2e PARTIE (Vous trouverez la 1ère partie ici)
Un calendrier ambitieux
Roman et Christwart sont comme moi présents à Etourvy, pour le rassemblement annuel des auteurs, éditeurs, joueurs organisé par Bruno Faidutti. C’est l’occasion de se revoir deux mois après Cannes et de jouer ensemble.
Photo Etourvy avec Christwart, Roman et un certain Yohann, dresseur de fourmis (Merci Bruno Faidutti)
Les parties s’enchaînent durant le week end, et Roman et Christwart, me confirment qu’Antarctica est assez avancé pour sortir à Essen. Ca va être évidemment difficile, mais le challenge proposé n’est pas fait pour me déplaire et voir le jeu sortir en octobre 2015 me ravi.
Du coup, les tests s’enchaînent de chaque côté du Rhin. Je pense qu’en deux mois, on doit en être à pas loin de cinquante parties, plus la centaine de parties test jouées avant pour concevoir le jeu oO… et ce n’est pas fini.
Le développement à l’allemande
Revenons aux cartes. Pour un jeu de cette gamme, Christwart me propose de transférer les probabilités des cartes sur des pistes visibles, symbolisant les projets de recherches. Les trois piles de cartes deviennent trois centres de recherche différenciés (maritime, côtier et terrestre) et les actions surmultipliées grâce à une forte présence dans une zone sont conservées. L’avance est donc visible par tous dès le départ et rien n’est caché. La répartition des points et les probabilités restent sensiblement la même, évitant de déséquilibrer le jeu.
Cette solution offre de nombreux avantages :
Nous décidons rapidement et pour des raisons d’ergonomie qu’il ne peut y avoir plusieurs meeples sur une case. Les scientifiques se dépassent donc, donnant plus d’interaction et apportant un côté épique au jeu. De plus, thématiquement, il est vrai que plusieurs chercheurs sur un même sujet avancent plus vite qu’un seul (émulation, entraide, concurrence)
Cela permet d’utiliser le même comptage que pour les zones. Le premier sur une piste compte la totalité des points des marqueurs présents, le second ceux du premier, etc… Le scoring devient limpide et demande très peu d’explication. Les bâtiments de prestiges seront donc comptés de la même façon.
Les pistes avec leurs actions personnelles (roses) et interactives (bleues)
De plus, les différentes actions présentes sur les cartes, se retrouvent sur les pistes. Cela permet aux joueurs d’aller chercher l’action dont ils ont besoin à tel ou tel moment de la partie, n’étant plus tributaire de l’ordre d’arrivée des cartes actions. Les combinaisons sont elles aussi conservées.
De même, il n’y avait qu’un seul campement (pour obtenir des scientifiques), quelque soit le nombre de joueurs. Or, il apparaît qu’à 3 ou 4 joueurs, cela se révèle insuffisant, et bloquant les joueurs dans les premiers tours. L’arrivée d’un deuxième campement permet dès le départ des stratégies alternatives. Il remplace un chantier naval, ce qui met en évidence la courbe de tension du jeu : au début, peu d’actions ou de ressources disponibles mais beaucoup d’espaces, à la fin du jeu, beaucoup d’action possibles mais moins d’emplacements dans les zones.
Le cimetière des éléphants de mer
Une autre critique récurrente outre-Rhin est la suivante : le temps de jeu (20 minutes par joueur) étant rapide pour un jeu de programmation, majorité et ordre du tour, suivant les stratégies adoptées, certaines ressources (bateaux, marqueurs) ne sont pas jouées pendant la partie, donnant un sentiment de frustration aux joueurs.
Même si ce sentiment fait partie de la palette d’émotions offertes au joueur, il est décidé qu’une zone de ressources défaussées fera pendant à la zone de ressources disponibles. Le comptage sera le même qu’une zone standard. Celui qui fait le choix de se priver de ressources (marqueur de recherche ou bateau) avant les autres risque de l’emporter. Mais c’est dangereux si le jeu se prolonge …
Le sprint final
On est évidemment en retard pour la finalisation du jeu, sachant que les vacances des uns et des autres approchent. Il faut prendre le taureau par les cornes pour tenir les délais, car Ludo Fact attends les fichiers mi-août. Voilà pourquoi je propose à Roman de venir quelques jours en France en juillet pour donner le coup de collier nécessaire pour finaliser les réglages.
Pendant trois jours, nous allons faire 15 parties d’Antarctica, avec trois équipes de testeurs différents. C’est usant, mais je dois dire qu’une fois les derniers aménagements faits, les trois dernières ont donné lieu à des passes d’armes mémorables !!! Les regards autour de la table ne trompent pas, on y est. Nous avons réussi à finaliser un gros jeu, en respectant la mécanique originale et renforçant les choix et une interaction de tous les instants en un temps record.
Photo d’une des journées de tests avec Cesare (distributeur Atalia), Micha (Le nid) et Roman (éditeur)
L’équipe s’agrandit
Du côté des illustrations, c’est le très talentueux Dennis Lohausen, illustrateur de la gamme Argentum et de plein d’autres jeux, avec un style adaptable (Terra mystica, Camel cup, Marco polo) qui va s’occuper des visuels.
Avec Cesare (le distributeur Atalia), nous signalons à Roman que sa gamme, qui est très apprécié en France, souffre d’un défaut visuel en comparaison des jeux sortant chez nous (Abyss, Dixit, Black Fleet). Il faut essayer d’éclaircir et de moderniser les visuels tout en restant cohérent avec la gamme. Pas simple, d’autant que la sacro-sainte ergonomie demande souvent des couleurs primaires un peu criardes (rouge, jaune, vert, bleu)
Le résultat est à la hauteur de nos espérances. A la fois, « arty », clair et pas passe-partout.
Image du matériel
C’est le moment tant attendu (je déteste ça) de la relecture des règles, d’autant que vu le délai, il ne nous reste plus que trois jours. Et en plus, on fait cela de front en trois langues. Même pas peur ! Ce sont plus d’une centaine de mails qui vont circuler pour les modifications, illustration erronée, exemple pas compréhensible, phrase alambiquée, etc … Cesare est déterminant pour la partie francophone.
De même, nous contactons ensemble les différents médias susceptibles de parler du jeu. Et réserver les soirées de lancement, WebTV, etc… . On sent bien que le jeu intéresse.
Vous avez dit science-fiction ?
Antarctica n’est pas à proprement parler un jeu militant, même si le thème reflète bien notre préoccupation quand au fait que les ressources de l’antarctique vont finir par intéresser des consortiums multinationaux. Et il serait bon que ce ne soit pas uniquement le traité de 1959 qui garantisse la non exploitation des richesses du pôle sud, mais que l’on se prépare à défendre un modèle de développement soutenable pour l’Antarctique.
Lors de la traduction des règles, j’ai insisté pour que la version française des règles conserve « Dans un futur proche » et non pas « in a distant future » comme dans les autres langues car je sentais bien que ce temps n’était malheureusement pas si éloigné.
La semaine dernière, j’ai vu passer la nouvelle comme quoi Shell a obtenu l’autorisation de prospecter des gisements pétroliers dans l’arctique. L’argument que j’avais choisi d’évoquer pour ce jeu me semblait être une forme de dystopie, que l’on réussirait à éloigner par une forme de pensée magique, par sa simple évocation.
Je ne pensais cependant pas que cela commencerait avant même la sortie du jeu.
Antarctica
Un jeu de Charles Chevallier
Illustré par Dennis Lohausen
Publié par Argentum Verlag
2 à 4 joueurs
12 à 99 ans
Langue de la règle: Française
Durée: 90 minutes
Prix: 35,00 €