[Fourberies][Scythe][Sea of Clouds]
C’est à Fouesnant, juste derrière la glotte du monstre marin qui crie et tire la langue (si si ! regardez une carte d’un peu loin), en Bretagne, que se tenait le festival Finist’aire de jeux le 15 et 16 avril dernier. Et si ce festival reste à taille humaine, ce qui pourrait être déjà une façon de se distinguer, il n’en demeure pas moins que cette année, deux spécificités venaient ponctuer les animations ludiques pour tous, les rencontres avec les éditeurs, auteurs, illustrateurs venus sur place et les parties de jeux
Et ben voilà, t'as encore ouvert la boite de Ludandor
La première est l'établissement d'un partenariat entre une jeune pousse, un auteur en herbe non encore édité et une belle plante, voir un vieux chêne plus expérimenté. Le Tandem partageait la même table de démonstration de prototypes ou futurs jeux édités, ce qui, à moins d'être réticent à toute forme de contact humain, provoque forcément la rencontre, l'échange et des discussions enrichissantes. Expérience bien appréciée visiblement par les participants.
Les reconnaitrez-vous tous ?
La deuxième, plus connue et récurrente depuis la première édition de ce festival, est le grand prix des Z'illus 2017. Dans l'année ludique achevée, les organisateurs du festival font une première sélection d'une soixantaine de jeux de société nouvellement édités. Ensuite, avec la participation d'un petit jury d'une dizaine de personne, en ressort encore une dizaine (11 cette année) qui sera soumis au vote des participants au festival le week-end. Cette année, le jury était consituté d'Alexandra Goubin (Médiathèque Fouesnant), Alexis Evraert (radio Des Luds & des Plums), Lionel Graveleau (Plato Magazine), Nicolas Soubies (La Muse Café), Olivier Lopès (festival Ludinord), Olivier Yored Noël (Ravage Magazine), Philippe Tapimoket Gallois (Grimoire de l'Alchimiste et bientôt édité, entre autres choses), Vianney Carvalho (blog 1D Ludiques), Yahndrev de Kerval (Vidéorègles) et votre serviteur.
Les primés des précédentes éditions montrent le niveau de la compétition bon enfant : Takenoko (2012), Tokaïdo (2013), Lewis & Clark (2014), Abyss (2015) et Mystérium (2016). Autant vous dire que le niveau est relevé. Et lorsqu'il faut établir en tant que membre du jury une liste d'une dizaine de jeu sur 60, s'il y a des évidences, il y a aussi des crèves-coeurs... vraiment, choisir, c'est mourir un peu ! Et la sélection de cette année, qui fût donc proposée aux joueuses et joueurs ce week-end, n'est pas en reste de petites merveilles pour les yeux :
Et le gagnant, avec 190 voix sur près de 900 votants est Fourberies, un jeu illustré par Jérémy Fleury !
Non, ce n'est pas Jérémy Fleury sur la photo... c'est Lénaïg !
Mais regardez bien, Erwan de Bombyx n'est pas loin !
Juste derrière en 2ème, c'est Scythe qui arrive avec 10 petites voix de différence, puis viens, plus loin, Sea of Clouds (103 voix). Le reste du classement s'établit comme suit : Les Inventeurs, Kanagawa, Kodama, Hit Z Road, Pocket Madness, Le Tour du Monde en 80 jours et ex aequo, Via Nebula / Art of War
Tout d'abord, félicitons les sélectionnés, et en particulier Jérémy pour ce prix... mais aussi ceux qui étaient dans la liste des 60. Sincèrement, les efforts fournis autour de la direction artistique et les talents des illustrateurs sont impressionnant, tant en styles différents qu'en qualités. Le déploiement de tant de belles illustrations mène parfois à la réflexion suivante : imaginer que ces belles images resteront "seulement" autour d'un jeu, à la durée de vie parfois éphémères... quel dommage ! Le débat pourrait même être ouvert sur ces travaux de commande. Les illustrations d'un jeu participent-elles à son succès et du coup, le travail créatif des illustrateurs mérite-t-il une reconnaissance plus grande ? et quelle reconnaissance ?
c'est beau, Scythe, hein ? Inspirant, non ?... Et bien pour certains, non, pas du tout, au contraire...
Du coup, osons quelques réflexions qui peuvent être faites autour de ce vote du public : Le prisme d'une communauté de joueur peut amener à être surpris sur le "classement" final... mais c'est là tout le souci d'un prisme... il est déformant ! Nous parlons bien ici des illustrations, presque "extérieurement" au jeu en lui-même. Et quand bien même, la façon de regarder un jeu et ses illustrations n'est pas la même si nous regardons 2000 boites par an ou 20 boites par an, si nous avons une formation artistique ou non... bref, comment notre oeil et notre perception de la beauté se sont forgés.
Par ailleurs, la définition du beau reste teinté de subjectivité, il est donc difficile d'en parler de façon objective. Impossible d'affirmer donc qu'un jeu "est" beau, ni même qu'il est "plus beau" que tel autre sans préciser depuis quelle position, sous quel angle nous apportons ce jugement qui, in fine, ne peut être que personnel. Des illustrations plus clivantes comme Art of War, un travail graphique poussé mais moins visible comme dans le Tour du Monde en 80 jours, un style inhabituel comme les aquarelles de Kanagawa, le côté zombiesque d'Hit Z Road ou Lovecraft dérangé dans Pocket Madness sont autant de paramètres qui ne rassembleront pas autant, surtout lors d'un vote public, familial, à qui ces différentes sensibilités parleront peut-être moins...
réflexions à la buvette du festival, quoi...
Bref autant de réflexions intéressantes à creuser, y compris appliquées à notre domaine ludique favori et qui me rappelle mes cours de philosophie sur le Beau et le "pourquoi on dit "j'aime" ou "je n'aime pas" avec l'argumentation adéquat plutôt qu'un posé "c'est moche", aussi affirmatif que généralisant et facilement "élitiste" ou "pédant"". Profitons plutôt de ces bons et beaux jeux autour de bonnes parties !
Oui, il y a de drôles d'énergumènes à Fouesnant... ou de drôles de costumes locaux... ça me donne bien envie d'y faire un tour, tiens... :D