Oui oui oui, je vous vois venir ! On est presque mi-juillet, et en plus ça fait déjà quelques mois qu’est sorti Nidavellir. C’est vrai. Et en plus, Monsieur Tapimoket vous en a déjà parlé, c’était en Février dernier, déjà… Alors POURQUOI ? Eh bien tout simplement parce que nous sommes dans les coups de cœur du moi(s), et que j’ai découvert Nidavellir en juin, et que… Eh bien, c’était mon coup de cœur du mois de juin. Que puis-je vous dire de plus ?
You know the drill, je ne vais pas m’étendre sur la mécanique développée par M’sieur Serge Laget, M’sieur Tapimoket a déjà fait ça très bien, mais sur le pourquoi du coup de cœur. N’hésitez pas à lire son article avant celui-ci pour vous familiariser avec les règles du jeu !
Fig. 1 : Les tavernes sont pleins, les nain-es sont de sortie, la bière coule à flots. On va pouvoir y aller.
Une fois n’est pas coutume, je vais commencer par l’élément qui m’a le plus séduite : la mécanique en deux manches. Le principe de « l’inspection des troupes » par le Roi à la fin d’une première manche d’accumulation de cartes, donne un objectif de mi-parcours qui porte le dynamisme de la première moitié du jeu : celui-ci aurait certainement connu un ventre mou sans cela. Qui plus est, le système de majorité sur chaque classe (et du fait que personne n’obtienne l’avantage correspondant en l’absence d’une majorité absolue) oblige à rester dans une vigilance permanente du développement du jeu de ses adversaires. Quel plaisir que celui d’atteindre de justesse l’égalité en grades de guerrier-ères et d’empêcher votre adversaire d’obtenir la récompense de Main du Roi !
Fig. 2 : Gaaaaaarde-à-vous ! Iiiiiiiiiinspection des troupes !
La deuxième chose que j’aimerais souligner, c’est la foultitude de façons de triompher, par rapport à la simplicité d’accès. Avec l’apprentissage du jeu au fil des parties viendra la maîtrise des différents angles morts à surveiller : il est tout aussi, voir plus important, d’empêcher vos adversaires de trop scorer dans une catégorie que de marquer vos propres points ! Avec le double développement vertical et horizontal, on ne se trouve jamais complètement dépourvu-e d’options, et un plan contré est vite remplacé par un autre. Certes, cet aspect vient avec son revers, la fameuse « salade de points ». Effectivement, le comptage de fin de partie est un peu laborieux (bien qu’une app de comptage soit proposée par Grrre Games), mais j’avoue faire partie des individus étranges qui aiment à la fois le calcul mental et le suspens (l’intersection du diagramme de Venn n’est peut-être pas si large !)
Fig. 3 : La variété de mon armée a fini par attirer Aral, un héros. Et il semblerait que l'union fasse la force, chez les chasseurs...
La fluidité et la rapidité du jeu ne sont pas non plus étrangères à la beigne de palpitant : le fait que chacun-e place ses mises simultanément permet de rendre le jeu très dynamique. Seule la phase du choix du héros peut prendre un peu plus de temps, car au moment de la résolution des paris, vous savez normalement à peu près quelle carte vous visez puisque vous avez dû placer vos pièces en conséquence. N’ayant joué qu’à peu de joueuses, je n’ai pas pu expérimenter de première main tout l’intérêt des gemmes (les égalités de mise étant rares lorsqu’on est moins nombreuses), mais elles semblent présenter, au-delà d’une simple résolution d’égalité, un intérêt particulier dans les premiers tours de jeu. Puisqu’elles sont échangées entre CHAQUE taverne, alors on pourra estimer le risque que l’on prend d’égaliser plus tôt, ou plus tard, dans l’ordre de résolution. On rentre peut-être dans le quadrisectionnage capillaire, mais c’est agréable de voir que l’équilibre n’est jamais trop en faveur de l’un ou de l’autre. Qui plus est, il est parfois utile de jouer plus tard dans le tour : savoir ce que notre adversaire prend peut nous aider dans nos propres prises de décisions.
On a accès à une part de l’information importante sans qu’elle ne nous submerge : puisqu'un âge comportera 3 ou 4 manches, en fonction du nombre de joueurs, on aura en moyenne accès à 25% de l’information totale de la distribution des cartes dans le « pire » des deux cas, à chaque tour de jeu (Ce n'est pas complètement vrai puisque c'est dégressif mais vous voyez l'idée 😉). Cela permet de prendre les décisions de direction de développement, sans laisser de part trop importante au hasard, particulièrement quand on commence à se familiariser avec la distribution de chacune des classes au sein du paquet.
La méca d’amélioration de pièce (vous avez peut-être vu le terme de « coin building » passer ; je ne l’emploierai pas car je le trouve un poil déconcertant. Par analogie avec le deckbuilding, je m’attendais vaguement à démultiplier mes pièces et à les faire fonctionner ensemble, ce qui n’est pas le cas ici. Après, je ne fais pas partie de la police du langage, vous faites bien ce que vous voulez.) La méca d’amélioration de pièce, donc, est aussi relativement novatrice, sans que ce ne soit pour moi le point majeur de l’agréabilité du jeu. En revanche, des stratégies s’y distinguent aussi après quelques parties : comment jouer le 0 ? Quel intérêt que cette pièce 3 ? Quel intérêt d’avoir une plus petite pièce de plus grande valeur, exactement ? Est-ce que je booste une pièce au max, ou je les monte toutes simultanément ? Comment profiter astucieusement des espaces laissés libres par mon adversaire dans le trésor royal ? Tant de questions, et si peu de temps pour y répondre…
Fig. 4 : De l'or ! Une pleine brassée !
Enfin, la dernière chose, c’est la composante graphique du jeu, issue des doigts de fée de Jean-Marie Minguez. Ça fait un sacré bout de temps qu’un jeu moche ne m’a pas bousculé l’organe musculaire creux occupant la fonction centrale de l’appareil respiratoire, et pour cause : il n’y en a (presque) plus ! Non que j’aie un blocage complet (#FunkenschlagMonAmour), mais je crois que l’attention portée à cette composante par les éditeurs est de plus en plus présente : Nidavellir en est un très bon exemple. Les illustrations sont en noir et blanc, sérieuses et presque solennelles (et comment ne pas les comprendre, ils et elles se préparent à la GUERRE contre un DRAGON. Quand même.) : on a même passé une étape supplémentaire. Ce n’est pas seulement agréable à l’œil (ça c’est très subjectif), c’est aussi un univers graphique visuel qui se prend au sérieux et qui l’assume (bon, à part les panonceaux des tavernes, je vous l'accorde). Ce n’est pas si courant, pour un jeu dans une gamme aussi « accessible ». On pourrait presque regretter les couleurs de grades, plus « classiques » et presque flashy : on imagine aisément qu’elles ont été sélectionnées ainsi afin de faciliter la lecture rapide des cartes et l’accès aux informations mécaniques. Observera-t-on également un développement d’une iconographie qui rentrera dans les usages, compatible avec ces univers plus sombres – sans toutefois verser dans l’horreur – que l’on voit peu à peu se propager à des jeux de société plus accessibles qu'avant ?
Fig. 5 : We could be heroes, just for one day. Je veux le combat entre l'armée et Fafnir, en slow-mo, avec cette bande son.
Mon petit doigt me dit en tout cas que Nidavellir ne sera pas le seul dans cette veine, dans les années à venir. Et mon petit doigt en est ravi.