Si je vous dis “Paris à deux”, vous allez certainement imaginer ballade romantique, dîner aux chandelles et visite en amoureux sous la Tour Eiffel. Eh bé vous pouvez remiser vos gnangnanteries, parce qu’avec Paris Ville Lumière, on n’est pas dans la guimauve.
Dans ce nouveau jeu édité par Iello, deux promoteurs immobiliers profitent du développement électrique apporté dans la Capitale par l'Exposition Universelle de 1889 pour spéculer sur les emplacements les plus propices à ériger de nouveaux bâtiments. L'objectif : construire le plus grand bloc d'immeubles illuminés par les nouveaux réverbères électriques. Et si en plus on peut y ajouter quelques éléments décoratifs ou festifs, alors là on devient la coqueluche du Tout-Paris !
Une partie se décompose en deux phases. Dans un premier temps les deux joueurs préparent à tour de rôle le terrain sur lequel ils vont se confronter et se disputent les bâtiments à construire. Le plateau est divisé en 16 carrés sur lesquels chacun pose une des 8 tuiles pavées à sa disposition. Ces tuiles, découpées en 4 cases, présentent des zones de constructions. Certaines cases vont être de la couleur du joueur ou de l'adversaire, voir une zone utilisable par les deux adversaires, ou bien présentent un des lampadaires tant convoités. Chaque joueur va ainsi choisir la disposition de 4 réverbères.
Mais plutôt que de poser des pavés à son tour, il est aussi possible de prendre un des 12 bâtiments en réserve. C'est même essentiel puisque la phase s'arrêtera dès lors que le plateau est complet et qu'on ne pourra construire dans la seconde phase que les bâtiments réservés dans la première.
Si vous avez bien suivi mon propos, normalement vous aurez compris que la deuxième partie du jeu consiste à construire ses bâtiments sur les zones à sa couleur et/ou sur les cases mixtes. Et là évidemment les choses se compliquent puisqu'il s'agit de poser des immeubles aux formes tarabiscotées sur des emplacements qu'on pensait se réserver mais que l'adversaire peut nous saloper, comme ça rien que pour le plaisir d'enquiquiner.
Parce que, l'autre action possible dans cette phase, consiste à utiliser un de ses 4 jetons Actions pour activer une des 8 cartes postales qui entourent le plateau. Chacune correspond à un bonus à usage unique, apportant des points supplémentaires en fin de partie ou permettant de poser de nouveaux éléments (dont celle d'une incroyable fourberie avec la carte "Chartier" permettant de remplacer une case adverse par une mixte et d'y poser immédiatement un bâtiment).
Et tout cela dans quel objectif ? Tout simplement pour faire des points (ne tombez pas de votre chaise, vous avez été prévenus). Chaque bâtiment rapporte à son propriétaire autant de points que sa taille multipliée par le nombre de réverbères qui lui sont adjacents. Ensuite on regarde son plus grand groupe d'immeubles se touchant par au moins une case, chaque case de ce groupe rapporte 1 point.
Enfin, s'ajoutent d'éventuels points supplémentaires apportés par les Cartes postales activées, et les malus apportés par les bâtiments réservés et non construits.
Paris Ville Lumière n'est donc pas un jeu où on va se faire un(e) amoureux(se). Pour en être simple dans sa mécanique, cette création de José Antonio Abascal n'en est pas moins un véritable duel où le moindre faux pas est immanquablement sanctionné. D'où la durée de 30 minutes qui n'est pas exagérée pour des parties intenses et fichtrement intéressantes.
Car le jeu ne se limite pas à un casse-tête à la Tetris, mais bien une confrontation stratégique dans laquelle les adversaires doivent systématiquement faire des choix au risque de laisser une opportunité à l'autre... ou de perdre celle sur laquelle on lorgne. Poser trop vite ses tuiles dans la première phase et c'est voir filer les immeubles les plus intéressants, voir même devoir passer à la deuxième phase avec très peu de bâtiments. La suite est du même tonneau, commencer à occuper le terrain avec ses constructions ou jouer des actions ? Et tout ça en gardant en tête la nécessité de se positionner près des réverbères tout en organisant un bloc immobilier le plus important possible. On n'a pas fini de s'épuiser les neurones.
Et puis il y a les superbes illustrations d'Oriol Hernández. On plonge dans le Paris des impressionnistes, celui de Toulouse-Lautrec et de Degas, du Moulin Rouge et de La Goulue. Grâce au dessinateur espagnol - et de l'excellent travail graphique réalisé par l'éditeur - Paris Ville Lumière justifie pleinement son titre. Moins joli, il ne s'agirait que d'un jeu abstrait sur lequel on aurait plaqué un thème plus ou moins original. Grâce au talent d'Oriol on se prend l'envie d'aller du côté de Montmartre en costume de soirée pour s'y encanailler avec des danseuses du French-cancan en buvant de l'absinthe. La Belle Époque, quoi...