J’ai un ami qui dit que « faire des jeux, c’est faire des rencontres ». Avec l’histoire de l’île au trésor, je ne peux que lui donner raison. Moussaillons, permettez-moi de vous présenter l’équipage de l’île au trésor !
Le 1er membre c’est L’INSPIRATION. Concrètement, l’inspiration est ici un autre jeu. Finalement, je crois que c’est mon moteur de création ludique : détourner complètement un jeu qui me plaît. Encore en plein développement de Yamataï, je me suis dit « j’ai envie de faire un jeu très ouvert, comme Dixit. Mais en différent ». La différence, c’est que la liberté de choix ne sera pas liée aux références de chacun, mais à l’emplacement de quelque chose à l’intérieur d’un espace ouvert. Rapidement, l’idée de la recherche d’un trésor s’impose.
Mais à ce stade je bute sur un problème majeur : Comment rendre le jeu intéressant pour celui qui connaît l’emplacement du trésor ? Donner une série d’indications ne sera pas très palpitant…
Je parle de mon concept et du problème associé à Cédric Millet, mon ami auteur de Meeple Circus, ainsi qu’à mon frère. On discute, Cédric me donne un sérieux coup de pouce sur la question. Mais on coince toujours sur le même problème.
Le 2nd membre d’équipage, LE CONCEPT, débarque à l’improviste. Début de l’été 2015, au beau milieu d’une baignade dans le magnifique lac d’Annecy, mon esprit bouillonne. Les idées défilent, et je me souviens précisément du moment où j’ai trouvé la solution.
Celui qui cache le trésor doit être mis sous contrainte. Le jeu, pour lui, consiste à donner le moins d’information possible. Il devra choisir une indication, un indice parmi 3 imposés. Ce sera donc un jeu « asymétrique » car celui qui cache le trésor joue autrement. Le jeu est aussi « non coopératif », car les pirates n’ont pas le sens du partage :-). J’élabore un « proto mental », comme me l’a enseigné Bruno Cathala. Ça fonctionne. La période qui suit est un moment d’intense création, une sensation très agréable qui vous fait avancer à mille à l’heure. En moins d’une semaine, je passe à un support physique déjà élaboré. Le test du proto avec l’association Annecy Ludique se déroule immédiatement très bien. Les sensations de jeu sont très fortes, très différentes selon que l’on cache ou que l’on cherche le trésor. C’est exactement ce que je recherche : des sensations. Je sais alors que je tiens un super jeu. Quelques jours après, j’explique le jeu à Bruno. Sur la base de cette explication, il est enthousiaste et me donne immédiatement quelques conseils. Il me donne également un coup de pouce pour présenter le jeu à des éditeurs à Essen 2015. Là-bas, Matagot m’a proposé un contrat dès la première partie !
La troupe ne serait pas complète, si je ne mentionnais pas Monsieur Jesse SCHELL. Ce qui est drôle, c’est que lui-même n’est pas au courant de sa contribution ! Il m’a pourtant suivi pendant une année complète, presque jour et nuit, dans la conception de l’île au trésor. Comment est-ce possible ? J’ai emporté partout son livre « l’Art du Game Design », que j’ai décortiqué, en lisant chaque paragraphe 5 fois, et en me demandant comment appliquer chaque conseil à mon jeu. Résultat, ses concepts, croisés avec les nombreux tests, m’ont permis de progressivement améliorer le jeu. Par exemple, le concept de « courbe d’intérêt » a progressivement conduit à l’idée de l’évasion de Long John Silver (c’est le joueur qui cache le trésor). Ou encore les réflexions sur l’immersion dans l’univers du jeu ont amené à illustrer les paravents avec les personnages dans leur position de départ sur l'île. La conception dans son ensemble a toutefois suivi un processus assez original :
Je pense qu’il est inutile de présenter le 4ème membre. Vincent DUTRAIT est aujourd’hui un monument du jeu de société. J’avais piqué certains de ses dessins pour illustrer mon proto. Du coup quand Matagot m’en a parlé, wahouuu ! Quelle veine j’ai eue : le travail avec Vincent était génial. Il s’imprègne du jeu, puis apporte plusieurs choses. D’abord, ses illustrations « collent » parfaitement aux mécaniques. Ainsi, Charlotte porte à sa ceinture 2 parchemins, ce qui correspond à sa capacité unique lui permettant de rassembler 2 indices quartier supplémentaires dans la partie. Mais il amène aussi une foule de détails, de petits décalages qui donnent du pep’s à l’histoire. Par exemple le singe d’Anne Bonny. Ces décalages m’ont inspiré, et j’ai tenté à mon tour d’intégrer les éléments apportés par Vincent dans le design du jeu. Et voilà que le pouvoir du petit singe voit le jour ! De nombreux autres éléments ont suivi le même chemin, et je pense que le résultat est une cohérence totale entre le jeu et les illustrations.
L’équipage est complété par le célèbre Robert Louis STEVENSON, auteur original du roman « l’île au trésor ». Le thème de la chasse au trésor est inscrit dans les gènes du jeu. Mais j’étais initialement parti sur une histoire vraie, la découverte contemporaine d’un fabuleux trésor. Ensuite, l’évidence s’est imposée. LA référence de la chasse au trésor, c’est le fameux roman de Stevenson. J’ai relu attentivement ce livre. Génial. Cela m’a permis de mettre en place un univers cohérent. Bien entendu, j’ai pris de nombreuses libertés, mais j’ai aussi intégré des éléments du livre pour structurer le jeu. J’ai par exemple fait une grande place à la « tache noire », ce symbole de menace dans l’univers des pirates inventé par Stevenson. Le double jeu permanant de Long John est également très marqué dans le roman et le jeu.
Des membres essentiels de l’équipage sont les TESTEURS. Amis, professionnels, passionnés. Ici, j’ai envie de mentionner en particulier l’équipe de « la cafetière ». Il y avait autour de mon proto, rien moins que Corentin Lebrat, Ludovic Maublanc, Bruno Cathala et Antoine Bauza. Bon, vu que j’en vois qui ne me croient pas, alors je glisse ci-dessous une photo preuve :-). J’y ai reçu des conseils sur les écueils à éviter et sur leurs envies. J’ai dû faire le deuil d’éléments qui me tenaient à cœur. Merci à vous Messieurs car le jeu en est sorti grandi.
Un invité qu’on n’a pas toujours envie de voir à bord, c’est le CONFLIT. Pourtant c’est un formidable moteur d’innovation. Ici le conflit prend la forme d’un défi technique, lié au choix d’un plateau sans case, totalement continu. Dans le résultat final, cela va, j’espère, paraître simple. Des cercles pour les recherches, des segments pour les déplacements, et des croix pour la position des pirates. Les Mini cartes permettent de prendre des notes. Mais avant d’arriver à ce niveau de simplification, des écueils étaient sur la route, et ont nécessité de nombreuses itérations. Le résultat est fonctionnel, mais en plus, somptueux. Ce conflit a amené de l’innovation. C’est une des raisons qui fait que l’île au Trésor ne ressemble à aucun autre jeu.
Heureusement que le pont est large, car il faut encore de la place à bord pour toute l’équipe MATAGOT. Hicham, Joseph, Mathieu, Sabrina, Fabien, Stefan, Pierre, Arnaud, Raphaël, Rodolphe et Ana ont chacun apporté leur lot d’idées, de propositions. Le matériel est absolument sublime, et surtout, sert parfaitement le jeu. Il ne manque rien. Le coffre proposé par Hicham peut se fermer et s’ouvrir. Cool, cela me donne des idées… Encore une fois, la mécanique des jetons coffre est arrivée après le coffre, et non l’inverse ! Les outils sont superbement mis en couleur par Vincent et la qualité de production atteinte est parfaite, à l’image de la boussole ou du compas.
Et maintenant qui j’oublie ? C’est pourtant facile, vous devriez trouver… Le dernier élément pour que le jeu commence à vraiment exister c’est… VOUS ! Vous les joueurs, qui allez partir à la recherche de ce foutu trésor ! Ou qui allez transpirer derrière vos barreaux, dans la peau de Long John Silver ! Mesdames, Messieurs, embarquez maintenant avec tout l’équipage de l’île au Trésor!
La suite ? C'est dans 2 semaines le lundi 17 septembre pour la TTTV! A bientôt!
Marc