En ce début d’été 2019, notre équipe (formant le collectif GTFK) est prise de nostalgie… Mugen (Corentin Calvez) et Rasebelune (Florent Favard) prennent donc la plume pour revenir sur l’évolution du projet Krysalis et parler, non pas du jeu lui-même, mais du travail que nous avons mené, pour proposer une série de billets à quatre mains, en mode “méta”, retraçant près d’une décennie.
Le but est autant de revenir sur notre parcours pour celles et ceux qui connaissent un peu le projet, que d'exposer plus largement l'aventure que peut être la conception d'un jeu de plateau/de figurine lorsqu'on est une petite équipe de passionnés. Nous espérons ainsi que les obstacles que nous avons rencontrés, les astuces que nous avons trouvées, les idées que nous avons testées, pourront vous éclairer si vous souhaitez vous lancer dans un projet similaire, ou simplement si vous voulez en savoir plus sur l'univers du jeu de plateau/de figurines.
Relire : 4. Les illustrations
Aujourd’hui, Mugen nous parle de sculpture !
Un hobby
Créer et éditer une gamme de figurines, ça a toujours été mon rêve. Mêler mon goût pour les petits pitous dans un projet de jeu que je voulais professionnel est l’une de mes motivations principales pour Krysalis.
Dès le début de l’association et le lancement du projet, j’ai activé mes différents contacts et nous avons travaillé avec des pros et des amateurs du secteur pour avancer doucement sur une petite gamme de figurines en résine. Nous avons pu travailler avec quelques excellents sculpteurs et modeleurs qui sont aujourd’hui des gens reconnus dans l’industrie.
L’idée était au départ de proposer une gamme simple et efficace à un prix accessible pour jouer avec notre prototype et les commercialiser par le biais de l’association, pour continuer à produire et éditer des figurines pour ce projet.
Les différents sculpteurs
Notre premier sculpteur à avoir vraiment fait avancer Krysalis est Régis Viel (Shin-el), rencontré à travers les forums Normandigurines et Créafigs (rip) puis plus tard lors de sessions à Rennes. Régis a posé les bases du design des personnages avec des figurines simples et super sympas qui ont rencontré un franc succès sur les différents salons.
Quelques exemples de figurines de Régis Viel, sculptée en Fimo et super sculpey.
Arnaud Bellier a aussi été un sculpteur très important pour nous car il a posé les bases des monstres en figurines, avec ses deux cracheurs qui sont des pièces que j’aime toujours autant des années plus tard. Ainsi que Anderson qui est une figurine vraiment chouette.
Arnaud Bellier a été un sculpteur important pour le projet avec sa vision de notre monstre : le cracheur dont voici deux versions.
Le Gunslinger de Christophe Bauer est aussi une figurine exceptionnelle et je suis très fier d’avoir pu travailler avec Christophe pour ce projet.
Gunslinger de Christophe Bauer une autre figurine de monstre qui s'intègre à notre univers avec la touche personnelle du sculpteur. Un travail vraiment excellent que nous sommes fier d'avoir ajouté à notre jeu.
Et bien sûr il faut aussi remercier le travail de Christian Hardy pour sa figurine de Tahiya (même si son concept a été modifié depuis) : cette figurine fait parti des modèles les plus intéressants que nous avons réussi à produire pour notre jeu.
Christian Hardy a sculpté pour le projet une figurine de Tahiya très réussie.
Nous avons aussi travaillé avec PF qui nous a sculpté un Maubriant que j’aime particulièrement car c’est moi qui avait élaboré son concept initial.
Un des tirages en résine de la figurine de Maubriant par PF.
Musashi est une de mes préférées de la gamme, elle a été sculptée par Maxime Girardot en 2011. Maxime devait aussi réaliser un monstre mais sa vie professionnelle en a décidé autrement.
Musashi, ici aussi un tirage en résine, sculpture de Maxime Girardot
Le budget réduit d’une association n’étant pas idéal pour lancer une gamme complète, il a fallu aussi que je m’y mette et que j’essaie de sculpter des monstres avec plus ou moins de succès. Mes essais sont devenus nos “pions” lors des démos et une ou deux figurines ont aussi été produites.
Quelques tests de figurines que j'ai sculpté au cours du projet.
Je pourrais encore citer Julien DAVAUX (RAZEMME) qui avait fait deux prototypes de guerriers ; Alexandre Vallet qui nous a fait un scar bien flippant que nous n’avons jamais édité ; et Maxime Corbeil qui avait pris le temps de commencer une version du Tank sur son temps libre. Merci encore à vous !
Le Scar d'Alexandre Vallet une figurine très intéressantes et une vision classe du personnage qui n'a jamais été édité.
L’évolution du secteur
En 10 ans l’univers de la figurine et du jeu en général a connu pas mal de remous. Entre des entreprises qui disparaissent, d’autres qui se créent, et de plus en plus de campagnes de financement participatif, l’univers du jeu de figurines est très différent de ce qu’il était en 2009.
Globalement le nombre de projets de jeu de plateau avec figurines a explosé, avec les différentes itérations de Zombicide chez CMON, les jeux de Monolith (Conan et Batman) ou encore Mythic games : on a vu de nombreux jeux arriver sur le marché avec plus ou moins de qualité. La production s’est surtout orientée vers la résine et le plastique (PVC et ABS) avec des usines en Chine principalement.
A l’époque où on travaillait sur Krysalis, les rares jeux avec des figurines en plastique étaient La cité des voleurs chez Hazgaard, The Adventurers, Tannhauser, voire quelques grosses productions comme Descent, Doom… Notre projet avait une forme assez similaire : une vingtaines de figurines différentes et des plateaux en cartons. Mais les jeux comme Zombicide et Conan sont venus un peu changer la donne. Notre projet, avec sa vingtaine de figurines, n’est plus vraiment à l’image de ce qui se fait aujourd’hui et peut être que nous devons nous orienter vers un projet plus artisanal comme le font Astrahys et Color Quest.
Pour parler rapidement (et grossièrement) en chiffres : les coûts de fabrication des moules de figurines en PVC sont de 4000$ pour 4 ou 5 figurines - 5 ou 6 moules différents pour notre projet - puis chaque copie d’une figurine coûte entre 15 et 30 centimes de $. Pour se lancer sur ce genre de jeu, il faut donc produire au minimum 3000 boîtes et donc pouvoir écouler une quantité importante de jeux.
La production en résine revient en général entre 2 et 3€ par copie d’une figurine.
A ces coûts de production il faut aussi ajouter le salaire du sculpteur ou du modeleur qui s’élève, pour des figurines professionnelles et attrayantes, de 400€ jusqu’à 1000€ pour ce qu’on appelle le master, la version qui sera copiée. Sans oublier le coût d'une impression 3D lorsque c'est nécessaire.
On se rend rapidement compte que produire un jeu de figurine est une opération coûteuse et risquée même avec le soutien d’un financement participatif.
L’arrivée de la 3D
L’autre évolution importante dans le milieu de la figurine, plus positive, est incarnée par les gros progrès de la modélisation 3D et de l’impression 3D (résines SLA et DLP). Quand précédemment toutes les figurines étaient réalisés à partir de pâtes polymères autodurcissantes (comme le green stuff, miliput et magic sculpt) ou cuite (comme la fimo, sculpey ou beesputty), aujourd’hui la majorité des figurines sont modélisées en 3D puis imprimées avant d’être moulées et copiées.
Ces processus industriels ont permis, en quelques années seulement, au secteur du jeu de figurines de prospérer avec d’importants progrès techniques et qualitatifs, ainsi qu’une rapidité de production hallucinante. Les usines qui produisent les figurines peuvent désormais adapter directement le modèle 3D aux outils de productions avant même son impression.
Si les premières figurines imprimées en 3D n’étaient pas toutes correctes, aujourd’hui un certains nombres d’artistes ont des productions impressionnantes et très techniques. Je pense notamment à Arnaud Boudoiron, Edgar Skomorowski, Aragorn Marks ou encore Michael Jenkins.
Et aujourd’hui les figurines ?
Au fil des années, ce sont quand même 13 références que l’association a fait sculpter et produire, avec seulement quelques modèles qui ont été sculptés pour finalement être refusés ensuite. L’idée de produire une gamme complète de figurines n’a pas été complètement mise de côté, même si aujourd’hui c’est surtout le jeu en version carton qui prend forme. Je reste persuadé qu’une petite gamme de figurines pour accompagner Krysalis serait parfaitement adaptée. Récemment CMON a proposé un jeu Zombicide Dark Side dont les monstres étaient visuellement impressionnants et proches de nos concepts : il n’y a pas 36 façons de faire du monstre insectoïde, mais pour nous démarquer il serait sans doute bon de les dépoussiérer un peu.
Les petits monstres super fun de Zombicide Dark Side de CCMON feraient d'excellents monstres de Krysalis, on rêve de figurines aussi cool. (source : https://www.kickstarter.com/projects/cmon/zombicide-invader/posts/2497510 )
Le travail sur la production de figurines continue en fil rouge : j’essaie de me mettre à la modélisation 3D en autodidacte et je passe parfois un peu de temps avec Sylvain Quirion qui m’aide à mieux comprendre les techniques de sculpture traditionnelles.
Aujourd’hui l’équipe est plutôt motivée à produire avant tout le jeu, sans doute avec uniquement des petites standees en carton pour diminuer le coût de production. Mais l’idée d’un jeu de figurines reste bien évidemment présente dans nos réflexions.
A suivre...
Lire la suite : 6. Doutes et obstacles