Kids of London : Pour gagner… soyez deuxième !
L'idée de Kids of London est simple : pour gagner il ne faut pas terminer premier mais deuxième, car le joueur le plus riche à la fin la partie devra impitoyablement défausser tout son butin ...
La création de Kids of London a commencé en Alaska. Mon père étant sociologue nous étions partis quelque temps en voyage. Là-bas, nous passions une bonne partie de notre temps à faire des jeux d'extérieur. En effet en Alaska, il est intéressant de remarquer que non seulement les sports mais aussi les jeux de plein air sont très populaires : le Cornhole par exemple est très répandu. Ainsi, un jour, nous venions d'achever une partie de molkky avec des amis quand je rentrai à la maison avec une idée en tête : et si j'adaptais le molkky en jeu de cartes ...
L'idée peut paraître saugrenue pourtant je ne pensais pas à l'adapter comme un jeu de cartes d'adresse mais comme un jeu de cartes tactique. En effet, ce qui me séduisait beaucoup dans l'idée du molkky c'est cette fameuse règle :
-Si je fais tomber une quille, je marque les points indiqués sur cette quille.
-Si je fais tomber plusieurs quilles, je marque le nombre de points correspondant au nombre de quilles que j'ai fait tombées
Je décidai donc d'en faire un jeu de plis dont le principe était très simple.
-Celui qui met la carte de la plus faible valeur remporte sa carte et la place face visible devant lui : elle lui rapportera à la fin de la partie autant de points que sa valeur.
-Celui qui met la carte de la plus forte valeur remporte toutes les cartes jouées lors de ce tour (hormis la plus petite) qu'il place devant lui face cachée : elles lui rapporteront à la fin de la partie 1 point chacune.
Ce système paraissait plutôt efficace mais ce n'était qu'un système et non un jeu. Je fis ainsi quelques tests de manière sommaire et le constat fut clair : il manquait une ossature sur laquelle je pourrais développer cette idée. Je décidai donc de laisser l'idée en repos pour le moment et de retourner aux forêts du grand Nord.
Deux mois plus tard, alors que j'étais rentré en France, dans les Alpes cette fois-ci, je m'étais mis à lire Les Mohicans de Paris, un très beau roman d'Alexandre Dumas qui se construit autour d'une magnifique description des bas-fonds de Paris.
" Les romans, poète, c'est la société qui les fait ; cherchez dans votre tête, fouillez votre imagination, creusez votre cerveau, vous n'y trouverez, en trois mois, en six mois, en un an, (...) rien de pareil à ce que le hasard, la fatalité, la providence noue et dénoue dans une nuit, dans une ville comme Paris. "
Les Mohicans de Paris, chapitre 8
Dans ce roman, Dumas nous emmène dans les rues de Paris. Mais comme je vous le disais, pas n'importe quelles rues : pas celles où siège la noblesse, ni celles encore où logent les bourgeois. Non : celles où vit le peuple. Les Mohicans de Paris, ce sont un peu ses Misérables à lui, en quelque sorte. Et il faut savoir que dans ce roman certains protagonistes sont dans une misère telle qu'ils sont plus ou moins obligés de voler pour survivre.
Les voleurs à la fourline sont les tireurs de bourses, de montres, de mouchoirs.(...) Les scionneurs sont ceux qui entourent d'un mouchoir ou d'une corde le cou de la personne qu'ils veulent voler, et la chargent sur leurs épaules, tandis que leurs complices la barbottent, c'est-à-dire la fouillent. Enfin, les vantarniers sont ceux qui volent la nuit, par les fenêtres, à l'aide d'une échelle de cordes.
Les Mohicans de Paris Chapitre 1
Et bien entendu, comme souvent, l'argent qui est volé par les petits voleurs ne leur revient pas toujours, il revient au maître du quartier... Une idée de jeu me vint alors : et si les joueurs incarnaient ces voleurs désireux de faucher les bourgeois ? Mais attention, celui qui volerait le plus d'or à la fin de la partie devrait tout donner au maître. C'est donc le deuxième joueur le plus riche qui l'emporterait ! Cette piste me plaisait beaucoup mais maintenant il fallait trouver une mécanique qui s'adapte à elle. C'est là que l'idée du jeu de plis de type « molkky » m'est revenue et voilà comment je l'ai adaptée :
Chaque joueur a maintenant une main identique avec des valeurs de 0 à 8.
A chaque tour, un personnage est tiré, ce personnage a une valeur indiquant le nombre de pièces qu'il porte sur lui (exemple : Une Bijoutière avec six pièces).
Ensuite chaque joueur choisit une carte de sa main et la pose face cachée devant lui. Puis, on révèle simultanément ces cartes :
-Le joueur ayant mis la carte de valeur la plus forte remporte le nombre de pièces indiqué par le personnage de ce tour (exemple : six pièces avec la Bijoutière).
-Le joueur ayant mis la carte de valeur la plus faible remporte le nombre de pièces indiqué par la valeur de sa carte (exemple : s'il a mis un 2 il remporte deux pièces).
-Les autres joueurs ne remportent rien (ce qui peut être très intéressant car n'oublions pas qu'il ne faut pas être celui qui a le plus d'argent !).
Il y a neuf personnages et chaque joueur a neuf cartes en main. Le jeu dure donc ainsi 9 tours. A chaque tour les cartes sont bien entendu défaussées.
A cela s'ajoute bien sûr quelques particularités que je travaillai peu à peu. Ainsi en cas d'égalité de la carte la plus élevée je décidai que les joueurs se partagent les pièces, et en cas d'égalité de la plus faible que chacun prenne les pièces correspondant à la valeur de sa carte. Le personnage du Curé fit également assez vite son apparition : en effet les curés permettent de remporter des pièces et de les donner à un autre joueur, faisant ainsi passer des adversaires à la dangereuse place de 1er ! D'autres personnages intéressants virent peu à peu le jour (le Prince/Comédien, le Mendiant...) pour donner la version que je présentai au festival d'Orléans Joue en 2015.
Au festival d'Orléans, je rencontrai Dominique, des éditions de La Haute Roche, que je connaissais déjà depuis un petit moment et je lui présentai le jeu. Je l'avais thématisé alors autour d'Oliver Twist, plus connu et plus universel que Les Mohicans de Paris. On a fait une partie, puis une deuxième, puis il m'a pris le proto avec un franc sourire. Plusieurs choses lui avaient plu : la simplicité du jeu, l'aspect « gestion de main », le côté guessing (à la manière d'un 6 qui prend ou d'un Stupide Vautour), et surtout ce principe d'être deuxième pour gagner l'avait convaincu. Un mois après je recevais une lettre m'indiquant qu'il voulait signer le jeu. J'acceptai avec joie !
La deuxième partie du travail me concerne moins, Dominique vous en parlerait mieux que moi. Le jeu a été magnifiquement illustré par Sylvain Aubin. Le matériel final est très beau : de grandes cartes, des pièces agréables à manipuler et des tuiles Personnages très expressives !
Bref, tout ce qu'il faut pour que vous puissiez, je l'espère,vous amuser à jouer et enfin dire : je suis deuxième, j'ai gagné !
Si vous désirez en savoir plus, n'hésitez pas à regarder les Tric Trac Tv :
L'explication : http://www.trictrac.tv/video/Kids_of_London_de_l_explication
La partie : https://www.trictrac.net/actus/kids-of-london-de-la-partie
Et le chouette avis de LudiGaume sur le jeu :
http://www.ludigaume.be/v4/php/lg_fiche.php?id=2444&idcri=0
PS : Il se trouve qu'il y a peu, un autre de mes jeux, Doggy Bag, est sorti sur ce même thème de l'Angleterre victorienne. En fait, c'est juste une coïncidence, car le thème de Doggy Bag est l'oeuvre des gars de Blam ! Un petit clin d'oeil du destin qui m'a bien fait sourire :)
[[6 qui prend !](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/6-qui-prend-2)][[Corn Hole](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/corn-hole)][[Doggy Bag](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/doggy-bag)][[Kids of London](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/kids-of-london)][[Mölkky version luxe](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/molkky-version-luxe)][[Stupide Vautour](https://www.trictrac.net/jeu-de-societe/stupide-vautour-2-1)]