Vorex est sorti depuis quelques mois et j’avais l’envie de partager un peu l’histoire de ce jeu, dont le développement m’a accompagné pendant 6 années de ma vie.
Je vous préviens, c'est long et j'ai à dire. Et pourtant je me concentre vraiment sur les questionnements de game design.
Allez, une petite fiche signalétique, et... c'est parti !
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VOREX, un jeu de moi même, illustré par Lucile LINGUET, édité par Salty Knights
Des parties de 10 minutes par joueurs, pour 1 à 4 joueurs.
pour des joueurs à partir de 10 ans
Un jeu de placement, de pose de tuile, et de moteur de production.
Si vous ne connaissez pas le jeu, vous pouvez lire la règle ou jeter un oeil au ludochrono
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L'ambition: Basique, simple
Juin 2017, je vis une période de forte créativité. Dans ce contexte naît l’envie de créer un jeu aux règles extrêmement simples. L’épure de Splendor est mon modèle et mon horizon. Mais j’aimerais un jeu un poil au dessus en termes de possibilités stratégiques.
Un jeu de course, un moteur de production et une dimension spatiale. Tout est déjà là dès le premier prototype. Ou presque.
Les règles tiennent en 4 phrases:
À son tour, il faut choisir entre deux actions: pose ou récolte
- Pose: on paye le coût indiqué sur une case et on y pose un jeton, puis on effectue l’action de la case.
- Récolte: on récolte ce que produisent les cases d’un de nos groupes de jetons.
Le premier joueur à avoir posé tous ses jetons l’emporte.
Si ça vous amuse, voilà une petite vidéo de présentation tournée à l’époque.
Tout au long du développement, j’ai gardé cette ambition d’un jeu aux règles très pures.
Chaque fois que j’ajoutais une règle, j’essayais d’en supprimer deux. Un bon exercice que j’incite les auteurs à pratiquer pour s’assurer que chaque règle de leur jeu est vraiment utile.
Un exemple: dans le jeu final, il y a trois actions (au lieu des deux initiales), mais j’ai notamment supprimé tous les autres effets. Chaque effet (lorsqu’on pose un pion sur une case) est à présent une des trois actions du jeu. Cette cohérence globale dans la construction mécanique de Vorex est pour moi une des grandes forces du jeu.
Je vais maintenant revenir sur plusieurs aspects du jeu, sur les problèmes rencontrés lors du développement et sur les solutions apportées. Ce développement m’a pris des années. Années au cours desquelles j’ai eu énormément de feedbacks (merci à tous les testeurs, amateurs ou professionnels pour leurs retours), j’ai trituré et modifié le jeu un nombre incalculable de fois, n’hésitant pas à tout reprendre à zéro plusieurs fois.
Aujourd’hui, je suis sincèrement hyper fier du jeu final.
[premiers essais de configuration 3 joueurs]
Spatialité 1: donner une dimension spatiale à un moteur de production
La dimension spatiale est un aspect que j’apprécie beaucoup dans les jeux. Elle apporte un aspect visuel et presque “narratif”, on peut visualiser l’évolution du jeu, la progression, les zones de tension et de conflit, etc.
Dans ce tout premier prototype, la dimension spatiale reposait sur le fait qu’on ne récoltait que ce que produisait un groupe de nos jetons. Autrement dit, plus le groupe était gros, plus on récoltait ; ce qui incitait à rester groupé, mais avec tout de même la possibilité de se “dé-grouper” (pour bloquer un adversaire ou pour bénéficier d’un pouvoir intéressant, par exemple. quitte à tenter de relier ses groupes plus tard).
Juillet 2017: Je contacte le génial Sébastien Pauchon - eh oui, j’ai la chance d’habiter en Suisse ! - pour lui montrer le jeu. On se voit un soir, il teste. Ceux qui ont déjà montré un proto à Sébastien savent ce qui arrive ensuite… Il me montre toutes les limites de mon design. Et m’offre plein de pistes à étudier pour développer le jeu. Une qualité d’analyse exceptionnelle. Une chance inestimable pour moi.
[La boîte montrée à Sébastien Pauchon]
Le premier gros changement qui s’impose rapidement: dorénavant, quand on récolte, on récolte ce que produisent toutes nos cases. La dimension spatiale du jeu est préservée par un système de réductions par adjacences (le coût d’occupation d’une case est réduit par toutes les cases qui produisent qui lui sont reliées directement ou indirectement). Cette idée est apparemment inspirée de la mécanique dans Attika.
Ce système de chaînage est à présent le cœur du jeu. Il a l’avantage de permettre de mieux développer son moteur de production (on produit toujours tout ce que l’on peut), tout en préservant une dimension spatiale forte, avec un sentiment de développement assez organique.
Accessoirement, c’est cette mécanique qui m’a fait proposer, lorsqu’on étudiait un changement d’univers, de partir sur des plantes carnivores, qui se développent par adjacence, mais qui surtout, transmettent les nutriments liés aux ressources produites via les racines.
Spatialité 2: Ralentir le moteur
En revanche, cette solution renforçait un problème du jeu: la progression pouvait être vraiment exponentielle et le rythme du jeu était un peu bizarre, avec un fin qui arrivait brutalement.
En effet, les réductions étant non seulement par adjacence, mais également par chaînage, en créant des groupes de jetons avec suffisamment de production, on pouvait facilement poser plusieurs jetons gratuitement en fin de partie. Et la fin de partie pouvait arriver brutalement.
Pour ralentir ce moteur, pour limiter cet effet exponentiel du rythme de la partie, il me fallait contraindre davantage le placement pour augmenter les risques de voir son groupe entravé dans son développement.
La première solution que j’ai mise en place était de pouvoir déplacer les tuiles du jeu. Ceci permettait de casser un groupe, de déplacer des cases visées par un joueur, etc. Une option qui fonctionnait, mais qui ajoutait une dimension extrêmement chaotique et violente, assez étrange dans un jeu par ailleurs assez calculatoire et froid.
À ce point, je suis arrivé à un gros blocage dans le développement et j’ai dû revoir tout le jeu, radicalement, pour en sortir.
[une action pour déplacer des tuiles - alignement de l'auteur : Chaotique/Mauvais]
Spatialité 3: tout casser pour tout rebâtir
Décembre 2017: Je décide de tout reprendre. Je suis en vacances chez mes parents et je teste une à deux nouvelles versions par jour. Je veux limiter les possibilités de se développer de manière trop rapide, offrir des possibilités de blocages, mais quelque chose moins radical et violent que déplacer la moitié d’un groupe à l’autre bout du plateau.
Je teste pas mal de choses, j’en ai sans doute oublié la plupart. Je me rappelle avoir essayé un système où le plateau évolue par coulissement (un peu comme dans le jeu Labyrinthe de notre enfance) ce qui permettait de casser les groupes mais de manière plus progressive. Mais cela ne fonctionne pas bien.
La bonne solution me semble finalement de limiter le nombre de connexions (et ainsi limiter les possibilités de chaînage et augmenter les possibilités de bloquer le développement d’un adversaire). Je tente sans succès de transformer mes hexagones en cases carrées pour réduire le nombre de connexions (une case carrée en touche 4 autres, un hexagone 6 autres). Finalement, j’opte pour une solution simple: pour réduire le nombre de connexions, j’ajoute des cases inaccessibles (qui deviendront les zones arides dans le jeu final). Ça limite bien le développement et c’est une option bien flexible qui me permettra d’ajuster la vitesse de progression selon mes besoins au cours du développement en ajoutant ou en supprimant des cases vides.
Enfin, intervient probablement le plus gros changement. Celui qui offre des possibilités de blocage et débloque également plein d’autres soucis du jeu sur lesquels je reviendrai plus loin dans ce journal d’auteur : le plateau n’est plus installé dès le début de la partie, mais construit au fur et à mesure via une troisième action : la pose de tuiles.
En posant bien les tuiles on peut bloquer le développement d’un joueur (en l’entourant de cases vides) ou s’offrir à soi de meilleures opportunités. Cette solution s’impose comme une évidence.
[La pose de tuile - élément central du jeu, arrivé tardivement]
Nous voici avec trois actions: exploration (pose de tuile), expansion (pose de jeton), exploitation (récolte des ressources produites). Tiens, tiens, ça me dit quelque chose. Il manquerait pas quelque chose? .. Alors oui, j’avoue, j’ai essayé d’ajouter une action de “destruction” (exterminate) pour pouvoir me targuer d’avoir le plus rapide des 4X, mais ça s’intégrait mal et j’ai abandonné, préférant faire un bon jeu qu’un bon pitch.
Mais revenons maintenant aux débuts du jeu pour nous intéresser à une autre problématique. (Ne vous inquiétez pas, on reviendra sur la dimension spatiale du jeu plus tard, quand j’aborderai la dimension stratégique dans le jeu)
Maîtrise et chaos 1: Sortir du jeu abstrait
Dès le début, mon jeu fonctionne pas mal, mais c’est initialement un jeu purement abstrait. Je ne parle pas ici de sa thématisation douteuse à base de dragons qui dévorent des planètes et chient des pierres précieuses. Je parle bien d’un jeu abstrait dans le sens où on l’entend en game design, c’est à dire un jeu à information complète et parfaite.
L’absence de hasard rend les jeux abstraits très (trop) calculatoires. Je vous invite à regarder cette vidéo du Professeur sur les jeux abstraits, dont je partage largement le point de vue.
Je voulais sortir du pur jeu abstrait, tout en en préservant un peu le feeling, notamment celui des jeux de placements avec les dynamiques de contrôle de territoire, d’encerclement, etc. J’ai tenté plusieurs choses pour ajouter de l’incertitude.
Maîtrise et chaos 1: la main dans le sac
La première idée était de modifier l’action récolte, pour offrir le choix entre:
- prendre les ressources produites par nos cases OU
- piocher autant de ressources que le nombre de cases que l’on occupe (y compris les cases qui ne produisaient normalement rien). On piochait ces ressources dans un sac opaque, qui contenait, en plus des ressources utiles au jeu, des gemmes noires. Celles-ci ne servaient à rien et retournaient dans le sac à la fin de notre tour. Au fur et à mesure de la partie (et donc au fur et à mesure que l’on pouvait piocher de plus en plus) le sac contenait donc de moins en moins de gemmes intéressantes.
Cette mécanique était vraiment sympa, créatrice de beaucoup de tension lors de la pioche, mais sans doute trop dépendante de la chance dans un jeu que je voulais quand même surtout de gestion. J’ai fini par l’abandonner, presque à regret, mais j’ai bon espoir de la recycler dans un autre jeu un jour.
Maîtrise et chaos 1: les cartes en main
Seconde option qui est longtemps restée dans mon proto, j’ai ajouté des cartes - donc de l’information cachée - qui offraient des actions supplémentaires ou des ressources. Si je me souviens bien, on piochait ces cartes en posant les tuiles (et peut être en posant des jetons sur certaines cases) et on gardait ces cartes secrètes. Les cartes pouvaient ensuite être jouées en plus de nos actions lors de notre tour.
L’aspect positif de cet ajout était de permettre de faire parfois des tours très puissants, qui permettaient des surprises et de retournements de situation. Mais finalement, comme pour la mécanique du sac, la dose de hasard et cette imprévisibilité semblaient des ajouts un peu artificiels qui éloignaient trop le jeu de son feeling principal.
[ici on voit que les joueurs ont des cartes devant eux - Si quelqu'un trouve à qui appartient le bras dans l doudoune rouge, je lui offre un verre à Cannes l'an prochain]
Maîtrise et chaos 3: voir moins loin
Entre temps, comme je l’ai expliqué plus tôt, j’avais introduit la construction progressive du plateau de jeu via la mécanique de pose de tuile. Cet ajout résolvait finalement pas mal de mes soucis.
Finie la possibilité (théorique) d’analyser dès le début de la partie l’ensemble des possibilités. En réduisant l’horizon et les possibilités à analyser a un instant « t », on limitait grandement les risques d’analysis paralysis. La dimension tactique s’en trouvait renforcée. L’espace est plus contraint, la lutte de territoire, les possibilités de se marcher dessus sont plus fortes.
Tactique et stratégique: créer des points de tension
On distingue généralement la tactique (analyse du meilleur coup à moment X) à la stratégie (construction d’un plan sur le long terme). Avec la pose de tuile, la dimension tactique était renforcée dans mon jeu, ce qui offre un intérêt à chaque tour de jeu, lors duquel il faut analyser la situation actuelle pour déterminer son coup.
Mais je voulais éviter l’écueil d’un jeu purement tactique, qui peut notamment mener à un jeu dans lequel les coups sont évidents, à un pur “puzzle” qui demande à être résolu, en d’autres termes, à des non choix.
Il fallait réintroduire des axes stratégiques, des points de développement de long terme. Tout en n’ajoutant pas d’actions et le moins de règles possibles.
La première chose que j’ai introduite est la règle des ruines: j’ai créé des tuiles de jeu qui avaient une forme telle qu’il était fréquent de créer des espaces vides (ruines). Autour de ces ruines, j’ai ajouté une règle de majorité: celui qui occupe le plus de cases autour d’une ruine en prend possession. Le jeu étant essentiellement (du moins à ce moment du développement) un jeu de course, cette règle créait du relief, des points de tension et d’interaction sur le plateau.
J’ai donc validé ces tuiles à la forme étrange, pour le malheur de mes mains qui ont dû découper ces formes dans du carton pour réaliser les prototypes, jusqu’à avoir des ampoules…
[veille de départ pour Cannes - ampoules aux doigts en préparation]
Tactique et stratégique: Course ou PV ?
Le jeu me plaisait pour plusieurs raisons, mais l’une d’elle était que les parties ne se ressemblaient vraiment pas, malgré un corpus de règles très restreint. Je découvrais des subtilités liées au placement des pions (rester grouper, bloquer un adversaire, se séparer), au placement des tuiles (se créer des opportunités, bloquer un adversaire, multiplier les ruines), la possibilité de Rusher ou de construire davantage son moteur, etc.
Pour rendre cette diversité plus visible et pour forcer les joueurs à l’expérimenter, j’ai ajouté des objectifs. il s’agissait initialement de conditions à remplir, pour pouvoir y poser un de nos jetons. (Et donc s’approcher de la victoire dans ce jeu de course).
Je suis resté longtemps avec cette version, mais elle avait le défaut d'augmenter l’aspect exponentiel du rythme du jeu.
Un jour, un éditeur m’a dit qu’il essayerait bien une version avec des points de victoire au lieu d’une course. J’étais assez réticent au départ. L’aspect course du jeu était un vrai parti pris depuis le début. Toujours dans la logique de simplicité, je souhaitais une condition de victoire immédiate. J’avais le sentiment que trop de jeux compensaient une certaine pauvreté mécanique par un décompte complexe.
Force m’a été de constater qu’un décompte intéressant peut renforcer cette dimension stratégique que je cherchais. En transformant mes objectifs en méthodes de décompte, le jeu prenait vraiment une dimension additionnelle et approchait de son aspect final. Chaque pion posé ne valait de facto plus le même nombre de points.
Dans chaque partie, deux objectifs étaient tirés au hasard, qui ajoutaient deux décomptes. Je gardais en plus le 1 point par jeton posé, préservant par là même des sensations de jeu de course.
Les objectifs ouvrent de nombreux axes stratégiques variés selon les parties. Un exemple de micro stratégie permise par un objectif: pour faire des groupes de 3, placer judicieusement les tuiles est important: deux souches et une ruine peuvent suffire.
[certains objectifs n'ont pas survécu aux tests]
[oui, je sais mes photos auraient dû être pivotées, mais j'aime vous faire pencher la tête]
Tactique et stratégique: axes stratégiques implicites et secrets
L’autre manière dont j’ai réintroduit de la stratégie pour éviter d’avoir un jeu trop axé sur l’opportunisme est sans doute moins évident au premier abord.
J’ai en effet caché des axes stratégiques dans le jeu, mais de manière à ce qu’ils ne se dévoilent qu’au fur et à mesure des parties (ou à ceux qui analysent chaque case du jeu avant de jouer - mais de telles personnes existent-elles?).
Les couleurs ne sont pas symétriques. Chaque couleur/ressource a une forte affinité avec certaines cases. Concrètement, les ressources rouges (coccinelles) sont toujours nécessaires pour prendre le contrôle d’une case de production jaune, d’une case d’action ”aggrandir la forêt” (pose de tuile) et utiles en grand nombre pour les cases qui valent des points. Les ressources jaunes (champignons) de leur côté sont importantes pour prendre le contrôle de case de production rouge et de cases d’action “fleurir” (poser un jeton). Les ressources bleues pour prendre le contrôle de cases de production bleues, pour les cases d’action “production” et pour les cases qui valent des points.
Progressivement, les joueurs vont remarquer qu’un joueur ayant commencé par prendre le contrôle d’une case de production bleue se retrouve avec plein de ressources bleues, mais en manque du reste des ressources; un joueur va s'apercevoir qu’il lui manque toujours du jaune pour prendre des actions “fleurir”, etc. Les affinités entre les couleurs et les stratégies vont se dévoiler au cours des parties. J’aime ces subtilités qui s’offrent aux joueurs qui approfondissent un peu le jeu.
Sachant cela, et selon les objectifs les joueurs pourront donc choisir leur stratégie en fonction.
D’autres aspects permettent de construire sa stratégie. Si on veut “rusher”, le placement des tuiles est essentiel pour s’assurer un maximum de chaînages possibles et pour se créer des ruines faciles à contrôler. Et prendre le contrôle de production jaune aussi.
Si le sujet des axes stratégiques implicites dans jeu, vous pouvez écouter ce court podcast en anglais.
Rendre chaque stratégie viable et chaque tour intéressant
Pour que le jeu soit vraiment plaisant en toute circonstance, il faut s’assurer que quelle que soit la manière de jouer, le jeu garde son intérêt.
La création de moteur de production est un aspect essentiel du jeu, mais je voulais qu’un joueur qui n’en met pas en place puisse tout de même passer une partie agréable et intéressante. Pour rendre cette stratégie viable, j’ai ajouté les coléoptères qui fournissent des ressources lors de la pause de tuile. Ça a demandé un gros travail de réglage, mais aujourd’hui il est possible de s’en sortir sans ou avec très peu de production.
Vorex est un jeu très rapide et dynamique. Toujours dans cet aspect “course“ du jeu, la plupart des actions que feront les joueurs consistent à poser un jeton. En contrepartie, faire une action “récolte” est bien moins gratifiante et était un peu considérée un tour perdu. La solution était sans doute simple et évidente, mais a dû m’être soufflée par l’inévitable Seb Pauchon. “Deux actions par tour”. Ainsi, on ne fait plus de tours à vide, et on peut davantage construire pendant son tour. Une solution qui apporte énormément au jeu. (Et pour la petite histoire, c’est aussi une solution que j’ai soufflée à Marc Paquien pour l’île au trésor, et que j’utilise également souvent - vous avez joué à Maps of Misterra?)
Enfin, la dernière étape du développement a été de fixer exactement les tuiles. C’est ce qui fixe le rythme de la partie. Il y a beaucoup de souches de production au départ et pas mal de souches qui permettent d'agrandir la forêt, puis davantage de zones arides, moins de production, et plus de souches pour reposer un jeton. Enfin viennent les souches qui apportent des points de victoire.
[4 niveaux de tuile, pour rythmer la partie]
Tout me semblait bien, jusqu’à ce que je m'aperçoive que les parties à 4 joueurs étaient sensiblement plus longues et moins dynamiques que les parties à 2 ou 3. Je ne comprenais pas. La répartition des souches était sensiblement la même, et les proportions entre elles préservées selon le nombre de joueurs. Le problème venait en fait justement de ça. Il y avait potentiellement au moins deux fois plus de souches libres dans une partie à 4 que dans une partie à 2. Soit deux fois plus d’options à analyser à chaque tour… La lisibilité et le rythme en prenaient un gros coup.
J’ai dû revoir largement le set de tuiles pour corriger cela, réduire le nombre de souches d'agrandissement de la forêt et le nombre de souches par tuiles pour les parties à 4 joueurs.
le solo
Un dernier mot, sur une configuration particulière: le mode solo.
- Je ne voulais pas d'un automa à gérer en appliquant un algorithme
- Je voulais qu'on puisse perdre
- je voulais du challenge et retrouver la tension sur l'espace des parties multi-joueurs.
Je suis particulièrement content du système que j'ai trouvé. On s'oppose à un adversaire, mais on le joue nous même comme il nous arrange. Seulement, celui-ci pose 2 jetons par tour et s'il finit de poser ses jetons avant nous, on a perdu. De même s'il ne peut pas jouer.
On se retrouve à se bloquer soit même et on finit souvent par perdre. Notamment car on essaye tout de même de faire le meilleur score, ce qui force à prendre des risques.
Le meilleur score, mais pas seulement. Le mode solo propose d'obtenir le nom de votre sous espèce de plante carnivore selon la manière dont vous avez géré les différents scorings du jeu (pas seulement de votre score final). Un système amusant et que je pense assez original, soufflé par l'ami Diogo Cardoso, inspiré de Creature Comfort.
[ Joueurs solo, pensez aux ruines pour aller plus vite que la mauvaise herbe]
La fin
Voilà, c'est déjà la fin de ce long carnet d’auteur. Chaque aspect mécanique a été pensé, testé, questionné, modifié, re-testé en détail. Aujourd’hui je suis extrêmement fier de ce que le jeu est. Je suis parvenu au niveau d’épure et de cohérence que je souhaitais. Le jeu est riche et offre une vraie profondeur pour un jeu très rapide (une dizaine de minutes par joueur).
Souvent les auteurs jouent peu à leur jeu une fois sorti. Pour tout vous dire, c’est largement le jeu que j’ai le plus joué depuis que j’ai une boîte finale. Et je prends toujours autant de plaisir à chaque partie.
J’espère vous avoir donné un bon aperçu du cheminement du développement de ce jeu et surtout, j’espère que le jeu vous plaira autant qu’à moi.
[C'est beau un jeu publié]
Vous en voulez encore ? Il y a mon carnet d'auteur sur Au creux de ta main