L’équipe du Dice Tower, composée de Tom Vasel et ses équipiers, a posté une excellente vidéo présentant les 10 points que tout créateur devrait suivre lors de la phase de création. Malheureusement, cette vidéo est en anglais ; cependant, notre ami Who Needs Web du forumcreaj2s a traduit les titres de ces 10 points. Je me suis donc permis de les reprendre et de les développer un peu, pour vous les proposer ici. Un petit top que tout bon créateur se devrait d’épingler au-dessus de son bureau. Bien sûr cela n’a rien d’exhaustif, et si vous voyez d’autres points n’hésitez pas à les poster dans les commentaires ; s’il y en a assez je ferais un second article.
1. Testez, puis retestez et testez encore !
C’est pour moi le point le plus important. Ce n’est que pendant les tests que nous pouvons clairement identifier les problèmes et les bonnes idées qui se dégagent d’un proto. Une bonne idée sur le papier peut être désastreuse en réalité, rien ne remplace le test. Surtout que celui-ci peut également faire jaillir de nouvelles idées ou de nouvelles pistes !
Je pense qu’il y a un autre point à aborder ici, c’est le fait d’élargir son champ de testeurs, de tester au-delà de notre famille ou amis. De même, il est intéressant de jouer avec des publics différents : enfants, experts, novices, hommes, femmes, etc… Nous n’avons pas tous la même façon d’aborder les choses. Les débutants pourront mettre le doigt sur un point vague de la règle, bien que ce point vous semble tout à fait clair. Comme je l’ai déjà entendu « lorsque l’on achète un jeu, le créateur n’est pas dans la boite ».
2. Gardez votre style
Votre style ne se verra pas forcément, très clairement dès vos premiers jeux. Celui-ci se développera au fur et à mesure, et vous finirez par trouver votre public. Les gens aimeront vos jeux, car ils connaîtront déjà ce que vous faites. Si vous changez de style comme de chemise, vous semblerez vous disperser et vous perdrez votre public. Bien entendu, cela ne veut pas dire que vous devez uniquement créer des jeux d’ambiance, de deck building ou autres, seulement qu’il faut réussir à conserver son style, ses idées et ne pas suivre les modes qui seront vite chassées par de nouvelles. Surtout qu’entre le moment où vous avez les idées et celui où vous êtes publié il peut passer de nombreuses années. Inutile donc de créer un jeu sur les zombies, alors que nous ne sommes plus en 2012.
Il n’est pas rare de suivre un créateur car nous aimons ses jeux, et donc d’acheter les yeux fermés (ou presque) ses créations.
3. Écoutez les avis, mais sachez faire le tri
Savoir écouter est une qualité, mais savoir le faire avec discernement c’est mieux encore. Oui, soyez ouvert aux avis mêmes si ces derniers vous déplaisent, mais sachez également faire le tri. Vous ne pourrez pas plaire à tout le monde, ne cherchez donc pas à suivre cette voie inextricable. Gardez les bonnes idées et rejetez les autres, car au final c’est vous le créateur !
Notez toutes les remarques que l’on vous fait lors des tests sur un cahier, puis étudiez les à tête reposée, voyez ce qu’elles peuvent apporter ou non. Toutes les propositions ne seront pas bonnes à suivre, mais toutes ne seront pas à jeter non plus.
4. Simplifiez !
Pourquoi faire compliqué lorsque l’on peut faire simple. Une fois vos idées couchées sur le papier, essayez de voir s’il n’est pas possible de rendre le tout plus simple. Est-ce que vous avez vraiment besoin de 2 dés pour cette action, est qu’un choix de cartes ne serait pas suffisant (faisant baisser les coûts de production par la même occasion). Est-ce que je ne peux pas retirer cette étape pour rendre le jeu plus fluide ? Réfléchissez-y bien, plus le jeu sera simple (et pas simpliste) plus il sera accessible au plus grand nombre. Rendre le jeu plus simple ne veut pas dire en faire un jeu sans profondeur, il suffit de faire une partie de Carcassonne pour s’en convaincre.
5. Écoutez les professionnels
Ils connaissent leur métier, n’hésitez donc pas à écouter leurs conseils. Là encore, vous pouvez tout de même faire la part des choses, car il serait idiot de suivre une proposition qui va à l’envers de vos idées, surtout si cet éditeur n’édite pas votre jeu, mais le juge simplement. Malgré tout, ce sont des gens du métier, leurs conseils sont donc judicieux, même si leurs jugements sont parfois erronés. Ils ont une autre vision de la création, ils sont de l’autre côté de la barrière, leur expérience ne peut être qu’un plus. Il serait dommage de passer à côté.
6. Faites attention à la concordance du thème et de la mécanique
Si vous choisissez un thème pour votre jeu, faites bien attention à ce que celui-ci corresponde aux mécaniques choisies, qu’il s’intègre bien. Un bon thème doit même apporter un plus dans la mécanique ; si celui-ci semble être plaqué dessus, cela veut peut-être dire qu’il faudrait partir à la recherche d’un autre thème. Je vous invite à lire ces articles pour élargir votre réflexion sur ce point : Pourquoi thématiser son jeu et l’article Thématiser son jeu ou non ?
7. Jouez aux autres jeux intelligemment
Ne restez pas enfermé dans votre coin, n’hésitez pas à aller visiter d’autres horizons ludiques. Si votre ludothèque est encore modeste, rendez-vous dans des soirées ludiques ou une ludothèque. N’hésitez pas à vous rendre aussi aux festivals et à rencontrer d’autres créateurs. Vous pourrez ainsi découvrir d’autres mécaniques, d’autres idées. Pour autant il ne faut pas copier entièrement un jeu, cela s’appelle du plagiat sinon. Je vous invite à lire cette article pour vous faire une meilleure idée → Copier oui, mais réinventer !
8. N’ayez pas peur
Combien de créateurs ont peur de se faire voler leurs idées et dépensent des fortunes en dépôt de brevets ou de protections diverses. Il n’existe pas au niveau de la législation française de véritable protection, il suffit que le thème soit différent, qu’une partie du jeu diffère pour qu’on ne parle plus de plagiat. Il existe de nombreux exemples de jeu très similaires, qui ne sont pourtant pas dans le domaine public. La frontière entre inspiration et copie est mince parfois. Il ne faut pas forcément s’offusquer pour une copie, mais peut-être voir cela comme un hommage, bien que je pense qu’il soit particulièrement désagréable de se voir voler une idée.
Dans tous les cas il n’existe pas de meilleure protection (légale) que de parler de son jeu, de le montrer dans des soirées, d’en parler sur des forums. En cas de litige vous pourrez prouver la paternité antérieure de votre idée. Mais, soyez rassurez, le vol d’idées n’est pas fréquent, et plus vous en parlerez, plus vous aurez de chance de dissuader les quelques personnes malhonnêtes restantes. Et gardez à l’esprit que parfois deux ou plusieurs personnes ont pu avoir la même idée, sans se la voler mutuellement : on pourrait appeler cela la conscience collective, et cela peut arriver plus souvent que l’on ne pourrait croire. Pas la peine de prévenir la gendarmerie pour les envoyer chez l’éditeur car celui ci en vous a pas répondu (ne rigolez pas cette situation est arrivée à Gigamic il y a peu de temps).
9. Faites cela par passion en priorité
C’est bien connu les créateurs de jeux ne sont pas riches. N’espérez pas finir vos jours aux Bahamas en faisant des jeux. Même si cela peut demande du temps et du travail, les jeux de société restent dans le domaine artistique, celui de la passion. Je suis le premier attristé de voir que les activités artistiques sont aussi peu reconnues comme véritable travail, c’est pourtant la réalité. Pour l’instant le statut de créateur de jeux reste assez vague et n’est quasiment pas reconnu. Il faut donc penser que même si votre jeu est édité vous n’en toucherez que 4 à 10% de son prix de vente HT ; ne croyez pas que l’éditeur se remplisse les poches, car le restant est séparé entre les différents acteurs de ce marché, le vendeur, le distributeur et l’éditeur, qui a de nombreux frais créatifs et administratifs. Conservez votre esprit créatif et passionné et si jamais un jour vous devenez riche je vous invite à venir me cracher à la figure !
10. Étudiez et laissez-vous inspirer
Comme nous l’avons vu dans le point numéro 7, soyez ouvert, jouez aux autres jeux. Alors certes il y a deux façons, diamétralement opposées, de voir les choses : faut-il rester neutre des jeux des autres pour ne pas subir d’influence ou bien se gorger des autres idées ? Je pense que nous avons plus à y gagner en s’ouvrant aux autres. De plus, vous risquez moins de créer un jeu dans votre coin, de passer du temps dessus, pour un jour découvrir que ce jeu existe déjà.
Au-delà des jeux de société, je pense qu’il faut également s’ouvrir au monde en général. Qui n’a pas déjà été inspiré en voyant un film, en lisant un livre, en se promenant, ou en faisant une tout autre activité n’ayant aucun rapport (direct) avec le jeu ? Personne, je pense. Il est donc essentiel de rester ouvert. Comme dit un célèbre philosophe acteur belge, il faut être « Aware ».
Je suis sincèrement désolé d’avoir terminé ce top sur cette citation, ou pas. J’espère vous avoir aidé à y voir plus clair dans votre processus créatif, que ce modeste top vous permettra d’y voir plus clair et de nous proposer très prochainement de véritables bombes ludiques !
N’hésitez donc pas à commenter cet article afin que nous puissions débattre ensemble de notre passion.
D’autres articles sur la création sur le blog des 1D Ludiques.