J’ai passé beaucoup d’heures à jouer à Twilight Imperium. Avec un groupe d’amis aussi fans que moi, c’était notre jeu fétiche pendant plusieurs années. Nous avons consacré des soirées, journées et weekends entiers à faire des parties de plus en plus complexes. Je ne saurais dire si j’ai passé « trop » d’heures, mais j’estime que tout le bonheur et amusement que ce jeu m’a apporté a bien récompensé mon investissement de temps.
Twilight Imperium est LE premier jeu de Fantasy Flight Games, écrit par son fondateur lui-même. Ce jeu a marqué la transformation de Fantasy Flight Publishing (FFP) en Fantasy Flight Games (FFG). Passant de distributeur de BD en éditeur de jeux. Jusqu’à ce jour, c’est un de leurs jeux de plateaux les plus connus. Même si vous n’avez pas encore joué (chose à laquelle vous devriez remédier immédiatement !), vous avez sans doute déjà vu au moins sa boite. Il est assez difficile de la rater vu sa taille imposante, et sachant qu’elle se trouve sur les étals de tous magasins de jeux qui se respectent.
A l’infini et au-delà
Vu mon attachement personnel à ce jeu, je compare systématiquement tout jeu de stratégie avec lui lorsque je m’assois à une table. Comme lors du UK Games Expo à Birmingham ce weekend passé, ou j’ai pu assister à une démo du prochain gros jeu de Stratégie de FFG : Forbidden Stars.
Ce qui est sûr c’est que, à première vue, c’est une claque visuelle. C’est un jeu de FFG certes, la haute qualité y est de base, mais avec toutes les illustrations tirées des différents œuvres du Warhammer 40k, on ne peut s’empêcher d’avoir le regard attiré. Tous les tuiles, cartes et jetons sont soigneusement illustrés. Les figurines –certaines ont l’air d’être tiré d’Epic et Battelfleet Gothic- sont d’une bonne qualité et largement assez détaillées pour ce genre.
Nous sommes face à un jeu de stratégie et de domination spatial. Cependant, et ceux qui connaissent l’univers le sauront, la politique se fait à coup de Bolter et la seule économie qui compte c’est celle qui vous permet de fabriquer des balles pour vos armes. Ceci laisse donc une seule possibilité pour dominer l’univers : des coups de gros calibres. Comme dit le slogan de Warhammer 40k :
« Il n’y a que de la guerre »
Commençons par le début, il faut trouver un univers à dominer. Comme dans Twilight Impérium il faut donc le créer. Chaque joueur dispose de 3 tuiles piochées au hasard. Ces tuiles sont doubles face et divisées en 4 zones contenant, en moyenne, 2 planètes et 2 régions d’espace. Après la première, chaque joueur place une tuile adjacente à une autre. Vous êtes libre de placer les tuiles ou bon vous semble, mais la taille du plateau est représentée par une grille correspondante au nombre de joueurs (2x3 pour 2 joueurs, 3x3 pour 3 joueurs, 4x3 pour 4 joueurs) et vous ne pouvez pas vous aventurer en dehors. En connaissant l’univers de Warhammer, il y a des choses peu fréquentables qui vous attendent le dehors.
Contrairement à Twilight Imperium, cette phase n’a rien d’aléatoire, car elle vous sert aussi de phase de déploiement et de mise en place des objectifs. À chaque fois que vous poserez une tuile, vous aurez le droit d’y laisser des éléments de vos forces de départ dessus. Vous aurez aussi en main 6 tuiles d’objectifs que vous devrez répartir équitablement entre chacun de vos adversaires. Vos adversaires feront de même et vous vous retrouverez donc avec une main composée de leurs jetons d’objectif. Chaque tuile contient deux emplacements d’objectifs que vous devrez remplir avec les pions de vos adversaires. Ces pions sont critiques, car le premier joueur à récupérer 4 de ses pions d’objectif remporte la partie.
Penser avec vos poings
Cette phase de déploiement vous lance directement dans le nerf de la guerre. Dès la première tuile posée, vos choix devront être stratégiques et très réfléchis. Vous avez le contrôle de tout : comment sera formé l’univers, où seront vos forces, sur combien de planètes, où vous voulez diriger vos adversaires en posant leurs pions d’objectif. Cependant, aucun bon plan ne survit au contact de l’ennemi et vos plans devront évoluer à chaque fois qu’un de vos adversaires pose une de leurs tuiles. Vu la façon dont le plateau est construit, vous pouvez littéralement croire être au centre de l’univers au début du déploiement pour ensuite vous retrouver dans un coin.
Il existe un dernier garde fou avant de terminer cette phase de déploiement. Chaque joueur doit placer une Tempête de Warp sur le plateau. Ces tempêtes séparent deux tuiles, empêchant le mouvement à travers. Vous pouvez donc choisir de vous protéger d’un certain angle d’attaque ou de séparer un adversaire de ses objectifs. Hélas, les positions de ces tempêtes ne sont pas permanentes. Elles changent chaque tour selon la volonté des joueurs. Donc, il ne faut pas leur compter dessus sur le long terme. Une tempête qui vous est favorable ce tour-ci pourra être défavorable le tour suivant.
Ici, la mise en place n’est pas forcement plus courte que pour d’autres jeux, mais, Twilight Imperium compris, ils nécessitent plusieurs tours pour vraiment démarrer les conflits et l’intrigue. Avec Forbidden Stars vous êtes propulsé directement dans le conflit et vous pouvez commencer vos invasions et bombardements planétaires dès le premier tour.
La guerre des étoiles
Chaque joueur incarne une des races iconiques de l’univers de Warhammer. Les nobles Space Marines, les Orcs sauvages, les mystérieux Eldar et les néfastes Légions du Chaos. Chaque faction possède un choix d’unités uniques avec leurs points forts et faibles, même s’ils correspondent tous aux archétypes communs à toutes les factions (troupes, troupes d’élite, véhicules, croiseur, titan, etc).
Lors d’une tour, chaque joueur peut poser 4 ordres sur le plateau. C’est avec ces 4 commandements que vous allez devoir soumettre l’univers à votre volonté, et résister à vos adversaires. Chaque ordre doit être assigné à une tuile. Il n’y a pas de limites aux emplacements des ordres ni au nombre que vous pouvez utiliser. Vous pouvez bien donner 4 fois un ordre et ceci dans un même secteur ou dans les 4 coins du plateau, comme vous en avez envie. La seule obligation est que, quand un ordre est donné dans un secteur, il est placé en haut d’une pile commune à tous les joueurs. Ces piles sont résolues du haut en bas, jeton par jeton. L’un après l’autre, vous allez choisir un de vos ordres à résoudre. Il faut que cet ordre soit en haut d’une des piles bien sûr. Si vous n’avez pas d’ordre visible alors vous devez passer.
La machine de guerre
Il existe 4 commandes différentes. « Déployer » permet de créer des unités à partir des fabriques que vous poserez sur vos planètes. Chaque unité nécessite un certain niveau de commandement pour être construit, de 0 à 3. Vous pouvez augmenter votre niveau de commandement en construisant des villes-ruches sur vos planètes. Ces unités ont un cout à payer en matériel.
C’est un petit pas pour un homme, un pas de géant pour…
Vous pouvez accumuler du matériel avec le prochain ordre : « Dominer ». Quand vous dominez un secteur, vous prenez les ressources indiquées sur les planètes que vous contrôlez (c’est-à-dire qui possède au moins une figurine alliée dessus). Ces ressources pourront être du matériel pur, ou des actions vous permettant d’activer certains effets bénéfiques. Il est à noter aussi que, à la fin de chaque round, vous accumulerez une quantité de matériaux égal à la somme de toutes les valeurs indiquées sur les planètes que vous contrôlez.
Il reste une dernière chose à faire pendant la phase de domination. Chaque faction a une compétence spéciale qui se déclenche sur l’utilisation de cet ordre. Les Space Marines peuvent améliorer une de leurs troupes de Scouts en une unité d’élite d’Adeptus Astartes (une jolie manière de dire Space Marines). Les Légions de Chaos peuvent étendre la corruption de leurs dieux en déplaçant une unité de Cultistes sur une planète adjacente qu’ils ne contrôlent pas. Toutes ces compétences sont uniques et basées sur le style de jeu (et l’histoire) de chaque armée. Leur bonne utilisation peut être un gros atout dans votre quête vers la domination spatiale.
Lâchons les chiens de la guerre!
L’ordre « Avancer » vous permet de déplacer des unités vers le secteur ou l’ordre a été donné. Seulement les unités sur une tuile adjacente peuvent se déplacer. Il existe 2 types d’unités dans Forbidden Stars. Les unités terrestres et les unités spatiales. Les unités spatiales peuvent se déplacer librement d’un secteur à une autre, mais doivent finir dans un quadrant espace. Les unités terrestres doivent se déplacer selon un chemin de planètes et vaisseaux alliés. Bien sûr ils peuvent finir sur une planète neutre ou sous le contrôle de l’ennemi, mais dans ce dernier cas, vous démarrerez une invasion planétaire et le combat commence !
Une galaxie à feu et à sang
Chaque unité dans Forbidden Stars possède une valeur d’attaque (le nombre de dés que vous jetterez en combat), de résistance (le nombre de coups que vous pouvez encaisser avant d’être détruit) et de Moral (une autre façon de battre une unité temporairement est de le mettre en déroute, il y a aussi certaines compétences spéciales basées sur le moral). Vous lancez un nombre de dés égaux aux valeurs d’attaque de toutes vos unités qui participent au combat. Les Dés ont 3 faces différentes : Bolter (dégâts), Bouclier (défense) et l’Aquila (moral). Les résultats du jet deviennent vos statistiques pour ce combat. Vous pouvez éventuellement les échanger contre d’autres effets permanents ou temporaires, vous pouvez aussi être appelé à les relancer, mais sinon ils sont permanents. Vous piocherez aussi 5 cartes de votre deck de combat. Ce deck représente différents tactiques et pouvoirs que vos forces peuvent exécuter.
Le combat est ensuite divisé en tours où chaque joueur va placer une carte qui augmentera ses forces. Ces cartes de combat octroient toutes des statistiques pendant le combat (attaque, défense, moral ou un mélange). Ils peuvent aussi posséder une capacité spéciale générale qui peut être activée par n’importe quelle unité. Ensuite ils peuvent contenir une compétence plus puissante, mais qui est réservé aux unités spécifiques. Ces effets supplémentaires peuvent être permanents ou temporaires sur vos forces et celles de votre adversaire.
À la fin de chaque tour de combat, vous allez comparer votre score d’attaque aux défenses de votre adversaire. Si votre attaque dépasse la résistance et défense d’une unité adverse alors vous pouvez la détruire. Bien sûr les points d’attaque que vous avez utilisée pour le détruire ne peuvent pas être utilisés sur une autre unité durant le même tour. Vous pouvez aussi mettre en déroute des unités grâce au moral ou certaines capacités spéciales. Une unité en déroute ne fait plus partie des combats, mais peut être ralliée.
Le combat continue tant qu’il reste des unités engagées. Le gagnant capturera la planète. S’ils ont un chemin valable, les unités ennemies en déroutes peuvent s’enfuir, sinon elles sont détruites.
La mort vient du ciel
Si un ordre « avancer » n’engage pas une invasion planétaire, vous pouvez choisir de bombarder une planète avec vos vaisseaux spatiaux sur la même tuile. Ceci se fait avec un simple jet de dés correspondant aux forces des vaisseaux. Si vous obtenez autant ou plus de symboles d’attaque que la valeur de résistance d’une unité ennemie sur la planète, vous pouvez le détruire.
Le combat est assez tactique et plutôt fluide. Chaque race a sa spécialité, les Space Marines regorgent de troupes d’élites et de statistiques solides. Les Orks sont accès sur le nombre et les jetons de renforts. Les Eldars sont fragiles, mais rapides et mortels. Les Légions du Chaos peuvent brutaliser leurs adversaires ou les corrompre avec le pouvoir des dieux maléfiques. Vos compétences et stratégies de combat sont définies pour la plupart par votre deck de combat. Vous commencerez toujours avec le même deck mais vous avez la possibilité de le customiser avec l’ordre suivant.
L’art de la guerre
Le quatrième et dernier ordre « Stratégie », vous permet d’acheter des cartes d’améliorations pour votre deck de combat ou vos ordres. Chaque faction dispose de plusieurs cartes qui amènent des effets supplémentaires à vos ordres. Ces cartes sont souvent assez chères, mais peuvent modifier énormément la façon donc vous jouerez la partie. Les Légions du Chaos, par exemple, peuvent améliorer leur action « Avancer » pour leur permettre de traverser les Tempêtes de Warp. Ils possèdent d’autres améliorations pour cette action qui produisent une variété d’effets. Comme décrit plus haut, le deck de combat caractérise la façon dont votre armée se bats. Chaque faction dispose d’un large choix de cartes qui vous permettra de raffiner votre deck pour bénéficier de votre style de conflit et unités préférés. Pourquoi raffiner ? Car vous ne pouvez pas avoir plus de 10 cartes dans votre deck, donc, quand vous achetez une des cartes –par pair-, vous devrez vous défausser d’une autre.
Au moment de la résolution des ordres, vous n’êtes pas obligé de les exécuter. Si vous vous êtes trompez d’ordre ou si vous êtes pris au dépourvu par les actions de vos adversaires, vous pouvez tout de même en tirer un avantage en annulant l’ordre et en posant sur votre deck de cartes Evènement un marqueur. Du plus, si, durant cette phase, vous avez exécuté un ordre de stratégie, vous allez aussi mettre un marqueur sur votre deck Evènement. En fonction du nombre de marqueurs sur votre deck, vous pourrez piocher des cartes supplémentaires lors de la phase suivante et utiliser l’action spéciale.
Il y a des choses qui ne s’explique pas
Quand tous les joueurs n’ont plus d’ordres, nous passons à la phase d’événements, phase où chaque joueur tire des cartes de son deck évènements. Ces cartes indiquent dans quel sens chacun des joueurs peut déplacer une des Tempêtes de Warp. À partir du premier joueur, on déplace celle que l’on veut, mais une Tempête ne peut être bougée qu’une fois par tour. Cette carte est défaussée après usage. Mais, il est possible que vous ayez des marqueurs récupérés lors de la phase précédente. Ces marqueurs, qui seront défaussés, vous permettent de piocher des cartes supplémentaires (nombre de marqueurs -1). À partir de 2 marqueurs présents, vous pourrez choisir la carte événement qui vous convient, et défausser les autres. De plus, cela vous donne la possibilité d’activer l’effet spécial de la carte ainsi jouée. Cet effet, souvent assez puissant, se résoudra immédiatement (et la carte sera défaussée), ou plus tard (le joueur la gardant alors en main).
Ce n’est qu’une question de temps
Et la partie continue ainsi jusqu’à un joueur a récupéré 4 de ses pions d’objectifs en conquérant les planètes qui les abritent. Pour que les choses soient claires : la partie va être longue. Vous avez besoin d’une grande table, une longue soirée et de 1 à 3 amis qui seront prêts à en découdre avec vous jusqu’à la fin. C’est un jeu long, certes, mais nous ne sommes pas au même niveau que Twilight impérium. Grâce à son départ accéléré, il n’en demeure pas moins un jeu rapide dans son genre. Forbiden Stars est annoncé, en moyenne, durant 1 heure par combattant (pour les généraux « rodées »). Vous pouvez donc prévoir environ 30 minutes de plus par joueur pour vos premières parties. Personnellement, je reste assez sceptique, car, en étant bien rodé sur Twilight Impérium, je ne pense jamais avoir pris mon pied sur une partie respectant la durée recommandée. Mon conseil : vider votre emploi du temps le jour où vous voudrez prendre un vrai plaisir avec celui-là
C’est donc un « gros » jeu, il va vous bouffer une soirée ou un après-midi (ou une matinée si vous êtes d’attaque de bonne heure), mais vous pouvez miser sur le fait que ces heures seront bien intéressantes, pleines de moments de gloires et de défaites, de ruses et de stratégies. Le jeu, étant assez bien structuré comme je ne cesse de le dire, vous lance directement dans l’action.
Il garde ensuite un bon tempo qui tétanisera les joueurs, car les actions s’enchainent à un rythme rapide et sans merci. Cependant, il y a une exception. Les combats. Oui, les combats. Surprenant que la faiblesse de ce genre de jeu vienne de son but. Les combats ne sont ni plus ni moins, qu’un duel entre 2 joueurs. Ces duels, selon la taille de l’engagement, peuvent s’avérer assez longs. Peut-être 10 ou 15 minutes pour les plus grandioses. Ce n’est pas un gros défaut, il est même présent dans quasi tous les jeux de ce genre. Le(s) joueur(s) affecté(s) peuvent rapidement combler ce trou en observant les stratégies de combat de leurs adversaires, en planifiant leurs prochaines actions ou peut-être en prenant un café (un STARbucks ? Huhuhu). Cependant ils subiront de toute façon un cassage dans le rythme de jeu. Pour les novices, c’est quelque chose à prendre en compte, mais, une fois de plus, ce n’est rien d’anormal et donc rien qui devrait décourager les joueurs qui cherchent une expérience de jeu comme celui que Forgotten Stars propose.
Retour vers le futur
Le monde gothique et culte de Games Workshop est un habillage parfait pour ce système de jeu ou les règles et mécaniques trouvent parfaitement leur place dans l’univers sombre et violent du 41eme millénaire. Je n’ai pas pu m’empêcher de sentir un gros coup de nostalgie quand j’ai joué à ce jeu. Cela me rappelle mes premières parties de Twilight Imperium. C’est un retour aux sources pour FFG, mais avec toute l’expérience qu’ils ont accumulée pendant des années. Si j’étais Mr Petersen (fondateur de FFG), je verrais Forgotten Stars comme un brillant rappel du parcours de cet éditeur et de ses origines.
Les joueurs qui sont intéressés par un jeu de stratégies bien gras pourront trouver ici une porte d’entrée au genre. Les fans des « gros » jeux de stratégies trouveront aussi leur bonheur. Malgré une certaine simplification, il garde tout le charme et l’attirance du genre. Si vous êtes en plus un fan de l’univers Warhammer, alors Forgotten Stars est presqu’un achat obligatoire. Faisant partie de ces deux dernières, j’attends avec impatience son arrivée en magasin. En attendant, il faut que je me libère de la place sur mon emploi du temps.
Forbidden Stars
Un jeu de Corey Konieczka, Samuel Bailey, James Kniffen
Illustré par Daarken
Publié par Fantasy Flight Games
2 à 4 joueurs
14 à 41,000 ans
Langue de la règle: Américaine
Durée: 180 minutes
Prix: Non renseigné