[7 Wonders][Agricola - Edition révisée][Copycat][Dominion][Puerto Rico]
CopyCat, le jeu qui porte bien son nom
Je profite de ces derniers jours de l’année, et du fait que le Docteur Mops soit en convalescence (soignez-vous bien et revenez-nous vite, vos bougonnements nous manquent) pour vous parler de jeux sortis à Essen, en octobre donc, et en langue étrangère qui n’ont pas encore de traduction officielle dans notre langue à nous qu’on a en France. Parce que comme je le disais l’autre jour « Il fut un temps où le quotidien de Tric Trac était ce genre d’annonce. Là. Celle que vous allez lire. Mais avec l’affluence de jeux en français, voire français, avec des auteurs, des éditeurs qui viennent nous voir pour nous expliquer les règles, nous faire jouer, qui nous laisse des boîtes, qui nous envoie des mails avec des infos… On n’a plus vraiment le temps d’aller vers l’underground du truc discret dispo en 500 exemplaires à Essen dans des langues qui feraient peur à un Z6-PO. C‘est triste. C’est moche. Mais, lors de certaines rencontres ludiques, comme les Tric Trac d’Or, on peut avoir le temps de s’attabler pour goûter aux charmes de ces jeux qui nous rappellent notre jeunesse, celle où l’on imprimait fébrilement une traduction faite par un internaute qui a pris le temps de nous concocter la chose avec amour. »
Et aux Tric Trac d’Or, j’ai eu le temps d’essayer “Fremde Federn” de Friedemann Friese que les Anglo-saxons ont appelé “Copy Cat”. Ce qui est amusant d’ailleurs, car d’après Google Translate, cela veut dire « corne d’abondance ». Étonnant. Pas vraiment. Pour ceux qui ont suivi le débat sur le plagiat que nous avons mené le mois dernier dans la TiTiTiVi, nous avons évoqué le cas de “Copy Cat”, mais nous n’avions pas pu approfondir la réflexion puisque aucuns des intervenants n’avait pu y jouer. Mais voilà qui est fait et je m’en vais vous expliquer tout ça.
Friedemann Friese l’annonce dés le départ, et, surtout, à la fin de ces règles, ce jeu est un hommage, une expérience ludique en ce qui concerne la création. Oui. Il a pris des jeux qu’il aime, en a extrait des mécaniques qui lui semblent intéressantes et les a assemblés pour créer un nouveau jeu. Carrément. Comme ça. Un exercice de style. C’est ce qui avait provoqué sa citation dans le fameux débat. En vrac, il parle de “Dominion”, d’“Agricola”, de “7 wonders”, de “Puerto Rico”, de Vlaada Chvatil et mets en garde les amateurs passionnés de ces différents jeux sur ce qu’ils vont trouver ou pas à l’intérieur de “Fremde Federn”.
Après la première partie, si on retrouve parfaitement la construction de deck à la “Dominion” et le placement d’ouvrier sur un plateau façon “Agricola”, le reste est plus subtil, voire imperceptible, pour le commun des joueurs. Mais les voies des créateurs sont impénétrables.
Alors, de quoi donc il est question ?
Il y a un thème, mais force est de constater que plus plaqué, cela n’existe pas. Mais à un point rarement atteint dans un jeu de société. Vous êtes soi-disant en période électorale et vous allez envoyer vos partisans récolter des voix afin d’être élu. Vous allez chercher de l’argent afin de financer votre campagne et payer des pots-de-vin, tout ça pour engranger des voix, plus que vos adversaires. Quand vous jouerez, n’essayez pas de chercher la sensation d’un élu gérant ses troupes politiques, vous risquez d’être déçu. D’autant que les graphismes ne sont pas ce que FF a choisi de mieux. Heureusement la (les) mécanique(s) est le principal atout de “Fremde Federn”, et ceux à qui s’adresse le jeu, les pousseurs de kubenbois, s’attachent plus à ça qu’à autre chose, si ce n’est leur paquet de fraises Tagada.
Alors, comment ça marche finalement ?
Dans la grosse boîte, vous allez trouver un grand plateau, quelques Meeples et marqueurs de bois et quelques cartes. Rien de plus. Oui. Il s’agit d’un jeu de placements d’ouvriers à la “Agricola”, donc vous avez des Meeples, et de construction de paquet, donc vous avez des cartes. Vous mettrez le plateau au centre de la table, plateau qui accueillera des cartes en plus des emplacements préétablis, et chaque joueur recevra des pions « militants » à sa couleur (les meeples) et un set de 10 cartes « actions » numérotés de 9 à 18 (identifiées par une petite lettre A, B, C et D puisque le jeu se pratique de 1 à 4). Le reste des cartes sera mélangé et formera des pioches en fonction des étapes à laquelle elles doivent arriver. Il y en a 5, donc 5 tas…
De les cartes actions.
Ces cartes, qui sont tout le jeu, ont :
- un nom, histoire de coller au thème et de donner des noms aux combos.
- une illustration pour égailler un peu le tout.
- un chiffre romain en tout petit pour indiquer l’étape à laquelle elles arrivent sur le plateau.
- une couleur en fonction de leur utilité. Vertes pour des points de victoire. Or pour des points de victoire. Violettes pour des manipulations d’ouvriers. Etc.
- un chiffre en haut à gauche, allant de 19 à 61 qui entrera en jeu lors de la phase de mise pour la place de premier joueur.
- Un chiffre en bas à gauche, dans un rond jaune, qui indique son prix de base d’achat sur le marché.
- Et, surtout, un pictogramme qui va vous indiquer l’action de la carte quand vous la jouerez. Là, on part du simple comme « marquer 1 point de victoire » pour atteindre du compliqué d’avec de la combo dedans comme « Je copie la carte qui double celle qui vient de me permettre de poser un Meeple sur une carte du plateau déjà occupé par un joueur et je l’utilise sur celle qui me permet de me défausser de 3 cartes pour en piocher 3 autres, du coup je passe à 6 cartes de plus dans ma main »
De le plateau.
Le plateau est grand et comporte 6 zones :
- La piste de score, vous marquerez des points au fur et à mesure et votre marqueur progressera. Logique.
- La zone action préétablie fixe contient 10 cases, dites « bureaux », proposant chacune une action de base que vous effectuerez si vous avez posé un pion « militant » dessus. La chose est imprimée directement sur le plateau. On y trouve de l’or, des achats, des points de victoire, de la pioche de cartes, du recyclage de cartes… le minimum vital quoi. En sommes.
- La zone d’action préétablie, mais en fonction du nombre de joueurs. En effet, on ne joue pas seul comme on joue à 4. Donc il faut équilibrer. Et un lot de cartes va être placé là, en début de partie, en fonction du nombre de joueurs. Il peut donc y avoir jusqu’à 4 « bureaux » qui proposeront, eux aussi, des actions de base, mais plus ou moins fortes.
- La zone d’action qui évoluera au fur et à mesure de la partie. Tous les tours, on rajoutera une carte dans le ministère, un bureau supplémentaire à la porte duquel un militant pourra aller taper pour obtenir une aide. On le sent le thème là hein. Ce sont des actions là aussi plus ou moins fortes qui arrivent au fur et à mesure, comme dans “Agricola”. Exactement pareil.
- La zone de tour de jeu. À chaque début de manche, on va établir qui joue avant et après qui. L’ordre du tour quoi. On placera là le marqueur de chaque joueur en fonction de sa place dans le tour.
- La zone d’achat propose 11 emplacements où viendront tous les tours se poser des cartes que les joueurs pourront acheter afin de fabriquer leur deck.
C’est bien tout ça, mais comment je joue ?
Une partie de Fremde Federn se découpe en tour. Simple. Et chaque tour se divise en phases. Facile.
A/ les joueurs ont tous leur petite pioche perso. Au début, on a tous la même, elle est composée de 10 cartes. Mais, au fur et à mesure, cette pioche va grossir et on va essayer de lui donner un sens. En début de tour, chaque joueur commence par piocher les 5 premières cartes de sa pioche pour se composer une main.
B/ on va déterminer l’ordre du tour. Chaque joueur va choisir une carte de sa main et la poser face cacher sur la table. Une fois fait, on la révèle en simultané et on place son jeton en fonction de la valeur de sa carte. Le chiffre le plus gros est premier jouer et ainsi de suite. L’idée c’est que plus le chiffre est élevé, mieux la carte est, donc vous vous privez d’une bonne action si vous voulez jouer premier. Vous imaginez déjà les contraintes de la réflexion là. Oui. J’en suis sûr.
C/ dans l’ordre du tour, chaque joueur va placer l’un de ses 3 « militants » sur un bureau libre, car un bureau ne peut contenir qu’un seul meeple « militant ». S’il y a des marqueurs points de victoire dessus, le joueur les prend. Vous pourrez jouer des cartes actions pour accompagner la pose de votre pion. Ces actions vous permettront de piocher des cartes, de récupérer des « militants » supplémentaires à jouer durant le tour, de pouvoir en poser sur des bureaux déjà occupés, de doubler des actions, etc. Si vous posez un « militant » sur un bureau bleu, vous faites l’action qui va avec, par exemple « piocher des cartes de votre deck »… On procède ainsi jusqu’à ce que tous les joueurs aient passé, soit parce qu’ils n’ont plus de « militants » à poser à leur tour, soit parce qu’ils ont décidé de ne plus jouer pour des raisons stratégiques de hautes volées. C’est là que l’on retrouve la patte “Agricola”.
D/ dans l’ordre du tour, chaque joueur va pouvoir déclencher des achats et obtenir des points de victoires. C’est là que l’on sent l’hommage à “Dominion”. Le joueur actif compte le nombre de points d’Or qu’il a sa disposition, dans sa main et sur le plateau avec ses militants. Il peut ensuite effectuer un nombre d’achats sur le marché, si tant est qu’il ait posé des « militants » sur des actions « achats ». Le prix est indiqué sur la carte, mais à partir de la 5e place sur le marché, les prix sont ajustés par une taxe… Il va donc falloir gérer ce que vous allez prendre, laisser aux autres, ce qui va glisser pour couter moins cher les tours suivants, etc. Mieux, il y a des cartes qui ne servent à rien et que vous serez obligé de prendre si vous désirez en acheter une qui vient après… Rude. Mal à la tête de la réflexion dedans avec de la gestion. Mais on aime ça. Oui. Avoir mal à la tête. On récupère, si on en a, des points de victoire, avec les cartes que l’on a en main et les « militants » posés dans des bureaux à point de victoire.
E/ quand tout les joueurs ont terminé leur achats / points de victoire, on procède à un nettoyage pour le tour suivant. Toutes les cartes, jouées ou non, sont défaussées. Enfin, sauf si vous avez joué la carte action spéciale qui vous fait garder ce que vous voulez en main (rare et efficace). On place un marqueur « point de victoire » sur chaque bureau où aucun « militant » n’est allez durant le tour. Puis on retire tous les « militants » du plateau, chaque joueur en récupère 3 et le reste va dans la réserve. On place une nouvelle carte « Bureau » sur le ministère, en fonction du moment où l’on est dans la partie. Comme à “Agricola”, pareil. Et on remplit le marché avec de nouvelles cartes « actions ». Un nouveau tour peut commencer.
Ok, j’ai compris, mais comment je gagne ?
On enchaine les tours les uns après les autres. Tranquille. Et il y a 3 conditions de fin de partie possible. Si un joueur atteint 95 points, la partie est terminée. Si un joueur achète la dernière carte « Doctorat » (il y en a 4 dans le jeu et elles arrivent clairement à la fin, en étape 5, d’ailleurs, il n’y a qu’elles en étape 5), la partie prend fin. Si le 11e tour est terminé avant que les 2 premières conditions n’arrivent, et bien c’est la fin ! On regarde qui a le plus de points de victoire et il est déclaré « Grand Vainqueur ».
Simple. Très « Allemand ». C’est sûr que les amateurs de thèmes, d’immersions vont devoir passer leur chemin. Beurk. Mais pour les autres, ça marche. Et même plutôt pas mal. Et là, donc on revient sur la question du débat de la TiTiTiVi. Est-ce que c’est bien de prendre des mécaniques d’autres jeux pour en faire un nouveau ? Est-ce intéressant ? Dans l’absolue, je dirais tout dépend. Mais dans le particulier et en ce qui me concerne, “Fremde Federn” marche parfaitement et remplit plus que très bien sa fonction. Du coup, la démarche me paraît tout à fait honorable, voire extrêmement bien vue. On sent parfaitement les deux piliers que sont “Agricola” et “Dominion”, tout en proposant autre chose qui n’a rien à voir. Le principe ne marchera pas avec tout le monde, et pas avec tous les jeux. Aussi bien chez les joueurs qui vont tâter de ces mécaniques mélangées, modifiées, que les auteurs qui voudraient s’essayer à un exercice de création du même type. FF aurait pu se planter lamentablement, mais, pour moi, il n’en est rien. En tout cas pour l’amateur de la chose « totalement non immersive avec du calcul ennuyeux à base de combos dedans » que je suis.
Le problème, c’est que le jeu n’est disponible pour le moment qu’en allemand ou en anglais. Il est vrai que Filosofia est assez proche de Monsieur Friese et que peut-être… Mais promis, à la rentrée 2013 on vous fait une TiTiTiVi d’explication de règle, comme ça vous pourrez foncer, car le jeu ne contient pas de texte (sauf le nom des cartes, mais les joueurs qui ne fantasment pas s’en foutent un peu des noms de cartes. Oui.).
Si vous voulez vous le procurer, sachez qu’il y a une différence de prix entre la version en anglais de Rio Grande et la version en allemand de 2F Spiel. Une grosse différence. Quasiment 15€. C’est que ça coute cher l’importation des USA de l’Amérique…
Le fameux débat dans la TiTiTiVi, c’est par là !
“Fremde Federn” ou “Copy Cat”
un jeu de Friedemann Friese
pour 1 à 4 joueurs
à partie de 12 ans
pour des parties de 90 minutes
chez 2F-Spiel ou Rio Grande
Prix : houla, tout dépend de la version entre 45 et 30€…