Lucky Numbers, est-ce vraiment le bon numéro ?

[Coloretto : 10 Jahre Jubiläumsausgabe][Isis & Osiris][Lucky Numbers][Tikal][Zooloretto]

On ne peut pas dire que Lucky Numbers ait bouleversé le milieu de la critique ludique depuis sa parution en 2012. Alors pourquoi l’exhumer ? Il y a tant à voir et à dire dans cette époque de bouillonnement créatif et éditorial ? Parce qu’il le mérite en fait.

Sorti initialement en 2012 en Allemagne chez Ravensburger, Lucky Numbers ne produit qu’un effet local. Recentré sur son travail outre-Rhin, l’éditeur allemand y jouit là-bas d’une image de marque excellente et les acheteurs pros des chaines spécialisées se contentent parfois de vérifier la présence du triangle bleu de la marque pour mettre en rayon.

Le marché français étant un peu différent, si les jeux de Ravensburger jouissent d’une très bonne image auprès du secteur jeunesse et grand public, celle-ci ne suffit pas pour que l’implantation de tous les produits de la marque se fasse automatiquement.

Même s’il existe un Ravensburger France, même à la grande époque de Tikal, il n’était pas évident pour une boutique de savoir qu’on pouvait se le procurer directement chez Ravens alors que beaucoup de boutiques se fournissaient déjà en jeu enfance, grand public ou même puzzles.

Alors temps en temps, les allemands habitués à un marché plus simple et fructueux, tentent une nouvelle approche française. C’est ainsi que l’on peut découvrir des jeux comme Lucky Numbers, avec déjà deux ans d’existence sauf en France où on le propose officiellement pour la première fois.

La première chose remarquable pour l’amateur de jeu n’est certainement pas le fameux look Ravensburger passe-partout avec ses belles couleurs vives et son look des années 80. Pas plus que l’alléchante proposition de jouer en posant des tuiles de chiffres sur un damier bleu. Une pratique pouvant peut-être convenir à la tante Georgette fan de sudokus, mots-croisés et autres occupations sans aucun doute ludiques mais venues d’un passé suranné et quand même un peu effrayant.

Non. L’interpellation de l’amateur viendra au moment de la découverte du nom de l’auteur : Michael Schacht. Oh ! Michael mais qu’as-tu donc fait ?

Alors que je ne sème pas non plus la confusion en ce monde déjà si complexe. Monsieur Michael Schacht n’est pas non plus un punk tatoué créant des jeux à moitié ivre dans des caves enfumées. Non ! Il ne travaille non plus sur des jeux de figurines pleines de promesses de zombies de massacre avec leur flopée d’extensions qui, attachée derrière les sacs de joueurs laisserait croire à des « just maried ».

Monsieur Schacht est le créateur du fameux Coloretto et son grand cousin le Zooloretto. Et si vous savez cliquer sur le nom d ‘un auteur sur le merveilleux site Tric Trac, vous pourrez également constater qu’il est l’auteur du merveilleux et oublié Isis & Osiris. Alors lui n’a pas connu un très grand succès. C’est un peu comme si vous glissiez une fugue de Bach entre deux morceaux de Cage The Elephant. La conclusion générale serait que Bach est un peu mou et chiant. En tout cas pour danser et pogoter c’est complètement naze ! Je vous parlais dans un autre article des mauvaises rencontres et bien voilà ce qui peut se passer quand on baigne dans un univers connu et apprécié et que débarque un style d’un autre genre et revendiquant pourtant la même famille.

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À l’époque déjà l’on pouvait lire l’incompréhension avec les « Le thème est plaqué ». Une sentence cruelle démontrant par là que le jeu abstrait est bien une catégorie à part à tel point que le moindre habillage thématisée prend parfois le pas sur l’essentiel.

Avec Lucky Numbers nous n’aurons pas de soucis, nous n’y trouverons que des tuiles en cartons et même pas d’illustrations. Cette fois c’est plaqué sans thème.

L’auteur y retrouve donc une de ses problématiques : le rangement paradoxal. Paradoxal parce que c’est un jeu sinon le rangement tout seul ça amuse assez peu de monde.

Nous voici dans un loto où notre grille est vierge. Du moins en début de partie. Notre objectif est de remplir cette grille en tirant des tuiles de nombres au hasard (ou presque).

Seulement voilà, il y a des règles ! Les colonnes et les lignes de cette grille devront toujours comporter des chiffres en ordre croissant de la gauche vers la droite et du haut vers le bas.

Chacun commencera par créer une diagonale.

Notre tour est simple : Nous pouvons piocher une tuile dans la pioche générale (faces cachées) ou dans la pioche face visible. La pioche face visible ? Mais où est-elle ? Alors au début, elle n’existe pas. Elle va se créer au fur et à mesure de la partie.

Si prend un nombre qui ne me plait pas, je peux, au lieu de le placer sur ma grille le défausser face visible. Mes adversaires pourront donc en profiter.

Il se peut aussi qu’après une pioche, je m’aperçoive que le nombre pioché irait bien dans un emplacement déjà utilisé. Heureusement, je peux faire un échange et défausser mon ancienne tuile face visible pour laisser à la place la petite nouvelle qui est mieux.

Là encore, mes sournois adversaires pourront en profiter.

Comme c’est le premier à terminer sa grille qui va remporter la victoire, mieux vaut ne pas faire trop de remplacements. Sauf qu’évidemment le tirage aléatoire nous imposera parfois des situations peu confortables.

Celles et ceux qui connaissent déjà Isis & Osiris vont voir la filiation immédiatement bein que ce dernier mettait en œuvre un principe de majorité et de mémoire non présent ici. Les amateurs de l’excellent et trop sous-estimé Stream devraient jeter un coup d’œil sur Schacht plus fin qu’il n’y paraît.

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Avant que nous nous quittions juste un petit mot sur les fameux Lucky Numbers ou Nombres Chanceux en français. Il s’agit en fait d’une série de nombre particulier en mathématiques. Ceux sont des entier naturels passés dans un crible (un tri par retranchement). Si vous prenez la suite des entiers 1,2,3,4,5,6,7,… et que vous retirez les pairs vous obtenez 1,3,5,7,9,11,…

Nous avons un 3 en deuxième position alors retirons un terme tous les trois. Cela nous donne : 1,3,7,9,13,15,19,…

Le survivant suivant est le 7 alors retiront tous les termes de 7 en 7. Cela donne 1,3,7,9,13,15,21,…

Et ainsi de suite ! Si cette procédure est réalisée indéfiniment nous obtenons les fameux nombres chanceux (les survivants) : 1,3,7,9,13,15,21,25,31,33,…

Et ça, pour prendre un exemple concret, ça ne vous servira à rien pour gagner à Lucky Numbers


Lucky Numbers
Un jeu de Michael Schacht
Illustré par Ravensburger
Publié par Ravensburger
2 à 4 joueurs
8 à 99 ans
Langue des règles: Française, Néerlandaise, Allemande, Espagnole, Anglaise, Italienne
Durée: 20 minutes
Prix: 15,00 €
Disponible là tout de suite


1 « J'aime »

Jeu simple, familial par excellence, présenté lors d'une TTTV, par le non moins sympathique Monsieur Jean-Baptiste.

En pleine forme le Mops!

Cher docteur, "bien que " réclame impérativement le subjonctif, on n'y peut rien, c'est comme ça.

Donc : "bien que ce dernier mît en œuvre".

Si on est fâché avec le subjonctif (ce qui serait bien bête, mais tout arrive), on peut utiliser "même si" =

"même si ce dernier mettait en œuvre".

Cela dit Michael Schacht est un génie.

Cher Monsieur @Dr. Justice,

Des remarques sur l'orthographe et la grammaire réclament du savoir vivre. C'est comme ça. Si on est faché avec les mails (ce qui serait bien bête, mais tout arrive) et qu'on aime étaler son master en orthographe , on peut utiliser les messages privés et le petit bouton "signaler une erreur".

Cela dit, j'aime beaucoup Monsieur Schacht aussi...

1 « J'aime »

Nous avons aussi le droit de profiter du savoir des autres. Quel égoïste ce Monsieur Phal

:o)

Cher Dr. Justice mon amour,

Loin de moi l'idée d'épouser l'ensemble délicat des nuances de la langue française tant je la malmène volontairement (ce qui est compréhensible mais pas forcément excusable) mais aussi involontairement (ce qui est excusable mais pas forcément compréhensible).

Je suis un de ses salauds qui prône à l'élasticité des premiers émois de cette langue toute moderne dont les formes à peine existantes deviennent parfois et finalement très soudainement lois immuables que seuls les analphabètes et les hérétiques osent braver. Les premiers par ignorance, les autres par hédonisme linguistique. Je crains bien d'être à la fois l'un et l'autre.

Pour en revenir à notre "Bien que", le français moderne (donc le français moderne moderne en l'occurrence) exige en effet le subjonctif. Il est vrai que le pauvre le mérite bien, tant le parlé et l'écrit copulent de plus en plus annonçant sa mort prochaine.


Autant je n'aime pas les carcans, autant j'apprécie encore moins les pertes.
Mais voilà, comme souvent, cette fameuse règle immuable et précise ne l'est que depuis peu. Et encore. Je crois que mon ami Le Grand Robert ne fait que la préconiser nous accordant le loisir de l'indicatif avec circonspection. Pourquoi ? Car le "bien que" introduit une concessive. On va donc évoquer une vérité qui vient minorer une autre vérité. L'emploi de ce bon vieux subjonctif évocateur du doute laissera planer celui-ci sur cette vérité rétive tandis que l'indicatif lui donnera l'assurance d'une vérité bien campée mais qui viendra s'opposer à l'autre plus rudement.

Les écrivains du XVIIe s'en servaient du moins ainsi avant que les grammairiens du XIXe ne viennent trancher dans le vif préférant l'élégance subjonctive du doute qu'ils n'appliquèrent malheureusement pas à leur règle.

Je vais donc, votre honneur, prôner pour ma défense mon humanisme suranné mais que je vais continuer à savourer bien que votre sentence ne manquera pas de retomber prochainement.

Nous n'y pouvons rien. C'est comme ça ;)

2 « J'aime »

Belle introduction desprogienne ! ;o)

http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/chroniq/index-fra.html?lang=fra&lettr=indx_titls&page=9U66xqoK0nJk.html

lecture intéressante pour les amoureux de la grammaire...

ce jeu semble être un mélange de streams et de high score, 2 excellents jeux

une sorte de mini doublon pour Raven sburger : high score est quand même assez voisin, même s'il n'y a pas cette défausse...