Last Mouse Lost, impartialité, caoutchouc, shadoks et binaire

[Last Mouse Lost]

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Ca ressemble à un bac à glaçons. Mais un tout petit bac à glaçons pour des souris. Last Mouse Lost, vous ne le trouverez pas forcément dans la boutique du coin mais il est néanmoins disponible puisque crédité en 2014.

Le jeu est signé par Theora Design. Theora Design c’est une entreprise familiale constituée de Theo et Ora Coster à Tel Aviv en 1965. Il est publié chez Fox Mind.

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La première surprise c’est ce fameux plateau de jeu en caoutchouc mou et cette boîte que l’on secoue vainement à la recherche des pions qui seraient restés collés dans le fond. Non. Ne cherchez pas, des pions il n’y en a pas.

Ce sont les amateurs d’éclatage de bulles du fameux plastique à bulle (une pratique méditative occidentale délassante mais peu écologique) qui vont faire des petits bonds. Enfin des petits plops …

Examinez ce fameux plateau mou. J’aime vendre du rêve. C’est en appuyant sur une des bulles-bosses que nous allons obtenir un trou-creux en lieu et place d’une bosse. Nous nageons ici en plein taoïsme, jonglant du bout des doigts avec le plein et le vide. Mais qu’elle est la nature même du pot disait le sage ? La terre qui le compose ou le trou à l’intérieur ?

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Posté ainsi sur les bords du précipice de l’immensité de l’univers, n’oublions pas pour autant de nous poser la question des règles de ceci. Arrêtez de ploper deux secondes et faites en sorte que toutes les bosses soient du même côté (et tous les trous de l’autre si vous avez bien suivi).

Ces bosses sont réparties sur des lignes (ou des colonnes suivant comment vous le prenez mais faites attention, à force de toujours tout remettre en cause vous allez finir par vous foutre à la bail dans le précipice machin cité plus haut).

Nous avons donc des lignes de 3, 5, 6, 6, 5, 3 bosses.

Le jeu se pratique à deux. À notre tour nous avons le droit de « trouer-ploper » autant de bosses que nous le désirons mais uniquement dans une même ligne.

L’objectif est de ne pas être celle ou celui qui « plopera » la dernière bosse ou trou de souris.

Cela vous dit déjà quelque chose ? Il s’agit en effet d’un jeu de Nim ou de Marienbad. Les jeux de Nim sont des jeux traditionnels dont l’origine n’est pas exactement connue mais qui eurent un regain de popularité sous le nom de Marienbad à l’époque du film d’Alain Resnais, l’Année dernière à Marienbad en 1961.

Le nom Nim, qui viendrait de l’allemand nimm (prend !), lui a été attribué par Charles L. Bouton, un mathématicien américain décédé en 1922. Celui-ci a démontré que le jeu de Nim possédait une solution.

Comprenez par là qu’une méthode permet au premier joueur de gagner à coup sûr même si l’autre la connaît également. C’est ce qu’on nomme un jeu fini. Cette étude est aujourd’hui considérée comme la naissance de la Théorie des Jeux Combinatoires.

Extrait de L’année dernière à Marienbad

Les jeux de Nim sont des jeux considérés comme des jeux à somme nulle. Cela signifie que les points que gagnent les vainqueurs sont équivalents aux pertes des perdants. Dans un jeu sans points comme celui-ci, on considère que la victoire est égale à 1, l’égalité à 0 et la défaite à -1.

Alors comment faire pour gagner à tous les coups ? Là, je peux vous aider mais cela nécessitera un petit effort quand même.

Pour ce faire, il faut prendre en compte le nombre de bosses sur chaque ligne et il suffit de les additionner. Mais attention, pas en système décimal mais en binaire ! Et l’addition est aussi spéciale c’est une Nim-addition !

Le binaire pour les nuls

Si vous ne connaissez pas, le binaire, c’est une façon de compter mais uniquement avec deux chiffres. Notre système décimal utilise 10 chiffres pour représenter tous les nombres : de 0 à 9.

Alors imaginons que nous sommes pauvres et que nous ne possédions que le 0 et le 1 ?

0 et 1 ne vont pas nous poser de souci mais à 2… Alors nous faisons comme avec notre 10 en décimal, nous combinons ! 2 donne donc 10. Voici comment compter jusqu’à 9 :

0 = 0
1 = 1
2 = 10
3 = 11
4 = 100
5 = 101
6 = 110
7 = 111
8 = 1000
9 = 1001

C’est simple et logique mais pas forcément toujours pratique quand nous n’avons pas l’habitude et cela donne des nombres très longs. Mais il y a d’autres qualités comme nous allons le voir.

Petite info culturelle primordiale, les Shadoks comptaient en base 4 : Ga Bu Zo et Meu.

Ce qui nous donne :

0 = Ga
1 = Bu

2 = Zo
3 = Meu
4 = Buga
5 = Bubu

6 = Buzo
7 = Zoga
8 = Zobu
9 = Zozo

Alors ça n’a aucune utilité pour gagner aux jeux de Nim mais vous pourrez briller en société car peu de gens connaissent l’algèbre Shadok. Ne me remerciez pas, je ne fais que mon travail.

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Si nous reprenons nos bosses de souris des maths de notre plateau mou et que nous convertissons les nombres de bosses en binaire, cela nous donne pour ce plateau :

3 = 0011
5 = 0101
6 = 0110
6 = 0110
5 = 0101
3 = 0011

-----------------
NS = 0000

Maintenant Nim-additionnons tout cela. C’est compliqué ? Non, c’est très simple ! Prenez une colonne comme les unités. Si le nombre de 1 est pair le résultat est 0 et s’il est impair cela donne 1. Ici nos unités donnent quatre 1 donc 0.

Ce qui nous fait 0000 et zéro c’est mal car messieurs Sprague et Grundy, deux mathématiciens ont prouvés que toute position égale à 0 fait jouer en dernier. Pour obliger l’autre à terminer le jeu, nous devons donc terminer notre tour sur une position ou la Nim-additions est différente de 0. Chaque coup pourra donc être ainsi évalué pour placer l’adversaire dans une configuration perdante.

► Le Le théorème de Sprague-Grundy en action : un article de vulgarisation

Mas alors ? Je vais devenir le meilleur joueur du monde !

Ce qui pose la question cruciale : Peut-on trouver un moyen infaillible de gagner à tous les jeux ? La réponse est non. Seuls les jeux impartiaux et sans hasard sont finis, c’est à dire avec une stratégie gagnante assurée.

L’impartialité c’est la caractéristique qui fait que chaque coup peut être joué par l’un ou l’autre joueur. Les Échecs ne sont donc pas un jeu impartial car chaque joueur dispose de ses propres pièces que l’autre ne peut jamais utiliser. Chacun possède donc des coups qui lui sont exclusivement réservé.

Les jeux dits impartiaux sont donc très rares dans les jeux de société. Il nous faudra donc faire appel à d’autres qualités pour remporter la victoire et ça c’est particulièrement réjouissant.

Vous savez donc désormais comment remporter la victoire à tous les coups (sauf si votre adversaire connait aussi la stratégie et qu’il joue le premier) aux jeux de Nim.

Alors j’admets qu’il faille connaître un peu les premiers nombres binaires et qu’on fasse des Nim-sommes de tête. Mais avec un peu de pratique ! Hein ! Personnellement je n’ai pas assez de mémoire alors je perd mais pour me rattraper je raconte le truc des Shadoks.

Au pire, il vous restera de quoi tritouiller nerveusement votre plateau et ça peu de jeux le permettent non ?

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Last Mouse Lost
Un jeu de Theora Design
Illustré par
Publié par FoxMind
2 à 2 joueurs
A partir de 6 ans
Langue des règles: Française, Anglaise, Allemande, Espagnole
Durée: 5 minutes
Prix: 8,00 $
Disponible ici et là


5 « J'aime »

Peut-on trouver un moyen infaillible de gagner à tous les jeux ? La réponse est non. Seuls les jeux impartiaux et sans hasard sont finis

Alors là je suis pas super méga compétent sur le sujet mais même pour des jeux incluant du hasard, on arrive à créer un adversaire programmé infaillible.

Ce qui dans ce cas ne veut pas dire qu'il va gagner à tous les coups mais plutôt qu'il va à chaque fois jouer le meilleur coup, c'est à dire celui qui lui donne la meilleure chance de gagner. Et donc qu'il va gagner forcément sur le long terme.

Ainsi au Backgammon, ces programmes existe depuis un bout de temps (et est utilisé par les joueurs pour analyser leurs parties). Et il y a quelques semaines pour Texas Hold'Em joue à 2 en Limit (pas en No Limit).

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Pour le Poker, j'imagine que vous parlez de Cepheus. D'abord, il s'agit en effet d'une forme de Poker particulière et d'après ce que j'en sais, les chercheurs ont développé un système d'aide à la prise de décision. Et de manière assez brutale d'après ce que j'ai compris (test sur des milliards de parties). Je pense que l'outil cherche un équilibre de Nash ce qui veut dire en effet répondre à une situation par le meilleur coup possible.

Or au Poker nous sommes dans un système de victoire à somme non nulle. On peut donc gagner en ne perdant rien mais qui dans la vie trouverait que c'est une victoire. On connait déjà beaucoup de logiciels d'aide à la prise de décision dans le domaine de la finance. Tous ont le même souci. Pour les concepteurs, il faut une bonne fiabilité avec les bons paramètres. Pour les utilisateurs un espoir de gain maximum. Or, comme dans le poker, obtenir un gain maximum se fait en prenant des risques. Plus on rentre de paramètres plus on tendra vers un gain mais faible ou modéré.
L'intérêt des jeux impartiaux est qu'on peut toujours trouver une situation gagnante. Ainsi dans le cas de deux joueurs (même non humains) possédant la plus grande connaissance du jeu et de sa stratégie, le premier à jouer gagnera quelque soit les conditions ou le comportement de l'autre.

Ainsi dans le Morpion qui est un jeu offrant la possibilité d'une égalité, deux stratégies optimales conduisent irrémédiablement à cette égalité. C'est ce qui se passe si deux Cepheus jouent ensemble au Poker.

Comprenez par là qu’une méthode permet au premier joueur de gagner à coup sûr si l’autre la connaît également.

Que l'autre la connaisse également n'est pas nécessaire.

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Ce n'est effectivement pas nécessaire, la formulation n'est pas heureuse je dois le reconnaître. Je voulais dire que la stratégie est efficace même si l'adversaire l'applique également. La différence se faisant alors sur le bénéfice de jouer en premier.

Ah ben zut... J'ai lu le début de la news, je me suis dit "c'est génial", il v a y avoir un effet plop, en appuyant sur un trou on va faire plus ou moins ressortir les trous d'à côté - même pas. Du coup, j'ai encore une idée peut-être géniale pour un jeu de Roberto Fraga dont je suis bien incapable de faire le prototype !

@Docteur Mops

La critique est bien plus facile que la rédaction.

... gagner à coup sûr même si...

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Je voudrais juste revenir sur une erreur de comptage en langage Shadok =°

Après Meu, on arrive à Buga, si on passait à Gaga, ça serait comme passer de "9" à "01" dans notre système décimal.

On a donc Ga, Bu, Zo, Meu, Buga, Bubu, buzo, etc.

De quoi devenir zéro... euh... gaga...

@Gothor : Ah mais oui c'est vrai. J'en suis resté à l'époque où l'on considérait que les Shadoks n'avaient pas inventés le 0... Du coup ....

Je corrige après un petit coup de pompe.

@jmguiche : Heureusement que je peux compter sur vous ;) C'est corrigé.