, il était quasiment impossible de lancer le tirage d’un jeu à moins de 5.000 exemplaires. Impression, façonnage, mise en route des chaînes de montage… toutes ces opérations étaient coûteuses, laborieuses et demandaient une très grande technicité du côté des fabricants mais aussi du côté des donneurs d’ordre. Désormais, un fichier PDF suffit au donneur d’ordre et les méthodes de fabrication permettent de produire les jeux par centaines et non plus par milliers. Ces trois facteurs – transparence et accessibilité des acteurs ; transformation des marchés nationaux en marchés de niche et production à basse intensité en termes de technique et de volume – ne sont pas sans conséquences.
L’une d’entre elles est la multiplication du nombre de jeux édités. Secondairement, une autre est la multiplication de micro sociétés qui se sont créées du fait de l’accès facile à ces fractions de marché, ciblées et identifiées. Le nombre croissant des références et des genres provoque à son tour l’explosion du nombre de niches. Ces facteurs mis ensemble favorisent de nouveaux modes de distribution (comment un magasin de jeux pourrait-il s’y retrouver s’il devait financer des stocks pour les plus de mille références nouvelles qui s’ajoutent chaque année à d’autres milliers déjà présentes issues des années précédentes ?). Ceci plus le reste aboutit à ce que chaque jeu nouveau fait l’objet d’un tirage qui ne se compte plus qu’en centaines d’exemplaires, la moitié de ceux-là servant au marché intérieur du pays où le jeu est né, le solde étant revendu dans les pays voisins, souvent à bas prix, parfois dans le seul but d’amortir les coûts de production. Le résultat, par l’effet de ce mouvement de réciprocité brownienne qui a saisi tous et chacun, aboutit à une difficulté croissante de rentabilité. Pas pour les diffuseurs, qui ont toujours la possibilité de vendre par wagons des jeux nouveaux, mais pour les éditeurs et partant, pour les auteurs.
Cette évolution des choses, que je ne critique pas en tant qu’elle favorise l’apparition d’une relative diversité mais surtout d’une réelle très grande qualité, a rendu à mes yeux mon savoir faire totalement inutile. D’une part personne n’a besoin d’un agent quand il a deux mille amis dans le milieu du jeu sur Facebook à travers le monde et qu’il dispose de l’agenda de mille salons à travers l’Europe et d’autre part, personne ne voudrait concéder vingt, trente ou cinquante pour cent à un agent avec pour seule perspective de vendre quelques centaines d’objets.
J’ajoute que mettre un jeu au point est un travail de longue haleine. C’est moins compliqué qu’un tractopelle ou qu’un avion bien sûr, mais ça ne se fait pas en deux jours. Ce travail, qui ne peut être fait que dans la durée, est coûteux et on ne peut pas le multiplier à l’infini.
Le catalogue de Week End Games était d’environ cinquante projets de jeux aboutis chaque année (ce qui est déjà énorme car cela supposait, outre les centaines d’heure de travail avec les auteurs, la production artisanale de plusieurs centaines de prototypes pour alimenter les éditeurs intéressés par les projets). Seuls une dizaine de ces projets trouvaient à être édités dans les meilleures années (ce qui semblait toujours trop peu aux auteurs !)… Mais aucun tirage d’édition ne pouvait être inférieur à ces cinq mille exemplaires par pays ou par zone linguistique dont j’ai déjà parlé. Cinq mille en Allemagne. Mais aussi cinq mille au Benelux si le jeu devait s’y retrouver… ou encore cinq mille pour l’édition en langue française. Et ainsi de suite.
Ces jeux, vendus ainsi au prix le plus élevé, permettaient que les royalties payées aux auteurs le soient également au prix le plus élevé de même que les pourcentages revenant à l’Agence pour lui permettre de fonctionner.
Une fois sortis de ces bases de chiffres, ce qui est le cas depuis sept ou huit ans, il me semble que les difficultés à faire vivre une telle activité peuvent être réelles, particulièrement si l’on s’intéresse à des vrais jeux et pas à la production du prêt à jeter des périodes de Noël.
Et pour répondre à la dernière partie de votre question, cette activité a toujours été bénéficiaire pour Week End Games. Lorsque parfois cette société a connu des difficultés, celles-là sont survenues sur d’autres terrains que la stricte activité d’Agence d’Auteurs, telles des factures impayées de jeux manufacturés, ce qui a pu arriver quand nous produisions directement les jeux pour divers distributeurs.
En dehors de la gestion du catalogue, j’ai complètement mis en veilleuse cette activité d’agence lorsque le paysage s’est d’abord modifié puis figé comme je viens de l’indiquer.
8) Deux questions me viennent... mais je crois que c'est le moment de parler de votre alter ego, celui que vous m'avez déjà cité à plusieurs reprises depuis le début de cet entretien : Laurent Lévi. Associé ? Ami ? Compagnon de galère ? Tout cela à la fois ? Comment le définiriez-vous et comment analyseriez-vous ce que chacun a apporté à l'autre au fil de toutes ces années ?
La seconde partie de notre entretien la semaine prochaine...
Michel Lalet nous parlera de son amitié indéfectible avec Laurent Lévi et Dominique Erhard, de l'histoire d'Abalone, du jeu Diplomatie, du retour à la mode des années 80, d'éducation populaire mais nous débattrons également du sujet de l'art dans le monde ludique...
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