[SYNODINGO CE1 CE2][VOCADINGO CM1 CM2]
Si tout s’est bien passé, ce titre a dû vous interpeler, voir même vous faire grincer quelques dents, et c’est parfaitement normal. Il s’agissait d’un piège grossier de ma part, et je m’en excuse, qui n’avait pour but que de vous faire cliquer et j’espère que vous ne m’en voudrez pas. Le but étant bien entendu de vous parler de cette gamme de jeux quasi scolaires que sont les « dingo » (édité par Cocktail Games et Aritma), rassemblé sous la collection Didacool et de vous exposer ma façon de voir la pédagogie en règle générale. Bien entendu l’idée reste de vous narrer tout ceci afin de récolter par la suite votre avis et vos autres pistes, dans les commentaires.
Avec cette rentrée 2015, nous avons vu apparaitre deux nouveaux titres dans cette gamme : Vocadingo et Synodingo. Tous les deux présentés dans les nouvelles boites de métal des jeux Cocktail Games.
Vocadingo
VOCADINGO CM1 CM2
Un jeu de François Guély
Illustré par Muriel Abi Chaker
Publié par Cocktail Games, Aritma
2 à 6 joueurs
A partir de 9 ans
Langue de la règle: Française
Durée: 15 minutes
Prix: 11,00 €
Dans ce premier jeu, les Toms visitent notre planète, les enfants ayant la lourde tâche de les aider à apprendre notre langue, si belle, mais ô combien complexe. La boite comporte 56 cartes carrées, réparties entre les règles, les personnages et surtout les mots. Le but du jeu étant d’avoir le plus de cartes mot en fin de partie. Le jeu permet de choisir entre 4 niveaux selon la classe de l’enfant, différencié par plusieurs couleurs, chacune comportant 25 cartes. A chaque tour le meneur joue contre les autres, celui-ci changeant à chaque fois. On mélange alors les 4 cartes personnages et on tire l’un d’entre eux. Celui-ci déterminera la règle du tour et ce que devront faire les enfants. Le but étant de jouer avec les mots dictés par les cartes. Donc faire deviner le mot sans utiliser les mots de la définition, en parlant ou mimant, c’est le mode Evitemoi. Avec Devine-moi vous devrez faire deviner le mot de la carte en lisant la définition. Avec Anaphrase vous devrez donner une carte à chaque joueur qui devra composer une phrase avec les deux mots, ensuite tous les joueurs votent pour la meilleure phrase. Enfin avec Anagramme les joueurs devront trouver un anagramme du mot désigné par la carte, aidé par la devinette.
Joli et simple à comprendre, Vocadingo permet aux enfants de se familiariser avec plusieurs mots de notre langue française. Les règles permettant de mettre en action les cartes de manières ludiques, et cela, même si les jeux de mots en règle générale ne font pas rêver les enfants. Le design est attirant sans faire trop bébé. Une jolie excuse pour réviser le vocabulaire.
Il est à noter qu’un premier Vocadingo avait vu le jour en 2012.
Synodingo
SYNODINGO CE1 CE2
Un jeu de François Guély
Illustré par Muriel Abi Chaker
Publié par Cocktail Games, Aritma
2 à 8 joueurs
A partir de 7 ans
Langue de la règle: Française
Durée: 15 minutes
Prix: 11,00 €
Pas de prétexte dans ce second titre. Le jeu comporte 103 demi-cartes, organisées en 6 couleurs selon le niveau scolaire de l’enfant, et un animal au design rectangulaire (comme pour les autres jeux de la gamme possédant des demi-cartes). Il faudra être attentif, car chaque carte possède une carte qui lui est synonyme et deux qui lui sont antonymes. Ces cartes reliées entre elles possèdent un même animal ayant la même posture. Le but est encore une fois de posséder le plus de cartes en fin de partie. Mais le jeu propose plusieurs variantes. Une où le meneur change à chaque tour, et tire une carte dont il lit la définition, puis où chaque joueur propose un mot qui y correspond, c’est le Devinemoi. Avec la bataille, le but est de jouer une carte, tous en même temps, à chaque tour et de retrouver parmi les cartes les synonymes. Là encore, le joueur avec le plus de cartes en fin de partie, l’emporte. Le Mistigri propose d’éliminer les cartes synonymes jusqu’à qu’il ne reste plus que le Mistigri. Dans Speedosyno, le but va être d’identifier les deux cartes synonymes ou contraires dans son jeu, où bien de retrouver dans son jeu la carte correspond au texte énoncé par la carte de l’un des joueurs, les deux pouvant alors défausser leurs cartes. Le premier à avoir le plus de cartes l’emporte. Enfin, on termine ce tour avec le rami où il faut avoir 3 paires de cartes synonymes ou contraires, en piochant et défaussant les cartes du talon.
Le fait d’avoir plusieurs variantes permet de renouveler le jeu, pour autant certains modes mettront moins en avant la particularité du jeu : les synonymes. Le jeu permet malgré tout aux enfants de découvrir les synonymes et les antonymes. Graphiquement le jeu fait plus enfantin et aura plus de mal à obtenir les suffrages des grands enfants.
Si ce type de jeux vous intéressent, vous pouvez retrouver d’autres titres portant sur le français ou les mathématiques.
Définition d’un jeu pédagogique
Difficile de véritablement répondre à cette question. Pour certains un jeu pédagogique doit inculquer, souvent à un enfant, des notions scolaires. Tandis que pour d’autres, tous les jeux sont pédagogiques ou presque, car tous nous apprennent quelque chose même si cela est plus discret qu’un alphabet de couleurs sur un plateau. Pour ma part je serais plus du second avis. Et pour étayer cette opinion, je vais prendre quelques exemples. Prenons Dobble, difficile de faire plus simple, pourtant il apprend aux enfants à être attentifs et réactifs. Certes nous sommes loin d’un bagage scolaire, dans le sens classique du terme, pourtant ces notions seront tout aussi importantes dans l’apprentissage des enfants. Les connaissances n’étant pas toujours mathématiques ou littéraires (ou toutes autres matières scolaires). Si je prends, au hasard véritablement, Colt Express, celui-ci apprendra aux enfants à anticiper et à gérer une suite d’évènements, en décortiquant ensuite leur chronologie et leurs conséquences. Allez un dernier pour la route, prenons Le trésor des lutins, dans celui-ci les enfants vont apprendre à gérer leur stress, mais aussi à construire la voie la plus rapide afin d’user le moins possible de tuiles, pour ne pas risquer de tomber sur le dragon.
Parfois ce que l’on apprend est assez léger, mais pour autant cela reste un apprentissage. Dès lors, il est facile de conclure que l’apprentissage est partout. Ce qui n’est pas à confondre avec la connaissance qui comprend souvent des données plus intellectuelles, même si au final ce terme peut être bien plus large. Mais est-ce que cela ne serait pas un peu simple ? Et surtout cela n’élucide pas la question de l’utilité et du besoin de certains jeux d’être catalogué de jeux pédagogiques. Une notion qui rassure les parents et grands parents, mais qui au fond fait souvent fuir les joueurs et les professeurs expérimentés dans le monde du jeu.
Ne pas confondre pédagogique et scolaire
Voici ce qui pourrait représenter une piste, je pense valable. Pourtant un jeu comme Cardline doit-il être jugé comme scolaire ou pédagogique ? Et nous voici de retour dans la semoule à patauger pour réussir à définir les choses et tenter de les faire entrer dans nos petites cases sécurisantes.
Mais faisons appel à un ami pour nous sortir de là, j’ai nommé le bienveillant wikipédia, qui nous donne de la pédagogie la définition suivante : La pédagogie (du grec παιδαγωγία, direction ou éducation des enfants1) désigne l’art de l’éducation. Le terme rassemble les méthodes et pratiques d’enseignement et d’éducation ainsi que toutes les qualités requises pour transmettre une connaissance, un savoir ou un savoir-faire. Plus généralement, l’expression « Faire preuve de pédagogie » signifie l’aptitude à enseigner et à transmettre à un individu ou un groupe d’individus — de tous âges et de toutes conditions — un savoir ou une expérience par l’usage des méthodes les plus adaptées à l’audience concernée.
Je pense que c’est assez clair. Pourtant si l’on applique cela au monde du jeu, sommes-nous véritablement avancés ? Je ne crois pas. Car ici la définition est généraliste et ne s’encombre pas de dire si tel ou tel jeu est considéré comme pédagogique ou non.
Bien qu’à cela ne tienne, Vocadingo et Synodingo n’auront pas fait la route pour rien, prenons-les à parti ou du moins comme exemple. Il est clair que le système de niveau qui détermine les cartes avec lesquelles jouer indique clairement que les jeux sont rattachés au monde scolaire. De même que la nature même des règles ne laisse que peu de doute. Le but étant d’inculquer aux enfants des bases ou des notions supplémentaires avec les jeux de cette gamme et cela chacun dans leur domaine. Ici le vocabulaire, mais il peut s’agir des mathématiques avec par exemple Multipliodingo. Nous sommes donc devant un jeu pédagogique qui suit la définition donnée au dessus. Mais si l’on prend la chose à l’envers, on en vient à se demander si ce type de jeu ne pourrait pas être sorti du cadre scolaire ou du moins si celui-ci arrivera à se décoincer du carcan pédagogique, pour ne devenir qu’un simple jeu joué sans arrières pensés. Sur le papier rien n’empêche de le faire jouer à vos enfants, le soir après manger, pour une partie en famille sans aucune connotation scolaire. Véritablement. Mais pourtant, le ressenti, qui est un sentiment très personnel, prendra très certainement le pas sur cette notion pourtant assez libre de l’utilisation du jeu et de son cadre d’action. Car il faut bien le dire, faire jouer un enfant à un jeu qui ressemble beaucoup à ce qu’il voit à l’école ne sera pas chose aisée. Ceci est trop proche du programme scolaire, de ce qu’il voit toute la journée, le jeu est trop marqué par sa volonté « d’apprendre » et cela quelque qu’en soit le prix. En même temps si vous êtes comptable, auriez-vous envie de jouer à un jeu avec des chiffres en rentrant le soir du bureau ? Et cela, même si vous êtes un passionné. Pas vraiment, je pense (mais là encore nous sommes dans le ressenti avec ce que cela implique des exceptions ou d’autres manières de voir), alors imaginez pour des enfants. Mais la question que l’on peut se poser est : jusqu’où un jeu pédagogique est-il encore un jeu ?
La pédagogie comme obligation
Le terme pédagogie a ce caractère rigide que n’a pas le mot apprentissage ou connaissance comme une certaine obligation, c’est peut être aussi cela qui choque les joueurs, en plus du fait que quoi que fasse les créateurs les jeux pédagogiques (j’ai envie de dire scolaire) ne possèdent pas des règles spécialement attirantes, mais cache plutôt une obligation à revoir le programme scolaire. Mais que je vous rassure les professeurs ne sont souvent pas pour ces jeux estampillés « pédagogique », ils les laissent aux grands-parents ou parents désireux de faire réviser les enfants, sous couvert de leur faire passer un bon moment à jouer, pour mieux leur faire passer la pilule de la révision. Pour qu’un jeu soit pédagogique et fonctionne, enfin plaise, il faut que les notions révisées soient distillées dans le jeu et non mise en avant. Difficile peut-être de réviser alors des points précis, car le propos est dilué. Pourtant, certains y arrivent c’est le cas d’Abracadamo qui propose aux enfants de jouer avec les mots, mais en leur proposant une aventure à part entière, où les notions scolaires sont totalement absorbés par de véritables règles de jeu et un univers qui sort du cadre pédagogique.
Jeux de mots pour enfants pas le même combat que
pour adultes
Mais tout ceci reste tout de même assez réducteur, car de nombreux jeux de mots pour adultes comme Anagramme ou Le mot le plus court sont clairement des jeux se basant sur le vocabulaire. Or à aucun moment on ne parlera de jeux pédagogiques. Faut-il en déduire qu’une fois arrivé à l’âge adulte nous n’avons plus besoin de pédagogie ? Ou bien qu’une fois adulte les jeux ne peuvent plus être pédagogique, car les adultes s’y adonnent s’ils en ont envie (je fais fit des contraintes, comme vouloir faire plaisir) ? Vous en conviendrez que tout ceci est assez étrange. Comme si l’âge conditionnait l’acte pédagogique, mais surtout le rapport que l’on a avec elle, et que, ce qui nous apparaissait comme une obligation étant jeune, pouvait devenir un vrai plaisir une fois adulte. Mais aussi qu’une fois adulte nous n’avons plus besoin de pédagogie ou d’apprendre. Alors que de nos jours les didacticiels pullulent un peu partout. Est-ce que le caractère obligatoire de la scolarité enfermerait la pédagogie dans une enveloppe oppressante et dirigiste ? A vous d’en tirer les conclusions que vous souhaitez, mais il y a de quoi se poser des questions.
Les classes comme barème et niveau,
une méthode biaisée ?
Au-delà de cet aspect rigide, les jeux pédagogiques, pour beaucoup, utilisent les classes scolaires pour définir un niveau de jeu. Comme si les enfants pouvaient et devaient presque être catalogués selon leur classe en dépit de leurs connaissances personnelles et l’apprentissage qu’ils ont pu faire en dehors du cadre scolaire. Certes ce classement est très pratique et quasi universel, mais c’est réduire les enfants à des niveaux et les faire entrer dans des cases aux parois peu souples. Comme si avant de jouer à un jeu on demandait aux joueurs qu’elle est leur niveau d’étude. Une aberration, que le jeu pédagogique n’hésite pas à utiliser en dépit d’une peu de flexibilité, comme si classer ainsi les enfants et les joueurs permettait de mieux légitimer le caractère pédagogique du jeu.
Les jeux pédagogiques c’est pour l’école et
les autres pour la maison
J’ai beaucoup parlé de pédagogie, de milieu scolaire et d’apprentissage. Et il devient dès lors assez simple de conclure, peut être à tort, que les jeux pédagogiques s’appuient et doivent la plupart du temps se pratiquer en milieu scolaire. Même si un petit jeu pédagogique à la maison de temps en temps permet de réviser les bases (et donc de faire des devoirs déguisés). Les jeux pédagogiques seraient donc cantonnés au milieu scolaire et les autres, ceux qui ne sont pas pédagogiques, ceux qui ne vous apprennent rien sur le papier, seront pratiqués à la maison. Si l’on se laisse aller à cette réduction on s’aperçoit alors que les jeux pédagogiques semblent bien faire parti d’une catégorie à part, basée sur le classement des enfants et qui disparaitra une fois l’enfant sorti du primaire voir du milieu scolaire. Et au fond, comment faire autrement, car tout semble amener à cette conclusion (enfin selon mon avis et mes explications).
La pédagogie est partout
Il faut bien l’admettre, je n’ai fait, que tourner la pédagogie dans un seul sens, en le prenant du côté scolaire de la chose. Or si l’on reprend la définition il est dit « Le terme rassemble les méthodes et pratiques d’enseignement et d’éducation ainsi que toutes les qualités requises pour transmettre une connaissance, un savoir ou un savoir-faire. » du coup rien ne nous empêche de voir dans les jeux de société des supports d’apprentissage, la pédagogie n’ayant pas de limites véritables dans les outils utilisés pour son application. Rien ne vient contredire le fait que la pédagogie ne doive se cantonner au milieu scolaire ou n’apprendre que des connaissances liées aux matières scolaires. Et si l’on prend la pédagogie sous cet angle, on vient vite à s’apercevoir qu’elle est quasiment présente dans tous les jeux, que la pédagogie n’est pas dans les jeux, mais peut, avec un peu d’imagination et les bons supports, devenir un jeu en elle-même.
Ce qui fait que l’aspect pédagogique d’un jeu peut choquer ou du moins déranger, c’est que celle-ci soit mise en avant comme argument, amenant avec elle une certaine connotation de celle-ci. Si l’on parle de jeux pédagogiques, immédiatement les joueurs s’imagineront des jeux rébarbatifs basés sur les maths ou le vocabulaire. Et d’un seul coup tout ceci devient bien moins séduisant, car il s’approche trop d’une obligation, d’un travail et non d’un loisir que l’on pratique par plaisir. Ce n’est pas véritablement le terme « pédagogie » qui gêne, mais l’utilisation et la mise en avant de celui-ci, avec ce qu’il représente de catégorisation et de style de jeux. Et cela, à tort, même s’il est désormais difficile de voir cela autrement.
Pour autant cela n’empêche pas les jeux dits pédagogiques de proposer une alternative à l’apprentissage des bases scolaires sous un aspect moins rigides qu’un manuel. Mais cette notion de séduction peut également se retrouver dans une certaine manière d’apprendre à lire par exemple, où les enfants le font en suivant une histoire où chaque son ou lettre représente un personnage ou un objet. Une manière ludique d’apprendre également, qui cette fois-ci s’enveloppe d’une couche séduisante, en incorporant des notions et non l’inverse où l’on prend des notions avant de les enrober d’une couche de ludisme. La formule fonctionne mieux dans un sens que dans l’autre.
La pédagogie peut se trouver partout, elle ne se limite pas aux jeux qui sont estampillés de son nom. C’est à chacun de voir ce qu’il veut transmettre et de la manière qu’il désire le faire, dans le respect de l’autre et avec l’envie d’apprendre et de transmettre. La pédagogie doit être un outil et non un professeur en lui-même. Il convient dès lors à chacun de trouver son outil de prédilection et d’en faire son porte-parole et son support de connaissance.