Il y a des rencontres qui se font dans la spontanéité, comme ça sans que rien ne soit prévu. Et c’est un peu ce qui est arrivé avec David Pérez, bien que croisé sur Facebook, je ne le connaissais pas beaucoup plus que cela, le jour où j’ai fais sa rencontre à Paris est Ludique, alors qu’il expliquait son jeu Egomaster à des joueurs qui semblaient fort attentifs, et près à dégainer leur savoir. C’était une rencontre spontanée, rempli de gentillesse et de mots amicaux, de celle qui nous font dire que le monde du jeu est encore tout petit, et que tel un bébé, nous avons envie de le protéger de tout notre possible. C’est donc pourquoi j’ai eu envie de vous présenter David qui débute dans ce milieu, afin de découvrir l’homme derrière le jeu.
Peux-tu nous raconter ton parcours ludique ?
Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé jouer. Pourtant, je peux dire sans exagérer que les jeux de société dits « modernes » me sont encore aujourd’hui assez méconnus. Pendant de longues années, je suis resté sur les classiques « Monopoly », « Risk » ou « Scotland Yard »… Je sais ce qu’évoque le nom de ces jeux pour certains esprits taquins, mais leur succès et leur longévité parlent pour eux L’idée générale, c’est qu’à mes yeux, un jeu a un intérêt à partir du moment où il trouve son public.
Comment t’es venu l’idée d’Egomaster ?
J’ai d’abord réfléchi à un des aspects de la nature humaine, commun à la plupart des joueurs, l’esprit de compétition. Je me suis demandé de quelle manière on pourrait utiliser les ressorts de ce trait de caractère dans un jeu. Avoir l’esprit de compétition peut avoir plusieurs sens selon le type de personne. Cela peut être une envie de gagner, de se dépasser ou juste de s’amuser. Mais pour certains, cela peut également signifier « montrer ses muscles », voire d’écraser les autres. J’avais remarqué que la culture générale est un domaine qui était assez propice aux combats de coqs. Restait plus qu’à y mettre de ma personnalité, d’où le mix culture/poker !
Que de mystère … (copyright Marine Blanchard)
Et cet amour du poker ?
Quatre ou cinq ans avant la naissance d’Egomaster, je me suis mis au poker. Pas tant pour le côté « argent » que pour le jeu en lui-même. J’ai découvert un jeu passionnant où la connaissance des joueurs est aussi importante que celle des cartes, un jeu qui nous fait passer par toutes sortes d’émotions allant de l’euphorie à une sorte de détresse éphémère, mais puissante !
N’as-tu pas eu peur des à priori des joueurs envers Trivial Pursuit, jeu auquel on pense en découvrant Egomaster ?
Lorsque nous avons commencé les bêtas tests auprès des premiers cercles de joueurs, c’est l’une des premières questions que l’on a posé à notre panel. Et très vite, nous avons décidé de faire des choix radicalement différents par rapport au Trivial Pursuit. Nous avons d’abord choisi de ne pas catégoriser nos questions. Dans Egomaster, pas de thème « sports et loisirs » ou « géographie », toutes les questions sont aléatoires et sont juste précédées d’un indice plus ou moins explicite. Pour nous démarquer, nous avons exclu l’utilisation de cartes et préféré la mise en place de trois livrets de questions. Enfin, le choix des questions par leur rédaction et leur angle tranche définitivement avec le Trivial, trop académique pour nous. Sans parler de la présence de dés à 20 faces, mystérieux pour le grand public !
Quelques recherches graphiques pour le logo
A quel moment est apparue l’intégration du poker dans Egomaster ? Etait-ce un choix initial ?
Tout à fait, pondre un énième jeu de quizz n’avait pas grand intérêt. Avec Stephan Dubosq, le co-auteur du jeu, il nous a semblé évident que l’introduction de jetons, de bluff et de surenchères devait constituer un des aspects novateurs de notre jeu.
Comment se sont déroulées les recherches graphiques, pourquoi avoir choisi ce style abstrait ?
Nous avons fait une rencontre décisive en la personne de Sophie Moreau et Benoît Rassouw qui ont assuré l’ensemble de la conception graphique du jeu. Dès notre première rencontre, nous avons échangé sur les émotions que nous souhaitions susciter auprès des joueurs ainsi que sur le type de personnes que nous voulions toucher. Nos deux illustrateurs sont revenus vers nous quelque temps après en nous proposant cet univers élégant et abstrait qui correspondait parfaitement à ce que l’on imaginait. Sophie et Benoît ont mis en image les idées que l’on avait dans la tête. Et je pense que le pari est, de ce point de vue, réussi.
Des jetons poker, mais pour Egomaster, oui oui des jetons dans un jeu de connaissance. (copyright Marine Blanchard)
Et pour les questions, ça n’a pas été trop complexe de trouver des idées, et des questions amusantes qui sortent parfois de la culture générale ?
C’est à la fois la partie la plus longue, mais aussi une des plus intéressantes de l’aventure. J’ai toujours aimé ces petites infos qui ne servent à rien, mais qu’on est toujours contents de ressortir à un dîner Ma curiosité naturelle a fait le reste J J’ai ouvert grand mes yeux et mes oreilles pour débusquer les questions qui allaient faire sourire les futurs joueurs.
As-tu proposé le jeu à des maisons d’édition, ou est-ce que cela faisait partie du projet initial de monter une maison d’édition ?
Dès le départ, j’ai eu dans l’idée de maîtriser la création du jeu de A à Z. J’aurais trouvé cela frustrant de proposer une idée, voire un proto à un éditeur qui aurait eu tout loisir de modifier l’ADN du jeu. Bien entendu, ce « manque d’humilité » a eu des conséquences sur les budgets (pas assez serrés) et sur les bonnes pratiques du métier pas tout à fait maîtrisées. Mais pour autant, nous étions prêts à assumer nos choix.
Un autre essai graphique, mais pour le plateau cette fois-ci
Quelles sont les principales difficultés que tu as rencontrées lors de la création de ta maison d’édition, mais aussi pour la production d’Egomaster ?
L’avantage lorsque l’on a une activité parallèle, c’est que l’on n’est pas soumis à une forte pression financière. En revanche, le temps et l’énergie dont on dispose pour créer une nouvelle entité s’en voient réduits. Il a donc fallu allier deux activités en même temps et une vie de famille bien remplie ! De manière plus concrète, nous nous sommes posés d’innombrables questions sur l’univers des jeux de société, de la création, de la propriété intellectuelle, de la distribution… Pour cela les réseaux sociaux, les sites spécialisés (Trictrac pour ne citer qu’eux) et les forums ont constitué une vraie mine d’informations. Et je dois dire que malgré nos lacunes, nous avons été très bien accueillis par la communauté ludiste.
As-tu l’intention d’éditer d’auteurs tiers ? Quelle est la ligne éditoriale ?
Notre société d’édition a vocation à accueillir d’autres auteurs. Nous souhaitons faire bénéficier notre expérience et notre savoir-faire à d’autres créateurs. La ligne éditoriale n’est pas strictement définie. Mais une chose est sûre, je ne me vois pas éditer un jeu pour hardcore gamer. Il faut que le jeu me parle pour que j’aie envie de le défendre comme si je l’avais créé.
Un aperçu général du jeu, avec au fond les cahiers de questions (copyright Marine Blanchard).
Quels sont tes jeux préférés ?
Vous l’aurez compris, mes références ludiques sont minces alors je vais me contenter de citer quelques belles découvertes personnelles : Bazar Bizarre, Dobble, Concept. Mais je vais partager un stand avec mes amis de Viking Games, des passionnés de jeux modernes, à Essen en octobre, donc revenez me voir en fin d’année après mon stage intensif
Quels conseils pourrais-tu donner à des personnes voulant créer leur maison d’édition et des jeux de société ?
Avant de se lancer dans une telle aventure, il faut se donner comme objectif absolu d’aller au bout. La route est semée d’embûche et il n’est pas rare d’avoir envie de lâcher. C’est à ce moment que la motivation doit être présente. Enfin, je dirais qu’il faut à la fois être constamment ouvert aux critiques ET savoir conserver, envers et contre tout, l’essence du jeu. Un équilibre difficile à obtenir, mais à ne pas perdre de vue.
Plus d’informations sur Egomaster sur leur site.