[Le Bois des Couadsous][Quarto!]
Florent Toscano m’avait conseillé à plusieurs reprises d’interviewer Blaise Muller. Il insistait presque.
Après un petit moment de méfiance sur cette demande, la curiosité finit par prendre le pas.
Blaise Muller c'est l'auteur du désormais classique Quarto!
Mais il n'est pas que cela.
C'est également un artiste et un artisan, un homme qui ne s'arrête pas à son succès. Un homme discret, et intelligent avec qui j'évoque le débat autour de l'art et du jeu, son long seller Quarto!, sa relation avec Florent Toscano, son caractère solitaire, le métier d'artiste et celui d'artisan, mais également la robotique, les GAFAM, les fichés S et la mécanique quantique...
1) Blaise Muller bonjour, auriez-vous la gentillesse de vous présenter ?
Bonjour, Commençons donc par un autoportrait complètement subjectif.
Je viens de fêter mes 70 ans. Je jouis d'une parfaite santé, essentiellement grâce au fait que j'ai toujours et systématiquement évité toute activité sportive. Comme la plupart des humains, je ne suis pas d'un bloc. Disons que j'ai plusieurs casquettes...
Présentons-les arbitrairement dans l'ordre décroissant de leur importance fiscale :
1) Grâce aux efforts de Gigamic, mon "Quarto !" (le point d'exclamation, c'est l'éditeur qui y tient) me rapporte des royalties régulières. On peut donc me considérer comme un "auteur de jeux". Mon comportement social ne confirme pas vraiment cette étiquette. Je fréquente extrêmement peu les salons et les festivals. Je ne fais pas la tournée des éditeurs pour leur présenter mes prototypes. Je n'enseigne pas la ludographie. Je ne prépare pas mon autobiographie. Je ne participe à aucune promotion.
2) En tant qu'ancien artisan, je touche une très modeste retraite, après plus de trente ans de "carrière" d'encadreur.
3) Mon activité de plasticien est suffisamment reconnue pour me valoir le plaisir de vendre mes œuvres.
4) Mes loisirs sont axés sur des sujets plus... disons intellectuels : Un peu de robotique, un peu de programmation, un peu d'électronique. Bien sûr, ces activités ne sont pas cloisonnées : J'encadre mes propres œuvres, j'ai recours à des simulations informatiques de mécanismes de jeux et il m'arrive d'incorporer à mes sculptures des éléments conçus et imprimés en 3D.
En vrac, quelques infos complémentaires :
Je suis très myope et je porte des lentilles de contact depuis plus de 40 ans.
Je suis incapable de conduire une voiture et me déplace de préférence à pied (je marche plutôt vite). Si la distance est trop importante, je me résigne à prendre mon vélo.
Ma tignasse presque frisée d'autrefois s'est dégradée en une savane de plus en plus raréfiée de filaments gris.
Je parle couramment l'allemand et l'anglais. Je comprends sans difficulté l'italien. Je déchiffre un texte en occitan, en néerlandais, en castillan, en portugais, en espéranto, en catalan.
2) Que représente le jeu pour vous ? Le fait de jouer mais également le fait de faire jouer ?
Le jeu est d'abord (pour moi, du moins) une branche des mathématiques. Un peu pour la "théorie des jeux", plus proche de la psychologie que des maths, qui permet de se représenter les interactions entre joueurs. Un peu pour l'étude des probabilités, bien utile quand il s'agit de régler certains mécanismes d'un jeu (valeur de cartes, jets de dés, décompte de points). Mais surtout parce qu'une vision mathématique permet d'apprécier l'esthétique de la construction d'un jeu : un équilibre réussi dans un jeu asymétrique, la simplicité épurée d'une règle, l'agencement élégant d'un plateau.
Bien évidemment, le regard matheux ne suffit pas. Je savoure le charme des illustrations de Dixit sans rien calculer et l'habillage (ou la thématisation) d'un jeu participe au plaisir de jouer. Surtout, j'aime que la construction mathématique d'un jeu ne soit pas immédiatement visible. Dans l'idéal, le joueur ne devrait même pas percevoir l'ossature du jeu. Si les maths d'un jeu sont trop visibles, il devient rébarbatif. Même d'une extrême laideur quand on ne voit que des maths, comme dans les jeux de casino ou les cartons à gratter de la FDJ. À l'autre extrême, je fuis aussi les jeux qui n'ont pas de maths du tout (comme la plupart des jeux dits "d'ambiance").
Mais le jeu est davantage que des maths, évidemment. Le fait de se réunir entre amis, les péripéties parfois palpitantes d'une partie, la découverte d'un jeu, la compétition aussi, autant de sources de plaisir. Je crois que je ne vais pas développer ici la seconde partie de votre question ; il est probable qu'au fil de notre dialogue se présentent des occasions d'aborder les sujets. En effet, le fait de jouer présente plusieurs aspects. Dois-je évoquer les simples moments de détente entre amis ou décrire mon attitude souvent ludique face à la société ou à la vie en général ? Faut-il parler de ma pratique ludique, tant collective que solitaire ?
Et le fait de faire jouer prend plusieurs formes : rencontre avec le public ou avec des auteurs, séances de tests de prototypes, interaction avec une audience imaginaire ou simulée lors de l'élaboration d'un jeu, pratique du JDR, interventions en milieu scolaire.
"Prototype d'un jeu qu'il pense au point" dixit Blaise Muller
3) Vous êtes d'une époque où le monde ludique comme nous l'entendons aujourd'hui n'existait pas, ou en tout cas pas sous cette forme.
Comment avez-vous découvert le jeu ?
Racontez-moi vos premières émotions autour d'un jeu et comment cela a évolué au fil des années pour en arriver jusqu'à nos jours.
Les paléontologues vous diront que le jeu est au moins aussi vieux que l'humanité. Vous avez quand même raison de rappeler qu'il n'y a que quelques années que le jeu est sorti de sa préhistoire. Nous sommes tout de même quelques dinosaures à avoir survécu au changement cataclysmique qui a secoué et réveillé le monde ludique.
J'ai très banalement découvert le jeu dans l'enfance. La famille aux revenus extrêmement modestes et aux idées particulièrement conventionnelles nous a donné (à mon frère et à moi-même) accès à la collection standard de jeux réunis. Mon frère, de cinq ans mon cadet, était trop jeune pour me servir d'adversaire au halma, au charret ou aux dames. Je m'appuyais donc d'assommantes parties de petits chevaux, de loto, de serpents et échelles, de jeu de l'oie. Heureusement, mon grand-père était toujours prêt à m'affronter au charret. Les parties sont devenues bizarrement moins fréquentes à partir du moment où je le battais presque systématiquement...
Mécaniquement, j'ai donc été amené à pratiquer des jeux en solo, comme le solitaire ou le tangram (qui reste un de mes favoris). Au fur et à mesure que mon frère grandissait, je pouvais partager avec lui des jeux plus complexes, comme les dominos ou le nain jaune.
À l'exception de mon grand-père, les adultes de la famille ne jouaient pas. Mes premiers contacts ludiques en dehors de ce cercle austère m'ont fait rencontrer ce qui était à l'époque, en Suisse, le seul jeu universellement pratiqué dans les milieux populaires : le jass, avec ses variantes, le chibre et le roi. La cérémonie de la mise en place, les fréquentes disputes entre partenaires et surtout le rituel immuable de ces parties ne m'ont pas incité à une pratique sociale du jeu. Le bridge, réservé à l'élite, n'a jamais croisé mon chemin et les quelques rencontres avec de dédaigneux et pontifiants joueurs d'échecs ne m'ont guère donné une image plus séduisante du monde du jeu de "société".
Rappelons que ceci se passe en pleine préhistoire. Quelques ludothèques apparaissaient timidement, mais géraient essentiellement le partage de jouets. Chez les marchands, les jeux de société occupaient une place discrète, parmi les puzzles et les maquettes en plastique. Mais les jeux de société m'intéressaient. Dans des livres empruntés à la bibliothèque, j'ai trouvé confirmation de ce que je pressentais : il existait un nombre considérable de jeux de société ! Certains m'intéressaient assez pour que j'en bricole un exemplaire plus ou moins praticable, histoire de les essayer "en vrai". Alors, à ce stade, comment s'empêcher d'inventer des variantes, des règles nouvelles pour le même matériel, des jeux inédits ?
C'est en y pensant maintenant, en répondant à votre question, que je me rends compte que c'est par cette porte que je suis entré dans le royaume enchanté du jeu de société : en fabriquant des jeux dans le but de les étudier. En effet, tous les jeux que j'ai créé démarrent par un matériel. La manipulation des objets donne ensuite naissance aux règles, presque naturellement. Ainsi, le Quarto ! est issu d'un matériel que j'avais conçu pour faciliter la composition de carrés magiques 4x4, une tâche purement mathématique. Le Bois des Couadsous est l'aboutissement d'expériences sur les probabilités avec des cartes double-face. À chaque fois, le ludographe observe le mathématicien et lui pique son idée pour en faire un jeu. Là, je peux parler d'émotion !
La maquette originale du "Quatre 4"
"Pourquoi les auteurs de jeux n'empruntent-ils pas un chemin similaire ?"
4) Il y a actuellement un débat sur l'art et le jeu. Certains prétendent que le jeu en serait un. J'avoue ne pas être d'accord sur ce point notamment sur le fait que le jeu n'existe que dans le but de procurer du plaisir contrairement à l'art qui vous fera pleurer, changer d'avis ou de comportements dans votre manière de vivre. Quel est votre point de vue en tant qu'artisan et peut être en tant qu'artiste si vous vous considérez comme tel ?
La définition que vous donnez de l'art n'est pas universelle. De plus, cette classification est le fait des sociologues, pas des artistes. Pour beaucoup de citoyens, l'Art doit simplement être beau. Face à une œuvre qui tend à provoquer autre chose que du plaisir, leur réaction est souvent : "Ce n'est pas de l'Art". Bien sûr, l'artiste ne peut pas se contenter de fabriquer du beau. Il a aussi le devoir de dénoncer, d'illustrer, de combattre ce qu'il trouve condamnable. Alors, en effet, pourquoi les auteurs de jeux n'empruntent-ils pas un chemin similaire ? Le public est-il en retard ? Les éditeurs, peut-être ? Ou les auteurs eux-mêmes ?
En simplifiant beaucoup, on peut constater que toute forme d'art, dans son enfance, se destine à procurer du plaisir ou à divertir. C'est quand des artistes utilisent leur talent autrement qu'ils enrichissent la définition primaire. Rien ne nous empêche d'espérer que la production de jeux de société sorte de son enfance. On voit déjà apparaître des jeux centrés sur des préoccupations écologiques. Un peu de patience, il reste plus de jeux à inventer que de jeux existants. Des jeux qui font peur ou qui font pleurer arriveront tôt ou tard. Si, selon votre définition, le jeu de société n'est pas une forme d'art, je dirais donc qu'il ne l'est peut-être pas encore.
Dans un autre ordre d'idée, constatons que le simple fait de jouer ou de ne pas jouer est un marqueur social. Donc, la pratique du jeu de société modifie bel et bien la "manière de vivre".
Maintenant, vous me demandez mon point de vue... En tant qu’artiste et auteur de jeux, je peux témoigner que dans ces deux activités, mon cerveau fonctionne de manière très similaire. Je suis en même temps un plasticien qui invente des jeux et un auteur de jeux qui peint. Avez-vous l'impression que je réponds par une pirouette ?
Une pirouette à 70 ans ? Je trouve que vous avez la forme Mr Muller ! Oserais-je même dire : A l'aise Blaise !
5) Plus sérieusement en début d'entretien, vous me disiez être en bonne santé. Vous approchez d'un âge où bien souvent les problèmes de santé apparaissent voire même parfois bien avant. Est-ce que c'est quelque chose auquel vous songez parfois et qui peut-être vous inquiète ou absolument pas?
Pour changer, ma réponse sera courte. Les problèmes de santé ne m'inquiètent pas. Je changerai probablement d'avis quand ces problèmes arriveront.
Gribouillage humoristique
6) Venons-en à votre grand succès, Quarto ! (N'oublions pas le point d'exclamation !). Un long seller qui vous permet une rente chaque mois comme peu de jeux le permettent . Pouvez-vous nous raconter l'édition du jeu, la relation que vous avez eu avec Gigamic au fil des années, et l'évolution au fil du temps du succès du jeu. Est-ce que cela a été soudain ou bien progressif, et comment avez-vous eu ce succès que d'autres n'auront jamais malgré des dizaines de jeux édités ?
Rappelons que le Concours International de Créateurs de Jeux de Société de Boulogne-Billancourt a primé le jeu en 1985.
À cette époque, il était unanimement admis que l'édition d'un tel jeu n'était pas envisageable, ne serait-ce qu'à cause du coût exorbitant de la fabrication des pièces. De plus, ce jeu était vu davantage comme une curiosité mathématique et moins comme un "vrai" jeu de société. En ces temps préhistoriques d'avant les meeples, un jeu de société, c'était un plateau en carton, des pions, des dés, des cartes, des jetons, des feuilles de marque. Je caricature un peu,mais c'était l'ambiance. Comme je vous l'ai dit avant, je suis un piètre tireur de sonnettes et j'étais de toute manière persuadé qu'aucun éditeur ne voulait de mon jeu, qui est donc resté dormir dans un tiroir.
En 1990, les frères Gires se lancent dans l'aventure de l'édition, avec deux jeux de leur conception. Le premier était une adaptation très réussie du classique jeu du dictionnaire (je n'ai jamais bien compris pourquoi il a disparu depuis). Le second, un objet original : un drap de plage sur lequel étaient imprimés plusieurs tabliers de jeux traditionnels et des "jetons" mous qui s'accrochaient par velcro. Les frères voulaient compléter cette collection de départ par un jeu de stratégie. La légende (à moins que ce soit ma mémoire approximative) veut que les Gires se soient partagé la tâche de la prospection en consultant les divers spécialistes du monde ludique (ludothécaires, journalistes, chroniqueurs, éditeurs) et que chacun serait revenu de sa tournée avec, en tête de liste, le même jeu, alors (mé)connu sous le nom de 4x4.
Mais éditer ce jeu représentait un risque sérieux. Autant un jeu pions-carton pouvait sortir dans une première édition à 300 exemplaires avec le risque de ne pas trouver son public et de finir au pilon, autant il fallait un culot énorme, surtout pour un éditeur encore inconnu, pour se lancer dans l'aventure d'une première série de 5000 exemplaires, quantité minimale pour la production des 16 pièces du jeu ! Mais les frères ont osé ! Ils m'ont contacté, on a immédiatement sympathisé, on a signé le contrat et le jeu a été mis sur le marché. La première série s'est vendue en moins de six mois. La deuxième (50'000 exemplaires) a été aussi bien accueillie. Les suivantes aussi...
Aucun nuage n'est jamais venu assombrir l'amitié qui me lie à mes éditeurs. Je me dis que le jeu a bénéficié de plusieurs avantages, au moins à son départ :
- Les éditeurs farouchement motivés à promouvoir ce qui était alors le seul jeu de stratégie de leur gamme minimaliste (3 jeux !).
- La période historique qui a vu apparaître des jeux qui se démarquaient sans vergogne des classiques. Le public, sans le savoir, était prêt.
- Un important soutien dans des métiers qui étaient encore à leurs débuts : journalistes spécialisés, chroniqueurs, ludothécaires, responsables de boutiques.
- L'attention des mathématiciens, qui ont assez vite adopté le jeu et qui l'ont rendu ainsi respectable auprès des intellectuels, au point que certains le considèrent maintenant comme un "classique".
Le seul reproche que j'ai fait (dès le début) aux frères Gires a été l'adaptation des pièces du jeu. La maquette comportait des pièces stylisées à l'extrême, des tubes en alu tronçonnés. Pour ne pas effrayer le public, l'éditeur a donné aux pièces des allures de pions. Il faut croire que leur point de vue n’était pas forcément faux. Mais je rêve encore d'une édition "vintage" plus fidèle à la maquette originale...
Ensuite vint la miraculeuse avalanche de prix, qui se calme tout de même en 2004. Les ventes ont été à peu près régulières (en 2017, par exemple : 61512 jeux vendus).
Comme je vous l'ai dit, je ne participe à aucune activité promotionnelle. Gigamic est donc seul responsable du succès commercial.
"Il refusait de m'en vendre un exemplaire !"
7) Venons-en à votre autre Le bois de Couadsous réalisé chez Opla éditions. Pourriez-vous nous parler également de la création de ce jeu et de votre relation avec Florent Toscano ?
Pour respecter l'ordre chronologique, il faut raconter l'histoire en commençant par Florent Toscano.
En 2010, une promenade sur internet m'a conduit sur le site de l'association Chamboultou à Ussel, qui présentait chaque semaine une énigme à résoudre. En proposant régulièrement des réponses (pas toujours les bonnes) j'ai développé un réel attachement pour cette équipe incroyablement dynamique.
En 2011 j'ai été invité à publier sur leur site une série d'énigmes de ma composition. Ces échanges ont tellement consolidé nos relations que cette même année je me suis rendu à Ussel pour leur ludique festival annuel. Croyez-le si vous y arrivez, mais c'était ma première participation à ce genre de manifestation (auparavant, je n'avais fait que quelques apparitions à Paris au Salon du Jeu de Société - à l'époque où ce n'était qu'une annexe du Salon du Jouet).
Malgré l'inconfort suprême du trajet Alès-Ussel, j'ai adoré ces deux jours passés à rencontrer des auteurs, des animateurs et des joueurs. Au point que j'y suis retourné en 2013. J'avais alors emporté dans mes bagages quelques prototypes, comme on me l'avait d'ailleurs demandé. Parmi ceux-ci, un jeu de plateau qui s'appelait "Écureuils en hiver". Florent Toscano venait de publier son "Hop la Bille", mais refusait de m'en vendre un exemplaire ! Il préférait un troc : un exemplaire de son jeu contre un de mes prototypes. Le marché était insolite, mais l'idée m'a plu et Florent a donc eu un exemplaire de mes "Écureuils". Il n'envisageait pas d'éditer le jeu parce qu'un jeu de plateau ne pouvait se concevoir dans aucune de ses gammes et je considérais pour ma part que j'offrais un jeu à un ami plutôt qu'à un éditeur.
Mais, quelques semaines plus tard, ce bougre m'a persuadé de développer en collaboration une version du jeu qui pourrait entrer dans son type de production. Le résultat a été suffisamment crédible pour que Florent me propose de l'éditer. Comment a-t-il pu imaginer un seul instant que je refuserais ? Nous savions bien que nous ne tenions pas un nouveau "Quarto!", mais le jeu a reçu un accueil réjouissant, toutes proportions gardées. D'ailleurs, je crois qu'un échec n'aurait pas diminué l'amitié qui nous lie.
Un excellent jeu qui fonctionne très bien auprès d'un large public.
Prototype d'écureuil en hiver devenu Bois de couadsous
8) Vous avez un réel talent de créateur, mais vous n'avez édité que très peu de jeux.
Pourquoi ? Le manque de temps ? Le manque d'envie de démarcher les éditeurs ?
Vos termes "Le manque d'envie de démarcher les éditeurs" décrivent assez bien la situation, en effet. Je dois avoir un blocage de ce côté-là. Dire que c'est une phobie serait exagéré, mais c'est tout de même plus grave que le simple manque d'envie. Ça doit se trouver quelque part entre la peur et la paresse.
Le sentiment, aussi, que les jeux dont les protos encombrent mes tiroirs ne sont pas forcément assez bons pour mériter une édition. (Quand je dis "tiroirs", c'est une métaphore ; en réalité, ils traînent un peu n'importe où).
J'ai l'impression et vous me corrigerez si j'ai tort que vous êtes plutôt solitaire, que vous semblez être un artisan heureux dans son atelier mais moins en société.
Ai-je tort ?
Je suis plutôt un solitaire, en effet. Pas misanthrope, ni timide, ni méfiant. C'est qu'il y a société et société. J'apprécie d'être entouré d'amis ou de partager une expérience dans une ambiance de franche camaraderie. J'aime recevoir (on me dit bon cuisinier) et la foule en soi ne me fait pas peur. Mais les réunions mondaines m'ennuient profondément, même quand il s'agit de rencontrer des gens "importants". Donc, je ne me précipite pas forcément à tel vernissage, apéritif, salon, banquet, à telle inauguration, présentation, conférence-débat, assemblée.
Je suis toujours là pour mes amis et je pense que ceux qui n'en sont pas n'ont pas nécessairement besoin de ma présence.
9) Parlons de votre métier d'artisan si vous le voulez bien avant de venir à celui d'artiste.
A moins que vous souhaitiez lier les deux ?
Comment définiriez-vous votre métier qui peut sembler simple et banal au premier abord mais qui révèle peut-être de vraies facettes ?
Je ne vois pas l'encadrement comme un métier simple. Modeste, oui, mais pas simple. Les gestes sont multiples et empruntés à de nombreux domaines. On est tour à tour ou en même temps vitrier, cartonnier, ébéniste, décorateur, calligraphe, staffeur, doreur, tapissier. L'aspect psychologique est important aussi ; conseiller un client ne consiste pas à lui proposer un choix, il faut comprendre ses besoins et ses goûts, pas seulement son budget. Et il faut aussi faire œuvre de conservateur en traitant correctement les pièces qu'on encadre.
J'ai toujours tiré une satisfaction presque zen de cette activité. Le plaisir paisible du jardinier, du tailleur de pierres, du savetier. La modestie peut être un privilège.
Un métier banal ? Il l'est devenu. Il est vrai que dans les rayons "encadrements" des magasins de bricolage, je ne reconnais pas mon métier. J'ai eu la chance de prendre ma retraite au bon moment...
10) Venons-en à votre métier, ou diriez-vous passion de Plasticien.
Que pouvez-vous nous en dire ou nous montrer ?
À l'époque de ma formation en section Beaux-Arts de l'École des Arts et Métiers de Bâle (entre 1968 et 1971), j'ai eu l'occasion de participer à plusieurs expositions collectives. Ensuite, une longue pause... Pour des raisons d'abord purement alimentaires, mon temps a été par la suite accaparé par des activités plus prosaïques.
Ce n'est qu'en 1999 que la muse des arts plastiques est revenue me titiller. J'ai retrouvé alors la joie et les tourments de la création artistique pour réaliser une série de "reliefs", des sculptures abstraites mêlant sculpture sur bois et et tissage de fibres de récupération.
J'ai démarré en 2006 une expérience que j'ai appelée faunographies, un terme volontairement barbare qui veut signifier écrire avec des représentations animales. La technique est inspirée d'un procédé surtout utilisé par les décorateurs de théâtre : le papier encollé qui recouvre des formes sculptées dans du polystyrène ou d'autres matières légères et faciles à former.
Jusqu'en 2008, les tableaux sont un enchevêtrement compact d'animaux. À partir de 2009 les compositions s'inscrivent dans une grille géométriquement rigoureuse. Des éléments de construction autres que des animaux sont utilisés : plantes et objets divers. En 2010 viennent s'ajouter des "textes", sans signification, qui renforcent l'impression de composition typographique. Dans un avenir que j'espère proche (parce que j'y travaille), cette écriture sera une véritable langue. Les textes seront alors directement en rapport avec la composition du tableau.
Pour se faire une idée de ce que je fais, voyez ici :
Une vue de 4 années de couleurs
J'aime beaucoup !
Seriez-vous amateur de Tetris ?
Plus sérieusement, c'est à la fois drôle de par ses titres notamment, mais également touchant, mais aussi inquiétant de par ce côté tassé, compact, comme si ces personnages se sentaient restreint dans leur liberté d'être. Y a t-il de cela dans votre manière de penser vos œuvres ou pas du tout ?
Mes compositions naissent dans une alternance entre totale liberté et contraintes rigoureuses. Par exemple, dans la plupart de mes tableaux 81x81cm, on trouve 4 séries de sujets, chacune avec sa couleur dominante et chaque série doit comporter 6 sujets dont les surfaces sont imposées par une série à la Fibonnaci : 2, 4, 6, 10, 16 et 26 carrés (l'ensemble est formé de 16x16=256 carrés). Mais dans la disposition, la nature et la forme des éléments, j'ai le droit d'improviser. Dans les phases de sculpture et de peinture, je suis totalement libre.
Ce procédé reflète en effet quelque chose qui appartient à ma "manière de penser" : La liberté n'est pas une faculté automatique et gratuite. C'est un besoin créé par la contrainte, c'est ce qui en fait un bien aussi précieux.
Le résultat est celui que vous décrivez. Mes personnages subissent en effet des contraintes inquiétantes. Malgré cela, ils arrivent à s'exprimer, à être parfois joyeux même. Ils sont enfermés, mais ils s'évadent.
Cette opposition fructueuse entre contraintes et liberté, on peut en voir une forme dans les jeux de société. Comment expliquer autrement qu'on puisse trouver autant de plaisir à subir la toute-puissante domination d'une règle ? Trouverait-on deux joueurs qui accepteraient une partie d'échecs où le roi déclarerait : "Je suis le Roi, je vais où je veux !" ?
11) Vous me parliez de robotique et de programmation.
11 A) Que pourriez-vous nous dire de plus sur ce domaine que je ne maîtrise pas, s'agit-il de programmation informatique, de programmation de robots ?
11 B) Vous intéressez vous également au logiciels libres ? Nous parlions de liberté, actuellement les GAFAM immiscent dans nos libertés, où en tout cas nous leur laissons y avoir accès afin de profiter des avantages et du plaisir que peuvent nous offrir ces sites. Quel est votre vision à ce niveau-là ?
Par facilité, je réponds d'abord à la seconde partie de votre question. Je n'utilise QUE des logiciels libres. Et, personnellement, je ne me sens pas particulièrement agressé par les GAFAM. Il existe de nombreux moyens de se prémunir contre les effets de leur arrogance, en masquant les publicités, en gérant correctement les cookies, en ne cliquant pas bêtement sur tous les boutons "j'accepte". À l'extrême, on peut même surfer de manière totalement anonyme. Il est vrai que si c'est assez facile sur un ordinateur, c'est plus ardu sur un smartphone.
Venons-en à la première partie de votre question. Vous semblez faire une différence entre "programmation informatique" et "programmation de robots". Pour moi, c'est un même domaine. Certains langages sont mieux adaptés à certaines tâches, mais c'est toujours de l'informatique. Illustrons ça par deux exemples :
1) Pour mon premier robot Lego®, de 2009, j'ai placé l'intelligence artificielle dans deux briques programmables, aux capacités très limitées. À chaque coup, la machine réfléchit longtemps, mais longtemps... Là, pour vous, il s'agirait de programmation de robots. Démonstration ici
2) Pour la seconde version, en 2010, le robot Lego® exécute les mouvements que lui demande un ordinateur et lui transmet les actions du joueur humain. Mais c'est l'ordinateur qui fait toute l'analyse de la partie. Nettement plus rapidement ! On a donc pour la partie robot de la "programmation de robots" et pour la partie ordinateur de la "programmation informatique". Mais il est clair que les deux partenaires travaillent main dans la main. Deux langages de programmation différents, deux logiciels, mais une seule application.
Démo ici
Les robots me secondent aussi dans mon travail artistique, parfois :
https://www.youtube.com/watch?v=n3LlVfW-5bw
https://www.youtube.com/watch?v=dmpRHe3-f5Y
Votre réponse me donne l'envie de vous poser deux questions.
"Les libertés de pensée et d'expression sont encore intactes."
Je me permets de continuer un peu sur les GAFAM et la vie privée. L'arrêt de l'état d'urgence a entraîné un changement dans la loi pérenne, des restrictions de notre vie privée, comme par exemple un contrôle accru pour toutes personnes ayant des idées différentes et pas seulement terroristes (Activiste écologique par exemple, anarchiste etc...) en les fichant S. Que pensez-vous de cet actuel « big brotherisation » de notre société ?
Pour que votre terme légèrement parano de "big brotherisation" soit juste, il faudrait non seulement que tout le monde soit fiché S, mais qu'une doctrine officielle soit obligatoire. On en est loin. Les libertés de pensée et d'expression sont encore intactes. Si un activiste quelconque est assez stupide pour proclamer sur les réseaux sociaux son intention de commettre un acte illégal, je ne suis pas choqué qu'un policier à peine plus futé que lui essaie de l'en empêcher. Les criminels professionnels échappent à la surveillance et la police le sait bien. Cette gesticulation serait simplement risible si elle ne nourrissait pas les discours alarmistes des démagogues. Mais bon, c'est juste mon avis...
Quand je vous dis cela c'est parce qu'a priori, il n'y a pas besoin actuellement de commettre un acte illégal pour être fiché S, mais simplement de relayer des idées n'allant pas dans le sens de l'état.
Je me permets de vous titiller encore un peu, le libéralisme accru depuis la chute de l'URSS n'est t-il pas devenu en soi une doctrine officielle ?
Je suis peut-être fiché S. Mais je m'en... fiche !
Sans être historien, je crois que les événements ont eu lieu dans l'ordre inverse : C'est le libéralisme (plus exactement le capitalisme) qui a provoqué le déclin de l'URSS.
Je suis un vieux et plutôt fidèle compagnon du PCF, mais je ne partage pas ce qui semble être votre vision du libéralisme. Vous amalgamez l'État et sa supposée Idée Officielle, les fiches S, le pouvoir des GAFAM, la persécution des activistes écologiques et le contrôle des citoyens. Je ne vois pas comment le KGB nous en aurait protégé !
Si vous avez l'occasion, n'hésitez pas à lire La Stratégie du choc de Naomi Klein.
Un dessin de Blaise par sa jeune amie Paloma
Cette passion pour la robotique, ne vous a pas donné l'envie de créer un jeu avec cette matière ?
Même si évidemment cela aurait un coût important pour le client, le marché actuel avec le crowfunding ne permettrait-il pas ce genre de projet, une mécanique de jeu de société mêlé à de la robotique ? Y avez-vous déjà songé ?
La robotique ressemble déjà à du jeu de société. Des centaines de compétitions se déroulent chaque année, certaines réservées aux robots en Lego. Parfois les robots doivent accomplir de manière totalement autonome certaines tâches et on récompense la meilleure équipe de roboticiens. Dans d'autres compétitions, ce sont les robots qui s'affrontent directement sur le modèle de compétitions d'humains (boxe, sumo). Ça n'est pas vraiment du jeu de société, d'accord, mais on sent qu'il pourrait y avoir comme une amorce de piste, non ? Et vous me demandez si j'y ai songé !
Qu'est-ce qui vous a empêché de ne pas mener ce « songe » à terme pour un jeu qui sortirait ? Raisons techniques ? Les éditeurs ne sont pas intéressés ?
Mes tentatives de jeu de société "robotisé" sont au stade des simulations. Viendront ensuite, si cette phase donne des résultats utilisables, les expériences de laboratoire. Je suis malheureusement trop perfectionniste pour tenter de lancer sur le marché un produit bâclé.
12) J'ai pu voir avec surprise sur votre site que vous étiez également passionné de mécanique quantique ! Et je dis bien passionné car c'est ainsi que vous vous présentez vous même. Vous vulgarisez des expériences en prenant deux jeux de cartes à jouer afin d'expliquer au quidam moyen certains modèles scientifiques. Qu'auriez-vous envie de nous dire à ce sujet ?
La mécanique quantique est systématiquement présentée comme un domaine plein de mystères et de paradoxes. Et les spécialistes renforcent cette attitude en nous proposant des expériences dont le résultat est censé être un défi au bon sens. Il me semble qu'il est nécessaire, urgent même, de montrer que la mécanique quantique est fondée sur des bases qui sont au contraire parfaitement logiques. Mes expériences ne s'adressent pas forcément au "quidam moyen", que la mécanique quantique ne concerne pas directement. Mon but, un peu plus ambitieux, est de susciter des réactions de la part des physiciens, en leur proposant une vision moins "magique" de leur domaine, sans remettre en question le moindre acquis de la mécanique quantique. D'autre part, j'espère que l'approche des "paradoxes" par l'expérience permet de comprendre l'inanité des dérives plus ou moins métaphysiques de certains mages.
13) Pourriez-vous nous parler d'un auteur ou d'une œuvre importante à vos yeux, que ce soit en littérature, théâtre, cinéma, jeu etc... que vous souhaiteriez faire découvrir ou redécouvrir à mes lecteurs ?
Si j'ai bien compris votre question, je ne peux citer qu'une seule œuvre. Alors, après avoir écarté quelques ex aequo, je propose : "Le monde des Ā" (prononcer Le monde des non-A) de A. E. Van Vogt. Mon snobisme "naturel" voudrait que je vous encourage à lire le texte original en anglais (en américain, plutôt) : "The World of Ā" , souvent publié sous le nom de "The World of Null-A". Mais Van Vogt n'étant pas un styliste remarquable et le traducteur français n'étant autre que le grand Boris Vian, je conseille la traduction.
Je suis un lecteur vorace de science-fiction, mais "Le monde des Ā" est un des rares romans que j'ai lu plusieurs fois. L'aventure qui s'y déroule ne mériterait pas à elle seule ma préférence. Ce qui me séduit, c'est que le récit est une vraie initiation à la sémantique générale d'Alfred Korzybski . Sans aucun doute, ce livre m'a enseigné une forme de pensée dont je me sers encore aujourd'hui.
Maquette du Tardis du Docteur Who réalisé par Blaise Muller
14) Le jour où vous devrez quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiteriez-vous que l’on retienne de vous professionnellement mais surtout humainement?
Quitter le monde du jeu ? Quelqu'un veut m'en expulser ?
Je quitterai le monde ludique quand on m'aura oublié. Ça n'a rien à voir avec le moment de ma mort.
Vous n'avez pas tort.
15) C'est malheureusement la fin de cet entretien, Blaise Muller, en prenant en compte votre vie professionnelle et personnelle êtes-vous heureux ?
Si je suis heureux ? Dans le sens habituel du mot, oui, sans aucun doute.
Si on voulait creuser, on serait reparti pour une interview de plusieurs semaines, sans intérêt pour vos lectrices et lecteurs (merci au passage à celles et ceux qui ont tenu jusqu'ici) !
Merci à vous Blaise
(Et à Florent Toscano pour vous avoir conseillé comme invité)
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Saison 1
Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno Faidutti 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
Pierô Lalune
Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
Tom Vuarchex
Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2 ème partie
Cyril Demaedg
Bruno Cathala 1 ère partie
Cyril Blondel
Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
Yahndrev 2ème partie
Emilie Thomas
Sebastien Dujardin
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Docteur Mops 1ère partie
Docteur Mops 2ème partie
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Croc
Martin Vidberg
Florent Toscano
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Nicolas Soubies
Juan Rodriguez 1ère partie
Juan Rodriguez 2ème partie
Bony
Yannick Robert
Docteur Philippe Proux
Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie
Yoann Laurent
Carine Hinder et Jerôme Pélissier
Dominique Ehrhard
Christian Martinez
Maxime Savariaud
Véronique Claude
Shadi Torbey
Saison 2
Fabien Bleuze
Serge Laget
Djib 1ère partie
Djib 2me partie
Florian Sirieix
Farid Ben Salem 1 ère partie
Farid Ben Salem 2ème partie
Julien Lamouche
Jean-Louis Roubira 1ère partie
Jean-Louis Roubira 2ème partie
Philippe des Pallières 1ère partie
Philippe des Pallières 2ème partie
Julian Malgat Tome 1
Philippe Tapimoket 1ère partie
Philippe Tapimoket 2ème partie
Théo Rivière
Reixou
Nicolas Bourgoin
Natacha Deshayes
Gary Kim
Emmanuel Beltrando
Tony Rochon
Thierry Saeys
Lia Sabine
Igor Polouchine 1ère partie
Igor Polouchine 2ème partie
Bernard Tavitian
Marcus 1ère partie
Marcus 2ème partie
Gaetan Beaujannot
Jean-Michel Urien
Michel Lalet 1ère partie
Michel Lalet 2 ème partie
Michel Lalet 3ème partie
Christophe Raimbault
Gaelle Larvor / Nam-Gwang Kim
Stefan Feld
Saison 3
Catherine Watine
Jean-François Feith
Nadine Seul 1ère partie
Nadine Seul 2 ème partie
Guillaume Lemery 1 ère partie
Guillaume Lemery 2 è me partie
Jérémie Fleury Tome 1
Aurore Matthey
Richard Garfield
Rémi Amy
Eric Jumel
Hadi Barkat
Roméo Hennion
Clément Leclercq