Je réagit à cette phrase d’inifinity en particulier et aux mécontents du KS en général :
“je dénonce clairement des dérives sur des éditeurs de jeux qui devaient être exclusivement distribués en boutique à l’origine et qui ont miraculeusement changé leur fusil d’épaule en voyant le jackpot.”
Avec ma faible intelligence en matière économique je me dis quand même que si des éditeurs font ce choix et s’en sortent si bien sans le circuit classique, je ne vois pas pourquoi d’autres s’en priveraient. Ils en assumeront les risques s’ils se plantent.
------- Le premier argument : le format d’édition -------
Le format d’édition de Conan fait qu’il n’a pas un grand intérêt en version classique pour le joueur lambda. Dans l’absolu il reste relativement limité avec ses 4 personnages jouables pour quelqu’un qui se cantonne aux règles et aux scénarii telles qu’ils sont écrits. Pour l’apprécier pleinement il faut mettre les mains dans la machine et se faire ses petits ajustements, ses petites règles, ses petits scénarii maison. Pas à la portée de tout le monde. Et finalement, ce pas tout le monde s’est retrouvé en masse sur le KS. Je ne parle pas d’intelligence du tout, simplement d’être suffisamment joueur pour accepter que jeu ne donne pas tout son potentiel simplement avec ce qu’il y a dans la boîte mais qu’il nous invite à mettre un peu de nous dedans. Tient, comme un JDR dis donc…
Ensuite, la comparaison qu’ils ne manqueront pas de faire entre le contenu de leur version classique et l’équivalent KS les refroidira immanquablement.
Est-ce que pour autant il fallait l’éditer sous un autre format pour ne pas pénaliser le circuit classique ? Je n’y vois aucune raison. C’était pas du tout dans l’intérêt des joueurs. Et rien ne dit que les 90 € de financement sont une perte sèche pour les boutiques. D’une part ils ont été investis pour une période assez longue et dans l’intervalle les joueurs ont continués à acheter. Après quoi on trouve en boutique la version classique un peu castrée, évidemment, mais aussi les add-ons et les extensions qui viendront. Pour le coup, le démarrage fait peut-être grincer des dents, mais si le suivi est assuré par Monolith les boutiques n’auront pas à se plaindre. Tout le monde n’a pas craqué sur les extensions à l’époque, donc certains viendront en boutique pour prendre la suite.
Mais pour qu’il y ai suivi il faudra créer de bonnes conditions d’accueil à la gamme. Court terme et moyen terme.
------- Le second argument : humainement impossible -------
Il est humainement impossible, même pour quelqu’un qui tient une boutique, de jouer à tous les jeux ni de tous les avoir en boutique. Partant de là il faut donc faire des choix si on veut être de bon conseil et crédible quand on vend ces produits.
Si un jeu financé sur KS n’est pas d’un format compatible avec le circuit classique et qu’on doit arbitrer entre tous les jeux qu’on pourra vendre, pourquoi tenir absolument à vendre un truc pas fait pour, c’est idiot.
------- Le troisième argument : Les dollars -------
Le gros fantasme de l’argent qui coule à flot. Les marges, les bénéfices, le chiffre d’affaire, les millions au compteur. Ça fait bander cinq minutes et puis on écoute les gens concernés en parler.
On les aime bien mais on les trouve suspects et on sort notre calculatrice. Et puis on se dit que, merde, c’est pas ce qu’on avait imaginé. Enfin ça c’est si on fait l’effort d’aller au-delà de la simple lecture des chiffres affichés.
Pour le coup Fred Henry et Benoit Banier ont très ouvertement parlé du sujet, chose qu’on n’entend habituellement pas du tout. Par pudeur certainement. Et ils montrent par a + b qu’ils augmentent leur marge évidemment. Mais rien de renversant. Enfin, je suis le seul à leur trouver toujours une salle gueule de types fatigués ?
Se coltiner le monceau de conneries qu’ils doivent se coltiner avec leur boite d’édition, la tonne de travail pour faire qu’à la fin tout le monde est content. Et encore même pas. Ben je leur laisse volontiers et je dis merci.
J’ai vu la Batmobile de Fred Henry à St Vincent de Boisset, ben elle ferait pleurer le joker. C’est dire.
------- Le quatrième argument : le circuit classique -------
L’économie du jeu s’est construite sur un format classique qui a perduré longtemps. On doit aller dans un boutique acheter une boite depuis très longtemps. Oui, enfin 40 ans en fait.
Depuis on a vu apparaître les boutiques en ligne. Les grandes surfaces, spécialisées ou pas. On a même vu apparaître des versions numériques des jeux de société.
Pour le coup, le secteur a un wagon de retard sur les autres produits culturels. Musique, films, livres, jeux vidéos.
Les vidéothèques ont disparu. C’est triste, surtout pour les jaquettes porno au fond, derrière le rideau de perle.
Les disquaires ont quasi disparu, c’est pas marrant c’est sûr. Les gens écoutent pourtant plus de musique qu’avant.
Les gens s’abonnent à Netflix et sortent moins au cinéma. Même pas finalement.
Les liseuses font perdre des parts au marché classique du livre. Pas tellement et on a jamais autant lu.
Les livres de poche ont démocratisé la lecture ou l’ont appauvri. Qui sait.
On peut discuter des heures des mutations du secteur, prendre les chiffres dans le sens qu’on veut. Le secteur évolue et les pratiques d’hier ne sont pas celles de demain. Il était impensable qu’un éditeur puisse se débrouille tout seul, et même se monter de toute pièce pour l’occasion d’un jeu et se passer de tant d’intermédiaires. Beaucoup l’ont fait maintenant.
Certains se sont plantés ou ont simplement été moyens. Mais d’autres ont montré que c’était possible, que le consommateur pouvait même y gagner et tout ça avec des chiffres affriolants.
La réaction ne devrait pas être de condamner ces pratiques mais de les comprendre. L’adaptabilité est une nécessité économique. Si ils peuvent fonctionner comme ça il faut soit l’accepter soit essayer de se faire une place dans le circuit.
J’ai même vu des tentatives de culpabilisation. On touche le fond en matière d’argument.
Je suis beaucoup plus gêné par des grandes surfaces qui vendent des boîtes de jeu que je trouve aussi dans ma boutique préférée. Je parle même pas des rayons incongrus dans les FNAC et assimilés, sans là non plus de vendeurs dédiés.
En terme d’impact, malgré ce foutage de gueule navrant, j’aurai tendance à penser que c’est sans commune mesure avec KS. Quand on sait ce que représente un Dobble ou autre en terme de ventes ça fait peur…
Et pendant ce temps il n’y a jamais eu autant de boutiques de jeu de société, de bars à jeux, d’associations de joueurs, de salons et d’affluence dans ces salons. Que chacun en veuille sa part est normal mais il faut s’en donner la peine sans quoi la mutation se fera sans vous.