Bonjour tout le monde !
J'ai vu et lu un certain nombre de carnet d'auteurs.rices ou d’illustrateurs.rices ici et me suis dit que Photoshoot pouvait en intéresser certains, d'autant plus que c'est le premier jeu de mon frère et moi.
Et toute la question, c’est comment on passe de ça….
A ça !Pour situer, Photoshoot est un jeu d'ambiance et de rapidité, où chaque équipe doit repositionner une à une les tuiles d'un carré 3 x 3 pour correspondre à une photo objectif.
Mais au fur et à mesure de la partie, on va débloquer des contraintes, spécifiques à chaque tuile, qui va nous empêcher de faire ce que l'on veut.
Le point de départ :
Il y a 4 ans, Renaud apportait 4 morceaux de page blanche déchirée avec des post-it dessus à un match de foot. Pour la troisième mi-temps, il sort une pochette rouge horrible en nous disant : j'ai une idée de jeu, vous voulez tester ? On était curieux ! On a fait un tiers de partie.
C'était horrible.
À l'époque, nous n'avions pas décidé d'être "sérieux" dans la création de jeu. On créait, juste pour nous, des trucs qui nous amusaient. Là, le jeu n'était pas franchement drôle, mais Renaud y a cru. L'idée de départ, c'était un jeu coopératif, où l’on devait valider des positions de tuiles au début de son tour. Ça a l'air intéressant sur le papier ? Les joueurs faisaient des mouvements opposés et rien n'avançait.
Ca, c'est le point de départ.
Nous l'avons fait évoluer, le rendant jouable (enfin, on le pensait !).
L'objectif à reproduire est désormais partagé et visible par tous. Le jeu est beaucoup plus proche de Photoshoot dans sa version actuelle : pour durcir le jeu, nous avions ajouté des contraintes de déplacement à chaque personnage.
Le virage “sérieux”
Il y a 2 ans, on a décidé d’essayer de se faire éditer. Pour "photos de famille" ou pour un autre jeu. Ou pour plusieurs. Peu importe encore comment, mais nous voulions essayer. Avoir nos noms sur une boîte en boutique.
On découvre l’existence de la LEAF (la Ligue Extraordinaire des Auteurs Franciliens, un grand lieu de création !). On ressort “Photos de famille” pour l’occasion. Il a progressé depuis la pochette rouge. Des personnages existent et ressemblent à ça :
Lors de la première soirée où l'on apporte le jeu, on est dégoûtés. Ils ont joué 5 minutes, à la va-vite, avant qu’Alain, haute figure de la LEAF, dise "bon, on arrête, ça marche pas". Et ensuite ils ont passé 20 minutes à dégommer le jeu.
On passe le reste de la soirée à se dire que c'est débile.
Et puis le lendemain, on réfléchit. OK, que s’est-il passé ?
Ils n’ont pas aimé. Pourquoi ? Qu'ont-ils dit ? C'est trop compliqué. Et ce n'est pas drôle. Qu'est ce que l'on peut faire ? Qu'est ce que l'on veut comme jeu ? Comme ambiance à la table ?
On veut que le jeu soit fluide, amusant, rapide, avec un sentiment de progression au cours de la partie. On veut un jeu "bienveillant", qui ne punisse pas drastiquement les erreurs et ne permette pas que quelqu’un fasse 0 point sur une manche par exemple.
Et on s’en rend compte : pour l’instant, ce n’est pas du tout le cas.
Alors on retravaille les contraintes. On en enlève. Le plus possible. On n’est pas obligé de jouer avec tout à la fois !
Et on en change. On remplace des contraintes "technique", par des contraintes fun, qui font rire mais n'empêchent pas les déplacements.
Finies les photos objectifs ou il faut placer 6 personnages ou plus. 4 ou 5, c'est bien suffisant !
On itère entre nous et on le montre à nouveau à la Leaf. Et là, on fait une partie complète. Certains pouvoirs ne marchent pas, d'autres ne sont pas assez drôles, d'autres trop durs. Les photos objectifs avec 5 personnages restent trop longues à faire. Mais le rendu est différent. Les critiques plus précises, plus fines. On sent qu’on est sur le bon chemin.
On itère à nouveau. Entre nous, puis avec la Leaf.
On itère à nouveau à nouveau. Entre nous, puis avec la Leaf.
Jusqu’à une soirée, où Alain nous dit “bon, les gars, vous devriez le montrer à des éditeurs, maintenant, ce jeu”. Et il nous met en contact avec Funnyfox et Cocktail Games.
On leur montre le jeu. Et là, incroyable, les deux nous disent oui. (On a appris depuis. On sait que ça ne marche pas comme ça !). On hésite, hésite, hésite et optons finalement pour Funnyfox. Mais, Matthieu, si tu nous lis : on espère que ce n’est que partie remise !
Démarre un nouveau parcours pour le jeu.
Le premier mois, quand on travaille avec Marine, la cheffe de projet côté Funnyfox, on a des réponses à ses suggestions et ses idées. On a déjà essayé les variantes qu’elle nous propose. On a déjà un avis.
Le deuxième mois, elle commence à nous proposer des choses qu’on n’avait pas envisagées. Et alors, on s’en rend compte : elle commence à mieux connaître le jeu, dans sa version actuelle, que nous.
C’est un sentiment bizarre, mais plutôt agréable. C’est peut-être la première fois où je me suis vraiment dit “ca y est, c’est bon, notre jeu va sortir”. Et j’ai le sourire.
La suite est un travail conjoint avec Funnyfox qui s’est hyper bien passé, pour améliorer le jeu, envisager le choix graphique, le nom final, etc.
Avec notamment une suggestion d’amélioration de règle de la part de Marine, où l’on s’est dit : “Merde, on aurait dû aller jusqu’au bout de l’idée. C’est évident !”. Enlever tous les pouvoirs pour la première partie, pour que la première prise en main puisse être sans contrainte.
Et voilà, 4 ans plus tard, on a un jeu, superbement illustré (merci Loïc Billiau !), qui va sortir en boutique.
Avec nos noms dessus.
Et 4 ans plus tard, une certitude : on veut en refaire. On aime ce processus de création, ces réflexions, ces déceptions, ces joies, ces moments.
On a déjà hâte de la suite… qui commence dès cette année avec Kyf Editions. Une autre aventure !
... le coin pour les auteurs débutants :
Pour les auteurs débutants qui ont lu jusqu’ici, si nous avions quelques tout petit conseils :
- Tester. Travailler. Faire tester. Travailler. Retester. Il n’y a pas de secret magique !
- Après un test, évaluer : “Est-ce que les joueurs veulent rejouer ?”. Dans la première version jouable, nos amis “adoraient”, d’après leurs dires ! Mais aucun ne rejouait. Dans la version actuelle, ils nous le demandent. Et c’est devenu LE critère pour nous.
- Si possible, faire tester par des auteurs. On avance par bonds immenses, au départ, en testant grâce à eux !
- Enfin, soigner la première partie. Comment les joueurs vont découvrir le jeu ? Quels sont les éléments visibles ? Quel est le set-up souhaitable ? Nous en sommes convaincus : c’est crucial !
En tout cas, bon courage et amusez-vous bien en créant !