[1960 : Kennedy contre Nixon][Twilight Struggle][Watergate]
Qui aurait pu imaginer en novembre 1972 que la réélection triomphale de Richard Nixon à la Maison Blanche avec plus de 61% des voix et la victoire dans 49 États américains se terminerait 21 mois plus tard par la première démission d’un Président des USA, honnis par une très grande majorité des concitoyens, rejeté par son propre camp politique et menacé de multiples procédures judiciaires ? Parti d’un banal cambriolage raté, le scandale du Watergate allait devenir une des plus formidable bataille entre un gouvernement et la presse d’investigation, avec pour enjeu la maîtrise de l’opinion publique et le pouvoir de faire et défaire les carrières.
Watergate est une création de Matthias Cramer, éditée par Iello, pour deux joueurs dans laquelle l'un représente la presse américaine, l'autre étant l'administration Nixon. L'objectif des journalistes est de relier des scandales à Richard Nixon, celui du gouvernement de faire avancer le mandat présidentiel jusqu'à son terme.De l'ombre à la lumière... de la lumière à l'ombre
La première partie d'une manche se déroule sur une piste d'influence au milieu de laquelle se trouve un marqueur initiative (blanc), un marqueur opinion (rouge) et 3 jetons preuves tirés au hasard et consultés par le joueur Nixon avant d'être placés face cachée avec les deux marqueurs. L'objectif : terminer la manche avec le plus d'éléments de son côté (ou à la rigueur dans la zone neutre).
Les investigations de la presse vont se porter sur 3 sujets identifiables par leur couleur : bleue pour la piste du financement, jaune pour le cambriolage et verte pour les enregistrements de la Maison Blanche.
Chaque joueur a un deck de cartes spécifiques à son rôle. En début de manche, le joueur qui a l'initiative tire 5 cartes de son deck, son adversaire n'en tire que 4. Toutes ces cartes sont jouées à tour de rôle selon deux utilisations possibles :
- Jouer la valeur de la carte : le joueur déplace vers lui un des marqueurs, ou une des preuves de la couleur indiquée et présente sur la piste. Le journaliste doit préalablement demander au joueur Nixon s'il y a une preuve de la couleur et - dans le cas contraire - il choisi quel marqueur déplacer.
- Déclencher l'action de la carte et appliquer le texte de la carte. Certaines actions sont réellement très puissantes et généralement à usage unique : recruter (journaliste) ou bloquer (Nixon) un informateur, déplacer dans la même action les deux marqueurs ainsi que plusieurs jetons preuves, ou bloquer l'action de l'adversaire.
Une fois la manche finie, on active les éléments selon leur position sur la piste :
- le marqueur blanc indique de quel côté sera l'initiative pour la prochaine manche (si le marqueur est sur le zéro, l'initiative change de côté),
- le marqueur rouge va au propriétaire de la zone où il a terminé : Nixon gagne la partie dès qu'il acquière son 5e marqueur opinion. Le journaliste, lui, bénéfice d'une action bonus pour ses 3e, 4e et 5e opinions obtenues.
- les jetons preuves sont disposés sur le plateau (une preuve finissant sur la case zéro est remise dans le sac)
Suivez l'argent !
Le plateau est découpé dans les 3 zones colorées déjà indiquées (bleues, jaune et verte). À chacune de ces enquêtes sont associés des proches du Président susceptibles de devenir des informateurs pour les enquêteurs. Ce sont ces informateurs qui ont pu être recrutés ou bien bloqués dans la première phase de la manche.
Qu'il y ait ou non des informateurs, les joueurs vont disposer les preuves sur le plateau dans les zones correspondant à leur couleur. Le joueur journaliste pose ainsi ses jetons preuves face visible de manière à relier des informateurs à la case centrale de Nixon. L'administration gouvernementale, elle, va tout faire pour ralentir les investigations en bloquant des connexion par des jetons face cachée. La presse a gagné dès qu'elle arrive à relier deux informateurs au Président.
L'irrésistible fascination des 30 glorieuses !
Les amateurs de gros jeux à deux ont peut-être fait un parallèle avec l'excellent 1960 Kennedy contre Nixon, ou à Twilight Struggle dont on a connu de multiples versions simplifiées, mais il s'agit d'une fausse ressemblance. Certes on retrouve la double caractéristique valeur / évènement, mais c'est le seul point commun puisque les decks de Watergate sont spécifiques à chaque joueur. La confusion provient essentiellement du thème, l'ensemble de ces titres tirant leur sujet des années de l'âge d'or américain (1945 - 1975) où la culture US a déferlé sur le monde entier et est devenue la norme occidentale. Le développement de la contre-culture, les luttes pour les droits civiques, les assassinats de figures emblématiques, cette période de l'Histoire a créé les mythes qui influencent les créations contemporaines dans le cinéma, la littérature et bien entendu les scénarios de jeux.
Watergate présente une mécanique simple à prendre en main, des actions de cartes très compréhensibles dans leur descriptif et propose une thématique puissante et originale. On peut toutefois conseiller de confier le rôle de la presse à des joueurs plus aguerris, la victoire par le circuit des preuves m'apparaissant plus difficile à obtenir que celle de la Présidence.
Il n'est pas nécessaire de connaître les détails du scandale du Watergate pour jouer au jeu, mais le travail éditorial offre la possibilité de connaître le sujet grâce aux courtes biographies explicatives des cartes et à l'excellent dossier historique de 7 pages qui terminent le livret de règles. En étant imprégnés des turpitudes d'une administration prête à toutes les manipulations et malversations pour arriver à ses fins, le jeu - qu'on soit d'un côté ou de l'autre - en prend plus de saveur.