Speak Easy, le titre évoque instantanément un party game où l’on va dire des bêtises en ricanant bêtement ou pas. On pourrait d’ailleurs imaginer la même chose en parlant de Blind Pig ou Blind Tiger. C’est là que les plus spécialistes lèveront un doigt de justice en précisant que (ho !) non, les tigres et les cochons aveugles sont des établissements de moindre qualité que le SpeakEasy. Car c’est de l’époque des incorruptibles dont Speak Easy nous entretient avec ce nom désignant les bars à alcool pendant la fameuse prohibition. Et ici pas de party game mais un jeu de réflexion.
Mais l’histoire ne va pas s’arrêter là parce que si le thème nous emmène dans les rues de Chicago, le jeu quant à lui va nous permettre de voyager vers la Chine.
Monsieur Didier de la jeune maison d’édition Capsicum est un passionné de jeu. C’est bien. Et plus particulièrement de Luzhanqi. Mais quoi donc ? Qu’est-ce ? Que dîtes-vous ?
Le Luzhanqi est un jeu très populaire en Chine dont nous pourrions traduire le nom par jeu des armées. On ne connaît pas bien son origine mais l’hypothèse la plus vraisemblable est qu’il soit d’origine moderne. Sans doute début XXe comme semble attester les armées qui figurent dans les nombreuses versions du jeu.
On retrouve dans ce jeu les influences notables du Xiang Qi (les Échecs chinois) ainsi que du Doushou Qi, (le Jeu de la Jungle), notamment par l’usage de zones de jeu aux propriétés différentes. Mais la spécificité du Luzhanqi c’est que les pièces de jeu on des forces diverses qui sont cachées de l’adversaire en début de partie.
Cela vous rappelle quelque chose ? Le célèbre Stratégo bien sûr. Ce dernier, visiblement très inspiré d’un plus ancien jeu français, L’Attaque, montre une filiation assez nette entre les jeux chinois et européens. Là encore ce n’est que conjonctures et conjectures car L’Attaque est attribué à Hermance Edan qui dépose un brevet en 1909. C’est dire neuf ans après la guerre des Boxers où des soldats français sont allés se battre en Chine. Ne reste plus qu’à trouver des documents attestant l’existence du Luzhanqi avant cette date. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une invention croisée.
Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, on peut trouver en Chine des multitudes de Luzhanqi avec des thèmes variés et des illustrations délicieusement rétro.
Monsieur Didier, fort de cette passion, a donc décidé de nous en proposer une version ayant pour thème la prohibition, adaptée par Henri Redici.
Nous retrouvons ici les différentes zones de jeu : Rues, Ruelles, Bâtiments et Bars.
Les Rues permettent des déplacements de plusieurs cases en ligne droite, les Ruelles ne permettent qu’une case de mouvement, les Bâtiments protègent de l’ennemi, et sur un des deux Bars, se placera le fameux Speakeasy : la pièce que doit prendre l’adversaire pour remporter la partie.
Du côté de nos troupes, à la place des traditionnels généraux, lieutenants ou autres militaires, nous disposerons de Boss (force 8), Héritier (7), Voiture (6), Comptable (5), Flic Corrompu (4), Mitrailleur (3), Porte Flingue (2) et Homme de Main (1).
Et puis quelques pièces spéciales que je vous décris sous peu.
Le début d’une partie commence par l’installation en secret de nos pions sur le plateau de jeu. N’allez pas penser que c’est juste une phase d’installation, c’est un moment très important du jeu et très tactique. Les pièces sont posées face cachée et nous devons dès cette phase choisir des éléments décisifs pour les combats à venir.
Le fameux Speakeasy, notre roi à protéger ne peut se placer que sur un des deux Bars.
Les trois Babes sont des personnages sans valeur. Mais leur pouvoir est de faire fuir (éliminer) tous les personnages qu’elles rencontrent. Ce pouvoir important est modéré par le fait qu’elles doivent obligatoirement être placées dans la Rue, les Ruelles ou le Bar près du Speakeasy. Elles ne pourront pas non plus en bouger.
Les trois Kids sont également des personnages spéciaux. Sans valeur eux aussi, ils doivent fuir devant tous les personnages sauf les Babes qui ne les impressionnent pas beaucoup et du coup les Babes prennent la fuite devant les petits Kids. Quel intérêt ? Les Kids sont les seuls personnages qui peuvent effectuer des virages en se déplaçant. Ce sont donc de formidables éclaireurs.
Les derniers personnages spéciaux sont les deux agents du FBI. Ils n’ont pas non plus de valeur mais mieux que les Babes, ils peuvent se déplacer et faire fuir tout le monde. Leur faiblesse contrebalance leur force, ils disparaissent dès qu’ils font une rencontre. Ma couverture est tombée ! Je quitte le terrain !
Une fois le positionnement terminé, les joueurs vont déplacer un de leur personnage à tour de rôle. On ne peut bouger que d’une case sauf dans les Rues où l’on bouge de plusieurs cases en ligne droite. Du moins tant qu’il n’y a pas de rencontre.
Dès que deux personnages ennemis sont au même endroit, chacun se dévoile et l’on résout la situation : le plus fort élimine le plus faible.
Le premier joueur qui réussit à amener une pièce à l’emplacement du SpeakEasy adverse remporte la partie en contrôlant tous les bars clandestins de la ville.
Le jeu sera présenté au prochain d’Essen 2014. Il sera ensuite disponible sous peu dans toutes les bonnes boutiques aux alentours de 20€.
Speakeasy
Un jeu de Henri Redici
Illustré par Aurélien Bidaud
Publié par Capsicum Games
2 à 2 joueurs
A partir de 8 ans
Langue de la règle: Française
Durée: 30 minutes
Prix: 19,99 €
Disponible : Essen 2014 (octobre)
[Jungle][L’Attaque][Luzhanqi][Speakeasy][Stratego][Xiangqi ou Échecs Chinois]