Le monde ludique crépite littéralement en ce moment, faisant surgir de ses entrailles de nombreux nouveaux éditeurs et auteurs pour un feu d’artifices de nouveaux jeux. Le triton noir est de ceux-là. Avec leur jeu V-Commandos, ils se lancent dans le grand bain. Et c’est à cette occasion que j’ai pu rencontrer et interviewer Thibaud de la Touanne, après leur succès sur Kickstarter.
Pour toutes les personnes qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Thibaud de la Touanne, j’ai 43 ans, je suis français d’origine et je vis à Montréal depuis bientôt 4 ans. Joueur depuis mon plus jeune âge, j’ai suivi une formation artistique et j’ai commencé à travailler dans l’industrie du jeu vidéo en 1993 comme graphiste, game designer puis producteur. J’ai travaillé sur plus d’une vingtaine de titres (sans compter les jeux pour téléphones) pour de nombreux studios indépendants et éditeurs internationaux. J’avais de plus en plus envie de revenir à des projets à échelle humaine et de revenir à des activités plus créatives.
Comment est née l’idée de V-Commandos ?
C’est une idée qui me trottait dans la tête depuis longtemps. Ça a fait « tilt » quand j’ai relu des livres retraçant les opérations commandos de la Seconde Guerre mondiale et que j’ai repéré un élément essentiel, bien exploité dans le jeu vidéo depuis une quinzaine d’années, mais très peu dans le jeu de plateau : la furtivité. Le côté coopératif est venu de manière assez naturelle : aucun jeu coopératif n’exploitait ce thème à ma connaissance, il semble pourtant taillé pour ! J’aime aussi beaucoup les jeux tactiques, où l’on contrôle un personnage ou un petit groupe, comme les jeux de figurines ou les RPG tactiques sur consoles ou PC par exemple.
Vous êtes-vous inspiré de MetalGear Solid, la célèbre série de jeux vidéo ?
Les principales références restent pour moi les récits et documentaires de véritables opérations commandos, et je crois que ça se ressent bien dans le jeu. Mais oui, MGS est une de mes références en terme de rythme et de sensations de jeu tout comme les séries Commandos, SplinterCell, Sniper Elite, Hidden&Dangerous… D’autres jeux comme la série de Uncharted m’inspirent aussi des idées de situations spectaculaires, par exemple quand tout s’écroule autour de toi et qu’il faut quitter un château en flammes.
Pensez-vous que Kickstarter puisse être l’unique manière pour des petits éditeurs d’exister ?
Je dirais que c’est sans doute la meilleure façon de démarrer. Quand on fait le budget, on voir bien que si on doit passer par le circuit de distribution traditionnel où les marges sont très faibles, il faudrait vendre énormément de boîtes pour espérer en vivre. De plus, Kickstarter apporte aussi une visibilité, permet de bâtir une communauté autour du jeu et des réponses à des questions qu’on pourrait se poser : est-ce que mon jeu intéresse suffisamment de gens ? Et les extensions ? Qu’est-ce qui plait le plus ? Etc.
Est-ce que des extensions sont prévues ?
Oui, deux extensions faisaient partie de la campagneKickstarter : la Résistance et les armes secrètes d’Hitler. Je souhaite depuis le début avoir un jeu de baseriche tactiquement, mais qui reste accessible, j’ai conservé les idées qui enrichissent le jeu (mais le rendent aussi un peu plus complexe à appréhender) pour les extensions. Le thème est si riche que la question est plutôt : qu’est-ce qu’on choisit dans cette liste d’idées plutôt que de chercher des idées elles-mêmes. Discuter avec les joueurs en apporte encore beaucoup d’autres…
Pensez-vous adapter la formule à d’autres jeux militaires, mais se déroulant à d’autres périodes ?
C’est une option, là aussi, il y a beaucoup de possibilités : guerre froide, Vietnam, ou même élargir à de l’espionnage, etc. Pour le moment on reste concentrés sur V-Commandos au maximum pour sortir le jeu, mais j’ai quelques idées dans les cartons quand même.
Où pourrons-nous vous rencontrer cette année ?
J’espère vraiment pouvoir venir présenter le jeu en France cette année. Ce qui est prévu pour le moment c’est que V-Commandos soit jouable en version prototype(et animé par des bénévoles)à LudiNordles 28 et 29 mars prochains.
Quels conseils pourriez-vous donner à des personnes qui voudraient lancer un projet sur Kickstarter ?
Préparez votre campagne à fond, ça vous prendra probablement des mois… Il y a de très nombreux aspects à couvrir et comme souvent avant de se lancer, on est très loin d’imaginer tout le travail que ça représente. Pour ça, je n’ai qu’une adresse (en anglais) qui est une mine d’or : Kickstarter – Stonemaier Games
Votre jeu doit être suffisamment avancé pour que les joueurs / journalistes soient capables de se faire une bonne idée de votre jeu. Cela vous aidera aussi à répondre aux questions sur le jeu, de partager les règles du jeu ou même une version print and play. On a travaillé 1 an à plein temps, avec des centaines de playtests, sur V-Commandos avant de lancer la campagne.
Je pense que la plupart des gens se décident en quelques minutes, ilfaut donc convaincre rapidement, ce qui passe d’après moi par des beaucoup d’images et de vidéos courtes (notre intro fait moins de 90 secondes et un tiers de gens ne l’ont pas regardée en entier !).
Garder le cap : vous devez savoir où vous voulez aller avec votre jeu et votre univers, tout en restant à l’écoute. Attention au syndrome « je veux plaire à tout le monde ». Il faut être capable de dire non (et idéalement expliquer pourquoi). Rappelez-vous que ce n’est pas parce que 2 ou 3 personnes veulent ajouter/supprimerquelque chose qu’il faut le faire : vous risquez de casser un élément qui fonctionnait avant et aussi (surtout) de déplaire à la grande majoritéqui ne dit rien, simplementparce qu’elle aime le jeu tel qu’il est ! Pour V-Commandos par exemple, on a eu de nombreuses requêtes pour ajouter des figurines et quelques-unes pour des zombis/Cthulu par exemple, on savait dès le départ qu’on n’irait pas dans ces directions et on a tenu bon. Mais en même temps on a ajouté des bonnes idées et affiné pas mal de points de règles grâce aux retours des joueurs.
Rester humble et éviter de rester sur une position défensive, on a toujours de choses à apprendre (surtout une première fois !). J’ai remanié de nombreuses fois la page Kickstarter au cours de la campagne et 4 fois les stretchs goals pour redynamiser la campagne en suivant les conseils / critiques que je recevais de la part de joueurs intéressés par le jeu.
Avoir une version Print and Play permet aux joueurs motivés de tester le jeu et de se faire une idée. J’ai été surpris par les nombreux retours et questions qui m’ont aidé à améliorer les règles et le jeu grâce au PnP, mais aussi de découvrir des champions pour le projet qui l’ont promu ou défendu quand c’était nécessaire. Rémi, un des backers de V-Commandos a même été sur un salon pour faire des démos du jeu pendant plusieurs jours ! Ces champions et tous ceux qui nous soutiennent sont pour moi la meilleure expérience de cette campagne, je tiens à les remercier très chaleureusement.
Plus d’informations sur V-Commandos et ses créateurs sur leur site.