C’est une véritable opportunité que nous offre TricTrac en nous permettant de publier des articles sur le site. Depuis presque un an je propose divers articles sur la création ludique sur le blog Les 1D Ludiques, en élargissant mes publications à TricTrac j’espère toucher de nouvelles personnes, c’est donc une série d’articles sur la création de jeux de société que j’aimerais partager avec vous ici. Et je commence avec cet article qui propose divers conseils pour bien présenter son jeu à un éditeur.
Voici une étape bien redoutée. Votre jeu est prêt, vous l’avez pensé, testé, fais grandir, arrangé, bref à vos yeux il est fin prêt pour affronter la mer déchainée de l’édition ludique, prit entre deux vagues de nouveautés, à vivre des aventures auprès de pirates et vieux loups de mer, comme de jeunes moussaillons en manque de sensations fortes, à lui les îles au trésor et à vous les coffres remplis d’or. Hum … redescendons sur terre, car la route est encore longue, car avant tout ceci il va falloir réussir à convaincre. Et croyez-moi ce n’est pas le plus simple ! Alors, autant mettre toutes les chances de votre côté en suivant ces quelques conseils.
Un éditeur c’est quoi ?
La question peut sembler étrange, voir même carrément stupide, pourtant certaines personnes ont une mauvaise image d’eux ou bien tout du moins une image erronée. Je vais faire simple, car les différentes étapes de l’édition pourraient faire à elles seules l’objet d’un article. L’éditeur est donc la personne, enfin plutôt la société qui va financer votre jeu, le faire connaitre et le faire vivre. Il ne faut pas le confondre avec le distributeur qui lui récupère votre jeu une fois fabriqué pour le distribuer à ces différents points de vente. Un exemple : le jeu Bonhanza d’Uwe Rosenberg (l‘auteur) est édité par Amigo, mais est distribué en France par Gigamic. Le distributeur peut être différent selon le pays.
Lorsque vous proposez un jeu à un éditeur, il va tout d’abord étudier les règles, si celles-ci lui plaisent il va alors tester votre jeu, et si le test est concluant, vous êtes en bonne voie pour être édité. Bonne nouvelle !
À ce niveau, l’éditeur regarde les choses à modifier pour le faire entrer dans une de ses gammes ou sa ligne éditoriale, et entame diverses recherches de prestataires et ainsi évalue les coûts de production. En cas de succès il ramassera son pécule, en cas d’échec il assume seul la responsabilité financière. Je n’entre pas plus loin dans les explications de ce système complexe, que ce soit au niveau des pourcentages de chacun, des avantages ou autres, ce n’est pas l’objet de cet article.
Chaque année, selon sa taille, un éditeur reçoit énormément de projets, plusieurs centaines pour certains. Il vaut donc mieux connaitre ces derniers et maximiser ses chances, étudier leur ligne éditoriale afin de gagner du temps et de leur faciliter la tâche également, et pour cela voici quelques conseils, car même si cela est « le travail de l’éditeur » (on l’entend souvent chez les auteurs), il n’est pas désagréable et inutile de lui mâcher le travail et faire en sorte que le jeu soit plus cohérent et mieux pensé.
Penser au contenu
Voici bien une chose à laquelle on ne pense jamais lorsque l’on créé un jeu : le contenu de la boite et l’interaction entre les divers éléments.
Un jeu qui semble complet et cohérent sur son ensemble sera bien plus facilement prit au sérieux qu’un autre. Penser aux règles est une très bonne chose, mais penser aux règles tout en réfléchissant au matériel est mieux.
Bien entendu le matériel est souvent l’affaire des éditeurs. Chose tout à fait logique puisqu’il connait les coûts de fabrication et possède déjà son réseau. Certes, cela est entièrement vrai. Mais lorsque je parle de contenu, je pense également à la possibilité d’alléger le nombre de pièces ou leurs coûts, pour rendre le jeu plus accessible en terme de fabrication et donc de prix de vente.
Avoir un jeu avec 50 figurines en bois, de 15 cm chacune est certes très joli mais cela est surtout trop cher à produire. Est-ce que le jeu ne serait tout aussi intéressant (voir plus) avec moins de figurines, de même pourquoi sont-elles aussi grandes ? Cela aura du coup une incidence sur la taille de la boite donc sur son prix de fabrication, mais également sur son encombrement, aussi bien chez les joueurs que sur les étals des revendeurs. Une chose en amenant souvent une autre.
Un adage ludique dit « Un jeu est prêt, pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais plus rien à enlever ». Vous y gagnerez toujours en réduisant le superflu, aussi bien en matériel qu’en termes de plaisir de jeu et de fluidité.
Votre jeu est prêt, mais voilà la boite est très large (un peu à la manière des vieux jeux), souvent à cause du plateau. N’est-il pas possible de proposer une boite plus haute, mais beaucoup encombrante, car si les grandes boites offrent une jolie visibilité au produit dans les étales, elles ne sont pas appréciées des consommateurs qui ne souhaitent pas surcharger leurs placards. Pour prendre un exemple, Augustus est un jeu très sympa, mais comme j’ai pu le constater et le lire un peu partout, la boite possède une taille bien excessive assez peu justifiée.
À ne pas négligez non plus, les pièces qui semblent plus anodines. Est-ce que ce joli marqueur de points en bois noble du Boikastan est-il vraiment nécessaire, alors qu’il peut être échangé avec de simples cartes ou un petit carnet ?
Être ingénieux veut aussi dire trouver de bonnes idées originales, mais pas forcément tape-à-l’œil.
Andor et son kilo de matériel.
Le proto désigné ou pas ?
Il existe deux écoles sur ce point : celle qui dit « que non, car l’éditeur changera tout selon ses goûts », et l’autre qui dit « que oui, car un joli proto ça donne plus envie ». Mon avis sur la question est un peu biaisé par mon métier (illustrateur), pourtant je pense que tout le monde a déjà remarqué que l’on va plus facilement vers quelque chose qui nous attire visuellement (sauf peut être votre femme ou mari, mais cela ne nous regarde pas), qu’une autre plus banale qui ne ressort pas du lot. Donc pour moi la question ne se pose même pas c’est : oui !
Après tout le monde n’a pas de talent artistique, chose totalement compréhensible, pourtant je continue de penser qu’un bel habillage est très important, et que de nos jours elle en nécessite pas des connaissances extraordinaires tant le web recèle de ressources, il n’y a qu’à chercher pour trouver. Ne serai-ce que quelques images glanées sur le net, un logiciel pour designer quelques cartes et matériels, histoire de ne pas avoir de simples cartes ou un plateau écrit au stylo. Pas besoin de pousser le graphisme trop loin (si ce n’est pas pour votre plaisir). Le côté austère vous pouvez le laisser pour les règles. Même si une mise en page un peu originale est toujours possible. Donc s’il vous plait pour le bien-être de nos rétines, arrêtez de faire des protos immondes, car ça fait vraiment trop mal !
Au niveau du thème, je ne reviendrais pas dessus, car le sujet a déjà été traité dans ces articles :Pourquoi thématiser son jeu ? et Thématiser son jeu ou non ?
Quelques pièces et un joli plateau suffit
La présentation
Tout est prêt, il est temps d’envisager les envois, et donc de rassembler vos divers éléments. Je vous conseille vivement d’utiliser le format PDF pour vos règles, ainsi pas de problème de comptabilité entre machines ou logiciels. N’oubliez pas d’indiquer les informations classiques sur votre jeu, matériel, but, etc. Il est aussi intéressant de mettre vos coordonnées pour vous joindre, en pied de page, en filigrane par exemple, car les règles sont souvent imprimées pour être lues, et une fois détachées de leur forme numérique, difficile de retrouver le propriétaire. Il est intéressant également de créer un second PDF avec les règles + les éléments du jeu. Évitez d’envoyer un mail avec les règles et une dizaine de JPEG volages, il n’y a rien de pire pour énerver votre interlocuteur. Une autre chose que je fais également lorsque je propose un jeu et qui peut faire gagner pas mal de temps à l’éditeur, et permet de mieux comprendre le jeu tout en présentant les pièces, c’est d’envoyer un lien vers une vidéo (postée sur youtube), qui présente le jeu, et une seconde qui explique les règles. Ce geste a souvent été apprécié même si mes jeux n’ont pas été retenus.
Choisir le bon cheval
Voilà c’est bon tout est là dans un joli PDF, prêt à parcourir des centaines de kilomètres pour atterrir dans les boites mails des différents éditeurs. Mais voilà à qui l’envoyer ? Car il serait inutile et un peu idiot d’envoyer notre jeu à l’aveugle à une liste trouvé sur le net, sans avoir pris le temps de se renseigner un minimum sur les autres jeux proposés par la maison d’édition contactée. Vous gagnerez du temps et vous en ferez gagner à l’éditeur, qui vous sera très reconnaissant pour ce geste, sans oublier le sérieux de votre démarche.
Vous pouvez très bien chercher une liste des différents éditeurs existants, mais avant de faire un envoi de masse à l’aveugle prenez quelques minutes pour étudier leurs jeux qu’ils éditent ou tout simplement pour voir s’ils existent toujours ou quels sont leurs conditions de soumission (rien de SM là-dedans).
Accompagné votre jeu d’une jolie e-lettre, polie, pas surchargée de formules de politesse suaves et dégoulinantes, ni de supplications et encore moins de menaces. Ne dites pas non plus « mon jeu est révolutionnaire », ou « il a un concept hyper original » ni « c’est du jamais vu », si j’étais éditeur (et que j’avais un peu de temps) je me ferais un malin plaisir à vous trouver des contres exemples. De même, évitez de dire qu’il ressemble à tel jeu ou qu’il s’agit d’une variante, vous partirez avec un mauvais point. Personne n’a envie de copier, ni d’avoir un jeu qui n’est qu’une variante d’un autre. Ne divulguez pas non plus l’ensemble des règles dans cette lettre, les règles sont là pour ça. Rester simple et concis c’est le plus simple. En étant précis et courtois, vous avez déjà de plus grandes chances d’être lu. De même éviter au maximum les fautes d’orthographes et autres, même si vous n’êtes pas un champion de l’orthographe, un petit passage par le correcteur (faillible) n’est pas une option, mais du bon sens.
Vous voilà prêt à contacter l’éditeur de vos rêves, celui qui depuis des années vous arrose de plaisir ludique, et dont vous aimeriez rejoindre l’écurie.
Voilà ce qui arrivera si vous ne faites pas le tri.
Les alternatives
Les mails c’est bien, mais il existe d’autres moyens de proposer vos jeux. Il n’est pas rare que les éditeurs participent aux différents salons et festivals, c’est donc une bonne occasion pour les approcher et qui sait peut être leur présenter de visu votre jeu, et le faire tester. J’ai déjà tenté cette méthode et cela fonctionne. Il existe également des sociétés qui proposent de faire le lien entre vous et les maisons d’édition, prenant un pourcentage sur les ventes si votre jeu est édité. Les conditions sont souvent assez dures, mais cela peut valoir le coup.
Je pense qu’il reste quelques points à voir ou à éclaircir, mais l’essentiel me semble être présent, tout du moins celui-ci devrait vous aider à déceler certains points noirs, et à mieux programmer et envisager vos soumissions.
Comme d’habitude ce sujet est ouvert et il sera heureux de recevoir vos commentaires.