Je touche entre 6 et 10% du prix de vente éditeur - plus ou moins la moitié du prix public - sur mes jeux. Je n'ai jamais vu de contrat à 12 ou 15%, mais je ne crois pas non plus en avoir jamais vu en dessous de 6%. De plus en plus souvent, ce sont des droits progressifs, par exemple 6% sur les 20.000 premières boites, 8% sur les 20.000 suivantes et 10% ensuite. C'est une excellente solution, ménageant les intérêts de l'éditeur - qui supporte des coûts fixes bien plus importants que pour un livre - et ceux de l'auteur, qui doit avoir intérêt à ce que le jeu se vende. Je ne pense pas bénéficier d'un traitement de faveur par rapport aux auteurs débutants. Certes, c'est un peu moins que ce que touchent les écrivains, mais je ne m'estime absolument pas floué. Cet article omet en effet deux points extrêmement importants.
• Un éditeur de livres n'a généralement pas besoin de payer des illustrateurs, et l'impression d'un livre est infiniment plus simple que la fabrication d'un jeu et demande bien moins de travail de mise en page et de "prepress". Il n'est donc pas choquant que l'éditeur, qui fait plus de travail, soit mieux rémunéré pour un jeu que pour un livre.
• Le tirage initial d'un jeu de société est généralement de 3.000 ou 5.000 exemplaires, soit environ 5 fois plus que le tirage initial d'un roman chez un petit éditeur. Un auteur de jeu perçoit donc, dès le tirage initial, plus que l'auteur d'un roman, alors même que le travail qu'il a fourni est bien moindre. Le développement d'un jeu de société se mesure en dizaines ou centaine d'heures de travail, l'écriture d'un roman en demande le plus souvent quelques milliers - c'est une des raisons pour lesquelles je fais des jeux.
La seule fois où j'ai été vraiment "arnaqué" par un éditeur, il y a bien longtemps, j'avais un contrat en or avec 10% de droits d'auteur, mais les chiffres de vente que l'on me donnait étaient faux, ce dont je ne me suis rendu compte que bien plus tard. C'était une exception, et je considère globalement le milieu de l'édition de jeux comme l'un des plus honnêtes et transparents qui soient. Depuis ma mésaventure, anecdotique, je prends uniquement soin de ne signer de contrats qu'avec des gens qui me semblent sympathiques, sans être trop regardant sur le pourcentage.
Je suis très gêné par les discours qui opposent plus ou moins auteurs et éditeurs. Les uns comme les autres sont généralement des passionnés qui cherchent certes à gagner leur vie du mieux possible, mais qui veulent aussi publier les jeux qu'ils aiment et les faire apprécier. Lorsque je me suis trouvé en contact avec les responsables éditoriaux de gros éditeurs comme Hasbro, Mattel ou Ravensburger - ou Asmodée, qui est maintenant un gros - j'ai régulièrement été surpris de découvrir non pas des vendeurs de savonnettes, mais des passionnés de jeux à la culture ludique impressionnante et désireux avant tout de faire partager leur passion.