Alors parfois, au gré des circonvolutions des méta thèmes fourmillant dans les esprits paradoxaux humains, il arrive que se télescopent des actualités, qui, si elles ne sont guère brûlantes, n’en interrogent pas moins le monde quant à la nature des coïncidences troublantes dont je témoigne ici :
Voilà-t-y pas que je vous brossait l’ouvrage “Pensez comme un grand maître” d’Alexander Kotov pas plus tard que la dernière semaine et qu’un article sur cet ouvrage paraît sur le site d’Europe Echecs. Bon, le contenu est accessible uniquement aux abonnés… on ne gagne pas à tous les coups…
Néanmoins, cela m’a incité à le relire pour me rafraîchir sinon les idées, du moins mes maigres cartouches sur le sujet.
Même quand le temps limité n’existait pas aux échecs, il arrivait assez régulièrement qu’un joueur, pourtant remarquable, jouait un coup archi perdant après une longue réflexion.
Et quand, dans l’analyse post mortem de la partie, on en demandait les raisons, il en ressortait une sorte d’aveuglement dû à l’impossibilité rationnelle de mener une réflexion à son terme à cause de la complexité de la position et des possibilités très importantes de mouvements.
A partir d’un certain niveau, les joueurs tissent un plan général, une stratégie globale, en prenant un thème particulier propre à la partie : attaque d’un roque affaibli, pions isolés, chaîne de pions fragile et ainsi de suite. Donc, pour faire simple, le plan consiste souvent à trouver une suite de coups menant à la réalisation de ce plan, avec plus ou moins de bonheur.
Entre parenthèses, ça change un peu de certains youtubeurs ne jurant que par la tactique et les coups douteux pour faire sauter une position et surtout la réflexion de l’adversaire, stressé par le temps lors de ces parties éclairs ou tout le monde à sa chance sur tout le monde.
Mais là, pas de stress dû au manque de temps. Juste qu’à un moment, les calculs deviennent si compliqués, les suites de coups s’enfoncent si loin que tout devient nébuleux et obscurcit l’esprit d’analyse. Cela aboutit à un rejet de cette réflexion, à une espèce de fatigue nerveuse qui ne peut plus calculer rien d’autre et se conclut par un coup qui semble a priori plausible mais sans les gardes fous naturels que s’imposent les bons joueurs. Et paf, la gaffe.
Ce phénomène est connu depuis longtemps et la pendule est arrivée car, quand même, certains jouaient si lentement qu’il n’était pas rare que les organisateurs prévoient des sorties culturelles durant les parties, puisque, de toutes façons les joueurs ne pouvaient pas perdre au temps.
La plupart des joueurs prédisaient, au début de l’instauration d’un temps limité, que les erreurs seraient plus nombreuses et la qualité des parties moindre.
Or, la pratique montre le contraire. Les joueurs se sont adaptés et ont modifié leur méthode de réflexion. L’un des principes fondamentaux, c’est de suivre en premier son plan de jeu et donc d’avoir en tête un coup à jouer qui est dans l’esprit de ce plan ou simplement pour parer une menace. C’est le coup en réserve. Et puis, si un certain nombre de conditions sont présentes dont par exemple, l’intuition du joueur, alors on peut se permettre de pousser son analyse. Et si on y arrive pas, pas de soucis, il y a le coup de réserve.
On peut transposer dans nos jeux de société, je pense. Alors, quand on rencontre un joueur qui prend beaucoup de temps et qui finalement joue n’importe quoi, outre la déception générale, ce serait sympa de lui toucher un mot de cette méthode car, je l’espère, chacun ici préférera nettement avoir un peu de compétition que de s’enorgueillir de gagner à coup sur face à des joueurs qui ne demandent qu’à apprendre.
La mise en place d’un temps limité pour chacun, lors d’une partie, est alors non plus une menace ou une source de stress, surtout si on utilise un sablier, mais simplement une bonne pratique pour jouer à peu près à armes égales et dans le respect mutuel des temps d’attente de chacun.
Evidemment, une cadence d’un coup toutes les 3 secondes, c’est plus de la fabrication de cortisol, d’adrénaline, d’ocytocine et de vasopressine que de dopamine…
Choisir les termes paralysie analytique plutôt que paralysie d’analyse est sans doute une question de goût, de sensibilité de chacun. Oui, en comparant avec la paralysie musculaire plutôt que du muscle, on aboutit à une homogénéité qui a ses qualités.
Mais je ne cache pas que le seul terme analytique me renverra toujours l’image de ces charlatans qui, depuis la fin du 19ème siècle, ont soutiré des sommes considérables à des gens trop crédules qui pensaient de bonne foi que leurs problèmes existentiels pouvaient se résoudre sur un canapé.