Carnet d'Auteur [Part 2/3] - La Petite Mort par François Bachelart

CARNET D’AUTEUR

La Petite Mort, Le Jeu - Partie 2

Relire la Partie 1 >> Par ici ..

Tric Trac

Et si je fabriquais mon cercueil ?

Je tiens la mécanique, je vais soigner un peu la présentation. Je décide de créer une boite de jeu en forme de Cercueil tout noir et en reprenant le visuel du tome 1 de la BD.

Ma fille ainée me donne un coup de main et pousse le vice à capitonner le cercueil comme un vrai avec de la soie. Ma boite est magnifique, si si !!!

Je retourne chez Edge et je présente mon prototype qui est bien accueilli et validé.

D’emblée, on louche sur le cercueil mais on me calme de suite : Ce ne sera pas possible car ce serait beaucoup trop cher à réaliser, alors peut être plus tard une version de luxe.

Je suis un peu tristounet sur le coup car je suis persuadé que le format de la boîte apporterait beaucoup au coté vendeur du jeu... mais je ne suis pas éditeur et je ne maîtrise pas les coûts de production.

On m’explique que la conception d’un jeu sur La Petite Mort avait été demandée par Davy Mourier lui même fan des jeux Edge. Le premier réflexe avait été de créer une version « La Petite Mort » du jeu « Gloom » s’il n’y avait pas eu d’alternative.

J’apporte donc une alternative en créant un jeu à priori plus proche de l’univers de Davy dans ses mécaniques que ne l’est Gloom. Reste à valider le jeu avec Davy et l’éditeur des BD qui a son mot à dire également, l’éditeur DELCOURT.

Je prends rendez-vous avec Davy et Sébastien de Delcourt et je monte à Paris au siège de l’éditeur des BD pour présenter le jeu aux deux compères. J’arrive, on se serre la louche et c’est parti pour une partie test. Davy et Sébastien apprécient le jeu et valident.

Je suis ravi, je me dis que j’ai un jeu déjà signé et que je vais en signer un autre dans la foulée...

Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours...

Tric Trac

Le temps passe, jours, semaines, mois, et il ne se passe plus grand chose. Je relance de temps en temps Edge, et ce, pour mes deux jeux. J’attends le contrat pour La Petite Mort qui ne vient pas. Puis j’apprends que les choses ne sont pas totalement formalisées concernant les droits de licence, le mode de rémunération de Davy par rapport aux éventuelles nouvelles illustrations qui doivent être réalisées... Il y a du sable dans les rouages (pour rester poli). Nous sommes en Mars 2016, presque un an après la commande et le jeu doit sortir en même temps que le tome 3, soit en octobre...

Octobre arrive, et rien n’a avancé, la société EDGE est rachetée par Asmodée et le projet semble enterré... De mon coté j’envisage de sortir du triangle Edge-Delcourt-Davy, garder la thématique de mon jeu et le proposer à qui le voudra... et ce, hors licence « La Petite Mort » car visiblement cela coince. J’envoie un mail dans ce sens à Davy, Delcourt et Edge...

On reparle du jeu avec Edge, et il est question que le jeu soit présenté à un comité de validation chez Asmodée lors du festival de Cannes en février 2017. Le festival arrive, j’y vais, le jeu est présenté. Le jeu plait et il semble que les feux soient de nouveau au vert ! Je me remets à travailler sur le jeu et transmets à Davy mon tableur Excel avec toutes les données des cartes pour évaluer le nombre de nouveaux dessins à réaliser. De mon coté, je reçois les PDF de toutes les BD parues et je les épluches pour déterminer quels visuels peuvent être utilisés tel quel... je sais que l’enjeu est de déterminer le nombre de dessins que Davy devra créer pour le jeu afin que tout le monde (en dehors de moi) se mette d’accord sur qui paie quoi... De mon coté, j’ai déjà passé un temps fou sur le jeu et je n’ai pas gagné un centime... Et je n’ai pas intérêt à calculer mes dépenses (protos, temps et déplacements, sinon je me pends direct).

Mais je fais confiance à l’équipe de EDGE car je sais que le contrat finira par être signé.

Tric TracDe nouveau, les semaines passent... et nous voilà rapidement arrivé en octobre 2017 et le couperet tombe. Edge nous annonce que son travail sera désormais recentré essentiellement sur la localisation (traduction de jeux étrangers) que l’éditeur ne doit plus signer aucun contrat pour développer des jeux originaux. Pour La Petite Mort, cette fois c’est mort ! Je crois que c’est là que j’ai imaginé une carte « Evènement de la vie » particulière : une carte de métier : « Je suis auteur de jeu de société » présentant un picto de faiblesse : envie de suicide !

Cette carte est d’ailleurs présente dans la version du jeu commercialisée aujourd’hui !!

Pour moi, c’est une catastrophe, mais c’est aussi mon erreur. Je ne travaillais qu’avec Edge et je leur réservais tout mon catalogue de prototypes. Cela aurait pu être une belle collaboration sur le long terme. Hélas, les choses ne se sont pas passées du tout comme je l’avais prévu. Comme me disait mon professeur de Judo, « Le Judo apprends à chuter pour mieux se relever ».

Essen 2017 arrive et j’y vais avec ma bande de potes pour jouer, découvrir les nouveautés et ... présenter mes jeux à des éditeurs.

Nicholas et les Lumberjacks à la rescousse !!!

88a52f49fc08d7e4afc250741632dd8ce3d3.pngEntre temps, courant 2017, je rencontre à la ludothèque de Pechbonnieu, Nicholas Bodart de Mushroom Games qui s’intéresse à quelques-uns de mes prototypes et notamment à La Petite Mort. Il me propose de présenter 2 ou 3 de mes jeux chez son futur distributeur (Pixie games) lors du prochain salon d’Essen.

Me voilà à Essen avec ma petite valise pleine de boites et chez Pixie pour présenter un concept de jeu en développement. Pour l’instant je n’ai pas encore présenté La Petite Mort, car le rendez-vous est reporté.

A l’issue de la présentation, mon ami Nicholas qui sait que j’ai d’autres jeux dans ma valise, m’emmène sur un stand voisin et me présente à Antoine Roffé, fondateur du Lumberjacks Studio. Il a 15 minutes à me consacrer. Nicholas part pour un autre rendez-vous et me voilà avec Antoine. Je lui présente rapidement 2, 3 jeux... qui ne le passionnent pas plus que cela. J’ai de la SF... pas de bol, il travaille déjà sur la sortie d’un jeu SF, du médiéval... cela n’a pas l’air de l’exciter plus que cela... et du coin de l’œil, il voit la boîte de La Petite Mort dans ma valise, mon petit cercueil, que je ne lui présente pas immédiatement... Je finis par lui monter en lui expliquant que je sais faire du jeu sur commande et là, j’ai enfin son attention à 100%. Non pas part le fait que je propose du jeu sur commande, mais parce qu’il se rend compte que le jeu est bien dans l’univers de Davy Mourier qu’il connait.

Alors hasard ? Coïncidence ? Destin ? Il se trouve qu’Antoine connaît très bien Sébastien de Delcourt ainsi que l’univers de Davy Mourier... Il sort son téléphone et appelle Sébastien. Et voilà que le projet « La Petite Mort, le jeu de carte est relancé » en direct ! Antoine me demande de garder le prototype pour y jouer le soir même. Je le lui laisse.

Reste un point à régler... Mon ami Nicholas souhaitait lui aussi éditer le jeu et le montrer à Pixie. Nicholas et Antoine se mettent d’accord, Lumberjacks éditera le jeu et Nicholas participera activement à son développement ce qui est une bonne chose puisque Nicholas et moi sommes Toulousains et cela simplifie grandement les échanges et les tests du prototype.

Mortel est le chemin du développement

A partir de ce moment, Lumberjacks prend les choses en main... La réédition du tome 1 de la BD de La Petite Mort paraît le 15 Novembre 2018... Le jeu doit sortir à cette date mais pas dans l’état actuel des choses. Dès les premiers tests les Lumberjacks aiment le jeu mais beaucoup de choses doivent être améliorées. Par exemple, les conditions de fin de partie ne vont pas, il faut s’affranchir d’un bête calcul de points de victoire, Antoine me propose d’étudier un système d’objectifs à réaliser, de son coté Nicholas voudrait un système d’évolution de La Petite Mort en cours de jeu... La durée du jeu ne convient pas... on a du 45 minutes. Antoine veut qu’une partie de joue en 20mn maxi. Cela me semble alors juste impossible ☹

Et puis lors de l’un des premiers tests avec Nicholas, celui ci décide de jouer d’une façon que je n’avais pas prévu dans mon jeu... (ce qui est en principe la spécialité de mon fils), il décide de ne jamais placer de cartes dans sa zone de jeu et de faucher les personnages des autres et ne faire que cela. Il gagne haut la main et le jeu perd tout son intérêt. Je suis évidemment très agacé... y a-t-il beaucoup d’autres Nicholas parmi les joueurs ?

De toute façon, il faut revoir la mécanique et rendre cette façon de jouer impossible.

Les skypes s’enchainent et suffisamment d’idées fusent pour créer plusieurs jeux différents !!!

On gomme rapidement les points de règles inutiles, je présente un projet de diplôme sur une carte que l’on pourrait faire pivoter dès qu’une étape est atteinte... on y trouve 4 objectifs à réaliser. Au 4e objectif atteint la partie se termine. Nicholas n’est pas convaincu. Je crée aussi 14 cartes d’évolution de La Petite Mort qui donnent une petit bonus sympa pioché au hasard dès que La Petite Mort passe un niveau d’objectif. On trouve donc cette notion d’évolution des aptitudes que souhaitait Nicholas. Cela enrichi le jeu mais apporte un effet « win to win » que nous voulons éviter finalement. On doit encore modifier les cartes « Evolution de La Petite Mort».

Nicholas propose d’intégrer une nouvelles condition de fauche : Le Darwin award. Une très bonne idée qui offre quelques perspectives intéressantes au jeu. Déjà on intègre un élément qui existe et qui est plutôt drôle (même en vrai) et puis cela permet d’apporter encore une touche de fun et des ouvertures pour les futurs diplômes qui seront créés.

Histoire de nous mettre un peu la pression, Antoine prépare un rendez-vous chez Delcourt à Paris avec Davy pour présenter la nouvelle version du jeu début février... Nous avons un mois pour présenter une version quasi définitive. Les séances de tests se succèdent, on essaie des tonnes de méca différentes, et il y a toujours des trucs qui clochent. Il nous faut un jeu plus fluide, plus rapide.

La suite de cet épisode la semaine prochaine !

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Vraiment content qu’un de tes passages à la ludothèque ai débloqué une situation “perdue”, ça sert à ça aussi les soirées jeux à L’atelier !

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Exact, l’atelier, c’est bien plus qu’une ludothèque, c’est un laboratoire, un carrefour du jeu où l’on rencontre des joueurs passionnés, des éditeurs… et en plus, l’on peut y jouer !!! Top :slight_smile:

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Et à l’atelier y’a une section menuiserie pour fabriquer du cercueil ?

Non mais presque car on a des ateliers “Do It Yourself”, donc on est capable, mais chacun fait le sien par contre, c’est hyper subjectif un cercueil, les goûts et les couleurs tu vois…