Et quand on parle du dernier, c’est vraiment le cas puisque Uwe Rosenberg a déclaré que ce jeu clôturerait sa série des récoltes, initiée avec Agricola.
Cette série comporte de nombreux jeux : Agricola, Le Havre, Aux portes de Loyang, Ora & Labora, La Route du Verre, Caverna, Terres d’Arle, À la Gloire d’Odin, Nusfjord*, et finalement Hallertau. Notez que je fais ici l’impasse sur les versions deux joueurs de certains de ces jeux, ainsi que des innombrables extensions.
Après la sortie de Caylus en 2005, c’est Agricola, deux ans plus tard, qui popularisera définitivement les mécaniques du placement d’ouvrier. Uwe Rosenberg, dans sa série des récoltes, y rajoutera des mécanismes de production de ressources et de gestion de main de cartes.
Hallertau mettant fin à la série de jeux experts la plus marquante de ces 15 dernières années, il est donc temps de savoir ce qui se cache dans cette grosse boite.
Un peu d’histoire.
Milieu du 19ème siècle en Bavière, dans la région du Hallertau. Cette région est en train de devenir la plus grande région productrice de houblon.
Comme maire d’une petite bourgade, vous devrez la développer au mieux, en gérant notamment artisans, culture de céréales et élevage ovin. Encore plus que dans nombre de ces jeux précédents, l’auteur tient à faire coller les mécanismes ludiques à l’arrière plan historique du jeu : les marchandises exigées pour l’avancement des artisans, les cultures de céréales liées à la mise en jachère des champs, et l’élevage des moutons et brebis.
Un matériel abondant.
Bien visible sur la boite trône un « niveau expert » qui annonce la couleur. On est loin du petit jeu familial qui se plie en 45mn, et il faudra plutôt compter sur un bon deux heures, voire plus en cas d’analysis paralysis.
A disposition de chaque joueuse ou joueur, non pas un mais quatre plateaux personnels :
L’un pour le Foyer rural, qui représente l’avancée de votre village et de ses artisans, un autre pour les étables où vous gérerez élevage de moutons et avancée des tours de jeu, un troisième sur lequel figure vos différents champs, ainsi que votre espace de stockage pour toutes les marchandises, et un dernier représentant votre coffre à bijoux.
Et à disposition de tout le monde, le plateau central avec 20 actions disponibles, dont 4 permettant de piocher des cartes parmi les différents paquets stockés, en récupérant au passage le pion premier joueur.
Une mécanique simple, mais foisonnante.
Le jeu va se décomposer en 6 manches de 10 phases. Mais pas de panique, à l’exception de la phase Action, les phases se jouent simultanément, et les manches sont plus rapides que ce que l’on pense.
Une des bonnes idées du jeu est d’anonymiser les ouvriers : ici, pas de meeples de couleurs différentes pour les joueurs, mais des cubes bleus pour tout le monde.
On ne « récupère » pas ses ouvriers en fin de manche comme dans beaucoup d’autres jeux de placement d’ouvriers, ils restent là où ils sont posés, ou retournent dans la réserve. Réserve dans laquelle, au début de chaque manche, chacun ira piocher son nouveau contingent d’ouvriers.
Les répercussions de cette idée se retrouvent dans de nombreux aspects du jeu, notamment dans une des principales phases du jeu : la phase action.
On peut y placer à tour de rôle ses ouvriers sur le plateau des actions. Les possibilités de blocage sont ici tempérées par l’existence de plusieurs emplacement par action : le premier arrivé dépense un ouvrier, le deuxième deux, et le dernier trois ouvriers.
Placement du premier tour à 4 joueurs : certaines actions comme Agriculture commenceront avec la première rangée déjà occupée.
Au début de chaque manche, on n’enlèvera que la rangée supérieure des ouvriers posés, et les actions les plus convoitées seront donc de plus en plus chères et de plus en plus rares.
Les actions vont permettre aux joueuses et joueurs de gagner ou d’échanger des ressources, de semer du grain, de bien s’occuper de leurs moutons pour qu’ils vivent le plus longtemps possible, ou enfin d’échanger des ouvriers contre des outils.
De gauche à droite, les cartes Portail, Cour de ferme, bonus et points. La flèche orange indique que l'on doit donner les marchandises au dessus pour gagner ce qui est au dessous. L'étal de la carte portail indique que l'on doit juste posséder les marchandises pour activer l'effet.
Si le plateau d’action est le pivot du jeu, il ne faut pas oublier la gestion de sa main de cartes. Au nombre de 330, elles se divisent en quatre grandes familles :
Les cartes Portail sont les plus faciles à jouer, et demandent juste que vous remplissiez une condition pour pouvoir être jouées. Il en existe quatre paquets de 30 cartes, de difficulté croissante. On en utilise un seul paquet par partie.
Les cartes Cour de ferme sont dédiées à un aspect du jeu. Il en existe quatre paquets de 35 cartes, basées sur le houblon, les moutons, les champs ou les bijoux. On en utilisera un par partie, afin de lui donner une coloration particulière.
Les cartes bonus font partie d’un seul paquet de 45 cartes, utilisé dans toutes les parties. Une fois jouées, elles vous rapporteront des ressources pendant la phase revenus de chaque manche, et des points de victoire en fin de partie.
Les cartes points font partie d’un seul paquet de 25 cartes, utilisé dans toutes les parties. Ce sont les plus difficiles à poser, mais elles rapportent énormément de points en fin de partie.
On commence la partie avec 4 cartes portail et une carte point. On peut en récupérer d’autres pendant la partie, en les piochant sur le plateau action grâce à ses ouvriers, ou, pour les cartes bonus, en activant des cartes portail ou cour de ferme.
Toutes les cartes peuvent être jouées n’importe quand, y compris pendant le tour d’un adversaire.
On vient de le voir, les cartes vont rapporter des points de victoire, mais on peut également en gagner beaucoup en investissant dans l’artisanat local, ce qui aura pour résultat de faire évoluer son foyer rural.
A la fin de chaque manche, on va avoir la possibilité d’améliorer ses artisans en les déplaçant d’une case (ou de plusieurs) vers la droite. Et si toutes les cases sont dégagées, on pourra déplacer le foyer rural, ce qui se traduira par un gain dans le nombre d’ouvriers disponibles lors de la prochaine manche, puis plus tard, par des points de victoire pour la fin de la partie.
La fin de partie est proche, et le foyer rural est déjà suffisamment avancé pour déclencher les premiers points de victoire (visibles dans la fenêtre de gauche).
Pour améliorer ses artisans, il faudra donner autant de marchandises que le numéro de la manche en cours, et parfois avec des contraintes. Forcement, au début, cela ne coute pas très cher, mais on manque de marchandises. Et plus tard, le coût devient exorbitant, si on n’a pas organisé sa production de façon optimale. Pour adoucir ces difficultés, on peut utiliser les bijoux. Cette ressource particulière est un super joker qui permet d’avancer un artisan en échange d’un seul bijou, qu’importe la manche.
Un plateau Champs, avec un espace de stockage bien rempli, et de belles futures récoltes.Pour ceux qui me suivent encore, je me dois de rajouter aux explications précédentes, la présence de phases sur la mise en jachère et l’épuisement des sols après les moissons, la traite des brebis, les rochers qui bloquent l’avancée de vos artisans et qui nécessitent des outils pour être déplacés, et les points de victoire gagnés grâce aux moutons et aux marchandises en fin de partie.
Pari réussi ?
Derrière un premier abord assez classique, et des idées picorées dans ses jeux précédents, malgré un côté salade de points, malgré sa tendance à faire surchauffer vos neurones, malgré son côté (délicieusement) frustrant, Hallertau diffuse un je ne sais quoi de très plaisant, qui vous donnera envie d’y revenir. Une de ses qualités majeures étant que justement, les règles et le déroulement des manches deviennent évidents dès la première partie. Cela permet donc de se concentrer sur sa stratégie à développer pendant la partie, tout en jetant un oeil sur ses adversaires, que l’on pourra parfois bloquer en prenant la bonne action avant eux.
Enfin, la présence de nombreux paquets de cartes permet de changer subtilement les équilibres du jeu d’une partie sur l’autre.
Si vous faites partie de celles et ceux qui aiment jouer et rejouer à leurs jeux, afin d’en essayer toutes les stratégies possibles, foncez !
Et pour quelques renseignements de plus
Hallertau est un jeu d’Uwe Rosenberg, illustré par Lukas Siegmon et édité par Lookout Games. Nous devons la version française à Funforge.
Vous trouverez Hallertau dans toutes les bonnes boutiques, contre la somme pas tout à fait modique de 69,90€. Notons toutefois que la boite déborde de matériel, et notamment de divers jetons en bois aux formes et aux couleurs variées.
Et en plus, il y a des mignons petits moutons…
Petit bonus : il y a un errata sur la carte 023 : il faut remplacer remplacer "Aucun champ semé" par "Aucun champ vide". Le bon texte est présent sur la description de la carte page 17.
*Nusfjord est le seul opus de la série des récoltes à ne pas avoir été traduit. Je dis ça, je dis rien, mais si un éditeur avisé passe par là...
Les pions du jeu : Argile sur la ligne du haut. Seigle, Orge, Lin et Houblon (que l'on peut planter) sur celle du milieu, et sur la ligne du bas, le mouton suivi de tous ses produits : Laine, lait de brebis, viande et peau.
[[Agricola - Edition révisée](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/agricola-edition-revisee-1)][[À la gloire d'Odin](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/a-la-gloire-d-odin)][[Aux Portes de Loyang](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/aux-portes-de-loyang)][[Caverna](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/caverna)][[Caylus](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/caylus)][[Hallertau](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/hallertau)][[La route du verre](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/la-route-du-verre)][[Le Havre](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/le-havre-0)][[Nusfjord](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/nusfjord)][[Ora & Labora](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/ora-labora-0)][[Terres d'Arle](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/terres-d-arle)]