[Kahuna][Lost Cities : Le Jeu De Plateau][Targui][Targui]
Nous étions deux, les yeux dans les yeux, les nœuds dans les jeux. D’un geste de la carte jaillissait une action, d’un mouvement élégant se posait un pion, d’une combo exotique sautait un pont. Et le temps, ses ravages de poussières, son eau sous les aqueducs, ses rides au coins des paumes, passa, inexorablement. Jusqu’à nos jours. Nous sommes en septembre 2018, et une lumière jaune, vive et chaude redonne couleur à de doux plaisirs d’antan, de ceux qui ne se pratiquent qu’à deux.
Même pas mort !
En cette rentrée scolaire, ludique et littéraire, Iello a pris sur lui de relancer 3 bons jeux à deux que les plus ludovores d'entre nous ont déjà forcément pratiqué, s'ils ne les possèdent pas tout simplement dans leur ludothèque, sous quelque ancienne étiquette Kosmos ou Tilsit. Ces 3 classiques, toujours aussi plaisant et frais, du jeu en duel, n'étaient plus disponibles depuis quelques années déjà. C'est alors avec plaisir que l'on pourra donc remettre la main sur ces 3 pépites grâce au solaire éditeur nancéen. Petit tour d'horizon, pour ceux qui ne connaissent pas, sur ces 3 sympathique perles du ludique par paire...
Kahuna : main basse sur les îles
Le jeu de Günter Cornett est mon petit préféré, je dois l'avouer. Une partie de Kahuna se déroule en trois manches, pendant lesquelles, par le truchement de cartes représentant les îles d'un archipel somme toute peu pacifique, vous allez pouvoir poser ou faire sauter des ponts. Lorsque plus de la moitié des ponts accédant à une île sont à votre couleur, vous devenez maître de l'île, et faites sauter tous les ponts adverses qui y accèdent. Vous marquerez des points en fin de manche.
Si l'on démarre avec un territoire vierge à conquérir, les manches suivantes reprendront exactement là où vous vous serez arrêté. Il s'agira donc de gérer à la fois votre main, votre timing, mais aussi la quantité et facilité d'attaque des territoires. En effet, finir une manche en maître sur le fil de nombreuses terres immergées annonce un début de manche où vos ponts risquent de sauter. Il vous faudra donc habilement calculer les risques, les prises de position, et les attaques fourbes de votre adverse, et si possible le tout à la fois.
Targui : marcheurs de désert
La version deux joueurs du jeu d'Andreas Steiger (probablement plus connue que son grand frère) vous envoie traverser le désert afin de commercer avec plus fine tactique que le clan adverse. Dans Targui, un plateau d'action, constitué de cartes, est composé en début de manche. Outre les cartes du pourtour, représentant ressources et actions communes, on trouve au centre de l'aire de jeu des cartes Marchandises (offrant des ressources), et des cartes Tribu (à acheter contre des marchandises, elles offrent points de victoire et effets sympathiques).
A chaque manche, et à tour de rôle, les joueurs placent leurs pions Targui sur les cartes disponibles du pourtour, puis ajoutent ensuite, aux intersections de rencontre au cœur du plateau, des pions tribu. Chaque carte ainsi marquée offre à chaque joueur actions, ressources, ou opportunités auxquelles il peut répondre ou non. La partie prend fin lorsqu'un joueur a obtenu 12 cartes Tribu, ou que le pillard (un vilain pion qui fait le tour du plateau et embouse le monde) a réalisé 4 attaques. Mettre fin à la partie ne signifie pas forcément gagner, puisque les points s'obtiennent en combottant vos placements, l'empêchement de tourner en rond de l'adversaire, l'acquisition et utilisation des ressources, et l'achat de cartes Tribus juteuses en points. C'est toute une mécanique de fourberie commerciale et de traîtrise salée du désert que vous propose les sablonneux parties de Targui.
Lost Cities : Esteban, Zia, Tao, et caetera
Terminons enfin avec l'invitation au voyage du Docteur Knizia vers Les Citées Perdues. Un jeu simple, sobre, évident, et qui plus est beau. L'idée simplement esthétique mais fantastimaginaire des cartes composant un paysage en panorama a ici été revue, et sublimée, par un Vincent Dutrait tout en élégance scénopaysagraphiste. Dans Lost Cities, vous incarnez des financiers mécéniques d'expéditions dans de lointains ailleurs inconnus. Vous pariez pour cela sur des piles de cartes, dont le cumul de points sera, vous l'espérez, juteux, afin que les expéditions mises en avant vous rapportent un peu plus que ce que vous y investissez. A chaque tour, vous pouvez soit défausser une carte n'allant pas dans votre intérêt, soit poser une carte Pari sur une expédition, soit compléter les-dites expéditions avec un chiffre strictement supérieur à la dernière carte posée dans ce lieu.
Par exemple, si la dernière carte jouée en Amazonie est la 4, que ce soit chez vous ou chez l'adversaire, vous ne pouvez pas y jouer la 1, 2 ou 3 (on ne rebrousse pas chemin dans le savoir et la connaissance). Vous calculez en fin d'aventure la valeur des cartes jouées, minorée d'un malus de -20 (car cela coûte de partir autour du monde), résultat qui se module au vu des paris portés. Lost Cities vous demande donc de gérer votre main avec savance et tactique. Vaut-il mieux foncer sur une expédition, prendre son temps, y dilapider de nombreux paris, ou couper l'herbe sous le pied adverse, au risque de perdre des points (mais lui en perdra plus, et ça c'est important !) ? Une bonne et agréable fourberie entre gentlemans globe-trotters qu'il est plaisant et chatoyant de voir revenir.
