dibdib : fais pas le radasse avec les bonbecs !

De la mésaventure !

J’ai longtemps hésité entre amener dans mes valises ce jeu de Jun Sasaki, publié par sa propre maison d’édition Oink Games. Finalement, je lui ai préféré Kobayakawa, qui a un peu buzzé… Malheureusement, en arrivant à Orléans, la veille des enregistrements pour la Tric Trac TV, je me suis rendu compte que j’avais oublié la petite boîte bleue du jeu sus nommé. Comme une mésaventure n’arrive jamais seule, je me suis retrouvé sans un seul jeu Oink Games à présenter alors qu’il s’agit pour moi de l’un des éditeurs les plus intéressants au Japon, et surtout, un des rares à se donner les moyens de publier des jeux avec professionnalisme et une signature design pour le moins remarquable. Me voilà du coup contraint, avec un certain bonheur, de vous proposer quelques articles sur les jeux de cet auteur/éditeur d’un nouvel âge nippon.

Oink Games, GROIN-GROIN

A chaque fois qu’un Game Market est organisé au Japon, la première chose que je fais, c’est d’aller voir le coin Oink Games. Je sais que l’éditeur/designer utilise généralement ces hauts lieux ludiques nippons pour y sortir de nouveaux jeux. C’est ainsi que j’ai découvert le tout récent Dungeon of Mandom, ou encore Kobayakawa, et Hykkyo na Komori… Dungeon of Mandom, c’était une pile de 200-300 jeux (à vue d’œil) et il n’en restait pas un exemplaire plusieurs heures avant la fin du Tokyo Game Market de novembre 2013. J’avais bien évidemment mon exemplaire dans l’une de mes poches avant même d’essayer le jeu. Et oui, je suis décidément un grand amateur des jeux de cet éditeur. Je lui fais entièrement confiance pour une raison qui dépasse l’intérêt ludique de ses productions. Les jeux Oink Games ont ce talent, rare au Japon, de lier la beauté épurée et colorée de l’objet, une remarque que les amateurs d’Apple ne pourront que comprendre, à la simplicité mécanique. Dibdib, qu’est-ce que c’est ? C’est un jeu qui se joue de 3 à 6 joueurs, en 20 minutes à partir de 6 ans. Dans la boîte, on trouve une grande richesse matérielle. Certains y verront une démarche inutile de l’éditeur. Tout comme dans Kobayakawa, où Jun Sasaki (auteur/éditeur de Oink Games) avait pris le parti de mettre de véritables pièces en métal, dans dibdib, on découvre deux très beaux sacs en tissus, des tuiles rondes représentant des cœurs vibrants ou brisés et, nerf matériel du jeu, beaucoup de rondelles de bois rouges représentant les bonbons du jeu. Je vous laisse admirer la beauté plastique du jeu. Parfois, je me demande même si j’ai vraiment besoin de jouer pour apprécier ces jeux :

Le poster du jeu !

Voilà ce que vous pouvez faire si vous avez une bonne centaine de boîtes du jeu. C’est pas joli, ça ? Le sens du design et de l’épure de Jun Sasaki… comme je l’envie.

Les bonbons que vous vous amuserez, le regard scrutateur ou fuyant, à faire passer d’un sac à l’autre.

Comment ça marche ?

Le principe du jeu est très simple et se résume en fait à la phrase d’accroche apposée sur l’affiche de dibdib :

僕から君への、ちょっぴりあまい嘘 De moi à toi, un petit mensonge acidulé

Vous allez incarner des enfants qui essaient tant bien que mal, bon gré mal gré, de se partager les bonbons qu’ils ont reçus… Evidemment, ah les enfants sont tous des pourris !, les enfants ne sont pas vraiment partageurs, ou alors, quand ils partagent, ils essaient toujours de grappiller quelques bonbons de plus pour eux-mêmes. A votre tour, vous allez plonger une main dans le sac qui contient tous les bonbons, en prendre une bonne poignée - là, c’est à vous de juger si vous remplissez bien la paume de main ou non - et les transférer dans l’autre sac en tissus. Une fois ce transfert de trésors sucrés réalisé, vous allez tendre vers un deuxième joueur les deux sacs…

Ce joueur pourra alors accepter les bonbons que vous lui offrez en acceptant le sac où vous avez transféré des bonbons ou refuser, en vous accusant de ne pas avoir fait un partage équitable. Lorsque que vous refusez de prendre le sac “cadeau” de votre ami, c’est comme si vous passiez. Il n’y a donc pas de comptage des bonbons présents dans les deux sacs et personne ne perd ou ne gagne. Le deuxième joueur va donc procéder comme le premier joueur avant lui et proposer les deux sacs à un troisième joueur… et ainsi de suite jusqu’à ce que l’un des joueurs qui se voit proposer les sacs accepte le partage. Lorsque cette situation intervient, les deux joueurs vident le contenu des deux sacs et comptent les bonbons présents. Le joueur qui termine avec le plus de bonbons l’emporte. Le perdant retourne l’un de ses jetons cœur sur le côté “cœur brisé”. Le vainqueur est le joueur qui a encore un cœur en bon état à la fin de la partie !

Impression

dibdib n’est pas le jeu de l’année, disons-le sans trembler. C’est malgré tout une belle petite sucrerie à partager entre amis, comme souvent avec les jeux japonais. Comme je l’ai déjà écrit plus tôt, les jeux publiés chez Oink Games ont un intérêt plastique tout particulier pour moi et il m’est difficile de les juger sans intégrer ce critère essentiel. Comme déjà avec Yabu no Naka (Hattari chez Moonster Games), Dungeon of Mandom, ou encore Kobayakawa, le principe fondateur des jeux de cet éditeur, c’est l’échange de sensations interpersonnelles ! Sous cette formule pour le moins absconse, j’essaie d’expliciter la mécanique à chaque fois renouvelée de ces jeux : essayer de lire les autres… Ou, comme il est si bien dit en japonais :

ココロの読み合いゲーム。 使うのは2つの袋と キャンディいっぱい。

Un jeu dans lequel on essaie de lire le cœur de l’autre…

Avec deux sacs en tissus et plein de bonbons. Ça se résume à ça… ce n’est pas grand chose, ça ne révolutionne pas le monde du jeu, mais vous devriez savoir si vous lisez ce blog depuis plus d’une heure, que la très grande majorité des jeux japonais que je présente sont basés sur ce principe du bluff, de la lecture de l’autre et de ses intentions ludiques. Il semblerait que cette mécanique de base soit peut-être la plus efficace pour proposer des jeux avec un matériel moindre et des sensations de jeu intenses et qui résistent sur la durée. Ce n’est peut-être pas pour rien que les jeux d’Alex Randolph font partie des grands succès au Japon : Ciao Ciao, en version japonaise, Hagetaka no Ejiki, ou encore les jeux de type Gokiburi Poker, ou 6 Nimmt!.. Le bluff, quelques cartes, une bonne idée de jeu qui crée de la tension tout en restant suffisamment amusante pour donner envie d’y rejouer, et des interactions entre les gens, et Dieu sait que les Japonais en ont besoin. Et moi aussi, d’ailleurs :slight_smile: Bref, un jeu à mettre aux côté de Candy Chaser, de Diamonsters, Cheaty Mages, Kobayakawa, Dungeon of Mandom et tous les autres.

Izobretenik

2 « J'aime »

Un bel article pour un beau jeu. Simple et avec du matériel de qualité.
Sans doute un succès assuré pour l'éditeur qui franchira le pas, dans la même veine que Eat me, if you can. Si l'on venait à éditer toutes ces perles ludiques japonaises, je prendrai tout! Oui tout! Qu'on se le dise.

Et un grand merci à Yannick Deplaedt (alias Izobretenik) pour ces informations.

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Ne reste plus qu'à partir à la recherche de ces jolies petites perles ludiques... mais cela s'annonce corsé.

ces petites pages dépaysantes font toujours plaisir

Je n'avais jamais vu d'images de Yabu no Naka, merci pour le lien. Le travail graphique de moonster me laissera toujours un peu perplexe, mais quand en plus on voit de quoi ils partent ça confine au scandale.

Xbug-pirate : J'avais eu la même réaction que toi, et on en avait discuté avec Kong (Manu) mais si tu écoutes ses arguments, tu te rends compte qu'il est plus à même que nous de décider quels choix graphiques opérer pour sa gamme de jeux. Je suis un grand grand fan des jeux édités par Oink Games, souvent plus pour l'objet que pour le jeu lui-même, mais il faut admettre que les réalités du marché occidental sont sans doute très différentes de celles que nous vivons ici. Ici, plus c'est petit plus on a envie de l'acheter, parce que la place est comptée !

Merci à tous pour vos retours, à propos !