[Baron Münchausen][Hollywood Party][Il était une fois…][Pantheon and Other Roleplaying Games][Petits Meurtres et Faits divers]
Faites vous votre film
Est-ce que vous croyez qu’on peut faire aimer la beauté de la nature en disséquant une grenouille dans un préfabriqué d’un collège de banlieue ?
C’est un peu ce qui se passe si je vous dis que vous allez prendre du bon temps dans un jeu de rôle narratif.
Déjà “Jeu de rôles” vous range dans la frange des petit(e)s gros habillé(e)s en noir qui puent sous les bras. Ça c’est fait. “Narratif” alors là non seulement en s’en fiche mais en plus là vous êtes carrément dans la lie de la frange de l’underground, alternant réunions mystiques et crises dans un hôpital de jour.
Autant vous dire que la popularisation prosélyte n’est pas gagnée d’avance si jamais il vous est venu l’idée saugrenue de convaincre un monde hostile drapé dans ses a priori de beaufs confortables qu’on peut se marrer comme une baleine en jouant à faire semblant.
C’est vrai qu’ici on ne donne pas tellement le bon exemple puisque de jeux de rôles nous ne parlons jamais sauf si c’est avec des figurines sur un plateau. Je ne ferais pas notre mea culpa. C’est juste ami(e)s qui puent sous les bras que nous n’avons pas le temps et que vous n’êtes pas encore assez riches pour vous payer un chroniqueur vile et obéissant avec quelques pouic(o)s.
Pourtant on aime bien le jeu de rôles. Si ! Si ! Un jour on vous racontera quand on était plus jeunes. Même si tout le monde s’en fout.
Alors mettons de côté l’aspect “Jeu de rôles narratif” même si c’est bien de cela qu’il s’agit. Après tout “Il était une fois” c’est pareil. “Petits meurtres” c’est pareil. Eh ! Oui !
Donc je vous dis “Alerte rouge !” Tric Trac aprouved ! Voici un jeu pas comme les autres que je ne peux que soutenir.
“Hollywood Party” (et là on commence à critiquer parce que c’est un peu merdouilleux comme titre) est la version française de “Pantheon and Other Roleplaying Games”. Ah ! Oui, l’éditeur françousiche a voulu faire moins geek obscur. On ne peut pas lui en vouloir mais un peu quand même.
Autre indice qui permet de sonner l’alerte c’est que le jeu est signé Robin D Laws, un auteur magnifique qui nous avait donné par exemple le fabuleux jeux de rôles “Feng Shui”. Je ne vous ferais pas la liste de tout ce que ce génial canadien a fait mais de deux choses l’une; soit vous le connaissez et vous savez que j’ai raison, soit vous ne le connaissez pas et vous devez savoir que j’ai toujours raison.
Le truc qui fera toute la différence est un pur échec commercial mais une création sublime nommée “Baron Münchausen” édité chez ce même éditeur anglais de Hogshead Publishing qui fut en son temps récompensé de la meilleure publication rôlistique de la fondation Mops ce qui n’a malheureusement pas influencé la moindre vente supplémentaire.
“Hollywood Party” est donc (recentrons nous) la version française édité chez les XII Singes de “Pantheon and Other Roleplaying Games” publié en 2000 chez Hogshead Publishing.
C’est un genre de “Il était une fois” qui va reprendre sous forme de scénarios très minimalistes (un texte de départ, quelques persos, une ou deux règles spéciales) des histoires assez stéréotypées comme on en trouve dans les films de genre.
On commence par vous donner des cartes que vous ne regardez pas. Ce sont des cartes pour les défis.
Quand vous jouez, vous dîtes en une phrase ce que fait votre personnage. La règle est simple, vous devez TOUJOURS mentionner le nom de votre perso et vous ne devez JAMAIS mentionner le nom de plus d’un autre perso. (les “tout le monde” et les “autres” sont également interdits.
Si vous voulez ajouter un perso secondaire vous pouvez.
Parfois vous pouvez ne pas être tout à fait très d’accord avec ce que dit une ou un autre joueur. Alors vous pouvez lancer un défi pour annuler sa phrase en mettre une a vous à la place.
Ok mais ça sert à quoi ?
Votre but en temps que joueur c’est que votre perso devienne le héros de l’histoire. Pour cela un truc assez simple consiste a en être l’unique survivant. Sauf que… Si l’histoire est une bluette amoureuse, pas sur que vous allez marquer beaucoup de points de victoire…
Des points de victoire ? Bien sûr ! Les gens qui ont écrit les bases du scénario (son contexte) ont également rédigés des situations typiques qui rapporteront des points au joueur qui en a l’idée ou dont le personnage y participe activement.
Seulement ce barème, on ne le découvre qu’à la fin de la partie. Sinon c’est trop facile.
Cette version française contient les 5 scénarios proposés dans la VO avec un scénario supplémentaire complètement frenchy et nommé Zombusiness Opera.
Vous voulez un exemple ?
Voici celui que l’on trouve dans les règles :
“Vous êtes tous des anciens élèves du lycée, vous revenez d’une fête, à l’écart de la ville. Il est 3:00 en cette nuit d’été étrangement froide. Tout à coup, votre van tombe en panne. Le seul bâtiment à l’horizon est une vieille ferme de plusieurs étages. Elle paraît déserte. Que se passe-t-il ?”
Dans cette partie pas de personnages proposés. Il faut donc que les joueurs les invente dans leur première phrase.
Kate commence :
“Muffy Taylor, récemment élue cheerleader la plus enthousiaste de l’équipe de Grimden High, demande si quelqu’un a un téléphone.”
James : “Le petit ami de Muffy, Biff Martin, compose le numéro d’un garage. Aucun signal…”
James a compris qu’il s’agit d’un teen movie d’horreur. Le manque de signal téléphonique est un classique qui lui rapportera des points en fin de partie.
Michelle : “Didi Divine, une rebelle au style gothique, lève les yeux au ciel et descend du van.”
John : “Le vice-président du club informatique, Josh Dingley, s’aperçoit dans un sursaut d’horreur qu’une faux vient de transpercer Didi !”
Michelle n’étant pas tellement d’accord pour voir son perso trépasser si vite lance donc un défi à John. Elle tire une carte. Kate en tire deux. James ne s’en mêle pas et ne fait rien. Michelle en tire une seconde et John en tire 3.
Michelle a tiré : Un réalisateur +4, une maquilleuse +1
John a 2 acteurs +2 et une maquilleuse +1
Kate qui veut aider Michelle a tiré un réalisateur +4
Michelle ayant joué plus de cartes que Kate remporte le défi et reprend donc le récit : “Le vice-président du club informatique Josh Dingley, s’aperçoit dans un sursaut de dégout sexuel réprimé que la blouse de Didi baille généreusement tandis qu’elle descend du van.”
Kate continue : “Muffy se blottit près de Biff, en proie à une peur irrépressible.”
James : “N’écoutant que son égo, Biff traite alors Josh de mauviette pour sa frayeur passée.”
etc. Chacun essayera ensuite de gagner des points en s’attirant ou pas la sympathie des autres ou en essayant de les tuer tous.
Si au terme de cette explication vous vous dîtes que tout cela est parfaitement stupide, soyez rassuré vous avez absolument raison. Si par ailleurs vous ne pensez pas un seul instant que cela peut produire des parties amusantes voire hilarantes c’est que mon enthousiasme n’est pas suffisant ou votre second dégré insuffisant ou peut-être encore ne laissez-vous pas votre cerveau reptilien (allié fidèle du geek en recherche de poilade) fonctionner assez librement.
Reportez-vous donc, si vous en trouvez d’occasion au fameux “Baron Münchausen” qui compense le manque de second degré par quelques trinqueries et autres libations narratives.
Merci surtout aux XII Singes car ils ne deviendront toujours pas riches en publiant cet OLNI tout en prouvant qu’ils sont des éditeurs de goûts avec de coucougnettes placées au bon endroit qui leur valent tout mon respect. Il fallait que ce soit dit !
[edit] Un erratum du livret est disponible ici-même : clic
“Hollywood Party”
Un jeu de MOOOossieur Robin D. Laws
Illustré par Nathanael Ferdinand
Publié chez les XII Singes
Pour 3 à 12 geeks esthètes de veau
Public classe et élégant souvent noir
Durée : 45 min environ
Disponible dans tous les bons établissements sérieux dans les 29€