Si vous n'êtes pas un fan de jeu abstrait et/ou si vous n'êtes pas là depuis un certain nombre d'année qui dépasse la dizaine, il est possible que Jactalea et Claude Leroy ne soient pas des noms qui vous parlent... Et pourtant, d'une certaine façon, de ces deux noms, découlent une histoire assez étonnante, voir émouvante par certains aspects : Tout part de Mana, un jeu de Claude Leroy donc et que son fils, Timothée Leroy, avec Jalal, son ami d'enfance, souhaite éditer puisque personne d'autre ne veut le faire. Avec rien en poche et depuis le garage de sa maison à Longwy, en Lorraine, Timothée se lance avec Jactalea... et voilà comment des années plus tard, Blue Orange Europe en est là, avec Timothée et Jalal ...
Timothée et Jalal à Essen 2017, des amis de toujours...
C'est donc une boucle étonnante quelque part, dans cette histoire, avec ce jeu qui arrive pour Cannes chez Blue Orange justement : Kang... qui n'est autre que Gygès, de Claude Leroy donc, autre classique disons-le, chez Jactalea et les "joueurs qui savent", qui s'en revient, retravaillé et tout bondissant avec du Hop Hop Hop et que ça saute ! Illustré par Steeve Augier, cette nouvelle version permet d'ajouter une histoire à se raconter pendant la partie.
Quand Gygès saute et boxe...
Dans Kang, il va falloir marquer trois buts en faisant traverser un Kangourou jusque de l'autre côté du bush... mais la finesse vient du fait qu'aucune pièce n'est à vous (hein ?), qu'on ne peut jouer qu'une des pièces les plus proches de votre côté de jeu (ah bon !) et que forcément, un Kangourou, petit (saut d'une case), moyen (saut de deux cases) ou grand (saut de trois cases), ça rebondit les uns sur les autres... ou ça se boxe (pour s'envoyer ailleurs... très très important)... De toute façon le Docteur Mops, spécialiste de la prose ludique, nous a tout bien expliqué ça d'à l'époque du Kang en cuir (si tu cliques sur le lien, tu peux lire)... et même Claude Leroy, en bushman établi, nous a octroyé un magnifique leçon des subtilités qui se cache dans une boite de Kang (si tu cliques sur le lien, tu peux regarder)... Et en fin pour finir, nous avons essayé de mettre en pratique les leçons apprises du maître entre petits scarabées :
Kangourou ?... rien à voir avec le sous-vêtement ?
Comme le dit fort joliment le Docteur Mops, tous les jeux sont abstraits (si, si, réfléchissez bien... tous les jeux sont de fait une abstraction d'une imagination ou d'une réalité). Mais, quand bien même, au départ, il semblerait que les jeux abstraits effraient le joueur qui se dit, automatiquement ou presque, que ça va être un jeu compliqué et que, s'il ne réfléchit pas bien, il sera jugé d'après un syllogisme douteux mais malheureusement courant, bien que parfois inconscient :
Dans un jeu de réflexion (abstrait comme l'appellation populaire le désigne), il faut réfléchir ; Dans un jeu de réflexion, celui qui perd n'a pas aussi bien réfléchi que celui qui a gagné ; Donc si je perds à un jeu de réflexion, c'est que je ne sais pas bien réfléchir... Du coup, il vaut mieux ne pas prendre le risque de jouer... pour ne pas perdre... et ne pas être ou s'auto-juger... Étonnant, non ?
Et bien ce serait dommage de manquer l'occasion d'apprécier la création, l'apprentissage et le simple plaisir de participer, de jouer simplement à Kang. Autant, effectivement, les réflexions et les possibilités s'ouvriront de plus en plus largement au fur et à mesure de l'expérience et des parties jouées, autant le plaisir de manipuler à la fois les pièces et de s'imaginer ses petits Kangourous sautant de ci de là sur le plateau est immédiat. On tente des ouvertures, on se fait deux ou trois chemins et on boxe un Kangourou, histoire de rapidement le placer en position de blocage... et ce plaisir de la découverte est présent dés la première partie, une fois évacué la potentielle pression du basique "faut qu'j'écrase mon adversaire!!!!... sinon, c'est l'humiliation!!!!!". Et dans cette bonne ambiance, lorsque vous commencerez à justement voir les voies s'ouvrir, les enchaînements se mettre en place, vous connaîtrez cette joie, simple et plaisante, ce sentiment de progression qui fait du bien. Kang mérite donc au minimum une première partie, et qui sait, peut-être vous laisserez-vous aller à remettre ça pour la revanche... puis la belle... puis de proche en proche, à une nouvelle manche... et Hop ! Et qu'ça saute !
Nous avons bien sûr profiter de la présence à l'officine de Claude Leroy pour retracer avec lui à la fois ses créations tout autant que son regard sur le monde ludique et il s'est prêté à l'exercice avec une profondeur de propos tout à son honneur. Ce fût un plaisir que de partager ce moment-là, et l'équipe Tric Trac espère que ce sera un plaisir pour vous également de découvrir un grand monsieur. Respect !