[Kairo]
La Genèse
En 2010, mon alter égo ludique me fait part de son envie de créer un jeu. Enorme, pour lui comme pour moi cela a toujours été un rêve. Ensemble, du primaire au lycée nous en avions créé un bon paquet auxquels nous avons joué des centaines d’heures je pense. Mais là, presque 15 ans plus tard il me parle de créer un jeu, un “vrai”. Il avait osé !!! Génial, j’étais super fier d’être l’ami d’un auteur.
Il m’explique ses premières idées, on en parle … et puis je retourne dans chez moi à quelques centaines de kilomètres de son chez soi.
Durant environ un an et demi, lorsque nous nous appelions au téléphone, nous avions toujours un moment où l’on parlait de son jeu, de son avancement, de ses blocages.
Et à l’été 2011, je me retrouve chez lui pour une soirée sympa. Et là je découvre l’ampleur de son projet. Juste un monstre, un bon gros jeu de gestion comme on aime, mais bourré d’interactivité.
Un jeu de pose d’ouvrier à la pilier de la terre ou l’age de pierre, mais avec des alliances et des trahisons à la fief (un must have pour nous deux).
Cannes 2012, l’arrivée
Je savais qu’il travaillait sur ça, mais là, comme ça, le toucher du doigt !!! une belle claque pour moi. Quelques temps plus tard, à force de débriefing, je me retrouve avec un proto chez moi. Je le teste de mon côté et lui du sien. Parties, travaille, débrief, parties , travail … Je me retrouve dans la phase active de finalisation du projet. Mais il faut faire vite car il compte le présenter à Boulogne (c’était l’année Europa Ludi) et à Cannes 2012.
En quelques mois on a fait un travail énorme et on avait vraiment quelque chose de super satisfaisant à nos yeux.
On arrive à Cannes pour installer sa table d’auteur. On était comme des enfants dans un magasin de bonbons et de playmobil. Régulièrement quand on croise quelqu’un il me dit “regarde c’est untel, regarde c’est tel éditeur …” Enorme.
Ensuite vient le diner de la remise des As d’Or. Pareil, mode paillette, on se retrouve à la table de Laurent Escoffier et de GameWorks. Le truc incroyable. Il y avait à notre table un plus newbie que nous qui me prend pour Phal car je suis barbu et commence à me parler de son super jeu entre le monopoly et le scrabble !!! Enorme.
A un moment Joseph me montre un gars. Moi je ne connais personne à cette époque. Il me dit que c’est le patron d’Ystari. Je lui fait remarquer que c’est parfait pour son jeu, et je lui balance que je réussirais à l’amener à sa table d’auteur durant le salon (oui, on avait déjà commencé à boire).
Premier off
Le soir, premier off, on quitte la soirée avant la fin. On est un peu pompète et on va installer la table. Mais quasi personne. Puis arrivent les autres qui étaient à la soirée. Joseph me file un coup de coude (dont de dois encore avoir le bleu^^) “Regarde, c’est Hicham de Matagot”. C’est bien lui, il regarde le jeu et demande le pitch à Joseph. Il lui sort donc, hyper stressé et un poil embrouille par l’alcool, son petit discours qu’il avait préparé méticuleusement. Hicham remercie et s’en va.
Un groupe de trois inconnus s’approchent et demande aussi le pitch. Joseph le refait, moins stressé. Et là un des gars lui dit :“C’est de la merde ton pitch !”
Enorme. Mais le gars lui dit pourquoi, ce qui ne va pas dans son truc, le fait que pour expliquer son jeu il ne doit pas se baser sur d’autres jeux connus, qu’il doit ceci, cela … Bref, que des supers conseils et des évidences … qui n’en étaient pas pour nous car nous étions de vrais puceaux en matière de création ludique. Celui qui parlait des trois était un “petit” auteur, peut-être l’un de vous et on peut dire que ses conseils furent vraiment bienvenu.
Puis arrive un autre qu’on ne connait pas. Joseph improvise à l’arrache un nouveau pitch puis le gars nous demande si ça se joue à trois. Bon, on aurait préféré accrocher un éditeur mais on va pas rester planter. On commence la partie et le gars réfléchi, réfléchi … même quand il n’y a pas besoin de réfléchir.
En fait le gars EST un éditeur, et il ne réfléchit pas tant à ses coups qu’a analyser le jeu. Grosse partie, et surtout énorme débriefing. Il nous promet de repasser à la table plus tard.
Joseph connaissait cette maison d’édition (on va l’appeler X), mais pas moi (et maintenant tout le monde la connait ^^)
Effectivement, le vendredi X arrive et voit qu’il y a des joueurs sur la table. Il prend rendez-vous avec Jospeh le lendemain.
Le samedi
Tout le vendredi j’avais bavé sur Serenissima dont le proto était toujours bondé sur le stand Ystari. Alors ayant un badge, avec un autre pote, on s’assoit à la table juste avant l’entrée du public. On fait notre partie et à la fin, Cyrille d’Ystari se pointe. Il hallucine un peu sur mon score (j’avais fait une partie de malade étant fan de Méditerranée et plumé les deux qui avaient joué avec nous) et on débrieffe car il est interressé par le ressenti des joueur de Méditerranée. Et dans la discussion, je lui parle du proto de Joseph. Il écoute poliment.
Une ou deux heures plus tard, je reviens et lui parle d’un point qui me gène (les dés de Serenissima) … puis le relance sur le jeu de Joseph. A mon avis là il a du se dire que je lui casserais les bonbons tout son festival … et m’accorde un quart d’heure.
On file à la table d’auteur et on arrive … en pleine partie test de l’éditeur X. Gros moment de gène pour tout le monde, et Cyrille sort à Joseph, mi ironique mi sarcastique : “si je suis là ça va t’aider à signer”. Super départ … Il regarde jouer du coin de l’œil pendant que Joseph lui explique … et reste une très grosse demi-heure !!!
Moi en tout cas, j’ai gagné mon pari, j’ai amené monsieur Ystari à la table de Joseph !!!
Le dimanche
Cannes 2012 étaient une belle année. Me voilà assis avec ma femme et deux amis à la table de “The Island” surdimensionné. Enfin libre, on avait attendu 30 minutes pour l’avoir. On nous explique les règles et là, un coup de téléphone. Joseph me contact en urgence, il a besoin de joueur car Cyrille est venu tester Kairos avec Adrien Martinot de DoW. Bien évidement je file.
J’arrive presque à la fin de l’explication des règles et là Cyrille prévient qu’on ne fera qu’un ou deux tours car il n’a que 45 minutes.
Effectivement on a pas fini la partie car on a parlé du jeu autant qu’on a joué. Au bout d’une grosse heure et demi, on arrète donc de jouer … et on débrief.
Un débriefing juste hallucinant. En 2/3 de partie ils ont vu tous les biais du jeu, tous les défauts, et surtout les pistes pour y remédier. C’est vraiment là qu’on voit la qualité d’analyse de ces personnes, le professionnalisme d’un éditeur. Et le temps qu’ils passent avec un auteur inconnu et son pote.
Quand ils sont partis, les 3/4 d’heures avaient duré 2 heures de plus !!!
Là Joseph m’apprend que l’éditeur X avait pris une option sur le jeu. Il l’avait annoncé à Cyrille avant que j’arrive … et la question de savoir si Kairos pouvait intéresser Ystari ne c’est donc même pas posée, même s’il nous a vraiment inciter à pousser le jeu jusqu’au bout.
L’après Cannes
Gros débriefing d’après Cannes, on lance les bases du travail, les pistes de développement, les choses à supprimer, celles a changer … Puis il rentre chez lui.
C’est d’ailleurs juste après Cannes 2012 (le lendemain en fait) que j’ai commencé à créer de mon côté (cela va donc faire 3 ans tout pile)
L’éditeur X commence les tests de son côté également. Petit à petit je suis naturellement mis en dehors de la boucle car bosser à trois de trois endroits différents, ce n’est pas facile. Alors je suivais de loin, j’étais tenu au courant des avancées, et de temps à autre Joseph me demandais mon avis sur ça ou ça.
Et puis au bout de quelques mois, Joseph m’annonce que ça ne se fera pas avec cet éditeur. Il a continué à bosser jusqu’à arriver à une version vraiment aboutie … et a tout laisser tomber. Kairos, la création, la recherche d’éditeur.
Sniff
Finale de Boulogne 2014, plus de deux ans plus tard.
Depuis Cannes 2012 donc je me suis mis à créer. J’ai appris à connaitre le milieu, des choses à faire et ne pas faire. J’ai mon premier jeu sorti fin 2014 et un prochain à venir. Et également quelques résultats ou finale a des concours.
Ayant un jeu en finale de Boulogne, j’ai quitté ma Guadeloupe pour un petit voyage ludique à Paris en ce mois de septembre.
Après la remise des prix, tout plein d’éditeurs sont présents. Évidement on parle de jeux. Moi je me dis que cela ne sert à rien de parler de mon jeu finaliste car il a été présenté à tous les éditeurs présents, et s’ils voulaient m’en parler il le ferait.
Et c’est là que je parle de Kairos à un gars que j’avais croisé sur quelques salon. Je savais dans quelle boite il bossait et effectivement Kairos ne ferait pas tache dans leur gamme.
En 10 minutes je lui raconte un peu l’histoire jeu comme je viens de le faire ici (mais en beaucoup plus court, et à l’oral ça va plus vite aussi).
Le gars me dit de lui envoyer les règles. Je lui dit que je contacte l’auteur et que quand je les ai reçu je le fais. Cela fait toujours plaisir à entendre mais bon perso je n’y crois pas du tout (toujours tenté de ne pas y croire pour éviter tout déception)
Le final
Le premier février, un message sur fb. Incroyable. Le gars en question me relance pour les règles !!!
Hallucinant, je lui ai parlé 10 minutes, entre 50 conversations, d’un jeu d’un copain et 5 mois après il me relance pour les règles.
Je contact Joseph en urgence et je lui raconte. Apparemment c’est moi qui ai oublié de lui en parler. je croyais l’avoir fait en coup de vent mais il semble que j’ai zappé. Bref, je récupère les règles et je les transmets dans la foulée … avant de me rendre compte que les images ont sautés (probablement incompatibilité de versions word) et surtout que les règles n’ont jamais été relues car jamais envoyées.
Je fais une correction rapide et je renvoie des règles plus propres.
Ensuite Joseph me dit qu’il aura surement de la difficulté à trouver le temps et l’énergie pour rebosser seul sur Kairos et qu’il souhaite m’y intégrer totalement.
Perso je ne sais pas trop comment me place dans ce jeu dont il est clairement l’auteur, mais quoi qu’il en soit je suis méga content de bosser dessus.
J’ai réécrit entièrement, plus en profondeur cette fois, les règles afin d’y mettre le peu d’expérience que j’ai. Et vu que j’ai quelques jours de congés qui arrivent, je vais en refaire un proto de mon côté et relancer les tests.
Et si ça ne fonctionne pas avec ce nouvel éditeur, et bien on va repartir calmement, repartir de la base et tout mitonner aux petits oignons avant de repartir activement à la recherche de l’éditeur qui va le prendre.
Bref, un nouveau projet super excitant, sur un jeu super séduisant, bien comme j’aime avec de la gestion, de la tension et de l’interaction énorme.
(Je me suis fait plaisir à l’écrire, mais franchement je me demande si certains ont lu ce message jusqu’au bout. )
Un certain, oui, au moins.
Belle histoire. Ca me rappelle l’histoire du Dragodrome, ou celle des Faucheurs de Marguerites.
Je croise les doigt pour Kairos, et te propose mon aide ponctuelle, pour les règles ou des tests, si tu viens à Paris, où si on se trouve sur le même salon.
Pareil, je suis à Cannes cette année, donc si besoin n’hésite pas.
Bonne journée
super histoire, il ne manque que le dénouement…
le milieu du jeu est quand même sympa…
Merci zous. Grace à toi, je suis arrivé avec 10min de retard au travail.
ton recit était pationnant et j’espere que tu ecrira une suite heureuse
bonne chance pour la suite !
joli texte très intéressant.
Merci pour cette tranche de vie ludique.
Et bonne chance pour la sortie du jeu !
Moi aussi j’ai tout lu, et donc merci pour cette belle tranche de vie
Maintenant, on attend de voir si le petit Kairos a fait un pas dans la direction de l’ édition.
Alexandre
Merci Alexandre de remonter ce sujet. Je ne l’avais pas vu à l’époque .
Très belle tranche de vie en espérant qu’elle aboutisse dans le sens désiré
Tiens cela me fait penser qu’il faut que je relance l’éditeur en question (oui, j’ai du mal à contacter les éditeurs, et encore plus à les relancer).
Je sais qu’il est over over booké en ce moment, mais je crois qu’il est temps de faire un petit coucou.
Et puis je vais avoir un peu le temps en plus.
Superbe histoire… On veut la suite!
Et une Happy End si possible!
D’ailleurs, Zous, tu parles du fait de relancer un éditeur qui a l’un de tes protos.
Et du coup, je me permet de poser une petite question :
Au bout de combien de temps peut-on relancer un éditeur qui a votre proto (sans passer pour un gros relou évidement )? Si vous avez la réponse, ça m’intéresse!
En tout cas, ton récit est super intéressant et j’espère vraiment que Kairos trouvera les voies de l’édition!
ENJOY!
De ma très modeste expérience, les éditeurs m’ ont dit de les relancer au bout de deux mois, si je n’avais pas de nouvelle.
Alex
le sujet étant remonté je l’ai lu en entier, ce que je n’avais pas fait la première fois. récit vraiment très sympa, ça me rappele un peu mes débuts.
une question cependant, pourquoi sité Matagot, Ystari et DoW mais pas X et le nouveau?
Bon, moi je pari sur Pearl et Ludonaute
merci d’Alexandre de déterrer ce vieux sujet bien intéressant de Zous
on croise les doigts pour une fin heureuse
Nono dit:Bon, moi je pari sur Pearl et Ludonautepour X, je suis d’accord mais pour Nouveau, je verrais qq’un d’autre, je continue de réfléchir … voilà l’avis d’un pronostiqueur du dimanche
Nono dit:une question cependant, pourquoi sité Matagot, Ystari et DoW mais pas X et le nouveau?
Quand cela s'est passé, je n'étais pas auteur, je n'étais "que" joueur ayant bossé sur le jeu d'un copain.
Résultat, l'envers du décors je ne connaissais pas du tout, et rencontrer tous ces gens a été vraiment une nouveauté source de supers souvenirs.
Donc oui, en parler ne pose pas de souci à mes yeux.
Quant aux deux autres je vois ça différemment.
Déjà lorsque je suis en contact "ciblé et précis" avec un éditeur je ne le cite jamais publiquement avant que ce soit officiel (même s'il me tarde toujours de le faire). Premièrement parce que ce n'est jamais sûr à 100%, et deuxièmement car je pense que c'est à l'éditeur de gérer le timing de la communication (même si on a toujours envie d'aller plus vite que lui).
Egalement, on a tous eu des "presque accord" ou des débuts de "travail commun" qui se termine en eau de boudin, pour des raisons qui peuvent être excellentes. A mon avis communiquer sur un échec n'est pas une chose à faire. Sauf lorsque les choses ont été officialisées et que donc il faut également officialiser la rupture.
Voilà en gros pourquoi ce choix. Je ne sais pas si c'est le bon mais c'est comme ça.
Pour en revenir à l'histoire, c'est à mon tour de relancer l'éditeur qui m'a relancé
Comme il est hyper charette, et que j'imagine que de découvrir un jeu de ce style sur règles ne le botte pas tellement, il ne les a pas encore regardées.
En revanche, on s'est mis d'accord pour se voir quand je viendrais en métropole en septembre pour la finale de Boulogne (soit tout pile un an après). Le plus dur sera de trouver un créneau commun avec l'auteur.
Alexandre dit:De ma très modeste expérience, les éditeurs m' ont dit de les relancer au bout de deux mois, si je n'avais pas de nouvelle.
Alex
Merci Alexandre pour ta réponse!
A part ça, j'aimerai beauuuuuuuuuuucoup écrire un article sur mes protos et raconter mes divers contacts avec des éditeurs... Mais comme Zous, je ne préfère pas en parler publiquement (et pourtant j'adorerai) mais il est vrai que je n'ai aucun de mes jeux ni édité, ni signé. Je pense que c'est un exercice très intéressant lorsque l'on est sur que son jeu va être édité. Savoir ce qui a plu à un éditeur et ce qui a rebuter un autre est toujours très intéressant.
Personnellement, sur l'un de mes jeux, un éditeur m'a expliqué tout ce qui lui déplaisait et ce qu'il aimé dans mon proto (avis toujours très constructif). Ce qui est amusant, c'est qu'un autre m'a dit exactement l'inverse (avec des arguments qui tenaient également la route)!
Si ce jeu - que nous appellerons "X" ( ) sort un jour, je me ferai un plaisir de vous raconter l'amusant envers du décors.
Bon, en tout cas Zous, n'oublie pas de nous tenir au courant pour la suite de ton jeu
Oups … Ben moi j’ai raconté dans le topic sur clash of druids les premiers retours que j’avais eu … J’ espère que ça ne porte pas malheur.
Après, je pense que c’est la nature humaine. On aime tous des choses différentes. Alors à moins,de faire un gros carton, difficile de plaire à tout le monde. Mais l’éditeur connaît généralement les goûts du public de sa ligne éditoriale.
Allez BD Philou. Donne nous qqs infos. De toute façon on n’ est pas nombreux sur ce forum.
Alex