Thierry, je suis tout à fait d’accord avec toi. Mais je pense que cette dérive est dû à l’attrait des dons. J’ai moi aussiune vision “naïve” du participatif, en gros, et normalement, c’était les solidaires qui aidait à la sortie d’un projet. Seulement, les mouvements solidaires bah ça marchent moyen. Les projets se sentent parfois obligés de tendre la carottes avec des exclusivités afin de donner son argent. C’est triste mais c’est comme ça, comme pour les dons caritatifs qui sont remboursés par les impôts (en partie), sans cet atout… pas dit qu’il y aurait autant de dons. Pour les KS et autre… c’est hélas pareil.
Idéalement peut-être mais pourquoi se “priver” de centaines d’euros supplémentaires ? L’éditeur pourra ré-investir sur ses autres jeux ou tout simplement upgrader le contenu de son jeu ? Je vois pas ce qu’il y a de mal Pour le coté “elite”, les KS sont maintenant mieux proposés qu’avant, il y a souvent un starter, un deluxe et un elite pack la plupart du temps donc y’en a pour toutes les bourses et les envies
Si je trouve que la version elite à 300€ n’apporte pas grand chose et bien je la prends pas et je ne jalouserai pas celui qui la prendra ! Je m’en fiche en fait, le jeu que je pledge c’est pour moi et mes amis et si ça peut filer un coup de pouce à un éditeur bah tant mieux
Pour moi la dérive principale du système KS est que l’essentiel est maintenant la campagne plutôt que le jeu.
Il suffit de voir sur le forum les milliers de messages pendant la campagne et ensuite quand le jeu est livré, plus rien car on est passé à une autre campagne.
L’excitation de la campagne, commercialement bien menée, est telle que nous surinvestissons financièrement et affectivement sur le jeu et le réveil est souvent douloureux.
La force de KS actuellement est ce côté peu rationnel du comportement des amateurs de jeu qui apporte du plaisir avec l’aventure collective des campagnes mais qui finit quand certains se retrouvent avec des montagnes de Zombicide ou autres, à peine ouvertes. Comme on peut se retrouver avec un pack de 48 yaourts car il était en promo.
Il est probable que le système va se rationnaliser quand certains ne voudront plus payer un an à l’avance pour Arcadia Quest 3 alors qu’ils n’ont pas encore ouvert Arcadia Quest 2 et à peine joué avec Arcadia Quest 1.
@ThierryLeFranc : Est-ce que cette approche “commerciale” (peut-être meme agressive selon toi) ne va pas de paire avec la campagne participative en elle-même ? Est-ce que c’est un frein au fait de participer à une campagne participative ? Le sujet a déjà été abordé mais ca n’en reste pas moins toujours intéressant comme question
À mon avis l’un ne va pas sans l’autre, mais certains projets misent plus sur le côté “show” que sur le projet en lui-même et là je te rejoins dans ton argumentation. Mais cela ne me semble pas être une généralité et pour ma part ce n’est pas ce côté hyper-commercial qui m’empêche de participer à une KS car au final c’est bien toujours le jeu que l’on finance et non le reste. Non ?
“Si ils font un four…” veut dire si les jeux ne plaisent pas aux pledgeurs et qu’ils regrettent l’achat. Je n’ai pas le pouvoir de définir si Conan est plus ou moins bon (selon ma grille de lecture bien évidemment qui n’implique que moi) car je n’ai pas pu y jouer.
Reconnaissons qu’il est possible que le jeu déçoit fortement les pledgeurs (notamment vis à vis des délais de retard qui peut exacerber l’impatience et la déception) et les refroidir certainement pour de futurs projets. Je ne nie pas votre intention de faire le jeu le mieux possible (notamment avec de nombreux tests) mais ça ne suffit pas à déterminer si le jeu va réussir et satisfaire l’appétit des pledgeurs.
Comme ThierryleFranc , je ne vois aucun intérêt à produire un jeu si il n’est pas possible de le trouver in fine en boutique. Ok des jeux comme Conan sont des jeux “de niche” (encore que la niche est quand même de taille assez importante) et qu’ils sont difficiles à vendre au grand public mais pourquoi partir d’un constat si défaitiste et si amer.
Ne pas sortir un tel jeu en boutique (même avec peu d’exemplaires) me paraît dangereux et contribue au phénomène de “casualisation du public boutique”. Si on ne sort plus de jeu expert en boutique, on le limite à une caste qui va faire ses achats en import (etc etc) et ne plus attirer de joueurs experts (qui se cachent sûrement en pas mal de gens). Je suis désolé mais je connais beaucoup de gens qui se sont mis aux jeux “de niche” grâce à des boutiques et au circuit traditionnel. Le processus que vous décrivez aboutit à un élitisme des joueurs et contribue également à leur “geekisation”.
Votre discours, je l’entends, il répond pour ma part à une logique financière et de marché (aspect primordial dans la sortie d’un jeu), moins à celle d’un créateur qui a envie de faire partager au plus grand nombre l’univers qu’il a mis en place. Surtout qu’a priori vu les scores du KS, on pourrait imaginer une distribution (même limitée) sur le circuit intermédiaire avec un minimum de risque.
Conan va être tiré à 16 000+ boites rien que pour KS, je crois qu’on peut dire que ce seul chiffre en fait déjà un jeu à succès partagé par un grand nombre au regard du marché du JDS, nombre de jeux n’atteindront jamais ce score.
Concernant le contentement des joueurs, il y a quand même peu de chances que le jeu déplaise, franchement je serai très étonné, mécaniquement c’est une pépite, le thème est top, le nombre de protos qui ont tourné, les tests, les retours ont fait que les pledgers n’y sont pas allé à l’aveugle pour la majorité. Le seul soucis serai d’avoir des scénarios déséquilibrés mais je ne pense pas que ça sera le cas.
Et Conan est totalement justifié sur KS, Fred l’a déjà expliqué plusieurs fois, le coût du jeu en fait un produit d’exception dont le modèle économique ne s’adapte pas aux contraintes de l’édition classique, en gros le jeu serai bien trop cher en boutique, là KS leur a permit de satisfaire les amateurs et pour Asmodée, ils gagnent une misère sur la commande (d’où le non intérêt de le passer par le circuit classique)
Je ne partage pas cet attachement au circuit traditionnel, je pense plutôt comme Fred que KS est aussi fait pour sortir des projets d’exception, de niche, qui n’ont pas leur place ne boutique.
Je ne vois pas pourquoi la finalité d’un jeu serai de se retrouver en boutique.
Pour avoir participé à 2/3 KS/Ulule, je n’ai jamais été déçu, car je savais à quoi m’attendre au départ : délais long et parfois rallongés, matériel en plus pas franchement obligatoire (10" to kill et Tunhell), mais quand je participe c’est pas pour des blockbuster mais plutôt des éditeurs qui se lancent comme ça j’ai l’impression quand même de faire un geste social, humain, d’entre aide, même si je comprends que certains gros jeux ont leur intérêt à sortir via ce financement. Ma dernière campagne c’était Sbires, c’est particulier car avant de participer j’ai gagné le jeu par un concours mais en contrepartie j’ai fait découvrir le jeu à bcp d’adhérents de la ludothèque municipale dont je m’occupe, et ça a déclenché du coups une dizaine de participations, donc contrat rempli, en plus en général, les éditeurs ou auteurs sont super sympas !
@ ThierryLefranc et Rammillica.
En préambule : que l’on soit ou non d’accord, c’est déjà intéressant que l’on puise échanger plutôt que s’invectiver.
Concernant la “financiarisation” et la "marchandisation"du monde du jeu (puisque c’est bien la racine du désaccord au fond) :
- Elle existe c’est très clair et je serais le dernier des idiots si je le niais.
- Mais KS n’en est qu’un épiphénomène et certainement pas la source. Les fonds d’investissement sont arrivés dans le circuit classique bien antérieurement (et pas uniquement chez Asmodee comme tout le monde semble l’imaginer). Le Bal des rachats est devenu courant si bien que nombre d’éditeurs du circuit classique n’ont plus pour but que de se faire racheter par un plus gros ou un fond.
- la communication est devenu une protection face à la concurrence enragée des éditeurs “traditionnels” qui noient les boutiques de nouveauté éphémères (tirages à 2 000 exemplaires dont 80% ne connaîtront pas de retirages). Libre à ces stakhanovistes de la nouveauté de publier leurs produits mais de grâce, qu’ils ne viennent pas ensuite se plaindre de la sur-communication de ceux qui préfèrent se concentrer sur un petit nombre de titres.
- La première source de cette financiarisation/march
- la première source de cette financiarisation/marchandisation est la “casualisation” du marché. Il suffit d’analyser un peu la “nouvelle démographie des boutiques” et la structure de leurs ventes pour constater à quel point le public et avec lui ses attentes ont changé en boutique. Nous sommes très très loin de la poignée de nerds d’il y a 25 ans qui fouinaient toute la journée en bas des étagères de jdr en VO, à la recherche du graal ludique que personne ne connaissait. Aujourd’hui il y a beaucoup de monde, et beaucoup de gens qui veulent jouer en famille. Notamment parce que ces “nerds” sont aujourd’hui cadre avec enfants. Mais aussi parce que la culture du jeu s’est développé (mais aussi pcq ces “nerds” occupent aujourd’hui des postes important notamment dans l’industrie culturelle). Le marché s’est fortement étendu car sa base de “consommateurs” a cru.
Salut Fred,
Merci de participer à la discussion, c’est vraiement chouette de pouvoir échanger
Est-ce que tu peux préciser ce point que je ne comprends pas très bien : “la communication est devenu une protection face à la concurrence enragée des éditeurs “traditionnels””. Que veux-tu dire ?
Pour ma part, je suis partagé sur la surabondance de titres. Les effets sont parfois dévastateurs (d’un point de vue des professionnels) mais quelle decouverte face à tout ce panel de diversité (d’un point de vue des acheteurs). Est-ce incompatible ?
(mon sujet avait uniquement pour but d’échanger sur la façon dont les uns et les autres abordent le participatif mais si on peut aller plus loin dans la discussion c’est top ! ;))
- Toute une partie des core-gamers de la première heure ne se retrouvent plus dans les produits casuals proposés en boutique. C’est eux que l’on va retrouver sur les gros KS très chers ou sur les petits projets très conceptuels. Pour les gros KS, il s’agit de “produits de luxe” du jds. Je prône depuis longtemps une dissociation des marchés boutiques et KS. Pour ma part je ne veux plus que Monolith vende en boutique (mais je ne suis pas seul décisionnaire). Parce que c 'est un non sens économique. Aujourd’hui, en boutique, Asmodee marge plus sur un Timeline que Monolith sur un Conan!!! A quoi bon ???
Salut Alloleo. J’avais écrit un article très long précisément sur ce point dans le pc qui m’a été volé. En substance on assiste à deux modèles qui s’affrontent et qui ont chacun leur raison d’exister. D’un côté un modèle de concentration des ressources intellectuelles et matérielles sur un petit nombre de sortie et de l’autre un modèle “dilutif”. Evidemment, à ressource égale, le premier permet de mettre beaucoup plus de moyens sur la communication à propos de ses quelques sortie. Il s’agit d’“exister dans les têtes”, là où le modèle “dilutif” cherche à “exister dans les rayons”.
Pour ma part, je me suis lancé dans cette “aventure”, il y a peu.
J’ai participé au financement de D&D5 de BBE (Je débute en JDR et le prix était vraiment intéressant, This War Of Mine sur KS (Le jeu vidéo est un immense coup de coeur) et Le Cri de Rose Marie sur Ulule.
Je pense que mes participations futures seront plutôt limitées, par manque de temps, mais aussi pour éviter les achats impulsifs.
De plus, la majorité des jeux sont en anglais, et même si je maîtrise la langue, je ne conçois pas de faire jouer mon petit groupe ou ma famille avec des jeux en anglais.
En contre partie, un des avantages de KS c’est que ton jeu ne perd pas en valeur avec le temps en général.
Tu achètes Arcadia quest 150€ fdp inclus tu le revendra mini 150€.
Mais c’est vrai que si tu commences à rationaliser un peu tout ça, beaucoup d’achats se font sous la pulsion de la bonne affaire.
J’achète des jeux parce que j’aime jouer. Toi tu fais des jeux pour les vendre. Tu le dis toi même, tu ne possèdes pas de jeu et tu ne joues pas à part le Scrabble et le Jarnac. Dans le podcast que j’ai écouté tu ne parles que business et tu dis ne faire un jeu que pour qu’il se vende à plusieurs milliers d’exemplaires sinon cela ne t’intéresse pas. Nous n’avons forcément pas la même vision du jeu: je suis un passionné, tu es un marchand. Ceci dit sans aucun jugement, chacun son truc.
- Il est erroné de penser que les jeux sur KS seraient plus traités en simple “produits” que dans le commerce classique. Me concernant je n’avais jamais mis autant “d’ame” et de sueur dans un jeu avant Conan. Je le considère vraiment comme mon bébé et je l’aime. Je suis loin d’être sûr que ce soit le cas des 30 jeux par an publiés par tel ou tel éditeur du circuit classique.
je ne suis pas d’accord. Je fais des jeux parce que j’aime me triturer la tête à trouver des mécaniques. Je ne suis pas joueur c’est clair. Mais j’adore créer des jeux et je ne fait que ça depuis mon réveil jusqu’à mon couché. C’est totalement obsessionnel et je ne suis pas capable de penser à autre chose lorsque je suis sur un nouveau projet. et puisqu’on en est aux confidences, c’en est tellement obsessionnel que je suis suivi médicalement pour cela. Ensuite il se trouve que je les vends. Je pourrais être beaucoup beaucoup plus productif, par exemple en regardant ce que fond les autres. Je gagnerais bien mieux ma vie ainsi. Mais ce n’est pas ma conception du métier et je préfère passer ma journée à remplir mes calepins en réfléchissant.
Je lis ici ou là souvent des gens qui prédisent la fin du participatif parce que “ça ne peut pas continuer”. A mon avis, on va plutôt assisté à ce qui s’est passé dans le JV dans les années 80.
On a une surproduction de titres moyens qui vont couler leurs auteurs/éditeurs qui pensaient que KS leur feraient gagner des millions. Mais en parallèle, on va voir une professionnalisation forte du secteur participatif et une énorme monté en puissance sur les 5-10 ans à venir.
Toutefois, je pense aussi qu’à terme les achats seront moins impulsifs au fur et à mesure que le participatif se développera.
En tant que pledgeur occasionnel, j’ai commencé par des achats compulsifs et maintenant, je vais uniquement sur les projets sérieux et vraiment innovants. Je prends du temps pour regarder le jeu, voir les reviews et faire un tri. C’est à mon avis le circuit classique du pledgeur. Mais c’est également le circuit classique de l’acheteur en boutique. Au début, il achète un peu à la beauté de la couv’ ou à l’envie du moment, puis plus sa ludothèque se remplie et plus ses goûts s’affinent, plus il se renseigne.
En cela, je pense que KS n’est pas bien différent du secteur classique dans l’approche des acheteurs. J’ai souvent vu des jeux être plus emballant dans leur pub que quand on y joue sur KS aussi bien que dans les boutiques.
Un bon jeu reste un bon jeu sur KS ou en boutique. Mais certains jeux ne sont pas viables uniquement dans le secteur tradi (exemple de Conan ou à mon échelle d’Outlive). Sans l’apport de KS, il n’y a pas de jeu. Et quand on me dit “vu la pub vous auriez pu investir dans le secteur classique”, c’est vraiment méconnaitre les échelles de coût. Entre une pub à 1000 euros et un investissement à 50 000 euros, c’est de l’ordre de 1 pour 50 donc ça n’a rien de comparable. D’autant que le secteur classique nécessite aussi de faire de la pub
On peut apprécier ou non le participatif, mais je pense qu’il y a de la place pour les deux modèles dans le secteur. Je ne pense pas qu’il faut les mettre en opposition. Ils sont tout à fait complémentaires et je maintiens qu’ils ne visent pas tout à fait le même public, ni les mêmes types de jeux. Pour ma part, je continue d’essayer de proposer des jeux pour les deux modèles. Le prochain jeu de La boite de jeu sera d’ailleurs uniquement dans le circuit classique et ne passera pas par KS. Je ne fais du financement participatif que si c’est nécessaire, selon moi, à la viabilité du jeu.
Cher Monsieur Thierry,
Pour que vous puissiez acheter vos jeux, il faut bien quelqu’un veille en vendre… car j’imagine que vous achetez vos jeux…
Concernant le fait de vendre à plusieurs millier d’exemplaires je tiens à m’expliquer :
je ne fais jamais de jeu sans y investir moi même de l’argent. C’est un principe qui dernièrement m’a fermé les porte de Space Cowboys. Sur un Bâtisseurs, si j’investis 12 000 Euros en illustrations et que j’en vends moins de 20 000 je perds objectivement mon argent. Donc évidemment que cela est important, puisque c’est mon métier. Mais je fais ce que j’aime. Ca me responsabilise notamment vis à vis de l’éditeur, car si je lui vends un jeu invendable je perdrai mes revenus.