Réaliser l’entretien avec Yoann n’aura pas été une mince affaire
Yoann est un homme discret, mais avec de grandes responsabilités.
En effet sous son aspect débonnaire, il est le cofondateur ét gérant de Blackrock games, l'un des plus gros éditeurs et distributeurs français.
Nous avions commencé l'entretien en septembre, puis après 2 réponses et plusieurs mois passés, j'ai proposé à Yoann de nous rencontrer à Cannes, ce que nous avons fait, mais là encore son agenda surchargé nous a empêché de finir.
C'est par un échange téléphonique que nous avons pu terminer l'entretien, et que je peux maintenant vous le présenter.
Yoann, est à l'image de Blackrock : Discret, sympa et pro.
Il me parle de la naissance de Blackrock, d'Alain Ollier son oncle et fondateur également de Blackrock, de l'aspect familial encore bien marqué, du marché du monde ludique présent et futur, des révolutions qui arrivent, du géant Asmodée, des médias ludiques, de Matthieu d'Epenoux encore et toujours, et de son rôle en tant que père...
1) Yoann, aurais tu la gentillesse de te présenter
Bonjour, je m’appelle Yoann Laurent, auvergnat de 34 ans, en couple et papa d’un petit bonhomme de 13 mois. Amoureux de ma famille, de mes amis, de sport et presque toujours souriant.
A l’université, nous avions coutume de dire que l’on ne sait jamais où peuvent mener des études en STAPS (fac de sport)… et bien elles m’auront mené dans l’univers des jeux de société.
A l’issue de mon master en management du sport, nous (avec 3 amis dont l'un fait aujourd’hui partie de Blackrock) avons choisi le projet de fin d’étude suivant : « Commercialisation et communication d’un jeu de société sur le thème du sport ».
Et plus particulièrement du jeu « La bonne échappée », devenu ensuite « Leader 1 ». Le prototype de ce jeu, créé par mon oncle Alain Ollier il y a maintenant 25 ans, rythmait les réveillons de Noël. On jouait au jeu de vélo pendant que le reste de la famille s’affrontait à la belote et au petit matin l’ouverture des cadeaux devait attendre la fin de notre troisième étape de la nuit.
Pendant près de 15 ans, le jeu nous a valu de nombreuses nuits blanches et c’est tout naturellement que j’ai eu envie de faire coïncider cette passion pour ce jeu à mes études.
Nous ne connaissions pas du tout le monde du jeu et ce projet nous a permis de comprendre que ce n’est pas parce qu’il y avait 120 000 licenciés et des millions d’amateurs du Tour de France que nous allions en vendre des millions d’exemplaires. Cette année-là, Alain rentre du réveillon de Noël avec l’idée de créer un jeu avec des règles simples, se jouant en 10 minutes et facile à produire (donc plutôt un jeu de cartes) et le 26 décembre 2005 au soir, il m’envoie un sms « Le garçon est né, il pèse 120g. »
En quelques heures le jeu « Garçon ! » était né et suite à quelques festivals, notamment Panazol, nous avons décidé de créer une société afin d’éditer ce jeu. L’aventure était lancée et cela fait maintenant 10 ans que je travaille au sein de Blackrock.
Aujourd’hui, on ressent tout de même plus de calcul
2) En 10 ans Blackrock est devenu l’un des acteurs les plus importants du milieu ludique français. Que s’est-t-il passé pour toi au fil de ces années ? Peux-tu nous raconter ton arrivée dans ce microcosme, et comment tu t’es retrouvé face à des gens plus âgés, avec plus d’expériences ?
Tout s’est très bien passé immédiatement où tes débuts ont-t-ils été compliqués ?
Comme évoqué précédemment, nous sommes vraiment partis de rien. Au début, j’ai pris ma voiture avec le jeu « Garçon ! » dans le coffre et je suis allé le présenter dans les boutiques spécialisées. Cette démarche assez originale a dès le départ été bien accueillie par les gérants de boutiques et le contact avec ces professionnels a tout de suite été très enrichissant.
Personnellement, ne venant pas d’une branche commerciale, j’ai tout appris sur le terrain et donc auprès de tous ces amoureux du jeu qui sont pour la plupart toujours là aujourd’hui et avec qui les relations sont excellentes. Bien sûr, les boutiques se méfiaient un peu du petit jeune qui a trouvé leur numéro sur les pages jaunes et qui souhaite venir leur présenter un nouveau jeu auto-édité mais comme le jeu était très simple et qu’il y avait moins de sorties qu’aujourd’hui cela s’est très bien passé. C’est d’ailleurs une des raisons principales qui nous a permis d’exister.
Aujourd’hui le monde du jeu s’est largement professionnalisé et il devient de plus en plus difficile de sortir de la masse sans des moyens conséquents et une certaine reconnaissance.
Pour ce qui est des autres professionnels, toutes mes rencontres ont toujours été très agréables et tout est finalement allé de soi. Nous avons avancé petit à petit et avons toujours côtoyé des personnes bienveillantes. J’ai personnellement très vite noué des relations très amicales avec Matthieu d’Epenoux ou Roberto Fraga par exemple et comme ils sont eux aussi très jeunes ;-), mon âge n’a jamais été un problème.
Leur expérience et leur connaissance du milieu m’ont très vite beaucoup apporté. Il s’agit effectivement d’un microcosme mais dans lequel les relations sont très cordiales et où le contact est facile. Le secteur était tout de fois moins développé il y a 10 ans et même si cela est encore vrai aujourd’hui, on ressent tout de même plus de calcul.
Alain Ollier
3) J’ai l’impression, et tu me contrediras si je me trompe, que Blackrock ne s’aligne pas volontairement tout à fait de la même manière que les autres grands éditeurs.
Vous semblez moins parfois, et sans que cela soit péjoratif du tout, dans le buzz, que pratiquent certains d’ailleurs très bien, vous semblez presque underground.
Dans le même temps plusieurs professionnels (vendeurs, animateurs…) me parlent positivement de votre façon de fonctionner.
Ce positionnement est-ce un choix fort de ta part ou cela s’est-il fait inconsciemment au fil du temps?
Au début ce n’était clairement pas réfléchi, nous arrivions dans ce milieu avec des compétences diverses et celles liées à la communication n’étaient pas les plus développées…
Heureusement Tony Rochon, un proche d’Alain devenu depuis un ami, a illustré notre premier jeu « Garçon ! », le second « Huuue », et le logo de Blackrock. C’est lui qui a orienté notre image en rapport à ce que nous lui demandions. Nous avons commencé en créant « Garçon ! », mais sans savoir ce qu'il y aurait ensuite, c'était un plaisir de publier un jeu d'Alain (Ollier) mais nous n’envisagions pas du tout créer une boite qui durerait 2ans, 3 ans... C'était vraiment « on fait ce jeu, c'est vraiment super et on verra ensuite. »
Très vite, et ça rejoint ce que tu dis, ce qui nous a semblé primordiale c'était de présenter le jeu dans les boutiques, on voyait qu'elles appréciaient la démarche, et ça fonctionnait très bien.
Avec la communication, nous faisions avec les moyens du bord qui étaient limités, un tee-shirt, 2 ou 3 petites choses, nous avons commencé avec une table d'auteur à Cannes, et avec le temps nous nous sommes développés, la distribution a pris de plus en plus d'importance, et la communication a été un peu laissée de côté. Nous nous rendions compte de nos lacunes mais il y avait tellement de choses à faire... Nous ne prenions jamais le temps et pensions qu’au niveau des dépenses il y avait d’autres priorités.
Nous avions des stands conviviaux et bon enfant et les gens qui venaient sur le stand étaient satisfaits. Cela ne nous encourageait pas à faire de gros efforts sur ce point-là. En fait cette image décalée nous a toujours bien correspondu.
C'est juste depuis 1 an et demi que Caroline nous a rejoint pour travailler sur la communication, elle avait un ENORME chantier ! (Rires)
Petit à petit elle commence à rattraper le retard.
Louise nous a également rejoint en début d'année pour la partie événementielle. Leur travail combiné permet de belles avancées. Nous voulons maintenant être plus exigeants, mais sans perdre notre image conviviale, « franchouillarde » dans le bon sens du terme.
Nous voulons que les jeux soient le plus mis en avant possible, que nos éditeurs partenaires soient présentés de la meilleure des manières mais toujours en conservant nos valeurs.
Au niveau des médias, là aussi nous faisions le minimum avec les vidéos, notre site et fournir les informations aux différents sites spécialisés. Depuis le début, tout ce que l’on gagnait était réinvesti dans le prochain jeu et au final les dépenses n'ont pas été mises dans la communication. Pour nous, le point principal était de présenter le jeu aux boutiques et sur les festivals.
Aujourd’hui, nous souhaitons faire en sorte d’être plus visibles et allons faire le nécessaire mais ne compte pas sur nous pour des stands à paillettes !
Yoann, en compagnie de Tony Rochon et Thibaut Quintens sur la Croisette
Le mot patron ne me correspond pas vraiment.
4) Comment fonctionnes-tu avec tes employés ?
J'imagine que parfois tu dois remettre en cause leur travail, ce n'est pas facile pour la personne à entendre mais également délicat pour celui qui doit le faire.
Blackrock c'est plutôt une entreprise familiale (ou de copains), où bien tu tiens à garder tes distances avec tes employés afin de maintenir une hiérarchie ?
Comment travailles-tu avec Alain, ton oncle, comment concilies-tu famille et travail ?
Le côté familial a toujours été très présent et l’est toujours.
Nous n’avons jamais fait d’offre d'emploi. Les personnes qui constituent Blackrock sont soit des personnes de la famille, soit des amis, soit des personnes que nous avons appris à connaître au fil des festivals et avec qui nous avons noué des amitiés fortes.
Jusqu'ici, il n’y avait pas vraiment de hiérarchie, tout le monde était au même niveau, dans la même aventure. Nous arrivons cependant à une taille où il devient nécessaire d’avoir un référent pour chacune des grandes parties de notre travail (logistique, commerciale France, commerciale Export). Je souhaite tout de même que chacun soit très autonome et puisse aborder aisément tous les points qui lui paraissent flous.
Pour moi, le plus important c'est la communication (dans le sens dialogue). Il est primordial que chacun puisse échanger, ne pas laisser un problème naître puis rester sans réponse. Et malheureusement depuis quelques temps le fait de courir en permanence ne me permettait plus d’être suffisamment disponible pour cela. D’où l’idée des référents pour chaque partie.
Maintenant si quelque chose chagrine quelqu'un, il peut aller voir le référent pour échanger très rapidement.
Par rapport au côté familial, je ne suis pas le mieux placé pour en parler, mais je pense que tout le monde a ce sentiment de faire partie de la « famille » Blackrock.
Je suis très content que l’on ait ce fonctionnement-là, ce côté amical et nous souhaitons conserver cet état d’esprit.
Le mot patron ne me correspond pas vraiment. Chacun est responsabilisé et au final tout le monde a un rôle important dans l’aventure Blackrock. J’essaie d’insuffler cela et de faire passer nos valeurs.
Repas du dimanche soir à Cannes cette année
Tu penses qu'avec la boîte qui va grossir, est ce que c'est quelque chose que tu vas devoir endosser ?
Je pense que le système de référent va permettre que je sois là en satellite et toujours disponible si quelqu'un a besoin de se confier. Je suis toutefois conscient que l’image de Blackrock et la mienne sont assez liées.
Avec l’arrêt de l’édition Alain a pris un peu de recul. Il souhaite se consacrer à la création mais il reste associé et représente un peu « le sage » de Blackrock.
Pour les grandes orientations et lorsque des questions importantes se posent il est essentiel pour moi de pouvoir en discuter avec lui.
C'est lui qui va trouver les mots et la solution pour que tout se passe sereinement.
5) Blue Orange est le plus gros éditeur avec qui tu collabores je crois, comment gères-tu la relation avec une entreprise qui j'imagine doit recevoir des sollicitations pour changer de distributeur ?
Vous vous rencontrez, appelez souvent avec Timothée ou ce sont plus vos employés qui gèrent les démarches entre les 2 entreprises ?
Nous avons le même fonctionnement avec Blue Orange qu'avec les autres éditeurs et fournissons le même service. Ils ont toutefois un nombre de sorties important et des jeux qui connaissent un beau succès. Cela demande donc plus de temps.
Nous faisons en sorte d'échanger toutes les semaines avec Timothée, de faire des points réguliers et de réfléchir à ce que l’on peut faire pour promouvoir au mieux chaque jeu.
Ensuite chacun travaille en relation avec la personne qui s’occupe de la partie correspondante chez l’un ou l’autre.
L'exemple de Blue Orange est intéressant car synonyme de la façon dont nous souhaitons travailler avec nos partenaires. Il s’agit d’une société importante certes, mais surtout très humaine. Nous avons une façon très simple et très agréable de travailler, des liens forts et le but est de trouver ensemble comment faire en sorte de faire au mieux pour chaque jeu, de satisfaire les joueurs, les boutiques…
Maintenant pour Asmodée, espérons qu'ils conservent leur esprit initial
6 A) Asmodée, ton principal concurrent, grossit de plus en plus, il vient de racheter Filosofia. Certains s'en inquiètent, d'autres comme Monsieur Phal pense que le marché n'a jamais été aussi ouvert et qu'il se régulera de lui même grâce à des acteurs comme Blackrock justement.
Quelle est ta relation avec Asmodée tout d'abord? Te permets-tu de les joindre quand tu vois une situation qui te semble inappropriée de leur part par exemple?
6 B) Matthieu d'Epenoux expliquait dans une interview qu'Asmodée ne pouvait pas ne pas rejoindre l'association des éditeurs dont tu fais partie, penses-tu également que cela soit nécessaire, et que c'est dans la suite logique de l'organisation du marché ludique français ?
Je sors justement de la réunion des éditeurs de jeux. Nous étions une trentaine de personnes dans la salle. Nous sommes « concurrents » mais il n'y a pas du tout cette sensation, le but est de faire avancer le marché ensemble.
Avec Asmodée, effectivement c'est un concurrent mais nous ne le percevons pas ainsi, nous en sommes très loin, presque sur une autre planète. Nous sommes plus proches des éditeurs distribués par Asmodée.
Personnellement je me suis toujours dit qu'Asmodée n'était pas un concurrent et qu’au contraire c'est grâce à un acteur comme lui que le marché est ce qu’il est aujourd’hui et qu’il se développe.
Au départ, ils ont pris des paris risqués, ils ont travaillé étroitement avec les boutiques, participé à de très nombreux événements et permis au secteur de se démocratiser.
C'est pareil avec un acteur comme Gigamic qui est présent depuis de nombreuses années et qui œuvre pour le développement du marché.
Tout ce qui se passe aujourd'hui, ce sont des craintes que ressentent un peu tous les acteurs du marché, « qu'est ce qui va se passer ? », tout le monde est en attente de ce que peut faire Asmodée, que ce soit les boutiques ou les éditeurs, qu’ils soient distribués par Asmodée ou par d'autres. Il y a une effervescence autour d’eux et nous sentons qu'y a des choses fortes qui se passent et qui peuvent avoir des implications sur le secteur, mais pour nous, là aussi c'est assez loin, donc au final, nous consacrons notre énergie à distribuer des bons jeux, de travailler avec des éditeurs avec qui nous avons de bonnes relations et avec qui on peut avancer ensemble de la meilleure des manières.
Maintenant pour Asmodée, espérons qu'ils conservent leur esprit initial et qu'il n'y ait pas de changement radical. La seule crainte, c'est qu'ils changent radicalement leur façon d'être car cela aurait un impact sur tout le secteur du jeu de société.
Mathieu d'Epenoux, je l'ai rencontré dès le départ, il y a 10 ans. J’avais alors 23 ans et il représentait pour moi une des personnes les plus influentes du secteur (je le voyais dans les Tric trac TV, dans les magazines spécialisés…), mais c'est une personne très accessible avec qui j’ai vite noué d’excellentes relations. Nous avons une vision assez proche concernant le lien avec les boutiques, la présence sur les festivals et il me semble normal qu’il souhaite que son distributeur reste au cœur de la scène ludique.
Séminaire des éditeurs distribués par Blackrock
Donc c'est pas prévu qu'ils arrivent dans la réunion des éditeurs.
Je n'en ai aucune idée, par contre au niveau de l'union des éditeurs il y a beaucoup d'éditeurs distribués par Asmodée.
Une majorité des personnalités phares de « l’Union des Editeurs de Jeux de société » sont des éditeurs distribués par Asmodée.
C'est aussi pour cela que nous n’avons pas forcément de contacts avec Asmodée, car Asmodée a aussi un rôle de distributeur. C'est comme nous à Blackrock, je posais d’ailleurs la question à la réunion des éditeurs « Est-ce que l'on a encore notre place ici ? »
Alors à plein de niveau oui évidemment car on est en contact avec les joueurs via les festivals ou les boutiques, on peut même avoir plus de légitimité parfois qu'un éditeur, pour avoir des arguments ou des infos à faire passer, mais c'est vrai que nous sommes plutôt distributeur.
6 C) Comment vois-tu tous les rachats actuels? Est-ce quelque chose auquel tu as également pensé pour Blackrock ?
Pour les rachats, c'est quelque chose d'assez latent. En février à Nuremberg, on ressent que cela bouge un peu dans tous les sens. De notre côté nous écoutons, mais nous n'avons pas la volonté d'acheter, ou d'être racheté.
Je n’ai pas d’opinion particulière par rapport à ces rachats. Nous sommes dans une activité en plein développement et les notions d’argent sont de plus en plus fréquentes et sont au centre des discussions.
Je ne suis pour ma part pas dans ces réflexions là car nous avons encore déjà de nombreuses choses à faire pour nous stabiliser.
Ce que l'on souhaite c'est de continuer à nous développer mais il ne s’agit pas d’envies de vouloir atteindre tel chiffre d'affaires ou devenir plus gros qu’untel.
Ce que l’on souhaite c'est continuer à bien distribuer les jeux en boutiques, accompagner nos partenaires pour que les jeux soient les meilleurs possibles et distribués dans les meilleures conditions.
Nous savons que pour nous développer il faudrait soit plus de jeux, soit travailler différemment.
Mais notre façon de travailler auprès des boutiques, fait que l'on ne peut pas se permettre d'avoir trop de jeux. Là on atteint le niveau où l'on se dit que c'est très bien, 40 à 50 sorties dans l'année et 10 à 20 extensions ou déclinaisons. C’est déjà un nombre important, et avec plus de jeux, on risquerait de plus pouvoir pousser chaque jeu, ou alors on risquerait d'en favoriser l'un à la place d'un autre, et ça c'est ce que l’on ne veut surtout pas !
Nous pensons donc être assez proches de notre rythme de croisière car je pense qu’il est préférable de pouvoir limiter le nombre de sorties mais s’y consacrer pleinement.
Repas à Essen
6D) Comment vois tu le marché évoluer dans 5/10 ans ? Que ce soit pour les éditeurs, distributeurs comme toi, ou pour les plus petites structures, voire encore même pour les médias , il y a Tric trac et Ludovox, tu penses qu'il y a la place pour un seul ou que cela au contraire va se développer ?
Comme nous venons de l’évoquer, au niveau des distributeurs cela bouge énormément et c'est assez difficile de connaître les évolutions à venir. Nous devons nous démarquer et proposer un service irréprochable car au vu du nombre d’acteurs de plus en plus important, il va devenir difficile pour tout le monde de croître.
Je ne sais donc pas du tout combien il y aura de distributeurs dans 5 ou 10 ans. Est-ce que les distributeurs vont continuer de fleurir ou est-ce qu’il y en aura trop et que certains mettront la clé sous la porte ? Cela est très difficile à prévoir.
Il y a peu, il y avait avant en France Iello, Gigamic, Asmodée, Paille éditions, Piatnik, Oya, Djeco, Haba, BlackRock et j'en oublie certainement mais pas tant que ça... Il s’agissait d’acteurs présents depuis de nombreuses années.
Il n’y a pas eu de mouvements pendant de nombreuses années, et c'est le point délicat en ce moment. Actuellement, et c'est une question qui revient avec les kickstarters, de nombreuses personnes, que ce soit l'auteur ou l'éditeur, se demandent « comment je peux me passer du distributeur ou me passer des boutiques? ».
Je trouve cela dommage, car même si c'est bien de remettre en question des fonctionnements et ne pas se borner à faire ce qui est fait, c'est ce fonctionnement qui a permis au monde du jeu de société de passer d'un microcosme à ce qu'il est aujourd'hui et que toutes les sociétés présentes aient une belle croissance. Aujourd’hui on sent que cela devient plus une approche business, que ce sont des financiers qui arrivent...
Yoann en compagnie d'Hervé Rigal
Tout ce côté là est assez perturbant que ce soit pour nous, pour les boutiques, car ce sont elles qui oeuvrent sur le terrain, certains sont là depuis 20 ou 25 ans. Ce sont grâce à des personnes comme elles ou Gigamic ou Asmodée qui sont là depuis longtemps et qui vont dans le même sens pour développer le marché du jeu de société qui font que le secteur se porte bien et que les jeux de société se démocratisent.
Le système avec l’auteur qui croit en son jeu et le développe, l'éditeur qui pousse l’auteur dans ses retranchements et qui met le jeu en valeur, le distributeur qui essaie d'offrir le meilleur service aux boutiques, et la boutique qui, sur le terrain au quotidien, vend des jeux me semble être un système qui a porté ses fruits et qui, malgré tout depuis quelques mois, est remis en question par appât du gain.
Au niveau des kickstarters, je ne suis pas un spécialiste. J’espère que cela va continuer mais pour des jeux qui s'y prêtent et qui s’adressent à une niche.
Sur un certain type de jeux c'est complémentaire. Mais il faut que les boutiques restent au cœur du système pour qu'un jeu ait une diffusion large.
Pour les nouveaux éditeurs, c'est toujours possible. Nous le voyons notamment avec nos nouveaux partenaires depuis 2 ans : BLAM avec Celestia qui fait un beau succès, Bankiiiz avec Dino twist qui a très correctement marché et avec Bubblee pop qui part très fort, Tiki Editions avec Gaia et Hein qui réalisent de très beaux scores, Buzzy games avec la gamme des Top face, Top dance et Top fantasy qui touche une clientèle large, Act in games avec Piratoons et Aya qui là aussi trouvent leur public, Gameflow avec Chimere. Ce sont tous des éditeurs qui sont apparus récemment et qui pérennisent leur activité. Ils prennent leur temps, mettent les moyens nécessaires, donc c'est possible de commencer et de réussir mais toutes ces personnes se sont bien entourées.
Ce sont des personnes qui ont des compétences, des relations dans le secteur, ou qui travaillent dans le secteur depuis longtemps, ce ne sont pas des novices mais tous des gens du secteur et qui se sont entourés avant de sortir leur jeu.
Ce que l’on a fait il y a 10 ans avec Garçon serait quasiment impossible aujourd’hui. Le secteur s'est vraiment professionnalisé, le niveau d'exigence a évolué, et si le jeu ne répond pas aux exigences qu'elles soient mécaniques, ludiques, esthétiques, ou au niveau de la qualité du matériel, le jeu aura très peu de chance de se vendre de manière correcte car le secteur est devenu extrêmement concurrentiel. Aujourd’hui les clients ne peuvent bien sûr pas tout acheter mais les boutiques non plus et le risque de faire un flop est beaucoup plus important.
Les éditeurs majeurs se sont quant à eux développés et portent une attention considérable sur chaque point, tout est réfléchi, du prototype à la communication sur les festivals et dans les différents média. Des moyens considérables sont mis sur les illustrations et des personnes hyper compétentes y travaillent au quotidien. Ce n’est plus un « à côté » comme cela l’était pour beaucoup il y a une dizaine d’années. Donc si les nouveaux éditeurs n'ont pas toutes ces exigences alors ce sera très difficile pour eux.
Les éditeurs existants vont continuer de s’améliorer et de mettre des moyens de plus en plus conséquents, donc les jeux devraient être de plus en plus qualitatifs. On peut toutefois craindre une certaine uniformisation mais je pense qu'y aura toujours des gens pour apporter une certaine originalité.
Jean Louis l'un des associés de Blackrock
Au niveau des média, je pense qu’il y a de la place pour Tric trac et Ludovox, les 2 mettent des choses différentes en avant, chaque joueur trouve dans l'un ou dans l'autre ce qui l'intéresse.
Vu que le secteur se développe il y aura peut-être un autre moyen de communiquer qui va arriver mais je ne suis pas suffisamment informé à ce sujet pour en juger.
Tric trac s'est vraiment professionnalisé, la qualité est énorme, donc pour arriver maintenant il faut avoir une exigence élevée ou comme toi avoir un concept différent qui présente le jeu ou ces acteurs d'une autre manière et avec un point de vue qui va pouvoir intéresser d'autres personnes.
Je vois finalement plus de place pour des sites ou des blogs qui traitent un axe en particulier.
Les média généralistes commencent également à faire des reportages plus intéressants.
Avec le travail qui va être fait par l'union des éditeurs de jeu, on va sans doute enfin sortir des traditionnels reportages sur une énième version du Monopoly ou du Scrabble. Au lieu de contacter la fédération du jeu et du jouet ou La Grande Récré, les média auront un interlocuteur au sein de l’union des éditeurs. Ils pourront ainsi se rendre compte de l’effervescence d’un secteur qui réalise des chiffres comparables à ceux d’industries beaucoup plus médiatisées.
Lorsque l’on propose des informations chiffrées, les média sont tout de suite beaucoup plus attentifs.
Cet aspect devrait donc se développer dans le bon sens.
Personnellement je trouve que je gère très bien. La réponse de ma compagne à ce sujet est beaucoup moins affirmative…
7) Tu es papa d'un très jeune fils, être gérant d'une telle entreprise demande j'imagine des sacrifices, tel qu'un stress plus important , ou des déplacements réguliers pour les festivals, comment gères-tu ta vie personnelle, familiale, avec ta vie professionnelle ?
J’ai effectivement un petit bonhomme qui vient de souffler sa première bougie.
Personnellement je trouve que je gère très bien. La réponse de ma compagne à ce sujet est beaucoup moins affirmative…
J’essaie de leur consacrer le plus de temps possible malgré des journées bien remplies et le fait d’être en plein développement ne permet pas de leur consacrer autant de temps que je souhaiterai.
Voir son sourire au réveil est le meilleur des anti-stress et jouer avec lui donne une pêche d’enfer donc j’essaie de profiter au maximum de chaque instant. Et pour ce qui est des déplacements, ils me suivent dès que les emplois du temps le permettent. Du haut de ses 13 mois, il connaît déjà des festivals et plusieurs boutiques.
8) Une anecdote drôle ou émouvante à raconter qui t'est arrivée avec un joueur ou un professionnel sur un festival ?
Il y en a eu tellement qu’il est difficile de n’en citer qu’une. De plus je trouve qu’une anecdote, ça se vit et ça se raconte dans un moment propice.
Alors pour faire court un petit florilège où de nombreuses personnes vont se reconnaître :
- Cannes en février ou Plouescat en août, les bains de minuit ont la même température...
- Les tours de France pour présenter des jeux c'est bien, mais avoir une bonne voiture c'est mieux ! Je tiens à remercier mon Kangoo jaune grâce auquel je connais de très nombreux remorqueurs.
- Un retour d'Essen épique avec Alain !
- Essen, des anniversaires à la Cantina, des 55 au Drago…
- Des séminaires dans des endroits très agréables et d'autres dans des endroits qui l'étaient beaucoup moins... mais où on rigolait tout autant !
- Les logements de Cannes...
- L'histoire des 3 nains...
- Des moquettes sur des festivals...
Et surtout de très nombreux beaux moments autour d’un jeu ou d’un verre sur les festivals que ce soit avec les joueurs ou les professionnels.
9) Souhaiterais-tu nous parler d'une œuvre ou d'un artiste que tu apprécies et que tu souhaiterais faire découvrir ou redécouvrir à mes lecteurs ?
Pas spécialement, car je suis plutôt très grand public et assez banal. Je suis d’ailleurs à côté de ma bibliothèque... Je suis plutôt Marc Levi, Musso, Harlem Coben, Michael Connely, Dan Brown, Harry Potter, Hunger games, Paulo Coelho...
Je lis beaucoup mais pour me détendre, j'ai tendance d d'ailleurs à ne pas me souvenir de ce que je lis.
En musique je suis très grand public également...
Goldman, Police, U2, Coldplay…
Pareil en jeu mais là c'est plutôt bénéfique dans le but de trouver des jeux qui plaisent au plus grand nombre.
Je suis assez bon public en fait.
Donc ce n'est pas forcément intéressant dans une interview comme celle-ci pour faire découvrir des choses à d'autres personnes.
Les œuvres grand public c'est bien aussi, tout le monde ne connaît pas forcément tous les auteurs que tu as cité, ou en tout cas les connaît mais n'a pas forcément lu un livre de ces auteurs...
C'est pas faux !
Explication en festival de boo!
10) Comment définirais-tu en un mot, oui un seul, chacune des personnes suivantes :
Alain Ollier, Marc Nunes, Timothée Leroy, Bruno Faidutti, Matthieu d'Epenoux,
Roberto Fraga, Croc, Frédéric Henry, Yannick Robert, Cyril Blondel
La réponse exclusivement sur
http://manuvotreserviteur.wixsite.com/jeuxviensavous/yoann-laurent
11) Imagine une soirée ensemble, mais nous ne nous connaissons pas ou très peu, je te propose de jouer à 3 jeux dans le but d’apprendre à se connaitre, lesquels me proposes-tu et pourquoi ?
Ou bien préfères-tu faire des canulars téléphoniques à Timothée Leroy, un verre de Saint-Véran à la main ?
Un petit mixte des 2 pourrait être sympa, bon le verre de Saint-Véran quoiqu'il arrive peut être de la partie !
Caractère de Jeux FK, Feelings de Vincent Bidault et Jean-Louis Roubira sont 2 jeux qui permettent de vite briser la glace !
Et Leader One, le jeu d'Alain Ollier, qui a amené à la création de la société, un jeu de cyclisme, où l'on va s'entendre pour créer l'échappée ensemble mais où après on se mettra peut être un petit coup dans le dos...
Pour apprendre à se connaître, il n’y a rien de mieux. Sur une course, on s'en rend vite compte !
Soirée couscous de fin d'année
Lorsque je suis sur un festival, que j’explique un jeu et que je prends du plaisir à jouer avec les personnes, je ne pense pas au reste mais juste au moment agréable que je suis en train de passer.
12) Le jour où tu devras quitter le monde du jeu, d’une manière ou d’une autre, que souhaiterais-tu que l’on retienne de toi en tant que professionnel mais aussi en tant qu'être humain?
En tant que professionnel, l’écoute, le sérieux et la rigueur. Ce n'est pas très drôle ce que je dis ! (rires).
En fait... Que ce soit en tant que professionnel ou en tant qu’être humain c’est surtout le sourire, la joie de vivre, le partage et que justement chacun se souvienne d’une anecdote drôle et d’un bon moment partagé.
Cela t'es déjà arrivé de devoir animer alors que tu avais des soucis personnels ?
Pas vraiment, les salons de jeux ont cette tendance à faire que tout le reste est un peu occulté et que l'on vit le moment présent.
Lorsque j’ai commencé, avant que cela ne devienne mon « vrai » métier, je disais souvent que c'était dur de revenir à la réalité après un festival. Et je trouve que cela est toujours très vrai. Lorsque je suis sur un festival, que j’explique un jeu et que je prends du plaisir à jouer avec les personnes, je ne pense pas au reste mais juste au moment agréable que je suis en train de passer. Donc il y a certainement eu des moments où j’avais de petits soucis personnels mais je ne les ressentais pas car c'est le plaisir du moment présent autour de la table qui prime.
Le plus difficile ce sont les grands moments de solitude, avec des gens qui sont loin loin loin de comprendre le jeu et là je me dis que ça va être compliqué...
On ne sait pas comment on va s'en sortir pour faire comprendre le jeu à une personne totalement larguée !
Ca m'est arrivé dernièrement au festival d'Epinal avec Watizit, et c'est vrai que c'est compliqué !
13) Malheureusement, c’est déjà la fin de cet entretien, Yoann, en prenant en compte, ta vie professionnelle et personnelle, es-tu heureux ?
Hein hein ! Grande question !
Oui très heureux... mais je l'étais tout autant quand on a commencé la société.
Ce qui me procure le plus de plaisir, ce sont les moments partagés autour des jeux et ce qui me procure le plus de satisfaction c’est de suivre notre chemin avec une équipe formidable autour de moi et créer de nombreuses belles amitiés.
Le fait d’avoir aujourd’hui des responsabilités plus grandes et que l'on soit un peu moins dans le monde des « bisounours » entouré uniquement de passionnés, fait que parfois ça me pèse un peu. Dans ces cas, cela fait du bien de couper et de se retrouver en famille.
Au niveau personnel très très heureux. J’espère juste que mon petit bonheur soit joueur. Il n’y a pas de raisons qu’il ne le soit pas…
Le bonheur, ce sont les moments auprès de ceux qui nous sont chers donc j’espère pouvoir en avoir un maximum sur les 2 plans.
Eh bien je te remercie beaucoup Yoann
J’en profite pour remercier ma maman, Alain, Hervé, Jean-Louis, Tony sans qui je ne répondrai pas à ton interview aujourd’hui. Et aussi Julian, Thibaut, Fanny, Charly, Clément, Florian, Cyril, Thierry, Karim, Caroline, Wlad, David, Louise, Hervé et Nicolas sans lesquels l’aventure ne serait pas aussi belle et ne se poursuivrait pas aujourd’hui.
Merci à toi pour ta patience et longue vie à Jeux viens à vous.
La semaine prochaine, l'interview se tournera vers les z'amours...
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Merci à mes Tipeeeurs de me soutenir : Arnaud Urbon, Bruno Faidutti et Emilie Thomas, Nicolas Soubies ,Virgile De Rais et dorénavant... Pierre Rosenthal!
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Yves Hirschfeld
Benoit Forget
Bruno Faidutti 1ère partie
Bruno Faidutti 2ème partie
Naiade
François Haffner 1ère partie
François Haffner 2ème partie
Pierô Lalune
Timothée Leroy
Mathilde Spriet
Sébastien Pauchon
Tom Vuarchex
Vincent Dutrait 1ère partie
Vincent Dutrait 2ème partie
Christophe Boelinger 1 ère partie
Christophe Boelinger 2ème partie
Régis Bonnessée
Roberto Fraga 1ère partie
Roberto Fraga 2ème partie
Cyril Demaedg
Bruno Cathala 1 ère partie
Cyril Blondel
Bruno Cathala 2ème partie
Yahndrev 1ère partie
Yahndrev 2ème partie
Emilie Thomas
Sebastien Dujardin
Florian Corroyer
Alexandre Droit
Docteur Mops 1ère partie
Docteur Mops 2ème partie
Arnaud Urbon
Croc
Martin Vidberg
Florent Toscano
Guillaume Chifoumi
Nicolas Soubies
Juan Rodriguez 1ère partie
Juan Rodriguez 2ème partie
Bony
Yannick Robert
Docteur Philippe Proux
Franck Dion 1ère partie
Franck Dion 2ème partie
Franck Dion 3ème partie