Le prix de la victoire

Il y a toujours eu des jeux qui payent, et je ne parle pas que des jeux d’argent. Un tournoi ou autre événement avec un gain à la clé de x milliers de dollars, ça existe depuis bien longtemps. Personne n’est vraiment surpris de voir Novak Djokovic toucher £1,760,000 pour sa victoire à Wimbledon en 2014, de voir Jamie Gold empocher $12,000,000 au World Series of Poker en 2006 ou plus récemment de voir le boxeur Floyd Mayweather demander $150,000,000 juste pour monter sur le ring. Il s’agit de sommes insensées mais, dans le monde du sport, cela n’a rien d’anormal. Dans le monde ludique, et je ne parle pas seulement des sujets couverts à Tric Trac, nous assistons également à une révolution qui se chiffre avec beaucoup, beaucoup de zéros. Et ça, ça fait tourner des têtes.

Du digital a l’analogique…

Comme on s’y attend, ce sont les jeux vidéo qui ouvrent la marche. A titre d’exemple, rien qu’en 2014 les joueurs pros ont empoché des sommes allant de $400,000 aux championnats de Call of Duty à $1,000,000 pour les Championnats de League of Legends et même $5,000,000 pour The International de DOTA 2.

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Dans notre monde des cartes, dés et plateaux on sent également une montée en puissance. Prenons par exemple Ticket to Ride à €10,000 ou Magic: The Gathering Pro Tour à $40,000. Ils ne disposent certes pas des mêmes moyens, mais l’idée est là.

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Il y a ensuite un autre type de jeu qui n’a jamais mis les pieds dans le bain : Les wargames. Ils n’occupent pas le même créneau que les jeux de plateau ou les jeux de cartes, mais, il y a quand même du monde … alors pourquoi cette hésitation ?

C’est une question dont on trouve la réponse dans les racines mêmes du système de jeu. En sport professionnel c’est extrêmement dur de tricher. Pas impossible mais tellement surveillé que quelqu’un s’en rendra compte tôt ou tard. Dans le domaine du Jeu vidéo le programme lui-même est son propre système de surveillance, ce qui n’empêche pas des équipes de veiller en permanence.

Comment faire une montagne d’une taupinière.

Dans le monde ludique c’est beaucoup plus envisageable. Il y a toujours moyen de tricher, même dans les jeux les plus rodés (prenons le cas du championnat des Aventuriers du Rail par exemple). C’est ici qu’apparaît le point le plus faible du wargame. Car tricher ne consiste pas simplement à ajouter une carte ici, retirer ceci ou cela, non, c’est beaucoup, beaucoup plus vaste que ça. Dans le monde compétitif des figurines, une des plus grandes initiatives c’est de jouer « proprement » : mesures précises des distances, communication pendant tout jet de dés ou exécution d’actions … Cependant ce n’est pas toujours facile. Il arrive parfois, sans aucune mauvaise volonté ou par lapsus de concentration, qu’on oublie une règle. Considérons la situation suivante :

Votre adversaire avance sa figurine qui possède un mouvement de 6 pouces, mais, vous êtes convaincu qu’il a en fait avancé de 6.1 pouces. C’est une partie amicale, ce n’est pas trop grave et même nous, les figurinistes, nous acceptons que, dans nos jeux, il y ait toujours une petite marge d’erreur. Imaginons maintenant que ce n’est pas une simple partie amicale mais la grande finale et il y a $1000 à gagner. Ces 0.1 pouces font donc TOUTE la différence et cette toute petite erreur peut créer ensuite de grosses tensions entre les participants.

C’est une situation très délicate à résoudre, surtout si la figurine a déjà été déplacée. Il s’agit plutôt d’une stratégie de prévention qu’il faut adopter qu’une stratégie de correction. Jouer « proprement » évite ce genre de situation mais ca n’empêche pas ceux veulent de le faire intentionnellement. La situation n’est pas toujours claire, ça peut toucher tous les niveaux de compétition et, dans beaucoup de cas, ce n’est pas évident sur le moment (Comme dans les World Team Championships de Warmachine 2014). L’inclusion d’un prix cash va-t-elle pousser des gens à jouer plus proprement ou encourage les fourberies?

Dans tous les cas, il y a ceux qui n’ont pas peur d’expérimenter.

Le Dieselpunk

Parlons donc de Warzone : Resurrection. Un wargame d’échelle « grand escarmouche » à activation alternative basée dans le monde culte de Mutant Chronicles. Publié pour la première fois en 1995 par Target Games (qui deviendra ensuite Paradox Entertainment), le jeu a été repris récemment par Prodos Games. Après un lancement par Kickstarter en Février 2013, Prodos a continué à développer leur jeu phare qui est, d’après eux, un mélange entre Warhammer et Warmachine. Pour le commun des mortels cela veut dire qu’on a là un système de règles compétitives qui utilise plus de figurines qu’un jeu d’escarmouche.

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Le jeu a connu pas mal de succès, largement grâce à l’univers excellent de Mutant Chronicles (du “dieselpunk” illustré par des gros brutes du crayon comme Paul Bonner) et les magnifiques figurines pour lesquelles Prodos est réputé. Les règles, malgré le fait que ce soit leur première édition, sont très efficaces même si on frôle un peu la complexité à certains moments. Prodos a déjà bien engagé sa communauté en soutenant plusieurs événements autour du globe mais là ils préparent un très, très grand coup.

La Chasse au gros gibier

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Nous, chez Tric Trac, nous aurons bientôt le plaisir d’assister à l’UK Games Expo en cette fin du mois. Un des événements auquel je compte assister est le Championnat International de Warzone. C’est 28 joueurs, 2 jours, 8 parties et surtout : £1,000 pour le gagnant. Oui vous avez bien lu, ce weekend là, les joueurs vont chasser du GROS gibier. C’est presque du jamais vu dans le monde du wargame et surtout avec une somme pareille à la clé.

La question qui se pose est comment va réagir la communauté des joueurs à ce nouveau type de pression ? Pour ma part, j’espère que cela va produire des parties excitantes jouées dans les règles de l’art mais seul le temps nous le dira. Dans tout les cas, TricTrac sera là pour vous parler de la suite !

4 « J'aime »

Super intéressant le regard de Jamie sur ce monde, un peu inconnu pour moi, du Wargame et du jeu de figurine.

Et cet article est particulièrement enrichissant (ahahah).

Hâte d'en savoir plus.

Dans un registre un peu différent mais quand même très proche, on peut citer les deux premiers championnats de France de Krosmaster en 2013 et 2014 (100 puis 200 participants) et les premiers championnats du monde en 2015 (20 participants venus de 5 nations, stream commenté en direct). Certes, lors d'un de ces événements le gagnant ne gagne pas un prix en cash, mais un certain nombre de pièces de collection qu'il n'est pas difficile de revendre pour obtenir une somme comparable aux 1000 livres citées ici.

J'aurais bien aimé de savoir comment les 28 participants au tournoi évoqué dans l'article ont été qualifiés (si c'est le cas). Lorsqu'on parle de ce genre d'événements, je trouve intéressant de faire une mise en perspective par rapport au nombre de participants à l'événement, le nombre de personnes qui ont essayé de se qualifier dans le circuit compétitif, etc.

c'est vrai que la gestion de distance peut être un vrai problème, en cas de jeu compétitif. Ca laisse + de marge qu'une case fixe, où là, c'est net et sans bavure.

Et vu que le tournoi va être bien doté, je suis curieux de connaître le retour de Jamie sur l'ambiance générale.

Je n'ai jamais participé à un gros tournoi de Magic, mais il paraît que c'est pas de la rigolade.

Le fun du jeu est détruit par la pression du gain.

@caelir Vu que le jeu est comme même très récent (un an plus ou moins) ils n'ont pas de système de "rankings" encore. Cette tournoi est a inscription libre. Je pense qu'ils cherchent surtout a marquer leur entrée sur le circuit compétitif, et donc fonder le réputation de leurs évènements, avec ce lot.

Plus tard je pensent qu'ils veulent pousser pour quelque chose de plus organisé et motivant. Quand j'ai parlé avec leur Big Boss a Salute, il m'a fit qu'il était bien fan des systèmes de ranking bien établi comme dans Magic, Krosmaster, les Jeux Vidéos, etc.

@Foussa67 Je suis totalement d'accord que les cases sont beaucoup plus précis mais tu perds la liberté totale du mouvement. Les deux systèmes ont leurs avantages et inconvénients, certes.

Si c'est ça qui t'intéresse alors tu ne sera pas déçu. Je compte parlers des gens de leur ressentis sur l'évènement, les autres participants et le style de jeu en général.

Concernant les évènements de hauts niveaux comme Magic et autre. Oui, ces messieurs ont l'air de ne pas rigoler du tout, et c'est presque le cas. Ils prennent ça très au sérieux, mais, il ne faut pas confondre ceci avec l'idée qu'ils ne s'amusent pas. Le fait de jouer une partie tendue, dans les règles de l'art, a tout son attraction aussi. Oui ça peux être très stressant mais d'affronter un adversaire avec tout vos forces et connaissances est un vrai expérience. Le fun du jeu est toujours la, pour ceux qui aime cela, mais il prend une autre forme qu'une partie casuel entre amis.

2 « J'aime »

Pour l'exemple de la figurine à 6,1 pouce au lieu de 6,0 il ne faut pas oublier le cas du type qui va voir un dépassement là où il n'y en a pas. Parce qu'il voit mal ou intentionnellement.

Ayant pratiqué divers types de tournois, en cartes et figurines, je vois assez mal cette évolution si elle venait à se généraliser. Les conséquences seraient nombreuses.

Déjà, rien qu'à Magic, il y a une nette différence entre le tournois local d'avant première, où une quarantaine de joueurs participent à un tournois où la paf servira à donner au moins un petit lot à chaque participant, et un tournois de cent personnes et davantage venant de loin où la paf de tous ne servira qu'à doter de lots les huit premiers. Et presque tout au premier. En système de ronde suisse, dès le début, un joueur qui voulait aller haut dans le classement mais qui perd une partie se sent condamné. La seconde défaite sera inacceptable. L'ambiance est pourrie.

Pour la plupart des autres domaines que vous avez cité, en dehors des jeux de table, chaque participant a les mêmes armes que son adversaire : même jeu de carte pour le poket, mêmes pièces pour les échecs ou le go, même terrain et nombre de joueurs pour le foot, etc, etc... Le matériel peut parfois interférer comme la raquette du tennis, les chaussures et j'en passe. Ce n'est pas exactement négligeable, mais c'est néanmoins bien peu de chose en comparaison des différences de compo d'un deck ou d'une armée.

Ce qui différent du cas où l'assymétrie peut être annulée, comme Opération Commando où l'on joue Anglais ou Allemand car l'on peut organiser un tournois en impliquant une alternance des deux factions (les deux joueurs l'ont de toutes façons). Pareillement, des decks buildings ne requérant pas de construction préalable à la partie peuvent aussi aller.

Pour un jeu de figurines, comme de cartes dans une certaine mesure, l'équilibrage des factions et leur diversité est en opposition. Plus elles sont différentes, plus il devient dur de les mettre au même niveau. Donner ses chances à chaque faction dans un format donné revient souvent à donner plus ou moins les mêmes choses à tous, à perdre en personnalité, en richesse et se priver d'entrées qui pourraient pourtant être intéressantes dans d'autres formats. Dans le jeu de figurine ou le wargame, la collection est un élément important, le fluff ou l'historicité également. Ce sont des aspects qui risquent pourtant d'en patir si l'éditeur s'aligne sur l'optique compétitive.

Warhammer 40.000 a été grandement bridé lors du passage à sa troisième édition où une large part de l'arsenal a été évacué, les profils lissés par le bas. Aujourd'hui, pour le plaisir du modélisme et du fluff (même si le but est toujours de vendre), les armées ont désormais plus d'entrées, d'options, de choix. Ça m'emmerderait sévère de voir tout balayer à nouveau pour une optique de compétitivité non faussée.