Vous avez vu comment Docteur Mops était habile de ses petits doigts sur ma grosse tablette ? Et hop en deux, trois, vingt quatre-mouvements, il a réussi à relever le défi proposé par Alex Randolph, ce grand monsieur du monde ludique. Pour une rediffusion de la TrciTrac TV c’est par ici.
Pour une plongée dans le making-of d'AddX 1984, en exclusivité pour les lecteurs assidus de TricTrac, c'est par là.
Ce premier épisode sera dédié à la découverte d'un jeu oublié, inventé en 1984...
Je me souviens parfaitement du jour où j'ai découvert Milliardending. Que Docteur Mops, encore lui, fan de la première heure, a si bien résumé là.
C'était un soir de décembre 2014, la première semaine des vacances scolaires. Dans le sac des enfants, il y a toujours des petits jeux pour toute la famille. Entre le Dooble, le jungle speed, Qwirkl et les 7 familles, se faufile un prototype en carton qui vient de m’être confié : Milliardending.
C'est un jeu du célèbre Alex Randolph, sans doute le plus grand auteur de jeux de société du 20e siècle. Durant son immense carrière de 30 ans, il a créé pas moins de 150 jeux, vendu près de 10 millions de boites et - selon moi son plus grand accomplissement - établit le statut d'auteur de jeux de société pour que les créateurs en herbe puissent enfin être reconnus dans ce monde ludique.
Je parcours rapidement les règles. Claires, précises limpides, en 30 secondes chrono elles sont assimilées. Un soupçon de mathématiques, une dosette de probabilité. Bref du grand Alex Randolph… mais totalement passé sous les radars de l’époque ! C'est Michael Tschiggerl qui m'a procuré cet OVNI ludique. Avec son associé Michel Matschoss (vainqueur du Spiel Des Jahrès en 1982 avec la Forêt Enchantée!), ils ont fondé une petite startup à Munich, chargée de gérer la propriété intellectuelle des 150 jeux d'Alex Randolph. Deux Michael aux commandes, c'est forcément deux fois plus efficace.
J'ai sympathisé avec Michel Matschoss à Essen 2013, pour la sortie de 30 Carats. Nous avions fait une partie à 4, il avait beaucoup aimé, j'étais reparti tout fier avec son autographe dans ma boîte collector. De fil en aiguilles en bottes de foins, au grès de mes pérégrinations vidéos-ludiques, je lui propose fin 2014 d'éditer digitalement une œuvre du grand maître. Laquelle? Je ne sais pas encore...
Je lui laisse bien entendu le choix, ma seule contrainte étant que le futur jeu vidéo puisse se jouer en mode solo ou à deux. C’est indispensable pour une adaptation sur smartphones. Michel fait le tri et, en décembre 2014, m'envoie une petite dizaine de petites règles de petits jeux. Parmi eux, pas mal de noms tarabiscotés tels Tetrominos, Peggino, Die Drei, Banda, Dozo…
A leur simple lecture, j'ai l'impression de pénétrer l'esprit d'Alex Randolph. De lui je ne connaissais que Ricochet Robot (j'adore), Tricoda (j'adore) et Twixt (j'adore). J'ai maintenant sous les yeux ses jeux oubliés. Les 10 jeux proposés sont intéressants. Beaucoup de principes asymétriques, très rationnels et mathématiques. Idéal pour du jeu informatique, car plus facile à calculer donc à coder (le fameux « fa-si-la-ka-ku-lé-don-ka-ko-dé »).
« Ce qui se code bien s’énonce clairement,
et le SDK pour le déployer se plugg aisément. »
L’Art programmatique (1674) – Hacker anonyme
Je lis toutes les règles. J’en élimine 8. Non pas qu'elles soient mauvaises (je ne me permettrais pas une telle critique), mais elles ne me semblent pas adaptées à du jeu sur smartphones. En finale, j'ai donc "Hepta" contre "Milliardending", la belle affiche.
Le premier tient la corde. 49 pastilles de 7 couleurs sur un plateau carré de 7 sur 7, d'où le nom grec Hepta. Cela ressemble à du Match3 (en français du Puissance 3), le principe sous-jacent de Candy Crush où les combinaisons de jeu se font 3 par 3.
J’ai néanmoins du mal à projeter quel gameplay je pourrais insuffler dans ce jeu. Trop court, trop répétitif, les joueurs risquent de se lasser et de terminer le jeu en quelques jours. Sans compter que les jeux Match3 pullulent dans l'AppStore. Il en existe des milliers cachés dans les recoins du Net!
Pas loin de la machine à raclette, Milliardeneding attend donc patiemment son heure, qui viendra quelques minutes plus tard (NDLR : oui dans le monde digital tout va très vite).
Le principe de base est d’une simplicité redoutable. C’est ce qu’on appelle la « Core Loop » d’un jeu digital :
Le plateau est constitué de 9 cases (3 rouges + 2 noires + 3 bleues + 1 vide). Il s’agit de faire glisser les 3 cases rouges vers le bas, et les 3 cases bleues vers le haut, en se déplaçant dans l’espace vide crée par chaque mouvement. Lorsqu’une case contient un +, elle peut se déplacer à l’horizontal ou à la verticale.
Lorsqu’une case contient un X, elle se déplace uniquement en diagonale. Bref, un jeu de glissement qu’a très bien analysé le Docteur Mops dans son article ici.
Je me lance. Je conviens que tester un futur jeu vidéo sur du papier n’est pas banal mais hautement pratique.
1) Je fabrique le matériel du jeu en 2 minutes : 8 bouts de papiers, 2 stylos de couleur, et hop c’est fini.
2) Je dispose le matériel selon les instructions (facile il n’y a que 8 cartes) et entame une première partie.
3) Je joue.
4) J’apprécie.
Tient, c'est marrant, j'ai une impression de déjà-vu. Le mécanisme sous-jacent me fait penser à un mix entre le taquin de mon enfance, Sudoku et Rubik’s cube. Quel cocktail cérébral ! Et un sacré coup de cœur !
C'est décidé, je vais d'adapter smartphoniquement ce petit jeu. Dans quelques semaines, je le renommerai AddX 1984. Pourquoi AddX? Parce que + en anglais cela se dit "add" (comme addition), et X et bien je le garde, donc +X = AddX. CQFD.
Dans l’épisode suivant, je vous raconterai pas à pas, pixel par pixel, comment a été bâtie l’architecture digitale du jeu. Depuis l’agencement des niveaux, à la construction de l’algorithme de résolution, en passant par l’invention de quelques boosters. Soyez patients et d’ici là vous pouvez déjà vous amusez sur la version Facebook WEB du jeu (la version iOS c’est pour très bientôt).
Pour jouez sur Facebook, cliquez sur le lien:
https://apps.facebook.com/addxgame/
A bientôt,
Fabien