[Zombie Kidz][Zombie Kidz : cartes personnages][Zombie Kidz Évolution]
<img src=“https://cdn.trictrac.net/documents/formats/news_xlarge/documents/originals/74/26/a06465759e1521e435835a54032a0e440c19caf8efc208976c15d8e18ec0.png” alt=“Zombie Kidz : histoire d’un “legacy” pour enfant [Carnet d’auteur]”/>
2011 – Des zombies pour les enfants
L'histoire de Zombie Kidz commence en septembre 2011 quand Christian Lemay du Scorpion Masqué, me propose de créer un jeu de zombies pour sa collection "Petits Monstres", destinée aux enfants.
Dès le départ, j'ai envie de faire un jeu coopératif. J'aime bien l'idée de contribuer à développer l'esprit d'équipe et l'entraide plutôt que la compétition.
Pour ce thème habituellement dédié aux adultes, j'ai envie d'une mécanique un peu dans l'esprit des jeux coopératifs adultes (l'Île Interdite, Ghost Stories, Pandémie, etc), simplifiée à l'extrême mais qui proposerait tout de même des choix aux enfants. De plus, je voudrais faire un jeu où la coopération ne soit pas juste traduite par la poursuite d'un objectif commun, chacun dans son coin, mais qu'elle génère également une vraie interaction, qu’il y ait des échanges entre joueurs pour réaliser cet objectif.
À ce moment-à, la gamme enfant du Scorpion Masqué se présente dans une petite boite, il me faut donc penser le matériel en fonction de ce format. J'opte pour un jeu de cartes auquel j'ajoute des pions joueur. Les règles sont très simples. On compose un cimetière sur la table, avec des cartes représentant des tombes de différentes couleurs avec ou sans zombies. Les enfants déplacent leur pion dans le cimetière pour poser les cartes qu'ils ont en main sur des tombes de même couleur, le but étant de faire disparaître complètement les zombies. L'obligation de coopérer est induite par des échanges de cartes entre les joueurs sous certaines conditions.
La première version du prototype
Mais cette version n'est pas suffisamment convaincante. Tel quel, le jeu est trop répétitif et tourne un peu en rond. De plus, il est assez peu immersif, les enfants aimeraient manipuler physiquement les zombies. Enfin, les joueurs sont contraints de faire entrer les zombies dans le cimetière par leur propres actions avant de pouvoir les éliminer ce qui n'est pas logique, il faudrait que ce soit le jeu qui impose l'arrivée des zombies.
Les zombies quittent donc les cartes pour se matérialiser en pions et le dé fait son apparition pour faire les entrer aléatoirement dans le cimetière. Le nombre de cartes est réduit à 9, toutes posées sur la table. Ces changements matériels induisent naturellement des modifications de règles pour donner au jeu une forme très proche de celle éditée. Je m'inspire notamment d'une idée de Christian pour créer une nouvelle condition de victoire : je remplace 4 tombes par des portails qui devront chacun être verrouillés par 2 joueurs. Les portails verrouillés seront retournés faces cachées.
La seconde version du prototype
À présent, la coopération s'appuie sur des échanges verbaux entre les joueurs pour synchroniser leur actions, pour ne pas laisser se former un groupe trop puissant de zombies ou pour se rejoindre afin de fermer un portail. Et dès les premiers tests en ludothèque, je sens que cette fois le jeu a pris la bonne direction : la montée en tension est bien là, les enfants sont totalement impliqués et les échanges sont vifs. Christian entreprend des tests de son côté et je reçois bientôt un mail intitulé « Allez, on le fait ;) »
Reste à régler certains détails. Il nous faut une variante pour jouer à 2. Il serait judicieux de faciliter les déplacements, je décide donc de permettre les mouvements en diagonale. Comme certains jeunes joueurs ont du mal à comprendre les déplacements autorisés, l'idée de tracer des chemins entre les tombes apparaît. Finalement Christian décide de remplacer les cartes par un plateau et des pions cadenas pour simplifier la mise en place.
Le plateau final, recto-verso
Nous aimerions aussi proposer une variante « expert ». Après avoir testé sans succès différentes règles avancées, je me résigne à proposer simplement de diminuer le nombre de zombies en réserve pour augmenter la difficulté.
2013 – Des pouvoirs pour les experts
Deux mois après la sortie du jeu, c'est-à-dire en novembre 2013, je tiens enfin mon idée de variante « expert » ! Il s'agit de faire entrer non plus un seul mais deux zombies à chaque tour et donner en contrepartie à chaque joueur une carte personnage leur octroyant un pouvoir particulier. Chaque personnage dispose également d'un « boost » avec un effet plus fort qui ne peut être utilisé qu'une seule fois par partie (pour les situations désespérées, donc).
La mini-extension se compose de 4 cartes
Quel dommage de ne pas y avoir pensé plus tôt ! J’aurais vraiment aimé que cette variante soit incluse dans la boîte. Je décide de la mettre à disposition en téléchargement Print & Play et demande donc son accord à Christian. Il teste, ça lui plaît et il propose de faire également une mini-extension en micro-tirage pour Cannes 2014, qui sera vendu à prix libre au bénéfice de l'organisme Arbres Canada.
2017 – Les zombies quittent le cimetière
Cela faisait quelque temps que Christian m'avait confié qu'il envisageait de rééditer le jeu, épuisé depuis 2015. Comme entre temps le format de la gamme "Petits Monstres" a changé, cette nouvelle version bénéficiera d’un matériel nettement plus grand. Il est également prévu de refaire les illustrations et, à ma plus grande joie, d'intégrer les cartes pouvoir des personnages.
À l'été 2017, premiers échanges de mails avec Manuel Sanchez, le directeur créatif du Scorpion Masqué. Il m'envoie les croquis signés Nicolas Francescon alias NIKAO.
L'action ne se déroule plus dans un cimetière mais dans une école dont les membres du personnel ont été zombifiés.
Il me fait aussi part d'un petit problème. La première version du nouveau plateau ressemble plus à un campus qu'à une école et les pions héros auraient l'air disproportionnés par rapport aux bâtiments…
Manuel a une autre idée avec un seul bâtiment et des portes entre les pièces pour indiquer les mouvements autorisés. Ceci fonctionne parfaitement pour la face « 3 ou 4 joueurs » mais comment représenter les mouvements en diagonale pour la face « 2 joueurs » ? Ajouter des flèches ?
Cette nouvelle représentation me plaît beaucoup, mis à part les flèches… Je suis presque sûre que les déplacements pourraient devenir plus intuitifs, simplement en modifiant l'agencement des salles. Je cherche un peu et trouve la solution ci-dessous. Chaque case colorée correspond à une salle de l'école, les carrés dans les coins sont des cases portails et les traits blancs représentent les portes.
En janvier 2018, Christian me montre l'avancement des illustrations, cela me donne immédiatement des idées et je lui propose rapidement une nouvelle variante. Malheureusement, il me répond qu'il ne souhaite pas complexifier le jeu. Il m’explique que, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, proposer plusieurs modes de jeu dans une même boîte ne s’avère pas une si bonne idée commercialement. Je suis un peu déçue mais je me résigne, d'autant qu'il ne semble pas le seul à penser cela puisque Benoît Forget vient également de m'annoncer qu'il envisage de rééditer Le Petit Chaperon Rouge en ne gardant que le premier mode de jeu.
2018 – Un Legacy pour enfant ?
En mars, Christian me fait part d'une idée qui a germé au cours d'une discussion pendant le Festival de Cannes : transformer le jeu en une sorte de « Legacy » !!! Il n’est pour autant pas question de demander à des enfants de détériorer leur matériel, le jeu devra rester rejouable indéfiniment. L'idée est de dispatcher du matériel additionnel et de nouvelles règles (telles que les cartes pouvoir de la mini-extension) dans des enveloppes que les joueurs pourront ouvrir après avoir réaliser certaines missions. Ainsi le jeu s'enrichira progressivement. La variante refusée précédemment va donc trouver sa place, je suis aux anges !
La sortie du jeu est toujours prévue pour l'automne, ce qui nous laisse assez peu de temps…
Je concocte dans la foulée une troisième variante et je propose immédiatement une première version de Zombie Kidz Évolution qui comprend une bonne cinquantaine de missions réparties en 12 groupes ainsi que 12 enveloppes récompenses et 3 enveloppes « mode de jeu ». Pour ouvrir une enveloppe récompense, il faudra compléter un groupe entier de missions. Lorsque les joueurs découvrent un matériel correspondant à un nouveau mode de jeu, ils ouvrent aussi l'enveloppe qui contient la règle de ce mode de jeu. Chaque nouveau mode de jeu est indépendant et peut être cumulé avec les 2 autres.
S'ensuit un échange de mails très fructueux avec Manuel. Cet homme-là est plein de bonnes idées, souvent inspirées du jeu vidéo, c'est un réel plaisir de travailler avec lui. Chacun rebondit sur les propositions de l'autre et notre système « legacy » prend forme très rapidement.
Le système est assoupli avec la mise en place d'une jauge :
Première version de la jauge, inspirée du jeu vidéo Farcry
Chaque mission validée permettra de cocher une case et chaque groupe de mission permettra de cocher une case supplémentaire. Certaines cases donneront le droit d'ouvrir une enveloppe. Ainsi, il n'est plus obligatoire de compléter toutes les missions pour ouvrir toutes les enveloppes, ni de les faire dans un ordre précis. Il n’est pas nécessaire non plus de toujours jouer avec les mêmes joueurs.
De plus, 7 noms de niveaux sont définis : à chaque fois que les joueurs compléteront une ligne de la jauge, ils monteront en grade !
Nous cherchons alors à rendre le système le plus intuitif possible. À partir de là, tout ce qui va dans le sens de la simplification sera adopté.
Pour commencer, pourquoi ne pas utiliser des stickers pour remplir la jauge de progression ? Ce sera tellement plus ludique que de cocher des cases ! D'ailleurs, la solution « stickers » s'applique bien aussi aux règles et aux missions supplémentaires découvertes dans les enveloppes ; elles pourront être proposées sous forme d'autocollants à poser dans le livret de règle, ce qui évitera de les éparpiller et de les perdre.
Du reste, il nous reste pas mal d'éléments épars qu'il va falloir penser à organiser pour éviter que le jeune enfant ne se trouve perdu en ouvrant la boîte.
Plutôt que d'ouvrir une enveloppe au hasard, nous décidons de numéroter les enveloppes pour contrôler la progression. Cela nous permet aussi d'intégrer directement dans les enveloppes récompense les règles des nouveaux modes de jeu plutôt que d'avoir 3 enveloppes à part. De même, les niveaux se découvriront dans les enveloppes, sous forme de badges autocollants, même si cela nous oblige à ajouter une 13e enveloppe qui contiendra le tout dernier badge.
L'idée de passeport prend forme : il comprendra toutes les informations à écrire, la jauge et les emplacements pour coller les badges de niveaux.
Enfin, nous choisissons de réunir les règles, les missions, la planche de stickers et le passeport dans un unique livret baptisé « Guide du Chasseur de Zombies »
Nous lançons alors les premiers tests de campagne. Le système « legacy » motive bien les enfants, mais la progression semble encore trop lente. Nous décidons de permettre un avancement automatique : chaque partie permettra de faire avancer la jauge (avec un sticker cerveau) et les missions la feront simplement progresser plus vite (avec des stickers trophées). Nous revoyons aussi le nombre de cases et la répartition des cases numérotées sur la jauge, la distribution des badges de niveaux dans les enveloppes, l'ordre d'apparition des différents éléments pour que la difficulté soit progressive ainsi que la variété dans le contenu des enveloppes pour créer la surprise. Enfin, nous supprimons pas mal de missions pour ne garder que celles que les gens réalisent effectivement.
L'équipe du Scorpion Masqué avance également sur l'aspect visuel pour pouvoir entreprendre de nouveaux tests de campagne sur un prototype proche du jeu définitif.
Pendant 2 mois, nous testons et affinons : les règles, les missions, les pouvoirs. Le système modulaire de variantes pose des problèmes de compréhension. Les 3 modes de jeu deviennent donc des règles additionnelles qui compléteront la règle principale au fur et à mesure de la progression. Nous épurons au maximum, la meilleure règle étant celle qui s'énonce le plus simplement. Nous reformulons encore et encore et nous supprimons les exceptions. Chaque mot est pesé pour que tout soit le plus clair possible, sans ambiguïté. Nous débattons un peu pour l'utilisation de tel ou tel terme. Ah! Les joies des différences entre le français du Québec et celui de la France...
Pendant que l'équipe conçoit la maquette du « Guide du chasseur de zombies » et finalise le matériel, je termine le développement du contenu de la dernière enveloppe. Il serait vraiment dommage que le jeu soit abandonné dès la fin de la campagne. Cette 13e enveloppe doit donc contenir un matériel susceptible de relancer la motivation.
Le planning prévoyait de lancer l'impression fin mai ou début juin, mais nous avons pris du retard et le projet est finalement bouclé fin juillet ce qui devrait quand même permettre de sortir le jeu à temps pour Noël.
Voilà, je ne peux pas finir ce carnet d'auteur sans remercier infiniment le Scorpion Masqué de m'avoir embarquée dans cette aventure, ce fût un pur bonheur de travailler sur ce projet ! Je pense que nous nous sommes tous donnés à fond (mention spéciale à Manuel) et j'espère que vous prendrez autant de plaisir à jouer à ce jeu que nous en avons eu à le créer.