Jungle Speed Safari : journal de bord d'un auteur et explications

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Pressé de donner des explications sur ce mystérieux nouveau “Jungle Speed” multi totems, harcelé par nos équipes et nos photographes et retranché dans son manoir des Cevennes, monsieur Thomas Vuarchex (prounonced vuarchex) a finalement décidé de rendre les armes et de nous expliquer ce que c’est que ce nouveau Jungle. Et alors là ! Stupeur ! Cette histoire d’indiens Pingwaniee était donc une pure farce ourdie par la LIDJA ! La vérité messieurs dames, la voici toute nue :

“- Quoiiiiii ? Encore un Jungle Speed !!! - Non, non, ne partez pas, bande de blasés, laissez-moi vous expliquer la chose …”

GENESE

Il y a environ deux ans, le boss d’Asmodee (qui a depuis enfilé le stetson supersonique) nous propose de travailler sur deux projets, un que je tiendrai secret car son développement n’est pas encore arrivé à son terme, et un autre qui a légèrement dévié de sa trajectoire : Jungle Speed Junior.

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Cette demande de version junior du JS est récurrente depuis de nombreuses années, Yako et moi avons toujours traîné les pieds là-dessus. D’abord parce que faire un jeu de réflexes et d’observation avec un totem à attraper pour petits (4 ans et +) est un vrai casse-tête, ensuite, plusieurs jeux de ce type (sans totem) ont fleuri depuis la sortie de la toute première version de JS et le terrain nous semblait un peu trop balisé. Enfin parce que nous privilégions l’envie de travailler sur des jeux s’adressant également aux adultes … c’est à dire des jeux auxquels nous aurons envie de jouer.

Bien qu’étant des auteurs parfois assez contrariants (qui a dit casse-couilles ?), nous nous sommes décidés à y réfléchir sérieusement afin que notre éditeur retrouve son poil soyeux et son œil vif et enjoué.

CREATION DU JEU

Pour tenter une transposition à destination des plus jeunes, nous sommes partis de quatre principes modifiant le jeu de base :

- Le gagnant final devient celui qui a le plus de cartes à la fin et non celui qui n’en a plus (ce qui est nettement plus logique et instinctif pour des petits)

- Le principe des “duels” est supprimé, lorsqu’il y a une action, tous les joueurs peuvent intervenir (pas facile, pour les plus jeunes, de comprendre qu’ils ne peuvent pas intervenir dans un duel qui ne les concerne pas)

- Un univers graphique figuratif et thématisé.

- Mettre plusieurs totems afin de limiter la violence du jeu.

En ce qui concerne la thématisation, la jungle s’est imposée d’elle-même … justifiant enfin le nom du jeu, une boucle est bouclée !

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Autant, lorsque nous travaillons chacun de nôtre côté, Yako et moi pouvons avoir une force d’inertie rare, autant, et c’est la force d’un binôme, les choses peuvent s’accélérer d’un coup lorsque nous sommes face à face. Une première phase de travail s’est faîte à distance et, lorsque nous nous sommes retrouvés à Paris pour prendre le train vers les locaux d’Asmodee afin de présenter le résultat de notre travail, nous avions un proto de JS Junior mais celui-ci ne nous convainquait pas vraiment. Lors de ce court trajet les idées ont fusé et nous avons modifié toutes les règles, le rendant beaucoup plus fun … et nettement moins junior. Le proto que nous avions imprimé collait avec ces nouvelles règles et nous semblait être à peu près au point. C’est donc finalement cela que nous avons présenté, découvrant le jeu en même temps que l’équipe Asmodéenne.

Même si le cahier des charges n’était pas respecté, puisque le jeu s’adressait plutôt aux 6 ans et + qu’au 4 ans et +, tout le monde s’est enthousiasmé du résultat. Cette version renouvelant réellement le jeu de base tout en étant une filiation évidente.

Il a même été question, durant 12 secondes, de sortir le jeu sans la référence “Jungle Speed” mais tout le monde est vite revenu à la raison. Après tout, pourquoi se priver d’une telle notoriété ?

L’autre écueil à peu près évité, et il était pourtant de taille, est assez cocasse : depuis que Jungle Speed est devenu un bestseller, de très nombreux “JS - like” plus ou moins proches ont fleuri, parfois avec de très bons résultats. Faire un dérivé du JS comporte donc le risque sérieux de retomber sur des éléments utilisés par ailleurs, même en étant de parfaite bonne foi. Cela d’autant plus que les jeux thématisés “jungle” ne manquent pas. L’originalité était donc surtout à chercher du côté de l’assemblage et du dosage des éléments plutôt que sur les éléments eux-mêmes. L’idéal étant, et c’est ce que nous avons fait, de faire sa propre sauce sans se préoccuper de ce qui existe déjà et de voir, après coup, si rien ne ressemblait à ce que nous avions trouvé.

DEVELOPPEMENT DU JEU

Autant la mécanique du jeu a eu un développement extrêmement rapide, autant le développement graphique à quand à lui connu pas mal de rebondissements.

Nous avons découvert, peu avant Cannes 2013, les illustrations finales du jeu. Celles-ci nous ont laissé sceptiques. Non pas à cause de la qualité graphique, là-dessus, rien à dire. Ce qui nous inquiétait, Yako et moi, était que les illustrations ne servaient pas suffisamment le jeu. Nous savons, par expérience, que Jungle Speed, et j’imagine tous les jeux de réflexes et d’observation en général, est extrêmement contraignant graphiquement. Le jeu joue sur les confusions mais la lecture graphique doit rester instinctive et évidente. Quand on commence à trop réfléchir à ce qu’on regarde, ça devient prise de tête et on perd l’esprit du jeu. D’autant plus avec du figuratif qui doit : - rester lisible dans tous les sens et ne pas avantager trop celui qui est dans le sens de lecture de la carte - avoir malgré tout une personnalité forte. Il s’agit d’un dosage assez subtil et périlleux qui nécessite pas mal de réglages.

C’est là, évidemment que notre facette “auteurs parfois assez contrariants” (qui a dit casse-couilles ?) entre en jeu.

Il se trouve que mon voisin et ami, Ludovic Hell, bosse dans le film d’animation depuis fort longtemps et ne demandait qu’à pratiquer ses talents dans d’autres domaines. Convaincus que son style cartoon un peu déglingo pouvait fonctionner, nous avons proposé à Asmodee de le mettre sur le projet.

La forme des totems posait également question. Pour les premiers protos, nous avions coupé des totems du jeu de base en deux faisant apparaître des formes de djembés qui collaient bien au thème. L’autre option, était de faire des petits totems colorés identiques à ceux de JS – Dark & Silver.

Refaire les illustrations et revoir les totems posait un problème de planning de sortie et, évidemment, de surcoût, d’autant plus qu’une nouvelle sortie pour JS n’est pas une mince affaire pour les chefs de projets. Afin de mettre tout le monde d’accord, notre éditeur nous a malgré tout proposé une issue qui ne manque pas de panache : que nous fassions notre version de nôtre côté avec Ludovic au stylet et que l’on se retrouve au Musée de la carte à Jouer lors du Festival des jeux d’Issy. Les deux versions différentes du jeu étaient proposées au public à qui l’on demandait de voter pour leur version préférée.

Un mois ne fut pas de trop pour cravacher Ludovic dans son style Disney Punk. Le résultat nous semble tout à la fait à la hauteur de ce que nous espérions, du moins, c’est ce qu’a pensé le public d’Issy :wink:

Depuis, nous avons présenté le jeu lors de multiples rencontres ludiques (Festival de Toulouse, Parthenay, Fête du jeu de Nîmes, Paris est Ludique, Rencontres ludopathiques …) afin de peaufiner le jeu et de voir les réactions des joueurs … réactions qui nous semblent prometteuses.

- Bon alors, au final, c’est un Junior ou c’est pas un Junior ?

Hmmm !, oui et non …

Cette version, bien qu’en filiation directe avec le jeu de base, s’en distingue sur pas mal de points qui en font, selon nous, une version plus familiale et dynamique, voir peut-être plus moderne. Nous ne renions évidemment pas le jeu de base mais certains défauts sont corrigés dans JS Safari :

la présence de cinq totems, moitié moins grands, élimine les risques d’accident, reproche récurrent du jeu de base. Le fait, en revanche que chaque action implique tous les joueurs maintient un joyeux bordel autour de la table. Les mains s’entremêlent, s’empoignent mais les totems ne volent plus en direction des arcades sourcilières et préfèrent s’enfuir vers le sol.
La thématisation “animaux de la jungle”, la présence de mimes et d’association “cartes animaux”/”totems nourriture” favorise les enfants, même assez jeunes, plus habitués à cet univers que les adultes. Ces derniers peuvent malgré tout compenser ce handicap par quelques rugissements impressionnants bien placés. Par ailleurs, une des conditions sine qua non d’un Jungle speed réussi, selon Yako et moi, est que les adultes continuent à s’approprier le jeu en dehors de la présence des enfants. Nos nombreuses démos dans différents festivals nous ont largement rassurés sur ce point. JS Safari n’est pas un jeu exclusivement junior et reste un jeu d’apéro parfaitement déconnant entre adultes consentants.

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Certaines parties du jeu de base peuvent être interminables en cas de retournements de situation multiples. Dans Safari, le temps de partie n’excède pas les 10 minutes car on ne remet plus de cartes sous son tas de cartes face cachée en cours de partie. La partie dure donc systématiquement le temps de retourner les 42 cartes et d’en résoudre les effets éventuels. D’autre part, il n’y a plus de système d’élimination, tous les joueurs jouent jusqu’à la fin de la partie.

« - Ah bah oui mais le jeu de base je l’ai déjà, y’a pas écrit “Vache à lait” là ! » - Tss ! Tss ! Voilà ce que c’est que de lire les articles en diagonale … Loin d’être une resucée du jeu de base, cette version nous en semble parfaitement complémentaire, assez différente pour renouveler le genre et relancer l’intérêt auprès des blasés du jeu de base, séduire un nouveau public voir même certains réfractaires aux jeu de base (évidemment pas, en revanche, ceux qui collent des 1/5 dans la base Tric Trac tout en claironnant qu’ils détestent les jeux de réflexes, ceux-là sont irrécupérables :o)) …Tout cela, évidemment, dans une pure et totale objectivité :wink:

Que la Jungle soit avec vous …

Et mainteuuuunant le Docteur Mops vous explique le jeu !

Comme dans le “Jungle Speed” de base, les cartes sont réparties équitablement entre les joueurs. Chacun possède donc sa propre pioche. Au milieu de l’aire de jeu, on dispose les cinq totems. Chacun de ces totems est d’une couleur particulière et correspond à la nourriture d’un animal précis.

Le jeu se déroule ensuite comme dans le jeu traditionnel sauf que cette fois, les joueurs vont essayer de gagner des cartes et pas d’en perdre.

Quand un joueur retourne une carte, il va se passer quelque chose en fonction de la nature celle-ci.

Les cartes Normales (12) Ce sont donc des cartes normales. Elles sont très reposantes puisque personne n’a rien de spécial à faire et le joueur qui la retourne la conserve dans sa pile de score (les cartes qu’il a révélé).

Un Animal Affamé (15) Holà ! L’animal a faim. Tout le monde doit essayer d’attraper le totem qui correspond à sa nourriture préférée. Le premier qui s’en saisit gagne la carte.

Un animal en Colère (5). Tout le monde doit imiter le cri de l’animal. Le dernier a le faire perd une carte de sa pile de score. (en fait il faut imiter l’animal. Les gestes sont expliqués dans le jeu mais faire le cri est un petit plus ^^)

Un caméléon (5). Le Caméléon peut avoir deux effets. Les joueurs choisiront en début de partie celui avec lequel ils veulent jouer. L’effet Jungle fait que les joueurs doivent toucher un objet dans la pièce de la même couleur que le Caméléon. Interdit de toucher un élément du jeu, un joueur et d’être à deux sur le même objet. Le dernier a le faire perd une carte. L’effet Speed : Les joueurs tentent d’attraper le totem de la couleur du Caméléon. Le vainqueur gagne la carte.

Un chasseur (5) : Celui qui retourne cette carte devient chasseur et doit poser sa main sur le tas d’un autre joueur. Tous les joueurs peuvent se protéger en posant la main sur leur tas. Si le chasseur réussit à taper le premier sur un tas adverse, il garde la carte Chasseur et vole une carte à l’adversaire. S’il échoue, il se contente de garder la carte chasseur.

Cette fois vous savez tout ou presque !

► Découvrez le site de monsieur Ludovic Hell


“Jungle Speed Safari”
Un jeu de Thomas Vuarchex & Pierric Yakovenko
Illustré par Ludovic Hell
Publié chez Asmodee
Distribution : Asmodee (France)
Pour 2 à 6 joueurs dès 5 ans
Public : Jeunesse et Casual
Durée : 15 min
Disponible : le 27 septembre 2013
Prix conseillé : moins de 20€


Textes de messieurs Thomas Vuarchex et Docteur Mops

4 « J'aime »

J'aime vraiment beaucoup ces articles qui nous racontent l'histoire d'un jeu, passionnant et émouvant aussi !

Merci à vous ;) Et bien sûr, par ici, nous attendons avec impatience ce Jungle Safari !

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Si je peux me permettre, pour les cartes "animaux en colère", on doit mimer l'animal, faire son cri aide le role play mais n'est pas primordial ...

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Tout comme prunelles, j'ai trouvé cet article passionant. Et puis c'est bien de découvrir (pour ma part) que de ne pas respecter un cahier des charges, c'est aussi parfois une bonne chose :=)

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Très chouette papier. Merci Tom.

L'illustration de la carte (le tigre !) est superbe !

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-C'est toi qui a rugit en dernier !

-Non, c'est toi !

-Non, c'est toi !

-Non, c'est toi !

-Non, c'est toi !

Ca donne vraiment très très envie !

C'est vrai que mon mioche de 4 ans veut toujours jouer au Jungle Speed original. Alors je dis oui pour lui faire plaisir, mais c'est super chiant. Les subtilités sont trop fortes pour lui, et niveau réflexe...

Alors que là, ça a l'air très bien pensé, et très fun à jouer. Ce sera un parfait palliatif et un premier pas vers le "vrai" (le seul, l'unique) JS.

Vivement !

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@BriefAeon Le Dr Mops, malgré son professionnalisme qui n'est plus à prouver a lu la règle de travers, comme je l'ai précisé un peu plus haut dans les commentaires, avec les cartes animaux en colère, tout le monde doit mimer l'animal. Les mimes sont définis à l'avance. Perd une carte celui qui a fait le mime en dernier ou, si tout le monde a réagit en même temps, celui qui a fait le plus mauvais mime. S'il est impossible de se mettre d'accord, personne ne perd de carte.

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Chouette article.

Cela renouvelle le jeu sans en toucher l'esprit d'origine. ça donne envie !

Merci Tom !

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@tom vuarchex Ho ! Ça va ! Vous n'allez pas faire comme si vous étiez auteur en plus ! ^^ Je parlais juste de la règle originale pratiquée depuis des millénaires par les indiens Pingwaniee. Il se peut que cette édition diffère légèrement... C'est crédible non ?

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C'est toujours aussi agréable de lire/écouter/voir la plume/voix/corps bien huilé(e) de Tom !

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