[3 Secrets][DECKSCAPE à l’épreuve du temps][EXIT - La Station Polaire][Frayeur][Unlock! Exotic Adventures]
Poursuivons notre tour d’évasion de l’été, période propice s’il en est pour fuir son quotidien en s’envolant pour des terres lointaines, fuir la réalité dans le plaisir fictionnel d’un roman, ou fuir une pièce pleine de serrures en moins de 60 minutes. Je vous propose donc aujourd’hui la mise en avant d’un petit nouveau qui n’est ni plus ni moins qu’un Escape Room en jeu de cartes. Car quand on croit qu’on a fait le tour, la vie prouve qu’il faut parfois se détromper, en tombant sur de véritables petites pépites.
C'est un Delock ? C'est un Desxit ? Non, c'est un Deckscape !
L'on en entend déjà grogner que ça commence à bien suffire, tous ces jeux qui surfent sur la vague de l'Escape Room, friment dans le rouleau de l'énigme et s'en échappent, en 60 minutes à peu de choses près, glissant sur l'écume des puzzles, codes, et autres assemblages de cartes, soutenus d'indices aussi aléatoires qu'une crème solaire. On vous avoue que nous-même, lorsqu'un petit nouveau déboule, on ne peut s'empêcher de le regarder un peu en coin, se demandant à quelles intentions s'adjoint quelle qualité. Car il y a maintenant pléthore sur le marché, et il est plus que recommandé d'en avoir sous le capot pour atteindre un niveau de finesse et d'originalité au moins équivalent à celui de ses petits camarades.
Il se trouve que la série Deckscape dont nous allons parler aujourd'hui possède de délectables qualités susceptibles de vous réjouir si vous êtes amateur de jeux d'énigme à fort caractère narratif. Car le jeu de Martino Chiaccheria (dont on reconnaîtra le format 3 Secrets) et Lorenzo Sorrentino, édité en français chez les petits fifous de SuperMeeple se base avant tout sur une notion d'histoire, d'aventure à vivre, et parvient à manier des cartes, et rien que des cartes, d'une manière assez maline avec de véritables rebondissements et plot twists.
Meuler le cerveau et triturer la pioche
Deckscape se présente comme un simple paquet de cartes, à poser au centre de la table (ou tout autre espace de jeu adéquat, tant que c'est au centre, nous sommes bien rigoureux sur ce point). Point de règles dans la boîte, puisque celles-ci, d'une relative simplicité, vont se découvrir en jouant, s'adaptant parfois aux besoins du scénario, à l'instar des Fast Forward de Friedemann Friese.
Après un rapide tutoriel, vous présentant le teneur des énigmes, la gestion des ratages et du temps, la notion de cartes objets (ayant parfois plusieurs utilités) et énigmes, et vous voilà prêt à vous lancer dans l'aventure. L'on vous demandera presque toujours de diviser le paquet en plusieurs piles de couleurs. S'il est possible de se lancer dans l'énigme de n'importe quelle pile, et d'aller librement d'une pile à l'autre, il est en revanche obligatoire de ne poser ses yeux et son cerveau que sur la carte du sommet de chaque pile, et de ne pas dévoiler ni son verso, ni la carte du dessous. Il vous sera néanmoins possible de conserver/triturer/mettre de côté les cartes objets que vous dénicherez. Le jeu vous informera clairement lorsque ce genre de manipulation sera possible.Mais alors, si je ne peux pas toucher à grand chose, qu'il n'y a pas d'applis ou de carte solution, comment bon sang de sais-je si j'ai trouvé la bonne solution me direz-vous (si, si, allez-y, disez-le) ? C'est là l'une des particularités mécaniques de Deckscape. Lorsque l'on pense détenir la réponse à une énigme, on regarde le verso de la carte concernée. S'affiche alors la solution, ainsi que les moyens d'y parvenir. Si l'on a bon, on continue l'aventure. Et si l'on a faux, et bien l'on continue l'aventure aussi ! On marque alors une petite croix à l'emplacement prévu à cet effet, qui nous octroiera un petit malus en fin de partie. A nous joueurs de nous relever de cet affront au cerveau et de faire mieux la prochaine fois. L'aventure continue malgré les échecs !Il vous faudra alors traverser toutes les mystérieuses embûches se dressant sur votre chemin neuronal pour atteindre votre objectif final : voyager dans le temps, braquer un casino, ou encore prévenir une catastrophe londonienne. Monsieur Bernard est d'ailleurs venu nous en dire plus, tout en soumettant nos cerveaux à la chose, par l'entremise d'une petite aventure démo faite spécialement pour les salons et autres festivals :
Fromage ou deckscape ?
Le format des énigmes pourra bien sûr rappeler les aînés Unlock et Exit. Nous trouverons dans Deckscape des énigmes reposant sur la compréhension d'une carte, d'un code/assemblage à trouver entre les cartes, d'informations à relier entre plusieurs cartes ou encore de manipulations physiques des éléments du jeu (des cartes, donc). On trouvera néanmoins une belle renouvelabilité des énigmes, avec quelques petites trouvailles que l'on n'avait point encore vu ici où là. Après tout, nous sommes sur un jeu de cartes d'énigmes, nous recevons donc ce que nous y cherchons : des cartes et des énigmes.
Non, le vrai plus de Deckscape, le vraie souffle qui le gonfle ses voiles vers un ailleurs agréable et frais, va au-delà de ce principe, au-delà de l'effet de "non-blocage" des énigmes ratées. C'est le développement narratif qui est fait, et traduit par diverses mécaniques, qui titille des zones nouvelles du palais ludique ouvrant sur des saveurs au goût de reviens-y. Si le premier scénario, A l'Epreuve du Temps, se présente plus comme une directe adaptation d'Escape Room en jeu de cartes, les titres Le Destin de Londres et Braquage à Venise assument parfaitement la carte de l'immersion narrative. L'usage de multiples piles de cartes permet de scénariser le récit en plusieurs étapes, plusieurs retournements de situation ou péripéties. Sans en dire trop, on retrouvera tout particulièrement cette sensation film d'espionnage avec grandes révélations et phases d'action dans Le Destin de Londres, et un pastiche bien pensé de film de cambriolage (retenir le plan, faire diversion, atteindre le coffre, etc...) avec Braquage à Venise. Les quelques options d'embranchement scénaristique à la Livre Dont Vous Êtes Le Héros poussent aussi la sensation de vivre une histoire unique.Deckscape se veut plutôt familial, les styles filmiques pastichés reprennent les poncifs de leurs genres respectifs, aidant à plonger dans ces différents univers par le biais de codes narratifs connus de tous. Un esprit familial que l'on retrouve mécaniquement dans la possibilité de faire avancer l'histoire même en ratant des énigmes. Au final, résoudre ou non un problème n'est pas si grave, l'important est de vivre une aventure, et de savoir se relever de ses échecs. Comme dirait Thomas Wayne, "Why do we fall ? So we can learn to pick ourselves up."Deckscape réjouira les amateurs d'aventures énigmatiques, de machines à construire, de braquage à l'italienne, d'espionnage à l'anglaise, de twists scénaristiques, et de cartes codées.